Une poignée de plombs (Death of a Gunfighter) – de Don Siegel et Robert Totten (sous le pseudo d’Alan Smithee) – 1969
Une sorte de paradoxe : le premier film de cinéma signé Alan Smithee (ce pseudonyme « officiel » utilisé par les réalisateurs refusant d’assumer ce que les producteurs ont fait de leur travail) est un western très intéressant, et même franchement réussi.
Pas de désaveu véritable, d’ailleurs, derrière ce pseudonyme, mais le refus de deux réalisateurs d’endosser l’entière paternité d’un film clairement réalisé à quatre mains : Robert Totten, qui a commencé le tournage, et Don Siegel, qu’a fait venir Richard Widmark à mi-production, la star étant en désaccord avec le premier, et ayant visiblement un bon souvenir de Madigan, qu’il venait de tourner avec Siegel.
On ne rentrera pas dans le jeu du « à qui doit-on quoi » (d’abord parce que je n’en sais rien), mais Death of a gunfighter est un western qui renouvelle assez brillamment un motif récurrent du genre. Le titre original est d’ailleurs nettement plus approprié que celui, idiot, choisi par le distributeur français. Comme les courtes images pré-génériques, il annonce d’emblée le drame inéluctable qui se joue.
Widmark est un personnage tragique, énième version du shérif auréolé d’une réputation de violence, dont les bonnes âmes de la ville veulent se débarrasser : à la fois mauvaise conscience d’une société qui s’est bâtie sur la violence et le sang, et témoin d’un Ouest sauvage révolu, au tournant du 20e siècle.
Ce thème (le rapport ambigu de l’Amérique « moderne » avec la violence) a souvent inspiré le genre. Il y a ici une vraie particularité : l’absence d’élément extérieur. Pas de vrai méchant, ni de vraie menace qui pèse sur la ville, juste la volonté des notables de se débarrasser de ce shérif qui fut si utile, qui est devenu si encombrant.
Beau rôle pour Richard Widmark, homme traqué, perdu, mais droit, dont le regard émeut face aux morts qui s’amoncellent autour de lui, malgré lui.
Il y a bien quelques rares touches d’optimisme, mais souvent contrebalancées par la rudesse des sentiments. Comme cet homme, écœuré par le sort réservé au shérif, dont les « amis » stoppent l’élan en lui claquant sa judéité à la gueule.
Petit bémol : quelques effets musicaux douteux. Mais c’est un tableau sombre et cynique de l’Amérique que signent Siegel et Totten, assez radical et passionnant.