La Maison des Sept Péchés (Seven Sinners) – de Tay Garnett – 1940
Une bien belle surprise que ce film exotique bourré de bagarres de marins, de bons mots et de romance faussement légère… Réalisé par Tay Garnett six ans avant qu’il ne signe le plus connu de ses chef d’œuvre (Le Facteur sonne toujours deux fois), le film est un mélange très convaincant de comédie enlevée et de gravité. La toute première séquence donne le ton : dans son éternel rôle de chanteuse de cabaret, Marlene Dietrich déclenche sans même apparaître une bagarre homérique qui termine par une descente de police.
On est sur une île de l’océan Pacifique, et Marlene, le regard incendiaire et la jambe interminable, est expulsée avec ses compagnons, un voleur pulsionnel et un gros bras bas du front. Toute cette première partie est traitée avec un humour ravageur et un second degré réjouissant. Mais sur le bateau qui emmène cette petite troupe vers une autre île, le ton s’avère un peu moins léger qu’il ne paraissait : la rencontre de Marlene avec un médecin légèrement alcoolo et très seul révèle les failles de la jeune femme, ses blessures cachées et son envie secrète de se fixer quelque part.
Cette faille va croître lorsque, arrivée à destination, la chanteuse va tomber amoureuse d’un beau marin promis à la fille du gouverneur (jouée par la Fordienne Anna Lee) : c’est John Wayne dans un rôle amusant et plutôt léger. Très convaincant lorsqu’il fait le dur, Wayne est quand même un peu limite lorsqu’il se transforme en amoureux très fleur bleue… Ajoutons à cette galerie déjà bien fournie un dangereux arnaqueur, joué avec froideur par l’inquiétant Oscar Homolka, qui était le Verloc du Sabotage de Hitchcock.
En apparence, on est en terrain très connu : un film d’aventure romantique et exotique, genre très en vogue à l’époque, avec des personnages qui semblent proches de la caricature. Sauf que, justement, la force du film, outre son rythme exceptionnel, réside sur les contre-pieds absolus pris pour à peu près tous les personnages : celui de Marlene, bien sûr, dont la force et le recul ne sont qu’apparences ; il y le médecin alcoolique et désagréable, qui se révélera être un fidèle ami ; le gros bras un peu idiot qui révélera sa sensibilité et sa clairvoyance…
Le personnage de John Wayne est un peu plus convenu, mais se sentiment de douce mélancolie qui reste après avoir vu le film repose en partie sur la décision inattendue qu’il prendra. Loin, très loin de ce qu’on pouvait attendre de ce film drôle et énergique, qui est finalement aussi amer et mélancolique.