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Archive pour la catégorie 'CAMPION Jane'

The Power of the Dog (id.) – de Jane Campion – 2021

Posté : 6 janvier, 2022 @ 8:00 dans 2020-2029, CAMPION Jane, WESTERNS | Pas de commentaires »

The Power of the Dog

Douze ans que Jane Campion n’avait plus réalisé de long métrage. Depuis Bright Star, elle n’avait pas totalement disparu pour autant, signant les deux saisons de sa superbe série Top of the Lake. Mais quand même, la voir revenir au cinéma était forcément très excitant… même si, en guise de cinéma, il faudra hélas se contenter de Netflix. Et qu’est-ce qu’on aurait aimé voir The Power of the Dog sur un grand écran, dans une grande salle…

Douze ans d’attente, et Jane Campion revient avec un nouveau chef d’œuvre, immense, de ces films dont on sent qu’ils nous hanteront longtemps. Un film qui multiplie les fausses pistes, trompant constamment les attentes, jouant avec les sensations, les sentiments et les idées reçues du spectateur, avec une virtuosité et une intensité exceptionnelles.

Il y a d’abord ce genre du western que Campion donne l’impression d’aborder avec un certain classicisme. Mais du genre, elle ne garde pas grand-chose : le décor spectaculaire du Montana, les personnages de cowboy mal dégrossis dans ce qui est le plus grand ranch du territoire… Et c’est à peu près tout, la réalisatrice se moquant bien de toute référence au genre.

L’intrigue, d’ailleurs, se déroule dans les années 1920, à une époque où les bandits de grands chemins et les Indiens ne sont plus une menace, où les héros n’existent plus, et où dans ces grands espaces, c’est avant tout à la solitude et l’éloignement que sont confrontés les personnages. Comme dans La Leçon de Piano, autre chef d’œuvre qui a révélé au monde le talent si singulier de Jane Campion ? L’apparition d’un piano dans cette maison si loin de tout, cadeau fait à une jeune femme perdue par son mari, fait planer une nouvelle illusion…

Illusion qui ne dure guère, explosant violemment lors d’une séquence d’une cruauté insidieuse à peine supportable. Le piano, refuge salvateur il y a près de trente ans, devient ici un objet de torture malgré lui, qui ne fait qu’accentuer le malaise parce qu’il symbolise les fausses illusions derrière lesquelles se cachent les personnages.

Tout est mensonges, illusions et faux semblants dans ce faux western où des personnages hantés par leur solitude et leur mal-être se rencontrent, ou plutôt se percutent violemment. Une jeune mère célibataire (Kirsten Dunst), qui épouse un homme effacé (Jesse Plemons) ayant renoncé à des études brillantes pour tenir un ranch avec son frère, cynique et tyrannique (Benedict Cumberbacht), qui prend en grippe sa nouvelle belle-sœur et son fils trop efféminé (Kodi Smit-McPhee)… Quatre personnages forts, quatre acteurs formidables.

De ce quatuor improbable, Jane Campion tire le sentiment constant d’une menace sourde, d’une violence prête à exploser à chaque instant. Elle dont on a trop vite dit qu’elle filmait de grands personnages de femmes, filme de grands personnages tout court. Il n’y a qu’à voir la manière dont elle filme Benedict Cumberbacht, bloc de fureur dont on a le sentiment qu’il est capable du pire, mais dont elle souligne la terrible humanité : grand numéro d’acteur qui, dans le même plan, glace le sang et émeut, comme s’il pouvait en même temps tuer froidement et fondre en larmes.

C’est toute l’ambivalence de The Power of the Dog, sa force franchement unique. Jane Campion signe sans doute le plus cruel de ses films, celui où la violence est la plus palpable, la plus explosive. Mais où tout n’est que sensations, parfois à peine soutenables, et attentes déjouées. Un film immense, qui vous laisse hagard.

La Leçon de piano (The Piano) – de Jane Campion – 1993

Posté : 20 septembre, 2021 @ 8:00 dans 1990-1999, CAMPION Jane, Palmes d'Or | Pas de commentaires »

La Leçon de piano

Superbe et terrible Palme d’Or, portrait d’une femme ivre de liberté, avide de vivre pleinement, et engoncée dans des tonnes de contraintes. Une femme enfermée dans une société où les femmes n’ont aucun droit, et qui s’est murée depuis l’enfance dans un mutisme protecteur, avec pour refuge les mélodies qu’elle sort de son piano. Mariée par son père à un homme qu’elle ne connaît pas, et qui vit loin de tout, en Nouvelle Zélande, dans une plantation coupée de tout.

Le film de Jane Campion est à la fois poétique et implacable. Visuellement splendide, avec ces images comme en suspense dans une nature grandiose. Mais la beauté apparente renforce la cruauté des situations, et du ton. Cette nature si séduisante est en fait bien inamicale. Les grandes plages au sable chaud sont vite recouvertes par une marée agressive. La végétation luxuriante cache mal un décor de boue et de pluie… Il y a constamment, comme ça, l’opposition brusque et violente du cadre et de ce qu’il cache.

Holly Hunter est magnifique dans le rôle de cette femme à qui toute velléité de liberté est refusée, et dont le piano est l’unique bulle de vie. On peut affirmer sans trop de risque qu’elle trouve là le rôle de sa vie, un rôle totalement muet donc, mais d’une intensité folle : faussement résignée, déterminée malgré tout, et prête à envoyer promener tout l’ordre établi. Pas si simple quand même, dans un tel univers castrateur, superbe personnage de femme bafouée mais forte auquel Jane Campion apporte toute sa force, et ce regard si intime.

Elle filme merveilleusement les rapports plus complexes qu’attendus entre Ada et sa fille (Anna Paquin, une révélation), aussi bien que ceux avec les deux hommes du film : le mari (Sam Neill), a priori civilisé ; et l’homme apparemment sauvage (Harvey Keitel). Ada est un personnage exceptionnel, d’une détermination folle. Personne ne l’écoute ? Elle se mure dans le silence. Mariée de force ? Elle fait bonne figure. Son piano « en otage » chez le sauvage du coin ? Elle accepte tout ce qu’on lui demande pour le récupérer…

Et face à cet Harvey Keitel moins bestial que désespérément tendre, c’est toute la sensualité de la jeune femme qui se libère. A travers les couches opaques de vêtements, au hasard d’un coin de peau qui apparaît à travers un trou pas plus large que le petit doigt, Jane Campion filme la naissance du désir physique, le plaisir, la vie qui se libère. Et c’est d’une beauté renversante, à l’intérieur d’un décor étouffant.

La Leçon de piano est un film dont le féminisme farouche garde toute sa force, et sa singularité malgré les prises de conscience récentes. Presque trente ans plus tard, il restait aussi (jusqu’à cet été) l’unique film réalisé par une femme ayant décroché une Palme d’Or à Cannes.

Top of the Lake : China Girl (id.) – série créée par Jane Campion et Gerard Lee – 2017

Posté : 4 novembre, 2019 @ 8:00 dans 2010-2019, CAMPION Jane, KLEIMAN Ariel, LEE Gerard, POLARS/NOIRS, TÉLÉVISION | Pas de commentaires »

Top of the Lake China Girl

Pour la deuxième saison de sa superbe série, Jane Campion choisit de tout changer, ou presque. Nouveau décor : à la nature de Nouvelle-Zélange succède la ville d’Australie. Nouveaux personnages : à l’exception de Robin Griffin, la magnifique héroïne interprétée par Elisabeth Moss, uniquement des nouveaux venus, à une apparition près. Nouvelle enquête, là aussi radicalement différent.

Que reste-t-il alors de l’atmosphère fascinante de la série, alors ? Eh bien tout, curieusement. Même avec des parti-pris très différents, même en faisant à peu près table rase de ce qu’on avait appris à adoré, Top of the Lake garde ce mystère et cet envoûtement qui font sa beauté. Cette saison 2 n’est pas le prolongement de la première, mais elle en a la même ambition, la même intensité, et la même réussite.

La même radicalité, aussi. Plus encore que la première saison, China Girl aborde le thème de la paternité, et de la place de la femme dans la société, et dans la famille. Mais elle le fait avec une audace folle, et une approche totalement décomplexée. Car l’enquête, a priori classique, sur la disparition d’une jeune prostituée, se transforme très rapidement en une quête intime pour Robin, qui se résume bientôt à un cercle pseudo-familial aussi improbable que bouleversant.

Le mouvement qui habite cette deuxième saison se résume assez bien lors d’une longue séquence d’une intensité folle, dans l’avant-dernier épisode, où tous les rapports entre les membres de ce cercle familial semblent mis à mal, les uns après les autres, dans un enchaînement infernal, chacun se retrouvant totalement seul : Robin, sa fille naturelle avec qui elle a enfin pu tisser des liens, les parents adoptifs de cette dernière, et même le maquereau manipulateur dont la jeune fille s’est éprise.

Dans cette deuxième saison, Jane Campion souffle le chaud et le froid, la douleur extrême n’étant jamais dénuée d’une lueur d’espoir, si faible soit-elle. A l’inverse, le personnage plutôt amusant de la fliquette à la taille démesurée révèle peu à peu une profondeur et une noirceur extrêmes. D’une manière générale, les personnages sont d’ailleurs tous passionnants, et totalement inattendus.

Cette alternance de moments très sombres avec quelques sursauts plus léger, cette manière de passer de longs passages lents et introspectifs à d’autres plus angoissants, voire carrément flippants… Tout ça renforce l’intensité de cette série décidément magnifique. La prestation d’Elisabeth Moss, impeccable dans tous les registres, n’y est pas pour rien.

Top of the Lake (id.) – série créée par Jane Campion et Gerard Lee – 2013

Posté : 15 octobre, 2019 @ 8:00 dans 2010-2019, CAMPION Jane, DAVIS Garth, LEE Gerard, POLARS/NOIRS, TÉLÉVISION | Pas de commentaires »

Top of the Lake

Envoûtant, visuellement splendide, lent et tendu, cette mini-série est une superbe réussite, qui porte clairement la marque de Jane Campion, sa créatrice, et la réalisatrice de la moitié des épisodes. On y retrouve tous les thèmes chers à la cinéaste : l’homme (et la femme) dans la nature, la place de la femme dans la société, le poids de la maternité (et de la paternité)…

Jane Campion l’a d’ailleurs elle-même, et cela se sent : elle a pensé Top of the Lake comme un long film de six heures, divisé en six chapitres, plutôt que comme une série de six épisodes. Et c’est vrai qu’elle trouve le compromis parfait entre les codes de la série télé, avec d’un côté sa cohérence et son long mouvement unique, et de l’autre ses rebondissements qui ne donnent qu’une envie : enchaîner les six épisodes.

Parce que la réalisatrice n’oublie jamais non plus que Top of the Lake est un thriller. Même si son récit prend bien des chemins de traverse, jamais elle ne perd de vue l’enjeu de cette intrigue : retrouver une adolescente qui a disparu dans cette nature aussi belle que dangereuse de Nouvelle Zélande.

Il y a quelque chose de Twin Peaks dans l’idée même de Top of the Lake. Même si cette dernière est nettement plus ancrée, la série commence par l’arrivée d’un enquêteur dans une micro-société, où le drame va révéler bien des secrets cachés. Et quel microcosme : une région comme coupée du monde où la notion même de famille dépasse tous les codes habituels, et où tout le monde semble avoir quelque chose à cacher.

Y compris l’enquêtrice d’ailleurs, Robin, magnifique rôle de femme brisée, qui aurait pu être simplement passionnant. Elisabeth Moss lui donne quelque chose en plus : un mélange de force et de fragilité à peu près unique, parce que ces deux pans de sa personnalité sont également puissants. Un personnage fascinant et bouleversant, dont la présence souvent peu bavarde apporte toujours quelque chose d’inattendu.

Le reste de la distribution est parfait aussi, de Holly Hunter en gourou au bout du rouleau, à Peter Mullan, en inquiétant patriarche. Deux personnages qui, eux aussi, déjouent constamment toutes les idées reçues et toutes les attentes, capables d’être touchants dans l’horreur, ou abjects dans la souffrance.

Tendu, fascinant, bouleversant, surprenant, Top of the Lake est une réussite majeure. Et ELisabeth Moss une découverte qui l’est tout autant…

 

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