Quatre tueurs et une fille (Four guns to the border) – de Richard Carlson – 1954
Les quatre tueurs du titre n’ont de tueur que la réputation, et encore : dès la séquence d’ouverture, casse foireux d’un saloon dont le coffre-fort est vide, ce petit western tombé dans l’oubli nous présente un quatuor fort sympathique et guère reluisant de pied-nickelés qui n’ont pas l’air bien dangereux. Des vagabonds qui n’ont rien en commun les uns avec les autres (un indien, un homme vieillissant, une brute au grand cœur, et leur chef), si ce n’est une fidélité et un sens de l’amitié bien affirmé.
Acteur devenu réalisateur, Richard Carlson dirige déjà son acteur de L’Implacable poursuite, Rory Calhoun, pour le rôle principal de ce western au scénario plutôt original et inventif, qui entremêle habilement tous les ingrédients du genre en un seul mouvement d’une belle fluidité : le braquage d’une banque, la poursuite dans le désert, la menace des Indiens, l’affrontement de deux anciens amis désormais séparés par la loi…
Rory Calhoun trouve, mine de rien, l’un de ses très beaux rôles. Apparemment simple et sans grand relief, son personnage révèle toute sa complexité au fil du film : un homme à la croisée des chemins, vivant dans le présent, mais tiraillé par son passé et indécis quant à son avenir. Rien de psychologisant ici : cette pure série B se résume à l’essentiel. Mais le scénario est suffisamment fin pour en dire beaucoup, avec peu de mots.
Quant à la mise en scène, elle alterne le très bon et le franchement anonyme. Face à ses très beaux paysages, Carlson marque ses limites de cinéaste, tranchant d’une manière très nette avec le génie d’un Anthony Mann. Mais l’acteur-réalisateur est nettement plus inspiré par ses personnages, en particulier lorsqu’ils sont en groupe. Cela donne des moments plein d’énergie : la bagarre au milieu de la foule, mais aussi des passages moins spectaculaires, mais tout aussi dynamiques : les nombreux plans où apparaissent ensemble les quatre amis sont ainsi tous parfaitement mis en scène.
Carlson réunit une belle distribution autour de Calhoun. George Nader dans le rôle de son « meilleur ennemi », mais aussi deux gueules incontournables du western, John McIntire et Walter Brennan. On le sent surtout fasciné par son actrice, Colleen Miller, petite sauvageonne dont il met systématiquement en valeur les formes et la sexualité qui ne demande qu’à éclore, la filmant en nuisette sous la pluie battante, ou dans des tenues arrachées… La première étreinte entre elle et Rory Calhoun, dans la grange sous l’orage, est d’une belle sensualité.
• Le film vient d’être édité chez Sidonis dans l’incontournable collection « Westerns de Légende », avec une présentation par Patrick Brion.