Du Lelouch comme on l’aime. Dès les premiers plans, la caméra tourne autour d’un cameraman filmant autour de lui, dans de grandes envolées lyriques. Tout Lelouch est là, dans cette simple image : la grandiloquence pour certains, l’émotion à fleur d’images pour d’autres ; le cinéma et la vie qui se confondent, et une foi absolue dans la force des images.
Jusque dans le titre, énième variation sur le thème d’Un homme et une femme, et son éternelle ambition de filmer l’âme humaine, l’humanité dans son ensemble à travers le parcours de quelques individus. Lelouch a (toujours) une passion immense, une manière toute personnelle de s’enthousiasmer pour son sujet et son décor, un sens du cinéma unique… et un égo démesuré.
La grande différence ici, par rapport à la plupart de ses films, tient peut-être au personnage de Jean Dujardin, sorte de double cynique du cinéaste. Un homme de cinéma comme par hasard. Pas réalisateur, mais compositeur de film, et surtout collectionneur de femmes, amoureux de l’amour et de lui-même, qui sort des phrases comme « mon plus grand talent c’est le hasard » que seul Lelouch est capable de prononcer, et assume tous ses excès avec désinvolture.
Une sorte de caricature auto-assumée, donc, qui en rencontre un autre, son exact inverse : Elsa Zylberstein, femme d’ambassadeur (joué par Christophe Lambert, plutôt émouvant lorsqu’il ne parle pas), généreuse et spirituelle, du genre totalement intègre et tournée vers les autres. Entre ces deux-là, rien de commun, et pourtant. On est chez Lelouch, et le « film dans le film » s’appelle « Juliette et Roméo », alors tout est dit.
Ou presque. L’histoire se déroule en Inde, pays envoûtant, immense et spirituel. Jean + Elsa partent ensemble pour un long pèlerinage vers Amma, cette femme étonnamment charismatique qui enlace et câline des milliers de personnes chaque jour, pour panser les plaies de leurs âmes. Un pur personnage lelouchien, dont l’apparition va bouleverser tout le cinéma lelouchien.
Magnifiques scènes tournées parmi la foule immense qui vient à la rencontre d’Amma, et magnifiques regards des deux acteurs attendant leur tour, regards troublés que l’on devine non feints, en particulier celui de Dujardin qui, en quelques secondes, tombe le masque, et oublie cette superbe légèreté qui lui sert de façade.
C’est comme si Lelouch, soudain, décidait d’arrêter de faire du Lelouch, en plein film. Comme s’il avait compris que les sentiments les plus forts n’avaient pas besoin de grands mouvements de caméra ou de grande musique. La fin du film a ce petit goût des choses qui auraient pu être, ou qui pourraient encore être. L’émotion qui se dégage de ces scènes est immense…
* DVD chez Metropolitan, avec un beau (et court) making of, quelques entretiens avec l’équipe du film qui vante la méthode Lelouch, une poignée de scènes inédites, et des images en plus autour d’Amma.