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Archive pour la catégorie 'SIODMAK Robert'

La Crise est finie – de Robert Siodmak – 1934

Posté : 16 novembre, 2023 @ 8:00 dans 1930-1939, DARRIEUX Danielle, SIODMAK Robert | Pas de commentaires »

La Crise est finie

La filmographie de Robert Siodmak est un coffre aux trésors qui ne cesse de surprendre. Le futur réalisateur des Tueurs et d’autres chefs d’œuvre du film noir hollywoodien a eu plusieurs vies, et l’une d’elles l’a amenée en France, où il a signé une poignée de films très recommandables, voire formidables (Mollenard, une merveille). La Crise est finie, l’un des premiers qu’il tourne chez nous, n’est pas le plus connu. Il est peut-être le plus surprenant.

Une opérette : voilà ce que Siodmak, dont le nom évoque plutôt des atmosphères très sombres, et très pessimistes, réalise avec ce film, adapté d’une nouvelle de son frère Curt. Une opérette comme on en tourne à la douzaine à cette époque en France, et avec des habitués du genre : Danielle Darrieux et Albert Préjean.

C’est surtout pour la première que je me suis lancé dans cette Crise… joyeuse. Mais le film est tout à la gloire du second, Préjean, sans surprise mais plein de vie. Il est presque de toutes les scènes, et surtout de tous les morceaux de bravoure, c’est à dire les moments chantés qui rythment le film. Joyeux, surtout quand il chante « la crise est fini-e » (le e prononcé est important), avec une conviction contagieuse.

Darrieux, elle, se contente de promener son joli minois, sans avoir grand-chose à jouer tant son personnage (comme tous les autres personnages d’ailleurs) est monobloc et sans aspérité. Le scénario, d’ailleurs, ressemble à tant d’autres, vagues prétextes pour des bluettes musicales, romantiques et chantantes sans grands enjeux.

La Crise est finie est clairement dans ce registre. On y prend pourtant un grand plaisir, grâce au rythme et à l’ambition de la mise en scène, ample et généreuse. Et grâce à l’émotion, assez inattendue, qu’insuffle Siodmak, notamment avec le personnage quasi-muet de la mère de Darrieux, dont les apparitions sont comme des rappels de la simplicité et de la profondeur de la vraie vie.

Ce qui frappe aussi dans le film, c’est la beauté de la photo, contrastée et tout en ombres et en clairs obscurs. La Crise est finie est peut-être la comédie la plus innocente de Siodmak. Le film annonce pourtant, esthétiquement, la grandeur de son œuvre noire à venir.

La Double Enigme (The Dark Mirror) – de Robert Siodmak – 1946

Posté : 13 octobre, 2023 @ 8:00 dans * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, SIODMAK Robert | Pas de commentaires »

La Double Enigme

Il y a eu un meurtre, et le flic joué par le bonhomme Thomas Mitchell en est persuadé : il a été commis par la jolie Olivia De Havilland. L’affaire est pliée ? Ben non, elle ne fait que commencer : parce que dans la douce Melanie d’Autant en emporte le vent, après avoir claqué la porte de la Warner, est en quête de reconnaissance et de rôles dramatiques forts, et que cette quête passe par un rôle double.

En clair : Olivia incarne deux sœurs jumelles. Et non seulement le bon Thomas ne sait pas laquelle des deux est le tueur, mais il a la plupart du temps un doute sur l’identité de la sœur qu’il a face à lui, conscient d’être le jouet de leurs tromperies assumées. Siodmak s’en amuse et multiplie les fausses pistes. Et plus les deux semblent interchangeables, plus leurs personnalités respectives se renforcent, paradoxalement.

C’est malin, et assez vertigineux, mais l’exercice a ses limites. Techniquement, c’est assez bluffant, pas loin d’être parfait. Mais lorsqu’il s’agit de différencier les deux sœurs, Siodmak utilise des petits trucs tout discrets qui font un peu bondir : un bon gros collier avec le nom de ladite sœur par exemple, ce qui, même à une époque où on ne peut vraiment pas compter sur les effets spéciaux numériques, a tendance à nous tirer un sourire crispé.

Le film flirte aussi avec l’image du psychanalyste qui tombe amoureux de la suspecte qui est aussi un sujet d’étude, comme le Spellbound d’Hitchcock sorti l’année précédente. Sur ce point là au moins, The Dark Mirror est quand même très loin de son modèle, avec un Lew Ayres assez peu crédible en psy aux méthodes étonnantes (la faute au scénar, pas à l’acteur).

Mineur, donc, mais c’est, donc, Robert Siodmak derrière la caméra, alors au sommet de sa carrière hollywoodienne (il vient de tourner Les Tueurs). Dès la séquence d’ouverture, où l’on découvre le corps de la victime, le savoir-faire du cinéaste est là, et sa capacité à créer une atmosphère. Mineur, oui, mais prenant. Et amusant.

Les Rats (Die Ratten) – de Robert Siodmak – 1955

Posté : 14 septembre, 2023 @ 8:00 dans 1950-1959, SIODMAK Robert | Pas de commentaires »

Les Rats

Les Tueurs, Criss Cross, La Proie… Robert Siodmak est un grand, un très grand réalisateur de films noirs américains. Mister Flow, Pièges, ou (et surtout) Mollenard… Siodmak est aussi un excellent réalisateur de films français sombres et intenses. Finalement, c’est la filmographie allemande de cet Allemand (né aux Etats-Unis) qui reste la plus obscure. Il y a pourtant commencé et terminé sa carrière. Les Rats y marque son retour, premier film qu’il tourne outre-Rhin depuis trente ans.

On n’est pas à proprement parler dans un film noir : pas de crime, pas de flic, pas (vraiment) de vamp. Mais l’atmosphère est bien là, faite d’ombres très profondes, de petits arrangements, de désespoir et d’une populace marquée par le destin. Le contexte – le Berlin tiraillé des années d’après-guerre – renforce cette impression de plonger dans les bas-fonds d’un no man’s land.

Mais pas de crime, donc. En tout cas pas tel qu’on l’imagine. Fondamentalement, c’est un pur et grand mélodrame que signe Siodmak, avec l’histoire de cette jeune femme paumée qui accepte (un peu forcée quand même) de céder le bébé qu’elle porte à une brave femme qui l’a aidée, et qui n’a pas su avouer à son (brave aussi) mari qu’elle avait perdu le bébé qu’elle-même portait. Une future mère célibataire à la rue, et une ex-future mère désespérée… Pas difficile d’imaginer le terrible arrangement qu’elles vont trouver, et les tout aussi terribles tiraillements qui vont suivre.

C’est donc un pur mélo sur le papier, digne des mélos hollywoodiens les plus indignes. A l’écran pourtant, Siodmak transforme cette histoire pesante en une peinture inspirée et très humaine d’une société rongée par la défaite et la difficulté de se reconstruire. Ce retour en Allemagne si tardif pour le cinéaste prend alors les allures d’une évidence, le point de vue du cinéaste revêtant une amertume qui semble intimement liée à la difficile reconstruction de son pays. Le savoir-faire hollywoodien en plus.

L’Oncle Harry (The Strange Affair of Uncle Harry) – de Robert Siodmak – 1945

Posté : 21 février, 2022 @ 8:00 dans * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, SIODMAK Robert | Pas de commentaires »

L'Oncle Harry

Entre Les Mains qui tuent et Les Tueurs, cet Oncle Harry n’est pas le film noir le plus connu de Siodmak, loin s’en faut. Pas le plus grand non plus, soyons franc : si réussi soit-il, si tendu soit-il, il n’a pas la puissance et la force visuelle des grands chefs d’œuvre américains du réalisateur. Mais quand même, si on occulte une fin probablement imposée, et qui semble même rajoutée in extremis pour calmer les ardeurs du code Hays sans soucis de cohérence, ce noir atypique est loin d’être anodin.

Les censeurs moralistes auraient d’ailleurs eu bien des raisons de pousser des cris devant cette histoire d’un vieux garçon issu d’une vieille famille, vivant dans une vieille maison, dans une vieille ville, entouré de ses deux sœurs et d’une bonne, dans une atmosphère étouffante. Ils auraient pu s’étrangler devant les rapports quasi-incestueux qu’entretient la plus jeune des sœurs avec ce grand frère qu’elle refuse de voir quitter le nid familial. Ou devant l’irruption de cette jeune femme trop libre qui revendique le droit de recevoir un homme dans sa chambre d’hôtel, à n’importe quelle heure…

Cette jeune femme, c’est Ella Raines, révélation des Mains qui tuent, et véritable rayon de soleil dans une vie bien terne : celle de « l’oncle Harry », héritier désargenté d’une vieille famille autrefois puissante, à qui il ne reste qu’une grande maison d’un autre temps, un nom, et les vestiges de traditions familiales. George Sanders est formidable dans ce rôle taillé pour lui, avec cette suavité, cette douce ironie et ce regard un peu triste qui le caractérisent. Un homme entre deux âges enfermé dans une relation castratrice avec la plus jeune de ses sœurs (Geraldine Fitzgerald), assez glaçante.

Siodmak a un talent fou pour filmer le sentiment d’enfermement. Sans jamais en faire trop, sans verser dans le sensationnalisme, juste par petites touches, il crée une atmosphère étouffante, pathétique et même menaçante, dont Sanders est une sorte de victime consentante, et qu’Ella Raines vient dynamiter. La manière dont cette dernière tient tête à la petite sœur Ellie, avec une insolente liberté, est réjouissante. La manière dont le personnage de Geraldine Fitzgerald encaisse est tout aussi remarquable, d’ailleurs.

Le film met en évidence la mesquinerie d’une petite ville où le ragot est une religion, et l’absurdité d’une vieille famille enfermée dans des principes d’un autre temps. Dommage, quand même, qu’il se termine sur cette fin dont je ne dirais rien : une mention dans le générique demande expressément au spectateur de ne pas la dévoiler. Alors…

Les Tueurs (The Killers) – de Robert Siodmak – 1946

Posté : 22 décembre, 2021 @ 8:00 dans * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, LANCASTER Burt, SIODMAK Robert | Pas de commentaires »

Les Tueurs

Il y a des classiques, comme ça, dont il est absolument impossible de se lasser. Les Tueurs en fait partie. On peut penser en avoir fait le tour, le connaître par cœur, et même claironner que Siodmak a fait mieux. Tiens : Criss Cross par exemple, n’est-il pas un film encore plus immense ? Et voilà qu’on le revoit, et qu’on est littéralement happé par l’atmosphère en quelques images et quelques notes de musique puissantes et envoûtantes, signées Miklós Rózsa.

La nuit, dans une petite ville américaine. Une rue sombre, deux hommes qui se dirigent vers un diner quasi-désert, que l’on croit tout droit sorti d’une toile de Hopper. Les deux s’installent au bar, et engagent un étrange dialogue avec le patron. On sent bien qu’ils ne sont pas là pour la réputation des « special » : ils ont la gueule de William Conrad et Charles McGraw. Ils ne tardent pas à dévoiler le but de leur visite : trouver et buter « le Suédois », simple contrat pour eux.

Cette seule scène inaugurale est un chef d’œuvre de mise en scène. Un chef d’œuvre d’écriture aussi. Pas surprenant d’ailleurs : c’est la seule partie adaptée de la nouvelle d’Ernest Hemingway, qui elle n’explique pas pourquoi le Suédois doit être abattu, et surtout pas pourquoi il ne fait rien pour échapper à ses tueurs. L’adaptation est fidèle au début, mais si elle restait fidèle jusqu’au bout, le mot fin apparaîtrait au bout de douze minutes…

On aurait à peine le temps de découvrir la gueule lasse de Burt Lancaster, jeune débutant dont c’est le premier film (le genre de débuts qui laisse pantois), et qui apporte d’emblée une intensité folle à son personnage, dont le film va retracer la trajectoire que l’on sait donc tragique, au fil de l’enquête menée par un agent des assurances joué par l’impeccable Edmond O’Brien : une construction en flash-back dans la droite lignée de Citizen Kane, et tout aussi brillante.

Répondre aux questions laissées en suspense par Hemingway était un pari audacieux. Le scénario d’Anthony Veiller (avec la participation de John Huston et Richard Brooks) fait mieux que réussir ce pari. Il fait des Tueurs l’un des modèles du film noir, une spirale infernale et tragique où chaque élément de l’enquête ajoute à l’intensité du film.

La construction du film y est pour beaucoup, avec cette manière d’enrichir peu à peu chaque personnage, tous parfaitement écrits, et interprétés. Albert Dekker, Sam Levene, Jack Lambert… et Ava Gardner bien sûr, en vamp d’anthologie, l’une des garces les plus mémorables du film noir. Le casting est formidable. La direction d’acteurs aussi : tout est dans les détails dans le cinéma de Siodmak. La nonchalance des tueurs au début du film, le flic qui reçoit l’enquêteur sur sa terrasse un pinceau à la main… Des petits décalages, comme ça, qui donnent un réalisme étonnant au film.

Visuellement, c’est une splendeur, avec des scènes de boxe très stylisées, des séquences nocturnes tout en ombres et en hors-champs. Pourtant, c’est bien cette sensation de réalité qui se dégage du film, pure merveille, pur chef d’œuvre.

Mollenard – de Robert Siodmak – 1938

Posté : 6 mars, 2020 @ 8:00 dans 1930-1939, SIODMAK Robert | Pas de commentaires »

Mollenard

Ballotté par l’Histoire, l’Allemand Robert Siodmak est arrivé en 1933 pour fuir le nazisme. Il en est reparti six ans plus tard pour les mêmes raisons, direction Hollywood. Il n’est pas le seul dans ce cas, mais ils sont rares les cinéastes qui ont su comme lui s’adapter aussi bien aux différents systèmes de production, et aux différentes cultures.

Non seulement Siodmak a signé des chefs d’œuvre en France comme en Amérique, mais il y a signé des chefs d’œuvre totalement français ou américains. Pas des œuvres dont on pourrait devenir qu’elles sont d’un auteur allemand. C’est le cas de Mollenard, peut-être son meilleur film français : un grand film totalement de son époque, quintessence de ce que le cinéma français pouvait faire de mieux.

Il y a dans Mollenard une ampleur rare, un mélange des genres aussi audacieux que passionnant. La moitié de l’intrigue se déroule au-delà des Océans, en Extrême-Orient où le commandant de paquebot Mollenard (Harry Baur) tente de se sortir des ennuis que lui ont procuré son trafic d’armes.

Un pur film d’aventures exotiques, sur fond de guerre sino-japonaise, avec meurtres (celui de You le Chinois, plaqué à une planche à la proue d’une barque, est particulièrement marquant parce que lapidaire et inattendu), suspense, fusillades, beuveries et filles faciles. Toute une atmosphère, et un sentiment de camaraderie viril entre le commandant Mollenard et ses hommes, particulièrement son second, joué par Albert Préjean, dont les gestes à peine esquissés disent beaucoup de l’affection qu’il a pour le commandant.

Pourtant, c’est loin de là que Siodmak et Oscar-Paul Gilbert (autour du roman original et scénariste avec Charles Spaak) décident de commencer le film : avec la femme acariâtre de Mollenard, que joue la grande Gabrielle Dorziat. Une femme odieuse et castratrice, qui représente tout ce que Mollenard fuit désespérément dans cette vie d’aventures. Et tout ce que le destin lui réserve comme saloperie…

Terrible face-à-face, cruel et douloureux, entre ces deux acteurs formidables. Grand film de caractère aussi, avec des seconds rôles comme on les aime, de Pierre Renoir à Dalio en passant par Jacques Baumer. Grand film d’atmosphère, grand film dramatique, grand film tout court.

Pièges – de Robert Siodmak – 1939

Posté : 16 novembre, 2018 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1930-1939, COMEDIES MUSICALES, SIODMAK Robert | Pas de commentaires »

Pièges

« La chance est une femelle. J’ai su la dompter. » C’est Maurice Chevalier qui balance cette réplique dans Pièges. Hallucinant bien sûr, à une époque (aujourd’hui) où je n’ose même pas écrire que cette réplique m’a fait rire. Mais particulièrement éloquent, parce que derrière le côté charmeur (et il a un charme fou) de Chevalier, le film montre que l’égalité des sexes est un leurre, dont personne ici n’est vraiment dupe.

Siodmak est dans sa période française, avant donc les grands chefs d’oeuvre noirs qu’il signera à Hollywood. Mais on sent déjà le grand auteur de film noir, dans sa manière de créer des atmosphères angoissantes avec les jeux d’ombres qui dominent, ou qui tremblent à la lueur du feu.

Surtout, le film est admirable dans sa capacité à passer de la plus grande légèreté à la gravité la plus lourde. D’une comédie tirant sur le musical, avec deux numéros chantés réjouissants de Maurice Chevalier, à un drame sombre et à une histoire de tueur en série.

Pièges est pourtant, d’une remarquable cohérence, une sorte de condensé des émotions humaines où la lumière et l’ombre ne sont jamais très loin l’une de l’autre. La légèreté qui semble dominer dans la première partie n’est jamais dénuée d’une certaine violence des sentiments. Les rapports hommes-femmes sont ainsi particulièrement rudes.

Remarquable aussi, la construction en épisodes successifs. Marie Déa, danseuse transformée en suppléante de la police, rencontre tour à tour différents hommes qui recherchent des femmes seules par petites annonces. Les rencontres sont parfois amusantes, parfois inquiétantes, parfois déstabilisantes comme Erich Von Stroheim qui organise un défilé devant un parterre… de chaises vides.

OK, on voit venir le dénouement d’assez loin. Mais ce mélange de comédie, de drame et de suspense fonctionne formidablement bien. Et les comédiens sont tous formidables. Pierre Renoir bien sûr, mais Maurice Chevalier aussi. Et surtout. Plus que Marie Déa, parfaite, c’est lui qui donne le ton au film. Son apparition tardive donne un rythme fou. Il cabotine ? A peine, et avec une justesse totale.

La Femme à l’écharpe pailletée (The File on Thelma Jordon) – de Robert Siodmak – 1950

Posté : 17 avril, 2017 @ 8:00 dans * Films noirs (1935-1959), 1950-1959, SIODMAK Robert, STANWYCK Barbara | Pas de commentaires »

La Femme à l'écharpe pailletée

Robert Siodmak est décidément l’un des très grands lorsqu’il s’agit de créer une ambiance de film noir, de faire résonner mine de rien ces petits sons du destin en marche. Le cinéaste est alors au sommet : il vient de tourner le sublime Criss Cross. Pourtant, Thelma Jordon sera l’un de ses derniers films à Hollywood, avant son retour en Allemagne.

Le film n’est peut-être pas tout à fait à la hauteur de ses grands chefs d’œuvre (Les Tueurs ou La Proie, aussi) : il y a un côté un peu convenu à cette enième histoire du bon gars qui se fait manipuler par la femme fatale de service pour l’aider à accomplir ses sombres desseins. Dans le rôle de la poire, Wendell Corey (qui sera le flic, pote de James Stewart, dans Fenêtre sur cour). Dans celui de la belle vénéneuse, Barbara Stanwyck offre une variation plus nuancée et plus émouvante de son rôle de vamp absolu dans Double Indemnity.

Le film n’est peut-être pas le plus surprenant de la carrière de Siodmak, mais il confirme son talent exceptionnel, en particulier lors de la première partie, qui privilégie les scènes de nuit avec un travail remarquable sur les ombres et l’obscurité. La séquence du meurtre, surtout, est un modèle de tension, admirablement construite, d’autant plus impressionnante que la suite ne cessera d’y faire référence.

Suivent de longues scènes évoquant l’enquête, puis le procès. Une construction plutôt classique, donc, mais la beauté du film tient alors aux détails, à cette attention extrême que Siodmak semble porter au travail des enquêteurs, de la police scientifique, du procureur ou des avocats. Des petits riens parfois, comme ce flic occupé à relever une empreinte de pas dans la terre, ou une rangée de chapeaux accrochée près du box des jurés. Mais ces détails inhabituels donnent un certain réalisme qui renforce la dramaturgie de l’histoire.

Et puis si on n’est pas surpris de la prestation formidable de Barbara Stanwyck, jamais décevante, celle de Wendell Corey est nettement plus inattendue. Pour une fois premier rôle, il révèle de belles nuances. Son personnage, homme marié qui ne supporte plus l’omniprésence de son beau-père, est l’une des grandes réussites du film.

Mister Flow / Les Amants traqués – de Robert Siodmak – 1936

Posté : 6 novembre, 2015 @ 11:34 dans * Polars/noirs France, 1930-1939, SIODMAK Robert | Pas de commentaires »

Mister Flow

Dans les années 40, à Hollywood, Siodmak allait devenir l’un des très grands spécialistes du film noir, enchaînant les chefs d’œuvre intemporels aux atmosphères si fortes. En attendant, c’est en France que Siodmak s’est installé après avoir fui l’Allemagne d’Hitler et Goebels. Durant cette courte période (entre 1933 et 1940), Siodmak signe sept films dont ce Mister Flow adapté d’un roman de Gaston Leroux.

Je ne connais rien des films allemands de Siodmak, pas plus que de sa période française. Mais avec ce petit polar ouvertement humoristique, on peine à reconnaître la patte du futur réalisateur de Criss Cross ou des Tueurs. De l’intrigue improbable, le cinéaste semble ne pas trop savoir quoi faire, mal à l’aise qu’il est avec les aspects comiques de son film.

C’est l’histoire d’un petit avocat sans le sou (Fernand Gravey), dont un gangster international (Louis Jouvet) utilise la naïveté grâce à l’aide de sa maîtresse (Edwige Feuillère). Mais à ce niveau-là, ce n’est plus de la naïveté: cet avocaillon tombe avec gourmandise dans tous les pièges qui lui sont tendus, devient cambrioleur en l’espace d’une soirée, finit par devenir lui-même un fugitif…

Le scénario est franchement outrancier, et pourquoi pas. D’ailleurs, la première partie se laisse voir avec un certain plaisir. Mais à force de filmer ses acteurs en roue libre, Siodmak finit par ennuyer pour une fois. Jouvet en fait des tonnes en se faisant passer pour un demeuré, et Gravey joue l’alcoolique avec la délicatesse d’une baleine dans une écluse. Seule Edwige Feuillère apporte une véritable énergie à ce film à l’humour un rien poussif.

Heureusement, l’intérêt de Siodmak semble renaître dans la dernière partie, séquence de tribunal au second degré au rythme impeccable, qui associe enfin avec bonheur suspense et humour.

Pour toi j’ai tué (Criss Cross) – de Robert Siodmak – 1949

Posté : 6 novembre, 2014 @ 2:15 dans * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, DE CARLO Yvonne, LANCASTER Burt, SIODMAK Robert | Pas de commentaires »

Pour toi j'ai tué

Trois ans après Les Tueurs, son tout premier film, Burt Lancaster retrouve Siodmak pour ce « film jumeau » qui permet au duo d’explorer des thèmes similaires, sur une histoire aux multiples points communs. Dans les deux cas, un homme sans histoire est amené à participer à un braquage avec des gangsters « professionnels », parce qu’il est tombé amoureux de la mauvaise femme…

Dans les deux cas aussi, Siodmak réserve une large part aux flash-backs. Avec une différence de taille quand même : dans Criss Cross, contrairement au précédent film où les allers-retours entre passé et présent étaient nombreux, il n’y a qu’un long flash-back (avec un flash-back dans le flash-back). Cela peut sembler anodin, mais le ton du film s’en trouve chamboulé : ce choix fait du film une spirale infernale vers les abîmes, pour le personnage joué par Lancaster.

Cette spirale, c’est celle de la fascination et de la dépendance qu’il ressent pour la « femme fatale », nettement plus complexe et fascinante que la Ava Gardner des Tueurs. Actrice sublime trop souvent oubliée, Yvonne de Carlo trouve l’un de ses plus beaux rôles, jeune femme marquée par le destin et par le désir trop grand de garder la tête hors de l’eau…

Dès les premières images, on sait que l’amour que ces deux-là se portent, si sincère et complexe soit-il, est voué à l’échec et à la tragédie. Car il y a un troisième personnage dans cette histoire d’amour, de passion et de désir sexuel : le gangster, joué par le toujours formidable Dan Duryea, bouffé par la jalousie et la dépendance pour cette femme trop belle…

Moins célébré que Les Tueurs, Criss Cross est un chef d’œuvre pourtant aussi réussi, et peut-être plus riche encore. Et la dernière image, sublime et déchirante vision d’une « pieta », presque fugitive mais inoubliable.

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