Play it again, Sam

tout le cinéma que j’aime

Archive pour la catégorie 'DIETERLE William'

Le Cran d’arrêt (The Turning Point) – de William Dieterle – 1952

Posté : 20 janvier, 2020 @ 8:00 dans * Films noirs (1935-1959), 1950-1959, DIETERLE William | Pas de commentaires »

Le Cran d'arrêt

Voilà un noir méconnu qui regorge de belles idées et de belles ambitions, malgré sa durée modeste (1h20 montre en main). L’histoire d’un procureur idéaliste chargé de nettoyer la ville, où règne un puissant syndicat du crime.

Il y a quelque chose des Incorruptibles, avec trente-cinq ans d’avance, surtout que le « chevalier blanc » est aidé par un simple flic de la rue… Et on jurerait que la première scène dans laquelle se croisent ces deux-là (père et fils, ici) inspirera le film de De Palma.

Dieterle n’est pas le plus grand réalisateur de noir, mais il enchaîne les scènes les plus différentes, souvent loin des images attendues du genre.

Un meurtre en pleine rue, une longue séquence d’audience (très bien mise en scène), une course-poursuite à pied, l’explosion terrible d’un immeuble, un guet-apens tragique et tendu dans une salle de sport bondée… Il y a des tas de moments forts et mémorables qui font passer par toutes les émotions.

William Holden (le journaliste un peu cynique) et Edmond O’Brien (le procureur idéaliste) forment un duo passionnant. Et ils sont bien entourés : Ed Begley, Neville Brand… Que du bon dans ce petit noir étonnant.

Pékin Express (Pekin Express) – de William Dieterle – 1951

Posté : 10 janvier, 2020 @ 8:00 dans 1950-1959, DIETERLE William | Pas de commentaires »

Pékin Express

L’amour, la foi et la bonté, contre la haine, l’intolérance et la violence… Ou les valeurs belles et humanistes de la grande Amérique, contre le chaos qu’amène le communisme dans une Chine dirigée depuis peu par le Parti… Ce pseudo-remake du chef d’œuvre de Sternberg Shanghai Express ne fait pas vraiment dans la dentelle, dans sa manière de délivrer un message si souvent asséné par le Hollywood de ces années-là.

Un médecin pour qui toute vie est précieuse (Joseph Cotten, un peu absent par moments), la femme qu’il aime et qui est prête à se sacrifier pour lui (Corinne Calvet, belle mais jamais ni crédible, ni émouvante), et un prêtre bon et compréhensif et dépit de tout (le toujours sympa Edmund Gwen) d’un côté. De l’autre, un seigneur de la guerre sanguinaire derrière des abords suaves et un pilier du Parti obtus et colérique…

On peut comme ça multiplier les manières de résumer l’opposition binaire et caricaturale qui est au cœur du film, on en arrive toujours à la même conclusion : c’est binaire et caricatural. Manichéen au possible, simpliste, bref : douteux.

Seul le personnage de l’épouse du seigneur de guerre parvient à surprendre, et à séduire, en apportant une vraie humanité. C’est quand même un peu court pour faire oublier Marlene et la beauté sidérante du film de 1932. Même si William Dieterle s’en tire plutôt avec les honnête : sans transcender un scénario trop démonstratif et décidément trop simpliste, il signe un film de genre plutôt efficace, visiblement très inspiré par le film de Sternberg.

La filiation entre les deux films reste d’ailleurs l’aspect le plus intéressant de cette version 1951, en ce qu’elle montre comment l’image de la Chine a évolué à Hollywood. Quant à la présence centrale de ce train qui traverse un pays plein de dangers, elle permet à Dieterle de réussir quelques scènes d’atmosphère, les plus belles du film.

Le Portrait de Jennie (Portrait of Jennie) – de William Dieterle – 1948

Posté : 6 juillet, 2018 @ 8:00 dans 1940-1949, DIETERLE William, FANTASTIQUE/SF | Pas de commentaires »

Le Portrait de Jennie

Un peintre un peu raté rencontre erre dans un Central Park comme hors du temps. Il y rencontre une gamine qu’il décide de peindre. A chaque fois qu’il la revoit, la jeune fille a grandi. Jusqu’à devenir une jeune femme dont il tombe éperdument amoureux.

On pense au Portrait de Dorian Gray bien sûr, avec cette histoire qui joue sur les rapports troublants entre l’art et le temps qui passe, avec ici de superbes paradoxes. Mais on pense davantage encore à Rebecca, et ce n’est évidemment pas un hasard : le film porte la marque de son producteur David O. Selznick, qui tente ici de retrouver la magie du film d’Hitchcock.

Et il n’est pas loin d’y arrive avec ce film romanesque, envoûtant et très ambitieux, où le fantastique n’est, cette fois, pas uniquement évoqué mais abordé frontalement. Qui est cette fillette qui semble sortir du passé et qui grandit à chaque retrouvaille ? Un miracle né de l’art du peintre ? Celui de l’amour ? Celui de son imagination ? Ou simplement une curiosité de l’espace-temps ?

Peu importe bien sûr. Tout est lié, et intimement encore : l’amour, l’art, la vie, l’inspiration de l’artiste… Le plus beau dans ce film, c’est la manière dont les doutes, les errances ou les tourments du peintre influent sur l’atmosphère, souvent feutrée et envoûtante. Dans le rôle du peintre, Joseph Cotten est, comme toujours, très bien, d’une sobriété parfaite, et en même d’une grande profondeur, toute en nuances à peine perceptibles.

Face à lui, Jennifer Jones, protégée de Selznick, est parfaite également, troublante même dans sa manière d’être crédible en gamine autant qu’en jeune femme à la beauté presque insolente. Et quels seconds rôles : Ethel Barrymore émouvante en vieille fille au regard bouleversant ; David Wayne en garagiste philosophe et bonhomme ; et même Lilian Gish qui fait une apparition bien sympathique dans le rôle d’une nonne.

Dieterle, qui avait déjà touché au genre avec le très réussi The Devil and Daniel Webster, signe une mise en scène constamment inspirée, y compris dans le final audacieux et spectaculaire, morceau de bravoure qui, malgré des effets spéciaux qui ont forcément pas mal vieilli, garde toute sa puissance émotionnelle et poétique.

Montagne rouge (Red Mountain) – de William Dieterle (et John Farrow) – 1951

Posté : 1 mars, 2018 @ 8:00 dans 1950-1959, DIETERLE William, FARROW John, WESTERNS | Pas de commentaires »

Montagne rouge

Des tas de bonnes idées, quelques très beaux moments, un scénario bancal et des dialogues impossibles. Ce western imparfait a au moins le mérite de l’originalité. Pas dans les dialogues, donc, qui accumulent les poncifs et les grandes tirades patriotiques. Pas non plus pour la psychologie des personnages, franchement discutables. Mais pour les situations inattendues et une certaine ambition dans la mise en scène.

Le film renouvelle ainsi le thème éternel de la rivalité amoureuse. Lisbeth Scott est ainsi ballottée entre son fiancé Arthur Kennedy et celui qui est à la source de leurs ennuis : Alan Ladd. Ce dernier brouille les pistes, dans la première partie. Après avoir sauvé Kennedy du lynchage, on découvre qu’il est le responsable du meurtre pour lequel son nouveau compagnon a été condamné sans procès. Avant d’apprendre qu’il est un soldat sudiste sur le point de rejoindre la bande sanguinaire de Quantrill (joué par John Ireland).

Toujours impec, Ladd forme un beau duo antagoniste avec Arthur Kennedy (acteur parfait), constamment sur le point de s’entre-tuer, mais dont on devine l’amitié qui aurait pu les lier s’il n’y avait cette violence omniprésente… et la belle Lisbeth entre eux. Toute la première partie joue constamment sur le renversement des situations : l’un passe de sauveur à geôlier, l’autre de la reconnaissance à la haine… Et puis il y a Lisbeth Scott, donc, femme forte qui a bien des égards domine l’action, loin des personnages habituels de femmes dans les westerns.

La Main qui venge (Dark City) – de William Dieterle – 1950

Posté : 9 juillet, 2017 @ 8:00 dans * Films noirs (1935-1959), 1950-1959, DIETERLE William | Pas de commentaires »

La Main qui venge

Un petit noir méconnu au scénario formidable… mais qui aurait mérité un cinéaste un peu plus excitant que William Dieterle, honnête faiseur dont la mise en scène reste la plupart du temps très anonyme, avec toutefois quelques belles fulgurances, et une poignée de séquences franchement effrayantes. C’est dans ce registre que Dieterle se révèle le plus à l’aise, comme si même ces moments de pur suspense étaient les seuls qui l’intéressaient vraiment.

Il y a notamment une séquence très efficace dans la chambre minable d’un Ed Begley formidable en petit malfrat vieillissant et pathétique, terrorisé à l’idée de la mort qui le guette. C’est aussi dans ces scènes que se marient le mieux la forme et le fond, avec cette volonté de ne pas magnifier ces anti-héros, d’en faire des gangster magnifiques : ce sont au contraire d’authentiques minables, fauchés, sans avenir et sans ambition.

Si Ed Begley est franchement excellent, Charlton Heston n’est pas mal non plus en sale type qui peine à comprendre ce qu’il est vraiment, se justifiant sans en avoir l’air devant la veuve de sa « victime » : ce brave type dont lui et ses potes de misère ont profité lors d’une partie de poker qui a viré au jeu de dupe, jusqu’à le pousser à la mort.

Lizabeth Scott, elle, est la grande victime du film. Elle est irréprochable, et apporte même une émotion authentique à son personnage. Mais quel personnage ! Une chanteuse énamourée totalement soumise. Un personnage stéréotypé et improbable qui résume à lui seul toutes les limites du film.

La Corde de sable (Rope of Sand) – de William Dieterle – 1949

Posté : 26 avril, 2017 @ 8:00 dans 1940-1949, DIETERLE William, LANCASTER Burt | Pas de commentaires »

La Corde de sable

Paul Henreid, Claude Rains, Peter Lorre, l’Afrique, l’amour, l’aventure… On jurerait que le producteur Hal B. Wallis a voulu renouer avec le succès de son Casablanca. Et on ne serait pas surpris outre-mesure d’apprendre que le rôle tenu finalement par Burt Lancaster avait d’abord été proposé à Bogart…

D’ailleurs, cette parenté évidente semble à peu près la seule raison qui explique la présence de Peter Lorre, étrange et fugitive apparition qui semble n’être que là que pour clarifier le passé du personnage joué par Lancaster, avant un flash-back tout aussi explicite qui répétera la même chose en images, confirmant ainsi que ce second rôle ne sert pas à grand-chose.

Et pourtant on le guette, Lorre, comme une figure familière et pleine de mystère à la fois. Ses trop rares apparitions finissent même par donner une couleur originale à ce film d’aventures par ailleurs pas exempt de défauts, s’imposant au final comme une sorte de chœur antique bienveillant.

Les défauts tiennent essentiellement aux personnages d’ailleurs, pas complètement convaincants, pas suffisamment mystérieux. Lancaster est parfait en pur anti-héros de film noir, jeune homme obstiné et plein de rage. Henreid, lui, surjoue un tantinet le caractère odieux de son personnage, tandis que Rains déroule son interprétation suave et machiavélique.

Mais même sans surprise, ces acteurs restent réjouissants. Ajoutez les apparitions de gueules comme Sam Jaffe ou Mike Mazurki, de bien belles images nocturnes, une impressionnantes bagarres en pleine tempête de sable, et quelques dialogues épatants (« L’argent aurait-il perdu toute sa valeur ? » s’étonne Claude Rains lorsque l’ami Burt propose de lui rendre les diamants pour sauver sa belle Corinne Calvet)… La Corde de sable est un divertissement qui n’arrive certes pas à la cheville de Casablanca, mais qui se déguste avec un vrai plaisir.

Duel au soleil (Duel in the sun) – de King Vidor (et William Dieterle, Otto Brower, B. Reeves Eason, Chester Franklin, Josef Von Sternberg, Hal Kern et William Cameron Menzies) – 1946

Posté : 22 mai, 2014 @ 2:07 dans 1940-1949, BROWER Otto, DIETERLE William, EASON B. Reeves, FRANKLIN Chester M., KERN Hal, MENZIES William Cameron, VIDOR King, VON STERNBERG Josef, WESTERNS | Pas de commentaires »

Duel au soleil

Signé King Vidor, ce monument du western est sans doute, avant tout, l’œuvre du producteur David O. Selznick, comme Autant en emporte le vent quelques années plus tôt. Duel au soleil est en tout cas un exemple extrême mais passionnant de ce qu’était la paternité d’un film durant la grande époque des studios hollywoodiens. Vidor, qui a fini par quitter le tournage (au très long cours) suite à ses innombrables désaccords avec Selznick, a certes réalisé la plus grande partie du film. Mais il n’est pas le seul réalisateur à y avoir travaillé : William Dieterle en a probablement réalisé une partie non négligeable, tout comme Otto Bower. Et d’autres ont réalisés quelques scènes, ou quelques plans : William Cameron Menzies, Chester Franklin, Hal Kern, B. Reeves Eason, et même Josef Von Sternberg.

Mais les décisions, c’était bien Selznick qui les prenait, transformant peu à peu ce qui devait être un petit western tragique et romanesque en une immense fresque démesurée, que le producteur voyait comme le pendant westernien de Gone with the wind. Une œuvre marquée par la fascination que le producteur avait pour son actrice – et fiancée – Jennifer Jones, magnifiée et d’une sensualité torride tout au long d’un film gorgé de soleil, de désir et de sang.

C’est la quintessence du grand spectacle. Avec ce film, Selznik et Vidor (même s’il ne peut être considéré comme l’auteur du film, le réalisateur a donné une forme aux visions du producteur) ont pris le parti de ne pas tourner le dos aux poncifs hollywoodiens, mais au contraire de les prendre à bras le corps et de les élever au rang de grand art. On a ainsi droit à des couchers de soleil d’un rouge éclatant, à une musique tonitruante et romantique (partition impressionnante de Dimitri Tiomkin), à des histoires d’amour à mort…

A la vraisemblance, producteur et réalisateurs préfèrent le spectaculaire, transformant la moindre scène en ce qui pourrait être l’apothéose du film. Une séquence aussi anodine que l’arrivée de Pearl (Jennifer Jones) dans le ranch devient un passage grandiose à la Rebecca (une autre production Selznick). Un simple gros plan de Joseph Cotten et sa fiancée (Joan Tetzel) devient un grand moment de cinéma : la caméra ne bouge pas, mais le train sur lequel ils se trouvent se met en route et s’éloigne, transformant le gros plan en un beau plan large…

Tout est exagéré dans le film : chaque éclairage, chaque plan, les vastes mouvements de caméras qui soulignent l’ampleur de l’entreprise (la scène du saloon au début du film, l’arrivée du chemin de fer, la grande fête dans le domaine…), la présence de centaines de figurants dans certaines scènes, les émotions, les situations, les sentiments, et même ce final mythique qui flirte constamment avec le ridicule.

Sauf que rien n’est ridicule bien sûr, et tout est sublime, déchirant. Bouleversante, l’histoire de cette métisse, Pearl, tiraillée entre sa volonté de mener une vie honnête auprès du gentil frère (Cotten) et son désir presque animal pour cet autre frère rustre et brutal (Gregory Peck), luttant entre le modèle de ce père droit et aimant mort pour sauver son honneur (Herbert Marshall) et l’héritage de cette mère aux mœurs légères qui couchait avec le premier venu.

De ce western à l’histoire finalement assez classique, Selznick & co tirent une sorte de tragédie shakespearienne bouleversante qui est aussi un condensé magnifié de ce que sait faire l’usine à rêve hollywoodienne. Ce n’est pas un hasard si le casting réunit à la fois de jeunes stars en vogue des années 40 (Jennifer Jones, Gregory Peck, Joseph Cotten), et des mythes des premières années d’Hollywood (Lillian Gish, Harry Carey, Lionel Barrymore). Une somme, et un chef d’œuvre…

The Devil and Daniel Webster / Tout l’argent de la Terre (The Devil and Daniel Webster / All that money can buy) – de William Dieterle – 1941

Posté : 24 août, 2010 @ 1:14 dans 1940-1949, DIETERLE William, FANTASTIQUE/SF | Pas de commentaires »

The Devil and Daniel Webster / Tout l'argent de la Terre (The Devil and Daniel Webster / All that money can buy) - de William Dieterle - 1941 dans 1940-1949 the-devil-and-daniel-webster

C’est étonnant de voir à quel point le mythe de Faust a inspiré le meilleur aux plus grands cinéastes : le Faust de Murnau, La Main du Diable de Tourneur (Maurice), Le Portrait de Dorian Gray d’Albert Lewin… Autant de chef-d’œuvre absolus auxquels il faut désormais ajouter ce film longtemps « maudit » de William Dieterle, que l’éditeur Carlotta (dont je ne louerais jamais assez les mérites) permet enfin de découvrir dans de bonnes conditions : depuis les années 40, il n’existait plus de copie complète de The Devil and Daniel Webster, que les producteurs avaient décidé de charcuter consciencieusement après son échec sans appel lors de sa sortie. On ne faisait pas vraiment de sentiment, à l’époque des Studios… Longtemps jugé irrécupérable, la version complète du film serait sans doute restée perdue à jamais pour le grand public, sans le DVD et la volonté de quelques éditeurs cinéphiles.

Et la perte aurait été immense : le film est une pure merveille, dont les images sont comme autant de tableaux magnifiquement composés, qui illustrent parfaitement toutes les étapes de ce film étonnamment riche. Aucune fausse note dans l’inspiration de Dieterle, qui réussit aussi bien les nombreuses séquences bucoliques (de jolies scènes qui montrent à quel point il est bon, mais difficile, de travailler la terre) que cette lente plongée du héros vers la folie, et même les scènes finales du procès avec un jury de damnés. Ces scènes étaient franchement casse-gueules, et menaçaient à la moindre maladresse de tomber dans le grand-guignol ; mais non, en tenant tout du long la note juste, Dieterle réussit de grands moments de cinéma. Sur un plan purement esthétique, The Devil… n’a rien à envier au film de Murnau (d’autant plus que la construction dramatique est un modèle de cinéma, avec une montée du suspense particulièrement efficace). Sur le fond non plus.

L’histoire en elle-même n’a rien de révolutionnaire. Dans la Nouvelle Angleterre de 1840, un brave fermier, Jabez Stone, peine à faire vivre convenablement sa femme et sa mère. Il accepte alors de vendre son âme au Diable (interprété avec jubilation par un Walter Huston décidément capable de tout jouer) en échange de sept années de chance et de fortune. Mais plus il s’enrichit, plus son cœur se durcit… jusqu’au point de non retour.

Pourtant, le film de William Dieterle ne ressemble à aucun autre. Le cinéaste y mêle avec bonheur deux thèmes très forts et a priori sans rapport l’un avec l’autre : le mythe de Faust et une valorisation de l’Amérique rurale et des grandes valeurs sur lesquelles le pays s’est construit. The Devil… c’est la rencontre entre Goethe et le Capra de Monsieur Smith au Sénat. Rencontre improbable, mais qui apparaît comme une évidence devant la caméra de Dieterle. Le réalisateur dresse un parallèle audacieux, mais d’une sincérité qui pousse au respect, entre la damnation et la trahison de ces valeurs américaines.

Le film rappelle que les cinéastes d’origine européenne ont souvent été les plus Américains des réalisateurs américains. Comme Fritz Lang, Robert Siodmak, Michael Curtiz ou Billy Wilder, William Dieterle a fuit la montée du nazisme dans les années 30. Et comme eux, il s’est souvent approprié les genres hollywoodiens, brandissant avec une foi inébranlable les grandes valeurs américaines. Souvent avec un discours critique, mais avec une sincérité qu’on ne peut pas remettre en question. Pour Dieterle, l’Amérique représentait l’ouverture et la vertu, contrepoint absolu à la montée de la haine et de l’intolérance dans cette Europe qu’il a fui… Humaniste engagé, le cinéaste n’allait pas tarder à connaître un cruel retour de bâton : il sera l’une des principales victimes de la Chasse aux Sorcières, son engagement étant jugé suspect.

Mais cet humanisme fait toute la force du film, notamment par le personnage de Daniel Webster, grand homme politique qui n’hésite pas à sacrifier ses ambitions personnelles pour défendre ce en quoi il croit. Simple hasard, ou clin d’œil volontaire ? Daniel Webster est interprété par Edward Arnold, un habitué des comédies humanistes de Capra. Le choix des acteurs fait aussi partie de la grande réussite du film. Et là non plus, pas la moindre fausse note : autour du méconnu James Craig dans le rôle de Jabez Stone, et de la craquante Anne Shirley dans celui de sa douce épouse, on retrouve quelques visages familiers du cinéma américain de cette époque : Arnold et Huston, donc, mais aussi Simone Simon (La Féline, bien sûr), et surtout deux acteurs « fordiens » inoubliables : Jane Darwell (la Ma Joad des Raisins de la Colère) et John Qualen (second rôle incontournable des films de Ford pendant plus de trente ans, de Arrowsmith aux Cheyennes), génial dans le rôle de l’usurier.

Ces seconds rôles contribuent eux aussi à faire de The Devil and Daniel Webster un moment rare de cinéma. Du pur bonheur à recommander sans la moindre retenue…

• Fidèle à son habitude, Carlotta présente le film dans une très belle édition, qui ne propose que des bonus passionnants, notamment un épisode de la série anthologique Screen Directors Playhouse qui, au milieu des années 50, proposait à d’importants réalisateurs hollywoodiens, de réaliser un court métrage d’une trentaine de minutes. L’éditeur avait déjà proposé deux épisodes signés Allan Dwan dans le très beau coffret réunissant sept de ses films (dont je reparlerai immanquablement dans ces colonnes), sorti il y a quelques mois. L’épisode signé Dieterle n’est certes pas un moment inoubliable de l’histoire de la télévision, mais on le découvre tout de même avec une vraie curiosité.

 

Kiefer Sutherland Filmographie |
LE PIANO un film de Lévon ... |
Twilight, The vampire diari... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | CABINE OF THE DEAD
| film streaming
| inderalfr