American Bluff (American Hustle) – de David O. Russell – 2013
David O. Russell est un cinéaste sous influences. Celles d’American Bluff sont évidentes, Les Affranchis et Ocean’s Eleven en tête. Deux références qui imposent leur marque, leur ton, leur rythme à ce film dont on s’attend d’emblée à ce qu’il aille très loin dans le noir.
Si la construction et le décor évoquent furieusement le chef d’œuvre de Scorsese, et malgré l’apparition lors d’une unique scène d’un Robert De Niro glaçant en figure de la mafia, American Bluff est curieusement dénué de toute violence physique. On sent pourtant la menace constante, mais jamais les gangsters ne lèvent le doigt sur qui que ce soit, à l’exception d’une virée punitive en voiture qu’on a du mal à prendre au sérieux.
Finalement, la seule explosion de violence vient de celui des personnages principaux qui est censé représenter la loi. J’ai nommé Bradley Cooper, acteur généralement pas bien passionnant, mais ici assez épatant en agent du FBI plus ambitieux que talentueux, jeune loup un rien ridicule que Cooper interprète avec une certaine autodérision, mais aussi avec une belle retenue.
Christian Bale est lui carrément génial en arnaqueur embarqué malgré lui dans une histoire trop ambitieuse et trop dangereuse pour lui. A la fois magnifique et pathétique. Sa première apparition laissait pourtant craindre le pire, la caméra dévoilant sa bedaine énorme et son crâne dégarni lors d’une longue séquence d’ouverture sur le thème « regarde jusqu’où je vais pour ce rôle, si j’ai pas un Oscar avec ça bah merde. » Un rien complaisant.
David O. Russell n’est pas tout à fait à la hauteur d’un Soderbergh pour instaurer une ambiance. Et surtout pas au niveau d’un Scorsese dont il se contente souvent de singer le style. Mais il est un formidable directeur d’acteurs, qui pousse ses interprètes très loins sans jamais les laisser tomber dans le cabotinage. Jeremy Renner réussit ainsi à être aussi expensif que touchant. Amy Adams est elle aussi parfaite en arnaqueuse très sûre d’elle qui bouleverse lorsque son armure se fissure. Quant à Jennifer Lawrence, elle est magnifique en paumée alcoolique et un rien idiote.
Finalement, American Bluff, film d’atmosphère au scénario particulièrement retors, est avant tout un grand film d’acteurs.
* DVD chez Metropolitan, avec en bonus une vingtaine de minutes de scènes coupées, et un making of promotionnel assez anodin.