Play it again, Sam

tout le cinéma que j’aime

Archive pour mai, 2019

La Bonne Année – de Claude Lelouch – 1973

Posté : 31 mai, 2019 @ 8:00 dans 1970-1979, LELOUCH Claude | Pas de commentaires »

La Bonne Année

D’abord, on croit s’être trompé de film : le générique déroule sur des images noir et blanc que l’on connaît bien, celles d’Un homme et une femme. Pas d’erreur pourtant : Lino Ventura, Françoise Fabian, La Bonne Année, c’est bien ça. Alors on attend avec curiosité, on revit par la même occasion les émotions du plus beau des films d’amour de Lelouch, on se dit encore une fois qu’Anouk Aimée est, là, plus belle que jamais… Et on comprend finalement qu’Un homme et une femme a été projeté aux détenus d’une prison.

Parmi eux : Lino donc, voleur qui vient de passer six ans derrière les barreaux. On est en 1972, mais l’intrigue principale se situe avant son interpellation. En 1966 donc, à Cannes. Cannes, 1966 ? Tient, justement l’année où Lelouch a décroché la Palme d’Or avec son chabadabada. Pas un hasard, bien sûr. C’est tout Lelouch, ça : s’autoriser comme ça une sorte d’auto-hommage. Il faut son génie de l’immodestie pour que cela ne tourne pas au grotesque.

Mais non : La Bonne Année est, plutôt, un beau film. « Plutôt », parce que toute une partie de l’histoire s’avère relativement vaine : celle que Lelouch consacre au braquage d’une bijouterie, certes central mais pourtant anecdotique. Il ne nous en épargne rien : ni les préparatifs, ni la longue phase de surveillance, ni les détails de la réalisation. On s’en passerait bien, pourtant.

Là où le film est réussi, c’est dans la confrontation entre Lino Ventura et Françoise Fabian. Et il s’agit bien d’une confrontation, cette drôle d’histoire d’amour : entre le truand à l’ancienne un peu brut de décoffrage, et la jeune vendeuse d’antiquité baignant dans la culture. Ni misogyne, ni féministe, Lelouch filme deux êtres aux idéaux et aux visions radicalement différentes, qui vont pourtant tomber amoureux l’un de l’autre.

Il y a le premier face-à-face, touchant parce que les deux se livrent tels qu’ils sont, sans fard et sans gêne. Puis le réveillon « en société », cruel et cynique, qui provoque un malaise tenace (et donne l’occasion à Lelouch de régler ses comptes, un peu facilement : « Vous lisez les critiques ? – Non. – Comment choisissez-vous les films que vous voyez, alors ? – C’est comme en amour, j’aime prendre des risques »). Et enfin l’ultime scène, belle parce qu’elle évite le happy end trop facile. Face à cette jeune femme qu’il aime, le vieux de la vieille comprend que ce qu’il a le plus de mal à accepter, ce n’est pas qu’elle est si différente de lui, mais au contraire qu’il y a tant de chose qui les rassemble.

Du rififi chez les hommes – de Jules Dassin – 1955

Posté : 30 mai, 2019 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1950-1959, DASSIN Jules | Pas de commentaires »

Du Rififi chez les hommes

Jules Dassin est sans doute un phénomène unique dans l’histoire du film noir : le seul réalisateur à avoir imprégné aussi profondément le genre aux Etats-Unis, en Angleterre et en France. Exilé d’Hollywood durant la chasse aux Sorcières, Dassin a d’abord signé Les Forbans de la Nuit à Londres, puis ce Rififi… à Paris. Avec le même regard sans concession, le même talent pour filmer la ville avec l’intimité et l’acuité de ceux qui l’ont toujours connue (comme le New York de La Cité sans voiles).

Dassin était au sommet avant de quitter l’Amérique. Il l’est resté en Europe, comme le confirme donc cette adaptation (par lui-même) d’un roman d’Auguste Le Breton. Un modèle de construction, ce film, mais aussi un modèle de mise en scène, qui doit plus au film noir hollywoodien qu’au polar à la française. Il suffit qu’il apparaisse à l’écran pour qu’on comprenne que le personnage principal, joué par Jean Servais, est condamné par le destin.

Magnifique personnage de truand au bout du rouleau, malade, fatigué, le regard tombant. Servais est formidable dans ce rôle, qu’il n’embellit jamais. Tony, alias « le Stéphanois », a peut-être une réputation de caïd, et affirme son attachement à une certaine éthique du crime. Mais c’est pathétique qu’on le découvre, viré d’une table de poker parce qu’il n’avait plus d’argent à aligner. C’est froid qu’on le voit battre son ancienne compagne à coup de ceintures. L’honneur du truand a ses codes.

Le film est formidable dans sa manière de s’acheminer inéluctablement vers le drame. Avec une intensité constante, et quelques éclats de génie, comme cette incroyable séquence de cambriolage, long cœur du film totalement dépourvu de parole. Ou cette envoûtante respiration : la fameuse chanson Le Rififi, par Magali Noël, génialement mise en scène. La musique est d’ailleurs très importante dans le film, tantôt off, tantôt intégrée dans l’action, toujours au service de ce mouvement tragique.

Sombre, violent, et âpre, avec ses gangsters sans honneur (et un Robert Hossein tout jeune, étonnant en brute accro à la drogue), Du Rififi chez les hommes évoque aussi cette perte d’honneur du milieu. Grand film noir, qui reste aujourd’hui encore l’un des modèles indépassables du genre en France.

Je vous ai toujours aimé (I’ve always loved you) – de Frank Borzage – 1946

Posté : 29 mai, 2019 @ 8:00 dans 1940-1949, BORZAGE Frank | Pas de commentaires »

Je vous ai toujours aimé

Borden Chase au scénario (adaptant sa propre nouvelle), Rubinstein au piano… Borzage a des collaborateurs de poids pour cette romance sur fond musical, qui reprend des tas de thèmes typiques de son œuvre : la passion amoureuse, la vie simple opposée au luxe, les motifs qui se répètent de génération en génération…

Un grand maître (Philip Dorn) prend son aile une jeune pianiste douée (Catherine McLeod). L’élève finit par dépasser le maître, tout en tombant amoureuse de lui. Mais le maître supporte mal la concurrence, et la flanque à la porte. Elle épouse son ami d’enfance, les années passent.

C’est à vrai dire un mélo qui pourrait être bien poussif, s’il n’y avait cette fameuse patte de Borzage, qui tire de cette histoire assez banale quelques scènes magnifiques, des moments de pure beauté, et une vérité des sentiments qui fait oublier les limites de ses acteurs (ne cherchez pas, ils n’ont jamais été aussi bien ailleurs).

Il y a bien le sympathique Felix Bressart, dans le rôle du père de Catherine McLeod, ou Maria Ouspenskaya dans celui de Babouchka, la grand-mère du maître, mais c’est bien la caméra de Borzage, discrète et délicate, qui fait la beauté de ces personnages et de leurs rapports compliqués : sa manière de surprendre un regard, un geste, un silence.

Et puis c’est peut-être le film « musical » de Borzage où la musique est le mieux utilisée, la plus touchante. Souvent, les passages chantés ou joués de ses films servent à mettre en valeur leurs interprètes. Ici, la musique (de Rachmaninoff surtout) est entièrement au service de la dramaturgie.

Il n’y a qu’à voir la très longue scène du concert au Carnegie Hall : pas une parenthèse, non, mais le cœur même du film, où tout se joue à l’écran en une dizaine de minutes d’un cinéma total et magnifique. Quasiment sans un mot (à l’exception soudaine d’une voix off, inutile), Borzage saisit là les sentiments les plus profonds de tous ses personnages. C’est brillant, et terriblement cruel.

D’une grande délicatesse, jusque dans sa manière de mettre en scène la mort, comme une chose naturelle et presque heureuse, cette œuvre méconnue de Borzage est un long et beau mouvement musical au final beau, et déroutant.

Halloween 5 : la revanche de Michael Myers (Halloween 5 : The Revenge of Michael Myers) – Dominique Othenin-Girard – 1989

Posté : 28 mai, 2019 @ 8:00 dans 1980-1989, FANTASTIQUE/SF, OTHENIN-GIRARD Dominique | Pas de commentaires »

Halloween 5

Ben v’là-t-y pas que Michael Myers n’est pas mort ! Dessoudé et enterré sous des tonnes de gravats à la fin du précédent épisode, le croquemitaine laissé pour mort s’en est tiré. Et Dominique Othenin-Girard (qui ?) se croit obligé de nous montrer comment il a fait, dans une courte scène inaugurale qui donne le ton.

Dominique Othenin-Girard : un nom que l’on n’associe (quand on l’associe) à peu près qu’à ce Halloween 5, qui ne lui a pas fait une carte de visite franchement efficace… Pas qu’il manque d’ambition, ni même d’une certaine vision. Mais quoi qu’il fasse, le réalisateur tape à côté. Rien ne marche vraiment dans cet opus qui échoue surtout au seul endroit où on l’attendait vraiment : dans sa capacité de faire peur.

Étrange parti pris du réalisateur, qui semble prendre le contre-pied systématique de Carpenter. Sans doute le singer aurait-il été une erreur aussi grande, mais en refusant d’appliquer le code du bon réalisateur de film de frousse lambda, Othenin-Girard échoue constamment à flanquer cette frousse qu’on attend pourtant. En dévoilant d’emblée l’emplacement de Michael Myers dans les scènes de suspense, en refusant même la surenchère gore… Des parti-pris louables, a priori, mais qui rendent la chose d’une platitude extrême.

Le réalisateur semble plus intéressé à tenter d’amener la saga vers autre chose. Vers la comédie même, avec un duo de flics décalés mais mal utilisés. Voire vers le surnaturel plus affirmé, avec cette apparition d’un homme mystérieux qui vaudra un final inattendu… et inabouti.

Quant à Danielle Harris, la jeune actrice qui était le meilleur atout de Halloween 4, elle est confinée dans un mutisme qui ne porte pas vraiment le personnage vers des sommets.

Finalement, c’est une nouvelle fois le Dr Loomis, alias Donald Pleasance, qui tire le mieux son épingle du jeu. Plus psychotique que jamais, plus barré, plus malsain, plus odieux, plus dérangé… C’est lui, paradoxalement, qui fait le plus peur dans ce film.

Within our gates (id.) – d’Oscar Micheaux – 1920

Posté : 27 mai, 2019 @ 8:00 dans 1920-1929, FILMS MUETS, MICHEAUX Oscar | Pas de commentaires »

 Within our gates

J’aimerais tellement dire que Within our gates est un chef d’œuvre méconnu qui mérite de retrouver sa place à côté (ou au-dessus) de Naissance d’une Nation, le film de Griffith dont il est une sorte de réponse. Historiquement, c’est d’ailleurs indéniable : le tout premier film réalisé par un noir américain à avoir traversé le temps, un film anti-raciste tourné en réaction au grand œuvre pro-KKK de Griffith. Forcément, on a envie de l’aimer…

Et il y a bien quelques scènes réussies, qui toutes sont d’ailleurs des échos évidents au classique de 1914. Une séquence, terrible, de lynchage, ou une tentative de viol, cette fois par un blanc sur une noire (et sous le portrait de Lincoln). là, l’espace de quelques minutes, le film prend une dimension ample et tragique qui lui va bien.

Mais pour le reste, il faut bien reconnaître qu’Oscar Micheaux a, ici au moins, plus de belles intentions que de vision de cinéaste ; Son drame, gratiné, passe presque exclusivement par les cartons, qui explicitent lourdement ce que l’image montre mal. La faute à une mise en scène le plus souvent statique, et à des comédiens qui, mal dirigés, ne savent pas quoi faire de leurs mains, de leur visage… On est en 1920, mais le film a encore des allures de cinéma primitif, hélas.

Oui, j’aurais aimé l’aimer ce film, aimer sa vedette Evelyn Preer, pionnière du cinéma afro-américain. Mais cette découverte du cinéma d’Oscar Micheaux s’avère bien décevante. Disons qu’il mérite une seconde chance…

Six chevaux dans la plaine (Six black horses) – de Harry Keller – 1962

Posté : 26 mai, 2019 @ 8:00 dans 1960-1969, KELLER Harry, MURPHY Audie, WESTERNS | Pas de commentaires »

Six chevaux dans la plaine

Ce n’est pas parce qu’on n’a pas de moyens qu’on ne peut pas avoir d’ambitions. Ce western fauché n’en manque pas, pas plus qu’il ne manque d’intérêts…

De beaux décors naturels, trois acteurs qui se partagent seuls l’écran pendant une bonne partie du film… Il n’en faut pas plus à Harry Keller pour mener son film avec une efficacité indéniable. Pas de grands effets, ni de cascades spectaculaires : le film se limite en grande partie à l’avancée de ces deux hommes (Audie Murphy et Dan Duryea) qui escortent une jeune femme aux motivations mystérieuses à travers le territoire indien.

Parmi les aspects très réussis du film, il y a la manière dont Keller utilise ses décors, parfois les mêmes d’une scène à l’autre, mais avec un vrai sens de l’espace, particulièrement frappant dans les boyaux étroits des monts rocheux.

Et puis les rapports troubles entre les deux personnages principaux, amicaux et ambigus à la fois, et pour une fois vraiment complémentaires, sont particulièrement convaincants.

Une limite, quand même : Harry Keller n’est pas un excellent directeur d’acteurs. Malgré l’alchimie indéniable entre Murphy et Duryea, deux gueules qui connaissent leur métier, on sent ce dernier souvent mal à l’aise, pas dans le ton. Au contraire de Murphy, très bien comme souvent.

En revanche, évacuons vite la question Joan O’Brien, jolie plante qui se contente à près de faire ça : la jolie plante, y compris lors d’une séquence sous tension qu’elle gâche royalement, celle où un chef Indien veut l’échanger contre un cheval. Un cheval contre une jolie plante ?

Les Nuits de Chicago (Underworld) – de Josef Von Sternberg – 1927

Posté : 25 mai, 2019 @ 8:00 dans * Films de gangsters, 1920-1929, FILMS MUETS, VON STERNBERG Josef | Pas de commentaires »

Les Nuits de Chicago

Josef Von Sternberg est encore un quasi-débutant lorsqu’il signe ces Nuits de Chicago, déjà un très grand film qui bouscule, et qui remue. Presque un débutant, parce que Sternberg n’avait pas eu l’occasion de confirmer ses premiers pas convaincants (avec Salvation Hunters, en 1925) : The Masked Bride et The Exquisite Sinner lui sont retirés des mains, et le mythique Woman of the Sea aurait carrément été détruit par son producteur Charles Chaplin…

Autant dire qu’il revient de loin, Sternberg, ce dont tous les cinéphiles du monde peuvent se réjouir, tant ce film, visuellement très fort, surprend aujourd’hui encore par la puissance de ses accès de violence. Son succès a d’ailleurs boosté le genre du « film de gangsters » (Scarface n’est pas loin), l’inspirant même très durablement.

C’est un monde d’hommes burnés et burinés que filme Sternberg, le monde des voyous, des gros durs, prêts à s’entre-tuer pour un regard ou pour une humiliation. La scène d’ouverture, d’ailleurs, annonce avec trente ans d’avance celle de Rio Bravo : même situation, même confrontation d’un gros bras sadique et d’un alcoolique pathétique qui trouvera la rédemption.

Ce dernier, c’est Clive Brook, parfait en esthète des bas-fonds, qui tombe amoureux de la fiancée du caïd à qui il doit sa rédemption, joué avec truculence par George Bancroft. On voit bien où tout ça nous mène, et on y va bel et bien, triangle amoureux à hauts risques sur fond d’hyper-violence.

Josef Von Sternberg filme superbement la naissance du sentiment amoureux (captant un regard, une main qui en effleure une autre) avec beaucoup de grâce. Il sait aussi créer la tension en filmant la rudesse (c’est un euphémisme) de ce monde, ou un règlement de compte, cinglant et glaçant. Jusqu’à la séquence finale, hallucinante explosion de violence…

Les Pirates du métro (The Taking of Pelham 1-2-3) – de Joseph Sargent – 1974

Posté : 24 mai, 2019 @ 8:00 dans * Polars US (1960-1979), 1970-1979, SARGENT Joseph | Pas de commentaires »

Les Pirates du métro

Oubliez le pauvre remake de Tony Scott, et (re)voyez de Taking of Pelham 1-2-3 première version, modèle du polar 70s, porté par un Walter Matthau parfait en flic du métro, confronté à une prise d’otage menée par Robert Shaw et Martin Balsam.

Aux antipodes de Scott, Sargent privilégie les personnages à l’action, plutôt rare au final. Sa mise en scène, remarquablement fluide, passe d’un personnage à l’autre, d’un lieu à l’autre, avec une évidence qui force le respect. Au-delà du scénario, intriguant mais conventionnel, c’est cette fluidité et cette intelligence de la mise en scène qui séduit, et qui offre une vision originale de ce décor de métro qui semble si familier.

Shaw est glaçant en « pirate » éduqué mais déterminé. Mais c’est Matthau qui impressionne, et donne au film son ton atypique, avec cette touche de légèreté apporte une ironie bienvenue à un récit par ailleurs très sombre. L’acteur, plus familier de la comédie, vie cette année-là une sorte de parenthèse noire pour le moins concluante (il vient alors de tourner Tuez Charley Varrick). Le regard qu’il lance dans le dernier plan est peut-être le plus beau moment du film…

Une poignée de plombs (Death of a Gunfighter) – de Don Siegel et Robert Totten (sous le pseudo d’Alan Smithee) – 1969

Posté : 23 mai, 2019 @ 8:00 dans 1960-1969, SIEGEL Don, SMITHEE Alan, TOTTEN Robert, WESTERNS | Pas de commentaires »

Une poignée de plombs

Une sorte de paradoxe : le premier film de cinéma signé Alan Smithee (ce pseudonyme « officiel » utilisé par les réalisateurs refusant d’assumer ce que les producteurs ont fait de leur travail) est un western très intéressant, et même franchement réussi.

Pas de désaveu véritable, d’ailleurs, derrière ce pseudonyme, mais le refus de deux réalisateurs d’endosser l’entière paternité d’un film clairement réalisé à quatre mains : Robert Totten, qui a commencé le tournage, et Don Siegel, qu’a fait venir Richard Widmark à mi-production, la star étant en désaccord avec le premier, et ayant visiblement un bon souvenir de Madigan, qu’il venait de tourner avec Siegel.

On ne rentrera pas dans le jeu du « à qui doit-on quoi » (d’abord parce que je n’en sais rien), mais Death of a gunfighter est un western qui renouvelle assez brillamment un motif récurrent du genre. Le titre original est d’ailleurs nettement plus approprié que celui, idiot, choisi par le distributeur français. Comme les courtes images pré-génériques, il annonce d’emblée le drame inéluctable qui se joue.

Widmark est un personnage tragique, énième version du shérif auréolé d’une réputation de violence, dont les bonnes âmes de la ville veulent se débarrasser : à la fois mauvaise conscience d’une société qui s’est bâtie sur la violence et le sang, et témoin d’un Ouest sauvage révolu, au tournant du 20e siècle.

Ce thème (le rapport ambigu de l’Amérique « moderne » avec la violence) a souvent inspiré le genre. Il y a ici une vraie particularité : l’absence d’élément extérieur. Pas de vrai méchant, ni de vraie menace qui pèse sur la ville, juste la volonté des notables de se débarrasser de ce shérif qui fut si utile, qui est devenu si encombrant.

Beau rôle pour Richard Widmark, homme traqué, perdu, mais droit, dont le regard émeut face aux morts qui s’amoncellent autour de lui, malgré lui.

Il y a bien quelques rares touches d’optimisme, mais souvent contrebalancées par la rudesse des sentiments. Comme cet homme, écœuré par le sort réservé au shérif, dont les « amis » stoppent l’élan en lui claquant sa judéité à la gueule.

Petit bémol : quelques effets musicaux douteux. Mais c’est un tableau sombre et cynique de l’Amérique que signent Siegel et Totten, assez radical et passionnant.

La Cité sans voiles (The Naked City) – de Jules Dassin – 1948

Posté : 22 mai, 2019 @ 8:00 dans * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, DASSIN Jules | Pas de commentaires »

La Cité sans voiles

Immense film, l’un des meilleurs « docu-polars » des années 40. Voilà, tout est dit : Jules Dassin signe un chef d’œuvre, sorte de testament magnifique pour le producteur Mark Hellinger, mort juste avant la sortie du film.

C’est lui, Mark Hellinger, qui est à l’origine de ce projet, qu’il voulait être le portrait le plus fidèle possible de New York. C’est lui aussi qui assure la voix off, génialement utilisée, qui rythme l’ensemble de l’enquête.

Enquête passionnante d’ailleurs : celle d’une brigade de policiers qui tente de résoudre le meurtre mystérieux d’une jeune mannequin, retrouvée morte noyée sur son lit. Une enquête dont le film fait une sorte de prétexte pour plonger au cœur de la Big Apple, et dans le quotidien de quelques-uns de ses habitants, filmés au plus près.

Fascinantes images, dont certaines sont effectivement « volées » par des caméras cachées dans les rues, à la fois hyper-réalistes et somptueuses. Au réalisme et au naturalisme de son récit, Dassin ne sacrifie jamais l’esthétisme : son film est d’une beauté formelle assez renversante.

La réussite du film repose aussi sur les personnages, qui sortent tous des stéréotypes habituels. A commencer par le flic en charge de l’enquête, qu’incarne un inattendu génial Barry Fitzgerald (le Michaleen de L’Homme tranquille), d’habitude plutôt cantonné aux seconds rôles.

Et quel rythme ! Dassin filme l’enquête avec ses hauts, ses bas, ses temps morts, ses brusques accélérations… C’est d’une vivacité de chaque instant, beau mouvement irrégulier qui mène inexorablement vers une ultime course-poursuite, inoubliable.

Le film s’ouvre et se referme sur des images saisissantes de New York, jamais vues, jamais comme ça en tout cas. Entre les deux, un grand moment de cinéma. Chef d’œuvre, définitivement…

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