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Archive pour la catégorie '1950-1959'

Le Shérif aux mains rouges (The Gunfight at Dodge City) – de Joseph M. Newman – 1959

Posté : 22 mars, 2023 @ 8:00 dans 1950-1959, NEWMAN Joseph M., WESTERNS | Pas de commentaires »

Le Shérif aux mains rouges

The Gunflight at Dodge City : voilà un titre qui claque, plus en tout cas que l’étonnante « traduction » française. Un règlement de compte dans l’une des villes les plus mythiques de l’Ouest, point d’orgue annoncé d’un western qui coche scrupuleusement toutes les cases incontournables du genre. Sans le transcender, sans surprendre, sans même entraîner un enthousiasme démesuré.

Le film est de ces westerns qui se veulent biographiques, mais qui prennent d’énormes libertés avec la réalité. Le héros en l’occurrence, c’est Bat Masterson, le genre de noms que l’on connaît sans trop savoir ce qu’ils nous évoquent. Une figure (authentique) de l’Ouest, donc, un nom dont on sait parfaitement qu’on l’a déjà croisée dans plus d’un western. Mais où ?… réponse : dans beaucoup de films évoquant la figure de Wyatt Earp, dont Masterson fut l’un des adjoints.

De Wyatt Earp, on n’entendra parler ici qu’au détour d’un bref dialogue. Le film revient, en 1h20 et avec beaucoup de libertés, sur les épisodes les plus marquants du parcours de Masterson, ancien chasseur de bison, ancien éclaireur, reconverti en propriétaire de saloon et en homme de loi par le hasard des rencontres et de la vie. C’est Joel McCrea, toujours très bien, même avec deux décennies de trop au compteur pour le rôle.

L’acteur retrouve là son réalisateur de l’excellent Fort Massacre, pour un western radicalement différent, faux biopic assez paradoxal. Parce que, d’une part, il s’autorise absolument toutes les libertés par rapport au vrai destin de son personnage. Et parce que, malgré cette liberté, le film semble engoncé par les limites de la réalité historique. Il y a bien un vague fil rouge, mais le film est pour l’essentiel une succession de moments, sans énorme enjeu suivi.

Le film est ainsi parsemé de moments de bravoure (la première fusillade notamment, impromptue et radicale), mais manque de liants. L’interprétation d’un McCrea toujours parfait, et la présence d’un comparse campé par l’indispensable John McIntire, suffisent à assurer l’intérêt, et presque à faire oublier un ultime gunfight, qui gâche un peu la bonne impression qu’avait laissé la toute première scène du film, dialogue particulièrement fort sur les effets de la violence, qui laissait espérer un drame nettement plus nuancé.

  • Dans la collection Westerns de Légende de Sidonis/Calysta

Violence au Kansas (The Jayhawkers) – de Melvin Franck – 1959

Posté : 20 mars, 2023 @ 8:00 dans 1950-1959, FRANCK Melvin, WESTERNS | Pas de commentaires »

Violence au Kansas

Voilà un western qui renouvelle d’une manière assez passionnante l’éternel thème de la vengeance. Evadé de prison, un homme rentre chez lui et découvre que sa femme est morte, victime d’un puissant chef de gang. Une trame qui rappelle celle de bien des films, notamment des westerns de Boetticher avec Randolph Scott. Ici, c’est Melvin Franck qui s’y colle. Et non, le gars n’a pas la carrure de Boetticher.

Plus habitué à la comédie, Franck n’a pas le talent de l’épure qu’ont beaucoup de grands noms du genre. Certains plans sont étirés inutilement, et le rythme du film s’en ressent souvent. Il a aussi un handicap dont il ne sait visiblement pas trop que faire : plusieurs acteurs assez ternes, à commencer par le héros, Fess Parker (« y’avait un homme qui s’appelait Davy… » éternel Davy Crockett de mon enfance), monolithique en toutes circonstances.

Mais le scénario (auquel participe « Buzz » Bezzerides) est particulièrement original, osant une amitié profonde et sincère entre les deux adversaires : l’homme avide de vengeance, et celui qui a causé la perte de celle qu’il aimait. Dans ce rôle, Jeff Chandler est excellent, parfait mélange de sensibilité et de froideur meurtrière : un admirateur de Napoléon qui se rêve en maître du Kansas, dictateur en puissance aux aspirations humanistes. Un tueur impitoyable, doublé d’un homme sensible et séduisant.

Franck capte des moments inattendus de tendresse entre ces deux hommes amenés à se trahir et à s’entretuer. Des moments franchement rares dans un genre souvent marqué par une virilité à l’ancienne qui ne laisse guère de place à de telles relations entre hommes. Mais pas question de pousser trop loin l’éventuel sous-texte : une femme est là pour remettre nos couillus cow-boys dans le droit chemin (la Française Nicole Maurey, jolie et tout juste convaincante).

Mais ce qui frappe le plus dans ce western méconnu, c’est à la fois l’ampleur de la production, avec de beaux décors et beaucoup de figurants, et la beauté de la photo, chaude et profonde, que l’on doit à Loyal Griggs (oscarisé pour Shane). C’est grâce à lui si certaines scènes sont si marquantes, notamment les attaques nocturnes, spectaculaires et visuellement superbes.

  • Dans la collection Westerns de Légende de Sidonis/Calysta

Reproduction interdite / Meurtre à Montmartre – de Gilles Grangier – 1957

Posté : 5 mars, 2023 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1950-1959, GRANGIER Gilles | Pas de commentaires »

Reproduction interdite

Tourné entre deux (très bons) Gabin, Le Sang à la tête et Le Rouge est mis, ce Grangier sorti sous le titre Reproduction interdite a été un échec, qui a incité les producteurs à le ressortir sous un titre plus évocateur, pour ne pas dire racoleur. Cela dit, ce « meurtre à Montmartre », tardif dans l’histoire, donne aussi la scène la plus forte de ce film assez inégal.

Plein de bonnes choses en tout cas, très inspiré par le film noir américain : cette influence est flagrante dès le générique de début, avec ces noms qui s’inscrivent en très gros à l’écran, et cette musique très dramatique et très ample, comme le cinéma français n’en use guère. La voix off de Paul Frankeur, un peu maladroite et peu convaincante, confirme cette ombre hollywoodienne qui plane.

C’est en tout cas une vraie intrigue de film noir : un marchant de tableaux (Frankeur), arnaqué par un escroc (Michel Auclair) qui lui a vendu un faux Gauguin, décide de faire équipe avec lui et de mettre à profit ses connaissances pour concevoir le faux le plus réaliste possible. Pas de « femme fatale » à proprement parler, mais les femmes sont centrales, et même fatales d’une certaine manière : l’une parce que le marchand Frankeur veut lui assurer le meilleur des trains de vie, l’autre parce qu’elle est la conscience du peintre faussaire, rongé par le sentiment de trahir sa vocation.

Cette dernière, c’est Annie Girargot, formidable dans un rôle un peu en retrait, mais d’une grande force : ce regard qu’elle lance lorsqu’on lui répète constamment « Empêchez le de boire », témoin impuissante de la chute et de la compromission de celui qu’elle aime. Elle est formidable, même si le film ne lui rend pas totalement justice : ces moments de grande tension, Grangier ne parvient jamais à en dégager la force, comme il peine à nous plonger dans les délires alcoolisés du peintre.

Un peu frustrant, donc, mais parce que le scénario, ambitieux et généreux, aurait pu donner quelque chose de vraiment grand si la magie avait opéré. Ce n’est pas tout à fait le cas, mais Grangier, à défaut d’être en état de grâce, connaît son métier. Il signe un bon film noir efficace, sombre et malin, et offre à Paul Frankeur un premier rôle particulièrement fort.

Bonnes à tuer – d’Henri Decoin – 1954

Posté : 26 février, 2023 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1950-1959, DARRIEUX Danielle, DECOIN Henri | Pas de commentaires »

Bonnes à tuer

Henri Decoin, homme à femmes, aurait-il projeté ses propres fantasmes dans ce film ? Il y met en scène un homme qui réunit lors d’une soirée dans un bel appartement dominant la ville, toutes les femmes qui ont compté dans sa vie (dont Danielle Darrieux, ex-compagne du cinéaste). Une soirée à l’atmosphère étrange, un peu malsaine, où l’hôte se met en scène en démiurge s’amusant des réactions de sa cour…

Le personnage que joue Michel Auclair est aux antipodes du cinéaste, éternel amoureux. Lui est un jeune ambitieux et arrogant dont on sait dès le début qu’il a prévu de tuer l’une des femmes, et que l’issue du film sera effectivement fatale. Mais quelle est sa cible ? Laquelle de ses quatre conquêtes, qu’il invite ensemble malgré tout ce qui les oppose, pour ce qu’il dit être la pendaison de crémaillère du luxueux appartement avec terrasse surplombant Paris, qu’il s’est offert comme le symbole de son ascension fulgurante.

L’essentiel du film se concentre dans cet appartement, et sur cette terrasse, sur cette soirée étrangement tendue. Mais ce qui fascine, c’est moins cette tension (avec sa conclusion attendue), ou le fait de faire d’un personnage antipathique le pivot du film (Auclair est très bien, d’ailleurs), que les personnalités si dissemblables des quatre femmes. Quatre femmes radicalement différentes, presque limitées à un type, au bord de la caricature : la douce (Danielle Darrieux, merveilleuse), l’hyper-sexuée (Corinne Calvet), la vamp mystérieuse (Miriam di San servolo), et la jeune ingénue délurée (Lyla Rocco).

La construction du film est étonnante. Essentiellement linéaire, il est parsemé de plusieurs flash-backs, adoptant chacun le point de vue de l’une des femmes. L’un d’eux est remarquable, et rompt avec l’habituel classicisme tout en élégance et en efficacité qui domine par ailleurs : celui où la jeune ingénue raconte une soirée telle que son esprit embrumé d’alcool l’a vécu. Là, Decoin dévoile une autre facette de son talent, passionnante, qui aurait mérité d’être développée.

125, rue Montmartre – de Gilles Grangier – 1958

Posté : 9 février, 2023 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1950-1959, GRANGIER Gilles | Pas de commentaires »

125 rue Montmartre

Gilles Grangier est à la toute fin de sa grande période lorsqu’il réalise ce film noir franchement formidable. La fin de sa carrière sera surtout marquée par des comédies pépères avec Gabin ou Fernandel, très dispensables. Mais ce 125, rue Montmartre, adaptation d’un roman à succès, est clairement l’un des sommets de sa filmographie, son chant du cygne disons…

C’est aussi l’un des meilleurs rôles de Lino Ventura, surprenant en vendeur de journaux à la criée, entraîné bien malgré lui dans une histoire de crime dont il est le pigeon habilement manipulé. On n’est dira pas beaucoup plus pour ménager les surprises, mais ce scénario brillamment retors est parfaitement mis en scène par Grangier, qui profite de ce polar pour nous plonger dans le quotidien de ces « crieurs », dont on découvre les petites habitudes, les réveils matinaux, les repas dans une cantine grouillante de vie…

125, rue Montmartre est un film noir digne des plus grandes réussites américaines du genre, qui vaut autant pour son scénario que pour ses personnages et son atmosphère. Et pour ses dialogues, signés Audiard, du caviar pour un Ventura, jusqu’à présent brillant second rôle qui s’apprête à devenir une star à part entière, et qui sort de sa zone de confort pour un rôle d’anti-héros assez passionnant.

Passionnant aussi, quoi que plus en retrait : le personnage du flic joué par Jean Desailly, que l’on découvre un peu fat et presque ridicule, et qui s’avère un digne héritier de Columbo, en plus élégant. Particulièrement réjouissant lorsqu’il s’adresse à son second alors qu’un suspect vient de lui mentir éhontément : « Suis-je idiot ? – Oh non commissaire. – Alors dites-lui, on gagnera du temps. » Réjouissant.

La Tour des ambitieux (Executive Suite) – de Robert Wise – 1954

Posté : 6 février, 2023 @ 8:00 dans 1950-1959, STANWYCK Barbara, WISE Robert | Pas de commentaires »

La Tour des ambitieux

Robert Wise est un cinéaste souvent ambitieux, et toujours appliqué. Le voilà qui nous plonge dans les coulisses d’un grand groupe industriel, côté grands pontes. Les rouages d’une grande entreprise capitaliste, les petits accords et combines, les ambitions dévorantes, la recherche du profit au prix de son âme parfois… Il y a dans La Tour des ambitieux quelque chose qui annonce le fameux Margin Call de JC Chandor. Comparer ces deux films n’est pas anodin.

Cela met en évidence à la fois l’exceptionnelle réussite du film de Chandor, et l’évolution du regard hollywoodien (en tout cas dans ce qu’Hollywood fait de mieux). En 1954, le cynisme est déjà mis en scène frontalement, et le monde de l’entreprise est déjà une jungle très cruelle, dont tout le monde ne sort pas indemne. Mais le film de Wise, malgré sa complexité, simplifie tout de même assez radicalement le propos en le résumant à une seule opposition : la seule recherche du profit, contre l’amour du travail bien fait.

C’est un peu court tout de même pour être totalement convainquant, mais c’est autour de cette opposition que tourne toute l’intrigue, l’histoire d’une difficile succession après la mort subite du président d’une grande entreprise, qui n’avait pas officiellement désigné son dauphin. D’un côté, le clan du mal (l’ultra capitalisme) incarné par l’homme aux diagrammes, Fredric March, dont le personnage n’a aucune vie privée connue. De l’autre, le clan du bien (un créateur), un homme de terrain proche des ouvriers et disponible pour sa famille joué par William Holden.

Entre les deux, une demi-douzaine de personnages qui hésitent, confrontés à leurs propres questionnements, hésitant entre soumission et probité. Et quel casting ! Barbara Stanwyck, Louis Calhern, Walter Pidgeon, Paul Douglas, Dean Jagger, mais aussi June Allyson, Nina Foch et Shelley Winters dans des rôles d’amoureuses qui n’existent que pour leurs hommes… Vraiment, on a fait démonstration plus légère.

Mais Wise est un cinéaste appliqué, donc, et parfois même très inspiré. L’utilisation de la caméra subjective dans la première partie, qui adopte le point de vue du PDG jusqu’à sa mort, est au moins originale à défaut d’être réellement convaincante (jamais été très fan de la vision subjective). L’absence de musique, y compris dans le générique, est plus originale encore, et nettement plus percutante, comme ces cloches qui sonnent régulièrement et assourdissent l’action.

Et puis, malgré toutes ses limites et facilités, le scénario est d’une efficacité imparable, lent crescendo menant à la réunion finale qui cristallise en un unique débat les deux points de vue du film, jusqu’au plaidoyer d’un William Holden qui endosse subitement les frusques d’un personnage à la Capra. C’est le tout premier scénario signé Ernest Lehman, dont la filmographie comptera quelques monuments du cinéma comme Sabrina, La Mort aux trousses ou Le Grand Chantage sur un thème pas si éloigné.

Borderline (id.) – de William A. Seiter – 1950

Posté : 5 février, 2023 @ 8:00 dans * Films noirs (1935-1959), 1950-1959, SEITER William A. | Pas de commentaires »

Borderline

William A. Seiter a une solide expérience dans la comédie (La Femme la plus riche du monde, par exemple), et cela se sent dans ce thriller sur le thème assez convenu du flic infiltré. Borderline commence comme un film noir sombre et tendu, à la manière d’un Anthony Mann. Mais très vite, lorsque l’intrigue se ressert sur les deux personnages principaux, l’attirance manifeste et la vérité que le spectateur pressent et comprend bien avant les protagonistes prennent le dessus, et la légèreté avec.

Difficile d’être plus précis sur cette vérité sans gâcher le plaisir de la découverte. Disons simplement que Claire Trevor interprète une policière amenée à accompagner un homme de main joué par Fred McMurray d’un côté à l’autre de la frontière mexicaine, pour mettre la main sur un puissant trafiquant. Disons aussi qu’ils ont à leurs trousses un trio de gangsters menés par l’incontournable Raymond Burr, aussi inquiétant qu’incapable de réussir la moindre action.

Hélas, on sent bien vite que Seiter s’intéresse moins à l’aspect policier de son film qu’à son côté marivaudage, et qu’il passe donc en partie à côté d’un thriller tortueux et original. Il n’y a pas dans Borderline la sécheresse et la tension que l’on retrouvait à la même époque dans les films de Mann ou de Fleischer. Il y a tout de même de beaux moments : la tentative foireuse de séduction d’une Claire Trevor se faisant passer pour une danseuse de cabaret ; l’appel téléphonique rendu difficile par un câble transformé en corde à lingeQuelques détails comme ça qui confirment le goût de Seiter pour la comédie.

L’Affaire des poisons – de Henri Decoin – 1955

Posté : 3 février, 2023 @ 8:00 dans 1950-1959, DARRIEUX Danielle, DECOIN Henri | Pas de commentaires »

L'Affaire des poisons

Decoin s’empare de la fameuse affaire des poisons qui a bousculé la cour de Louis XIV. Des faits réels reconstitués à partir d’archives retrouvées tardivement, affirme un carton avant le générique de début, à la manière des dossiers secrets du FBI qui étaient alors en vogue à Hollywood.

Le film est en tout cas l’occasion de constater que la reconstitution d’époque n’est sans doute pas le domaine dans lequel Decoin est le plus à l’aise. Le film n’est pas inintéressant, loin de là. Il y a même quelques images très fortes, particulièrement liées au travail de la police : un bonnet de bébé que l’on déterre d’une sépulture improvisée, une planque face à la boutique de suspects… Il y a là une manière étonnamment moderne de présenter la routine de l’enquêteur, interprété par Pierre Mondy.

Le contraste entre ses méthodes d’investigation et l’usage de la torture est particulièrement saisissante, comme le sont les deux séquences d’exécution qui ouvrent et referment le film, se répondant avec une grande cruauté et avec une ironie mordante, dans sa manière de présenter le bon peuple de Paris.

Mais cette reconstitution a ses limites, parce qu’elle souffre de décors trop théâtraux, de couleurs trop vives, et de l’impression globale d’être dans un sorte de vision schématisée de ce Paris de Louis XIV. Cela dit, cette limite ressemble de plus en plus à un parti-pris, avec une certaine radicalité pas totalement convaincante, mais intrigante.

Le film vaut pour son atmosphère, pour la mesquinerie de ses personnages, envieux et haineux, pour leur rapport au bien, au mal et à la religion. Paul Meurisse en prêtre adorateur du diable, Viviane Romance en diseuse de bonne aventure, et surtout Danielle Darrieux, pour la dernière fois devant la caméra de son ancien pygmalion, formidable dans la peau de la Montespan, cette ancienne favorite supplantée dans le cœur du roi par une jeune femme beaucoup plus jeune qu’elle.

Mine de rien, avec ce personnage, Decoin fait de son film une étude cruelle et cynique sur la place de la femme dans cette société, sur ce temps qui passe, impitoyable. Bancal, mais plutôt séduisant, au final.

La Femme vêtue de noir (Damen i svart) – d’Arne Mattson – 1958

Posté : 16 janvier, 2023 @ 8:00 dans * Polars européens, 1950-1959, MATTSON Arne | Pas de commentaires »

La Femme vêtue de noir

Arne Mattson a le sens du cadre, c’est un fait. Arne Mattson n’est pas un grand directeur d’acteur, c’est un autre fait. Il n’a pas non plus le sens du rythme, et met en images un scénario assez médiocre et bourré de grosses ficelles. D’où une question qui me vient à l’esprit : de belles images peuvent-elles sauver un film par ailleurs pas terrible ? Question simple, réponse à la carte…

Parce que franchement, il y a plein de moments où on se dit que Mattson nous prend pour des crétins, que sa manière de semer le trouble sur la possible culpabilité de chacun des personnages a un côté déjà très éculé en 1958. Parce que la plupart des personnages sont caricaturaux ou à peine dessinés, en tout cas peu crédibles (le comparse des détectives, avec ses faux airs de Buster Keaton qui surjoue la comparaison… bof). Mais aussi parce que oui, par moments, le film séduit.

Il séduit par ses cadrages donc, avant toute chose : belles compositions qui jouent à la fois avec la profondeur de champs et avec les ombres, en bon élève de Jacques Tourneur, mais aussi des récents succès de la Hammer, sources d’inspiration flagrantes pour le réalisateur. Il séduit aussi par son couple de héros, détectives confrontés à une affaire flirtant avec le surnaturel.

L’intrigue elle-même n’a strictement aucun intérêt, mais c’est à ce couple évoluant dans un microcosme qui lui est étranger que l’on doit tout le plaisir : la belle Annalisa Ericson surtout, indépendante, perspicace et moderne (elle porte des pantalons, c’est dire), qui surpasse sans se la raconter son mari gentiment macho (joué par Karl-Arne Holmsten). Pas étonnant que le couple soit devenu si populaire : on les retrouvera dans quatre autres films.

Une histoire d’eau – de François Truffaut et Jean-Luc Godard – 1958

Posté : 10 janvier, 2023 @ 8:00 dans 1950-1959, COURTS MÉTRAGES, GODARD Jean-Luc, TRUFFAUT François | Pas de commentaires »

Une histoire d'eau

« Toute l’originalité de Pétrarque consiste précisément dans l’art de la digression » aurait rétorqué Aragon à un étudiant de la Sorbonne qui lui aurait demandé d’aller droit au sujet. J’ignore si cette citation est exacte, mais elle illustre parfaitement ce court métrage forcément historique, ne serait-ce que pour une raison, que précise la voix off de Caroline Dim : « Sachez que ce film a été réalisé par François Truffaut et Jean-Luc Godard ».

Ce fait reste quand même largement méconnu eu égard à la place qu’occupent les deux hommes dans l’histoire du cinéma : Godard et Truffaut, que l’on savait amis (à une période de leur vie) avant de ne plus l’être, et collègues (aux Cahiers) avant de ne plus l’être qu’à distance, ont donc signé un film commun. Un court métrage, certes, mais pas n’importe lequel : une espèce de manifeste de La Nouvelle Vague, ultime étape avant leurs premiers longs respectifs (A bout de souffle et Les 400 coups, tournés quelques mois plus tard).

Une histoire d’eau narre la rencontre amoureuse ou sensuelle d’une jeune étudiante (Caroline Dim) qui tente de rejoindre Paris alors que sa banlieue est inondée, sous un mètre d’eau. Elle rencontre un jeune homme (Jean-Claude Brialy, qui a la voix off de Godard lui-même) qui l’embarque dans sa voiture et la séduit. Une histoire toute simple, prétexte donc à un bon millier de digressions pour les pensées de la jeune femme, dans lesquelles on croise Blondin, Wagner, Baudelaire, Degas ou Chandler…

Du beau monde donc, et surtout une liberté, des ruptures de ton, un rythme et une légèreté qui emportent tout, dans la réalisation elle-même que dans le montage et l’utilisation omniprésente de la voix off, qui transforme ces images comme volées à une calme inondation en un tourbillon de pensées intimes ou volatiles, assez irrésistibles.

Gloire soit rendue à Godard, donc, qui a exhumé ces images tournées pendant une inondation par Truffaut qui n’avait pas l’intention d’en faire grand-chose, pour en tirer le montage que l’on connaît. Il a bien fait.

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