La Crise est finie – de Robert Siodmak – 1934
La filmographie de Robert Siodmak est un coffre aux trésors qui ne cesse de surprendre. Le futur réalisateur des Tueurs et d’autres chefs d’œuvre du film noir hollywoodien a eu plusieurs vies, et l’une d’elles l’a amenée en France, où il a signé une poignée de films très recommandables, voire formidables (Mollenard, une merveille). La Crise est finie, l’un des premiers qu’il tourne chez nous, n’est pas le plus connu. Il est peut-être le plus surprenant.
Une opérette : voilà ce que Siodmak, dont le nom évoque plutôt des atmosphères très sombres, et très pessimistes, réalise avec ce film, adapté d’une nouvelle de son frère Curt. Une opérette comme on en tourne à la douzaine à cette époque en France, et avec des habitués du genre : Danielle Darrieux et Albert Préjean.
C’est surtout pour la première que je me suis lancé dans cette Crise… joyeuse. Mais le film est tout à la gloire du second, Préjean, sans surprise mais plein de vie. Il est presque de toutes les scènes, et surtout de tous les morceaux de bravoure, c’est à dire les moments chantés qui rythment le film. Joyeux, surtout quand il chante « la crise est fini-e » (le e prononcé est important), avec une conviction contagieuse.
Darrieux, elle, se contente de promener son joli minois, sans avoir grand-chose à jouer tant son personnage (comme tous les autres personnages d’ailleurs) est monobloc et sans aspérité. Le scénario, d’ailleurs, ressemble à tant d’autres, vagues prétextes pour des bluettes musicales, romantiques et chantantes sans grands enjeux.
La Crise est finie est clairement dans ce registre. On y prend pourtant un grand plaisir, grâce au rythme et à l’ambition de la mise en scène, ample et généreuse. Et grâce à l’émotion, assez inattendue, qu’insuffle Siodmak, notamment avec le personnage quasi-muet de la mère de Darrieux, dont les apparitions sont comme des rappels de la simplicité et de la profondeur de la vraie vie.
Ce qui frappe aussi dans le film, c’est la beauté de la photo, contrastée et tout en ombres et en clairs obscurs. La Crise est finie est peut-être la comédie la plus innocente de Siodmak. Le film annonce pourtant, esthétiquement, la grandeur de son œuvre noire à venir.