La Peur / Vertige d’un soir – de Viktor Tourjanski – 1936
Une femme mariée de la belle société viennoise trompe son ennui avec un amant, jusqu’à ce qu’une « escroqueuse » qui semble tout connaître d’elle vienne lui soutirer de l’argent, l’enfermant dans un mensonge dont elle ne parvient pas à se sortir…
C’est l’histoire, toute en simplicité et en tension, de La Peur, formidable longue nouvelle signée Stefan Zweig, qui dresse sous les aspects d’une histoire qui pourrait être celle d’un roman noir le portrait d’une jeune femme étouffée par les conventions, qui pourrait être une lointaine parente d’Emma Bovary.
L’adaptation que réalise Viktor Tourjanski (et que co-signe Joseph Kessel) ne reprend de cette nouvelle que la trame, pour la transposer dans un Paris contemporain, d’où les conventions semblent nettement moins prégnantes.
Pour tirer un long métrage de ces quelques dizaines de pages, un long prologue est ajouté, ne nous cachant rien de ce « vertige d’un soir » auquel a cédé la jeune héroïne (jouée par Gaby Morlay), comme une manière d’éradiquer toute la complexité de ce personnage qui, sur le papier, était mue par quelque chose qui ressemble à une envie de vivre sa vie librement.
A l’écran, elle est essentiellement une bonne épouse qui a cédé un unique soir et presque à son corps défendant à une simple pulsion qui eût été sans suite s’il n’y avait eu cette insistance de l’amant d’un soir, et le chantage dont elle est bientôt la victime.
Peu de mystère aussi autour de la figure du mari, que Charles Vanel incarne avec une grande justesse (est-il capable de ne pas être juste ?), mais aussi avec une extrême douceur, et une vraie douleur. Comme s’il était, lui, victime de la situation.
Sans déflorer son dialogue final, soulignons quand même que le mari est un avocat qui, contrairement à celui de la nouvelle, défend un homme qui a tué sa femme qui l’avait trompé, obtenant son acquittement à la suite d’un plaidoyer flamboyant… pour justifier un crime passionnel.
C’est sans doute ce qui dérange le plus dans cette adaptation, qui sonne presque comme une trahison, transformant une magnifique évocation du pardon et de la résilience en un geste un peu désincarné et franchement patriarcal. Et si vous relisiez Zweig, plutôt…