La Bonne Année – de Claude Lelouch – 1973
D’abord, on croit s’être trompé de film : le générique déroule sur des images noir et blanc que l’on connaît bien, celles d’Un homme et une femme. Pas d’erreur pourtant : Lino Ventura, Françoise Fabian, La Bonne Année, c’est bien ça. Alors on attend avec curiosité, on revit par la même occasion les émotions du plus beau des films d’amour de Lelouch, on se dit encore une fois qu’Anouk Aimée est, là, plus belle que jamais… Et on comprend finalement qu’Un homme et une femme a été projeté aux détenus d’une prison.
Parmi eux : Lino donc, voleur qui vient de passer six ans derrière les barreaux. On est en 1972, mais l’intrigue principale se situe avant son interpellation. En 1966 donc, à Cannes. Cannes, 1966 ? Tient, justement l’année où Lelouch a décroché la Palme d’Or avec son chabadabada. Pas un hasard, bien sûr. C’est tout Lelouch, ça : s’autoriser comme ça une sorte d’auto-hommage. Il faut son génie de l’immodestie pour que cela ne tourne pas au grotesque.
Mais non : La Bonne Année est, plutôt, un beau film. « Plutôt », parce que toute une partie de l’histoire s’avère relativement vaine : celle que Lelouch consacre au braquage d’une bijouterie, certes central mais pourtant anecdotique. Il ne nous en épargne rien : ni les préparatifs, ni la longue phase de surveillance, ni les détails de la réalisation. On s’en passerait bien, pourtant.
Là où le film est réussi, c’est dans la confrontation entre Lino Ventura et Françoise Fabian. Et il s’agit bien d’une confrontation, cette drôle d’histoire d’amour : entre le truand à l’ancienne un peu brut de décoffrage, et la jeune vendeuse d’antiquité baignant dans la culture. Ni misogyne, ni féministe, Lelouch filme deux êtres aux idéaux et aux visions radicalement différentes, qui vont pourtant tomber amoureux l’un de l’autre.
Il y a le premier face-à-face, touchant parce que les deux se livrent tels qu’ils sont, sans fard et sans gêne. Puis le réveillon « en société », cruel et cynique, qui provoque un malaise tenace (et donne l’occasion à Lelouch de régler ses comptes, un peu facilement : « Vous lisez les critiques ? – Non. – Comment choisissez-vous les films que vous voyez, alors ? – C’est comme en amour, j’aime prendre des risques »). Et enfin l’ultime scène, belle parce qu’elle évite le happy end trop facile. Face à cette jeune femme qu’il aime, le vieux de la vieille comprend que ce qu’il a le plus de mal à accepter, ce n’est pas qu’elle est si différente de lui, mais au contraire qu’il y a tant de chose qui les rassemble.