Tant qu’on a la santé – de Pierre Etaix – 1966
Après deux longs métrages formidables (Le Soupirant et Yoyo), Etaix revient très curieusement avec ce film à sketchs sans lien les uns avec les autres, et très inégal, qui avait d’ailleurs été mutilé par les producteurs à sa sortie : ces derniers avaient fait du personnage habituel d’Etaix le fil conducteur d’un long métrage totalement remonté. On ne dira rien de cette version du film, mais le montage voulu par Etaix figure sur le beau coffret DVD que lui consacre Arte.
Passons sur le générique, séduisant, qui se veut un hommage au spectacle vivant que le cinéaste n’a cessé de défendre (que ce soit dans Yoyo ou dans sa vie de clown de cirque). Le premier sketch est sans doute ce qu’Etaix a fait de pire sur grand écran. Il y joue un homme qui ne parvient pas à trouver le sommeil, et qui se plonge dans la lecture d’un roman d’horreur. La manière dont il exprime sa peur est assez drôle, et filmée de manière très inventive (le lecteur fait bouger la sur-couverture du livre, donnant ainsi l’impression que le vampire qui y figure prend vie). Mais Etaix s’amuse à illustrer ce qu’il lit par de longues séquences en noir et blanc, scènes d’horreur kitch et laides qui ressemblent à une mauvaise parodie des films de la Hammer, et qui gâchent toutes les bonnes idées autour du personnage d’Etaix.
Après une telle mise en bouche, on redoute un peu la suite, mais Etaix nous rattrape par le col, avec un court métrage qui rappelle la simplicité et le charme désuet (genre burlesque muet) de son premier long. On retrouve le personnage de citadin stoïque maladroit et malchanceux, interprété par Etaix, mais cette fois dans une salle de cinéma surpeuplée, où il tente de trouver une place. D’abord au pied de l’immense écran, puis derrière une colonne… En un quart-d’heure, Etaix illustre toutes les mésaventures que l’on peut rencontrer dans une salle de cinéma, dénonce le comportement des spectateurs et des ouvreuses. On retrouve le génie comique du comédien quand, se levant une poignée de secondes pour ramasser la glace qu’il vient de faire tomber, il se relève et réalise que sa place est occupée par un autre… Son air dépité suffit à faire mon bonheur. Hélas, ce court métrage se termine par un « film dans le film » parodique, pas du meilleur effet.
Le troisième court donne son titre au film, et présente une galerie de personnages stressés par les bruits omniprésents dans la ville, qui vont chacun consulter un médecin pour qui la suractivité est le mal du siècle, mais qui se révèle bien plus stressé que ses patients. On retrouve également l’esprit du Soupirant et surtout de Heureux Anniversaire, son deuxième court métrage. Ce sketch caustique et ouvertement burlesque, est sans conteste le meilleur des quatre que compte le film.
Changement de cadre et de style total pour le quatrième volet, qui quitte la ville pour la campagne, le noir et blanc des deux précédents sketchs (le premier était en couleurs) pour un curieux sépia. Un chasseur incapable de dénicher du gibier (Etaix lui-même), un vieux paysans qui tente d’installer une clôture, et un couple de citadins venus pique-niquer… et un chassé-croisé entre ces quatre personnages qui se croisent sans autre parole que la longue logorrhée de madame, épouse insupportable et étouffante. C’est drôle et bourré de gags qui évoquent les grands moments du duo Blake Edwards / Peter Sellers. Mais on se demande quand même ce que ce sketch vient faire ici…