Embrasse-moi idiot (Kiss me stupid) – de Billy Wilder – 1964
L’une des comédies les plus méconnues de Wilder… et l’une des meilleures. Kiss me stupid est un petit chef d’œuvre de drôlerie, d’humour, d’inventivité, et d’irrévérence. Un film typiquement wilderien, synthèse géniale de toute son œuvre comique, de Some like it hot à The Apartment.
Le film a choqué les ligues de vertu à sa sortie, comment aurait-il pu en être autrement ? Wilder met en scène un mari et une femme qui s’aiment, sans l’ombre d’un doute, et qui vont être amenés à passer la nuit avec un/une autre. Et par « passer la nuit », Wilder ne veut pas dire autre chose que s’envoyer en l’air, physiquement, charnellement, et franchement.
Le film est adapté d’une pièce de théâtre, mais l’intrigue elle-même est typique de Wilder et de son co-scénariste IAL Diamond. Un mari très jaloux (toute la première partie, très drôle, est basée sur cette jalousie maladive) rêve de faire connaître les chansons qu’il écrit avec son ami pompiste. Quand le grand crooner Dino passe en ville, il y voit la chance de sa vie. Problème : Dino ne pense qu’à baiser. Solution : le mari chasse sa femme (Felicia Farr) et engage une prostituée (Kim Novak) pour se faire passer pour sa femme.
Des tas de grandes idées audacieuses dans ce film, notamment celle de mettre en scène Dean Martin lui-même dans quasiment son propre rôle : un crooner alcoolique en fin de course, sale type totalement égocentré qui passe le film à draguer effrontément « l’épouse » devant un mari qui s’empresse de la pousser dans ses bras… « L’hospitalité de l’Ouest… »
Le mari, c’est Ray Walston, dont l’interprétation cartoonesque et irrésistible est une sorte de variation sur les personnages de Jack Lemmon ou Tom Ewell pour Wilder. C’est drôle, joyeusement amoral… Mais comme souvent chez Wilder, il se dégage une humanité folle. Wilder méprise les conventions (le mariage autant que le vedettariat), mais il aime les individus, avec leurs défauts.
Felicia Farr, en épouse faussement sage, est aussi libre que craquante. Kim Novak, en « hôtesse » à la croupe affriolante (le rôle était prévu pour Marylin Monroe, on s’en doute), révèle une humanité et une sensibilité très émouvantes. Audacieux, bourré de gags, fort et euphorisant, Kiss me stupid est un chef d’œuvre, nettement plus décapant et convaincant qu’Irma la Douce, son précédent film. Wilder est grand, définitivement.