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Archive pour la catégorie 'TOURNEUR Jacques'

L’Enquête est close (Circle of Danger) – de Jacques Tourneur – 1951

Posté : 28 août, 2023 @ 8:00 dans * Films noirs (1935-1959), 1950-1959, TOURNEUR Jacques | Pas de commentaires »

L'Enquête est close

Un suspense autour des souvenirs encore frais de la seconde guerre mondiale… Non, Jacques Tourneur ne refait pas Berlin Express, trois ans plus tard. Si les deux films ont quelques points communs, ne serait-ce que sur la thématique, ils différent assez radicalement dans leur approche. Et ce Circle of Danger, nettement moins célébré, se révèle également passionnant, et très surprenant.

De la guerre, cette fois, on ne verra rien de concret, si ce n’est des regards perdus dans les pensées. Pas de ruines, pas de champs de bataille, et pour cause : toute l’action du film se passe sur les terres britanniques, à la brève exception des toutes premières minutes, au large de la Floride. Etrange et fascinant début d’ailleurs, à bord d’un bateau où des marins pompent pour alimenter un scaphandrier en air.

Magnifiquement filmée, avec ces reflets mouvants de la lumière dans les vague, cette introduction est totalement coupée de l’intrigue, sans autre lien qu’un possible symbole : celui de la vérité profondément enfouie qui émerge avec lenteur et difficulté… Qu’importe d’ailleurs : elle annonce surtout le talent formel intact du réalisateur de La Féline, qui sait créer une atmosphère avec si peu de moyens.

Sur ce bateau, on découvre aussi le personnage principal, joué par Ray Milland : un Américain qui décide de tout plaquer pour aller en Grande-Bretagne mener l’enquête sur la mort suspecte de son jeune frère durant la guerre. Un membre de son commando aurait laissé entendre que le frangin a été abattu par l’un des siens, et pas par un Allemand… Ce qui mérite d’en savoir plus.

Les quartiers populaires de Londres, les mines du Pays de Galles, les Highlands d’Ecosse : cette enquête qui emmène le héros d’un témoin à un autre ressemble alors à une véritable collection de cartes postales britanniques, mais avec ce supplément d’âme qu’on attend d’un cinéaste de la trempe de Tourneur. Alors c’est aussi charmant que passionnant. Et mine de rien, ça évite consciemment les clichés.

Visuellement, certes, Tourneur assume ce côté cliché, et il fait de son héros un Américain un rien arrogant, un peu mufle, un peu homophobe, assez caricatural au fond. Mais il met en scène un scénario malin et brillant, qui surprend constamment, déjouant toutes les attentes jusqu’à un final superbe et déchirant dans les landes écossaises. Avec ce final, toutes les réserves qu’on pouvait avoir volent en éclat, et toutes les certitudes en même temps. Passionnant.

Tout ça ne vaut pas l’amour – de Jacques Tourneur – 1931

Posté : 13 décembre, 2020 @ 8:00 dans 1930-1939, GABIN Jean, TOURNEUR Jacques | Pas de commentaires »

Tout ça ne vaut pas l'amour

Les premiers pas au cinéma de Jean Gabin sont décidément pleins de surprises. Un an avant sa participation aux Gaietés de l’Escadron de Maurice Tourneur, c’est avec le fils de ce dernier qu’il collabore : Jacques Tourneur, futur (immense) réalisateur de La Griffe du Passé ou de La Féline.

C’est même le tout premier film du jeune Jacques Tourneur, jusqu’alors assistant de son père, qui ne signera que quatre films en France avant de s’installer pour de bon aux Etats-Unis, où il a grandi, lorsque son père était l’un des réalisateurs les plus importants de Hollywood, et où il deviendra le cinéaste que l’on sait. Pour l’heure, il n’est qu’un débutant qui filme ce qu’on lui demande, en l’occurrence une comédie sans grand intérêt, si ce n’est cette rencontre forcément historique entre Gabin et Tourneur.

Encore que Gabin n’a pas le premier rôle. Le film tourne entièrement autour de la personnalité de Marcel Lévesque, le sidekick rigolard des Vampires de Louis Feuillade, qui reste dans un registre similaire. Il est un pharmacien passionné de philatélie, qui recueille une jeune femme qui a accouché d’un enfant mort-né, et dont il tombe amoureux. Mais elle n’a d’yeux que pour le voisin, jeune, souriant et plein de vie.

Oui, c’est Gabin, très bien mais très lisse, qui doit se contenter d’être un déclencheur de mauvaise humeur pour la vraie vedette Marcel Lévesque. Quelques scènes amusantes, mais un scénario et des dialogues qui semblent en partie improvisés. Tourneur, lui, réussit le baptême du feu. Son premier film n’est certes pas franchement mémorable, mais il sauve les meubles, et une poignée de travellings (dont le premier, qui dévoile le décor du film, une rue bordée de quelques boutiques) et de plans joliment cadrés annoncent le grand cinéaste à venir.

Poursuites dans la nuit (Nightfall) – de Jacques Tourneur – 1957

Posté : 4 octobre, 2020 @ 8:00 dans * Films noirs (1935-1959), 1950-1959, TOURNEUR Jacques | Pas de commentaires »

Nightfall

Il est décidément très grand, Jacques Tourneur. Quel que soit le genre qu’il aborde, il sait en tirer la quintessence, jouant avec les codes en place pour mieux se les approprier. Et constamment se réinventer.

La preuve encore avec ce noir magnifique. Tout juste dix ans après La Griffe du passé, classique absolu du genre, Nightfall part d’un thème assez semblable : un homme rattrapé par son passé, qui se débat pour survivre. Pourtant, Nightfall ne ressemble ni au classique de Tourneur, ni en fait à aucun autre film noir.

L’histoire est relativement classique : un homme sans histoire, une mauvaise rencontre, le sort qui joue des tours. Et puis une femme fatale… mais l’est-elle vraiment ? Tous les codes du film noir sont bien là, mais le scénario (d’après David Goodis) les détourne habilement.

Ça se joue dans les détails. Ce grain de la pellicule, seul signe qui rappelle qu’on n’est plus dans les années 40… L’utilisation anxiogène des décors, entre ville bondée, terrains vagues, et paysages enneigés du Wyoming… Une manière, surtout, de créer une atmosphère en déstabilisant le spectateur.

Tourneur ouvre ainsi son film avec une scène étonnante, absolument pas explicative. Les dialogues, anodins, semblent pourtant lourds de double-sens ; une lumière qu’on allume fait naître l’angoisse… Pourquoi ? Par la grâce de la mise en scène de Tourneur, grand cinéaste qui sait mieux que quiconque transformer le quotidien et l’anodin en source d’angoisse.

Le film est formidable par sa construction aussi, faite de flash-backs successifs et d’un sens radical de la concision. Ramassé, intense, percutant, le film ne laisse aucun répit. Il l’est aussi (formidable) pour ses personnages, loin de tous les poncifs. Aldo Ray en proie effrayée ; Brian Keith en méchant extraordinairement posé… Formidables.

La Vie facile (Easy living) – de Jacques Tourneur – 1949

Posté : 18 septembre, 2020 @ 8:00 dans 1940-1949, TOURNEUR Jacques | Pas de commentaires »

La Vie facile

Jacques Tourneur côté drame ? Ma foi, le fils de Maurice révèle des talents insoupçonnés. Loin du fantastique, du polar ou du western, Tourneur se montre très à l’aise dans un univers plus quotidien. Son film est même un modèle de mise en scène…

La première image donne le ton introduisant un couple fusionnel relié (et pas séparé) par un journal posé entre eux sur la table du petit-déjeuner. Ce genre de détails se retrouve tout au long du film, où l’histoire assez classique est constamment sublimée par de belles trouvailles de mise en scène.

Un dessous de soie qui tombe aux pieds d’une jeune femme, des rencontres successives dans un couloir entre l’ombre et la lumière, un poster qui domine la scène… Tourneur suggère autant qu’il raconte, et il le fait avec son sens de l’économie et de l’efficacité.

Victor Mature est parfait en star du football américain qui réalise que ses années de gloire touchent à leur fin, et qu’il va devoir apprendre à vivre autrement. Malgré une épouse avide qui ne cache pas son mépris pour les anciennes gloires, des ratés pour elle (Lizabeth Scott, excellente en peste antipathique).

Le film parle de l’acceptation, de ce moment où le corps dit stop, et où l’homme doit passer à autre chose. En d’autres termes, du vieillissement. Et ça a beau être suggéré, cela reste un thème rare dans le cinéma américain, et surtout dans la série B comme ici.

Tombouctou (Timbuktu) – de Jacques Tourneur – 1958

Posté : 19 juillet, 2017 @ 8:00 dans 1950-1959, DE CARLO Yvonne, TOURNEUR Jacques | Pas de commentaires »

Tombouctou

Tout petit cru pour Tourneur fils, avec un film d’aventures colonialiste à la gloire de « sa » France natale. C’est même l’une des rares occasions qu’a le fils de Maurice de rappeler ses origines, tant sa filmographie est par ailleurs typiquement hollywoodienne.

La vision qu’il a de cette France de 1940 est d’ailleurs très américaine, avec cette Marseillaise ébauchée au bon moment, ces drapeaux tricolores qui volent au vent… Une déclaration d’amour à une France en péril que l’on jurerait être faite dans les années 40, lorsque Hollywood glorifiait les Alliés de l’Amérique dans ses films de propagande.

On est pourtant bien en 1958, l’année même de l’indépendance du Soudan. Le film, sorti quelques mois après cette indépendance, est dans ce contexte une glorification de la colonisation qui sonne étrangement déplacée. Les indigènes sont au choix des monstres sanguinaires ou des moutons facilement manipulés, les Français sont de braves pacificateurs totalement désintéressés… et l’Américain Victor Mature est un aventurier guidé uniquement par l’amour.

On le comprend : la belle dont il s’éprend, c’est Yvonne De Carlo, coiffure impeccable même au milieu du désert, tiraillée entre l’aventurier et son officier de mari. Forcément, l’un des deux est de trop dans l’histoire. La conclusion du film permettra bien entendu à la belle de ne pas avoir à choisir…

Cette conclusion est loin d’être l’unique facilité d’un scénario bourré d’incohérences et d’approximations, et aux dialogues improbables. Difficile alors de s’attacher aux personnages, mais Tourneur assure l’essentiel. Les séquences d’action sont impeccables, particulièrement l’ultime assaut sur le minaret de Tombouctou, grand moment de suspense admirablement filmé.

Un jeu risqué (Wichita) – de Jacques Tourneur – 1955

Posté : 15 juillet, 2017 @ 8:00 dans 1950-1959, MILES Vera, TOURNEUR Jacques, WESTERNS, Wyatt Earp / Doc Holiday | Pas de commentaires »

Un jeu risqué

Un écran large, de grands espaces désertiques, un soleil écrasant… Wichita est à peu près aux antipodes des films d’épouvante à petits budgets qui ont fait la réputation de Tourneur. Mais même avec de gros moyens, et avec le (superbe) Technicolor, Tourneur est un cinéaste immense, que l’on retrouve comme on l’aime : capable de faire naître la peur des scènes les plus anodines.

Ici, il lui suffit de filmer la douce Vera Miles sortir d’un hôtel au bras de Joel McCrea pour que l’on ressente instantanément le danger que rien d’autre ne vient appuyer. Plus tôt dans le film, une série de plans fixes sur un enfant, dont la chemise d’un blanc immaculé se découpe dans le nuit, devient insoutenable tant Tourneur suggère et repousse l’irruption implacable de la violence.

On le connaissait grand réalisateur de films d’épouvante, grand réalisateur de films noirs… Voilà qu’on le découvre aussi grand réalisateur de western, signant un modèle du genre, et ce dès la remarquable séquence d’ouverture autour du feu de camp. En tête d’affiche, une double-figure du genre : McCrea donc, dont la carrière est jalonnée de rôles mémorables d’hommes de l’Ouest ; et le plus célèbre de tous : Wyatt Earp, qu’il interprète dans le film.

Mais pas le Earp de O.K. Corrall, déjà entré dans la légende, que tant d’autres films immortaliseront. Wichita s’intéresse aux jeunes années du futur shérif de Tombstone : ses débuts d’homme de loi, après sa carrière de chasseur de bison. La chronologie de la vie de Earp est respectée, mais c’est à peu près tout : le film prend d’immenses libertés avec la réalité historique, pour jouer avec l’image légendaire que son simple nom véhicule.

Et ça fonctionne parfaitement, même si McCrea est sans doute un peu trop vieux pour jouer Earp à ce stade de sa vie. Mais l’acteur est parfait pour donner corps à cette volonté sans faille, qui ne demande qu’à rester en dehors des violences du monde, tout en refusant d’échapper à ses responsabilités. La vérité historique était sans doute nettement plus complexe, mais ce Earp-là est de ces figures qui ont fait la grandeur du western.

Berlin Express (id.) – de Jacques Tourneur – 1949

Posté : 20 mars, 2016 @ 8:00 dans * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, RYAN Robert, TOURNEUR Jacques | Pas de commentaires »

Berlin Express

C’est le premier film tourné dans l’Allemagne d’après la guerre, et ce n’est pas anodin. La vision des ruines de Francfort et Berlin est impressionnante et apporte une dimension dramatique fascinante à ce film noir qui ne ressemble à aucun autre.

L’intrigue est pourtant assez classique, sorte de variation autour d’Une femme disparaît, l’un des derniers films anglais d’Hitchcock. Un train qui entre en pays (plus tout à fait) ennemi, un homme qui disparaît, et des passagers qui semblent les seuls à s’inquiéter de cette disparition. Un brillant mélange de suspense et d’espionnage, intensément divertissant mais qui en dit long sur son époque.

Jacques Tourneur ne sacrifie aucun de ces aspects. Son film est une passionnante enquête pleine de rebondissements feuilletonnants, et le cinéaste de La Féline sait y faire lorsqu’il s’agit de faire naître la peur d’un décor. Mais c’est le contexte, inédit, qui donne une grande partie de sa force au film: les ruines fantomatiques d’une Allemagne vaincue peuplée d’êtres en errance, de familles à la recherche de leurs proches, de gens que la folie de leurs dirigeants et l’humiliation de la défaite ont obligé à vivre dans la marge, privés pour certains de leur humanité.

Berlin Express est un portrait d’une force sidérante de cette Allemagne-là, dans laquelle il est difficile de tirer un trait sur ces années de Nazisme : à la fois pour les étrangers encore habités par la guerre, et pour ces Allemands confrontés au manque. C’est aussi un film qui oscille entre cynisme et espoir : autour de la jeune Allemande interprétée par Merle Oberon, le groupe qui se forme pour enquêter est constitué d’un Américain (Robert Ryan, formidable comme toujours), d’un Français, d’un Anglais et d’un Soviétique.

Les quatre vainqueurs, qui se sont partagés l’Allemagne dans cet immédiat après-guerre, poussés à unir leurs forces et à fraterniser… Le conflit mondial à peine terminé, et alors que la guerre froide n’en était pas encore une, Berlin Express est un film d’une grande lucidité, qui se permet une (petite) note d’optimisme. Nouveau chef d’œuvre, pour Tourneur.

La Flèche et le flambeau (The Flame and the Arrow) – de Jacques Tourneur – 1950

Posté : 26 mai, 2015 @ 4:43 dans 1950-1959, LANCASTER Burt, TOURNEUR Jacques | Pas de commentaires »

La Flèche et le flambeau

Les qualités athlétiques de Burt Lancaster et son passé de trapéziste n’ont jamais été si bien utilisés que dans ce superbe film d’aventures en Technicolor. Décidément à l’aise dans tous les genres, Jacques Tourneur signe un film dans la droite lignée des Aventures de Robin des Bois (dont le film utilise d’ailleurs une partie des décors), mais dont l’arrière-plan historique (la Lombardie du Moyen-Âge) semble n’être qu’un prétexte pour multiplier les scènes de bravoure dans lesquelles il s’ingénue à placer les arts du cirque au centre de l’action…

Un parti pris radical et joyeusement décalé que l’on sent guidé par le passé d’athlète circassien de Burt Lancaster, dans son premier grand rôle physique. Souriant et bondissant, il est tout à la fois l’âme, le cœur et le corps de ce grand spectacle romanesque et ouvertement excessif, dans lequel il saute, court, voltige, et utilise toutes les ficelles des arts du cirque les plus spectaculaires.

Au passage, Tourneur réussit quelques très belles scènes dramatiques, à commencer par un duel à l’épée entre Burt Lancaster et le traître. Banal, dans le cinéma d’aventure ? A cela près que Tourneur, après avoir fait monter la pression, plonge l’action dans l’obscurité la plus complète, rendant la violence de l’échange totalement invisible, et d’autant plus foudroyante.

Tourné en Technicolor, avec de magnifiques clairs-obscurs, La Flèche et le flambeau est un film d’aventure archétypal sur le papier. Mais ses partis-pris, et les nombreuses idées de mise en scène, en font une oeuvre visuelle totalement à part. Un pur spectacle cinématographique, pour un pur plaisir de spectateur.

* Le film existe en DVD chez Warner dans sa collection « Légendes du cinéma », avec en bonus deux courts métrages Warner Bros de 1950 : So you’re going to have an operation (avec George O’Hanlon dans le rôle de Joe McDoakes, héros d’une série de courts métrages), et le dessin animé Strife with Father.

Rendez-vous avec la peur (Night of the Demon) – de Jacques Tourneur – 1958

Posté : 27 février, 2015 @ 4:12 dans 1950-1959, FANTASTIQUE/SF, TOURNEUR Jacques | Pas de commentaires »

Rendez-vous avec la peur

Quinze ans après son triptyque produit par Val Lewton à la RKO, Jacques Tourneur, qui a entre-temps touché à tous les genres et souvent avec une grande réussite, revient au thème de la peur avec cette production anglaise qui prend le contre-pied des films d’horreurs de la Hammer alors en vogue (comme La Féline prenait le contre-pied des films d’épouvante de la Universal).

Mais si Rendez-vous avec la peur reprend le thème central de La Féline, Vaudou et L’Homme Léopard, les recettes utilisées sont assez radicalement différentes. Dans ses classiques des années 40, Tourneur jouait essentiellement sur l’invisible, sur la suggestion, sur les ombres… Ici, la peur est souvent marquée par l’irruption d’éléments troublants dans le quotidien. Une main sur une balustre, un clown qui entre soudainement dans le cadre, une fenêtre qui s’ouvre à grands bruits.

Des effets faciles ? Sur le papier, cela y ressemble, mais à l’écran, ces « éclats de peur » imparables servent surtout à installer un trouble de plus en plus tenace dans l’esprit du spectateur, et dans celui très cartésien du personnage central. Dans le rôle, Dana Andrews est fabuleux. Parce qu’il incarne une sorte de certitude simple et virile, et que sa fausse impassibilité laisse transparaître des fêlures et des doutes qui vont s’agrandissant.

Scientifique lancé dans une croisade contre l’ésotérisme et autres sciences occultes qu’il considère comme de la charlatanerie, il évolue dans un monde d’autant plus familier et quotidien qu’il est la plupart du temps filmé en plein jour, loin des zones d’ombre inquiétantes que la nuit procurait dans la trilogie RKO de Tourneur. C’est dans ce contexte qu’il est plongé dans un monde de cauchemar qui prend aux tripes et dont on ne sort pas intact.

Reste une question à laquelle je suis incapable de répondre clairement : avoir montré le monstre plutôt que le suggérer était-il une bonne idée ? D’un côté, le monstre (imposé par la production à un Tourneur très réticent), qui apparaît dès les premières minutes, paraît bien kitsh, et sa démarche n’est pas loin de faire sourire. Mais le fait d’afficher clairement la réalité de ce monde a priori invisible contribue à renforcer le malaise qui accompagne les certitudes de Dana Andrews. Avec ou sans monstre, Rendez-vous avec la peur est un chef d’œuvre.

La Féline (Cat People) – de Jacques Tourneur – 1942

Posté : 27 février, 2015 @ 4:04 dans 1940-1949, FANTASTIQUE/SF, TOURNEUR Jacques | Pas de commentaires »

La Féline

C’est un peu le maître étalon du film d’épouvante des années 40, le film qui a réinventé l’esthétique du genre, et représente le mieux la « marque » de la RKO. Suggérer plutôt que montrer… Prenant le contre-pied des films de monstre de la Universal, Jacques Tourneur et le producteur Val Lewton imaginent une autre forme de peur, basée sur l’imagination du spectateur.

La Féline est un film imparfait, qui n’évite pas certaines longueurs, et n’a pas la profondeur de Vaudou, autre film du tandem Lewton-Tourneur. Les personnages, d’ailleurs, manquent un peu de profondeur, à l’exception de celui de Simone Simon, dans le rôle de sa vie, qui la marquera à jamais. Fascinante, l’actrice trouve l’équilibre parfait entre l’innocence la plus pure et la hantise d’un mystérieux héritage.

Immigrée venue d’un pays de l’Est, son personnage est marqué par une vieille malédiction qui prive les jeunes femmes de vivre leurs histoires d’amour. Après une introduction pas vraiment palpitante, le film prend une autre dimension lorsque cet héritage mystérieux prend forme, avec l’apparition d’une femme au physique très félin dont l’unique mot prononcé dans une langue étrangère glace le sang…

C’est évidemment quand il s’agit d’évoquer la peur que le film touche au génie, dans une série de séquences étirées à l’extrême et absolument formidables. Celle de la piscine, surtout, est un véritable chef d’œuvre, jouant merveilleusement sur les ombres, les reflets de l’eau sur le plafond, et le son pour souligner la peur de la jeune femme menacée par une forme féline que l’on ne fera qu’entrapercevoir… et faire naître celle du spectateur.

Le choix de suggérer plutôt que de montrer fut sans doute dicté par les contraintes budgétaires du film (comme Minnelli le montrera dans Les Ensorcelés, clin d’œil à peine masqué au tournage de La Féline). Mais c’est bien ce choix qui fait de La Féline un monument du genre, malgré ses quelques faiblesses. Devant la caméra de Tourneur, un simple trottoir filmé de nuit devient le lieu le plus angoissant du monde ; un bureau familier se transforme en théâtre dont le moindre recoin devient menaçant…

Pour leur troisième film en commun, L’Homme Léopard (la référence féline est évidente) Tourneur et Lewton s’inscritont ouvertement dans la droite lignée de La Féline. Mais en ne gardant que l’approche presque théorique : en simplifiant l’intrigue à l’extrême, Tourneur proposera différentes manières de mettre en scène la peur. Le grand sujet de ce pan passionnant de sa carrière si riche.

•Un beau coffret collector deux DVD réunit les trois films RKO du duo Jacques Tourneur – Val Lawton (La Féline, Vaudou et L’Homme Léopard), avec un livret un peu léger et une poignée de documentaires et d’entretiens assez passionnants. Aux Editions Montparnasse.

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