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Archive pour août, 2014

L’Insoumise (Fazil) – de Howard Hawks – 1928

Posté : 30 août, 2014 @ 5:27 dans 1920-1929, FARRELL Charles, FILMS MUETS, HAWKS Howard | Pas de commentaires »

L'Insoumise

La fascination pour l’Orient et les peuples arabes a donné naissance à de nombreux films, à la fin des années 20 et dans toute la décennie suivante. En France surtout, le thème est devenu quasiment un genre en soi, emprunté par les plus grands cinéastes comme Duvivier ou L’Herbier. Fazil est une production hollywoodienne, tourné pour la Fox par un Hawks à la fin de sa période muette, mais l’inspiration est bien européenne : le film est l’adaptation d’une pièce de théâtre française à succès.

Hawks en tire pourtant une œuvre assez personnelle. On y retrouve déjà son génie pour donner un dynamisme fou à ses intrigues (c’est ce qui frappe en premier lieu ici : la vie qui semble exploser à chaque plan), et son goût immodéré pour les femmes libres et fortes, qui seront de tous ses grands succès, de His Girl Friday à Rio Bravo.

Il y a bien quelques clichés bien éculés et parfaitement assumés : un coup de foudre à Venise alors qu’un gondolier chante une chanson d’amour ; Paris capitale de l’amour et de la légèreté ; et une vision un rien caricaturale du peuple arabe. Mais la caricature n’a rien de foncièrement outrancier, et le regard occidental de Hawks sur ce peuple aux coutumes si différentes n’a rien de condescendant.

C’est même tout le thème de ce film qui ose un parti pris plutôt rare dans le cinéma de l’époque comme dans celui des décennies suivantes : cette histoire d’amour entre une occidentale éprise de liberté et un prince arabe attaché aux traditions de son pays est une romance absolue, mais qui se heurte à la réalité, et à l’incompatibilité de ces deux cultures. Une sorte de Roméo et Juliette mâtinée de géopolitique…

Greta Nissen a une beauté insolente qui colle parfaitement à son personnage de femme libre. Charles Farrell est lui aussi parfait, même si on se demande bien ce qui a poussé Hawks à lui confier le rôle d’un Arabe.

Difficile, dans la partie européenne du film, de ne pas penser aux grands chefs d’œuvre que Farrell a tourné pour Borzage, tant l’acteur est à jamais marqué par ces rôles. Mais la partie arabe est plus surprenante. Le film y révèle toute sa particularité et sa richesse, à la fois follement romantique et cruellement conscient du monde.

Le Grand Sommeil (The Big Sleep) – de Michael Winner – 1978

Posté : 30 août, 2014 @ 5:23 dans * Polars US (1960-1979), 1970-1979, MITCHUM Robert, STEWART James, WINNER Michael | Pas de commentaires »

Le Grand Sommeil Winner

Ce Grand Sommeil version 78 n’a à peu près qu’un intérêt : ce film est l’unique occasion de voir Robert Mitchum et James Stewart se donner la réplique. Un intérêt qui se limite donc à deux petites séquences de deux minutes, décevantes à tous points de vue. Même si Mitchum, qui a à peu près trente ans de trop pour jouer Marlowe, continue à enchaîner les rôles à cette époque, tous les deux sont loin de leur âge d’or. Et leur face à face, filmé sans le moindre talent, sonne particulièrement faux, devenant l’un des rendez-vous manqués les plus insupportables de toute l’histoire du cinéma.

Pas besoin de chercher loin pour trouver le fautif : Michael Winner, qui ose signer un scénario qui se contente de surfer entre celui du film de 46 (en tout cas dans la première partie) et le roman de Chandler en essayant de le rendre plus limpide, est surtout un réalisateur calamiteux. Même s’il a fait illusion avec une poignée de films (L’Homme de la loi), Winner révèle un « talent » à la hauteur des téléfilms de l’époque : visuellement affreux (usant des zooms et de petits flash backs en insert), et incapables d’installer une ambiance.

Autant dire que la comparaison, inévitable, avec le monument de Hawks est pour le moins cruelle. Soyons honnête : Winner n’essaie pas de rivaliser avec son aîné, et fait des choix à peu près systématiquement opposés. Alors que le film de Hawks ne reposait que sur l’atmosphère, au détriment souvent de la compréhension de l’histoire, Winner semble lui ne s’intéresser qu’à l’intrigue.

Il a tort, elle est bien trop complexe pour qu’on s’y intéresse vraiment si rien de séduisant ne nous y incite. Et il n’y a vraiment rien, pas même un plan un peu torché, pour habiter cette histoire platement illustrée, et qui manque cruellement de rythme. Mitchum promène sa dégaine fatiguée au milieu d’un casting totalement à côté de la plaque, et tristement terne comparé à Lauren Bacall et aux géniaux seconds rôles du film de Hawks. Le voir faire le boulot devant une caméra aussi paresseuse, lui qui a tourné pour les plus grands, à quelque chose de franchement déprimant.

Et même si au détour d’une réplique en voix off (« Je remarquai que ma télé était allumée. J’étais pas là. C’était donc quelqu’un d’autre. ») ou d’un meurtre filmé en ombre chinoise, Winner réussit à réveiller ponctuellement l’intérêt, son adaptation de Chandler est la plupart du temps pénible…

Le Pacte (Seeking Justice) – de Roger Donaldson – 2011

Posté : 30 août, 2014 @ 5:18 dans * Thrillers US (1980-…), 2010-2019, ACTION US (1980-…), DONALDSON Roger | Pas de commentaires »

Le Pacte

Il y a une intention plutôt louable à l’origine de ce thriller efficace à défaut d’être vraiment excitant : la volonté d’apporter une réponse complexe aux vigilante films qui continuent à polluer régulièrement le cinéma américain, avec des nanars très douteux auxquels il arrive que même les plus grands prennent part (A vif, de Neil Jordan, avec Jodie Foster, une aberration). La première partie est d’ailleurs franchement réussie, et pose de vraies questions, sur la tentation de faire justice soi-même.

Nicolas Cage, très à l’aise mais sans surprise, interprète un mari sans histoire, dévasté lorsque sa femme se fait violer. Abordé par un étrange étranger (Guy Pearce), il accepte sous le choc la proposition qu’on lui fait : une mystérieuse organisation va éliminer le violeur. En échange, un service lui sera demandé, un jour. Ce jour arrive, et le piège se referme sur le gentil mari, forcé de se demander jusqu’où il peut aller pour ceux qu’il aime.

La première demi-heure tient ses promesses. Le piège qui se referme sur Nicolas Cage, ses hésitations, les étapes qu’il franchit les unes après les autres. Et puis… Ben et puis pas grand-chose. Les questions que le début du film a soulevé restent en suspense, la psychologie des personnages s’estompe (le professeur n’a pas l’air de prendre plus mal que ça de s’être transformé en fugitif), et Roger Donaldson nous rappelle que son talent se situe dans le pur film de genre…

Plus rien d’original, donc, et la critique de l’auto-défense se transforme en un pétard mouillé. Le Pacte devient alors un thriller assez classique mais très efficace, qui propose une plongée dans les rues de la Nouvelle Orléans encore marquées par la tempête Katrina. On oublie les promesses initiales du film, on se laisse aller au jeu un peu facile de la paranoïa à tout va qui s’installe (la moitié de la ville semble impliquée dans le complot), on profite des grands moments de suspense très efficaces (la scène dans le supermarché désaffecté), on se dit que, quand même, Nicolas Cage n’a pas l’air très impliqué, et on regretterait presque de ne pas avoir de pop corn sous la main.

Le Vaisseau fantôme (The Ghost Ship) – de Mark Robson – 1943

Posté : 29 août, 2014 @ 3:59 dans 1940-1949, ROBSON MARK | Pas de commentaires »

Le Vaisseau fantôme

Il n’y a pas que Jacques Tourneur dans le cinéma d’angoisse made in RKO. Producteur de La Féline, Vaudou et L’Homme léopard, le mythique triptyque de la peur du fils Tourneur, Val Lewton a supervisé une poignée d’autres titres bien moins connus, mais loin d’être anodins. Ce Vaisseau fantôme en particulier, petite perle produite pour de mauvaises raisons : réutiliser et rentabiliser les coûteux décors marins d’un précédent film RKO, Pacific Liner.

De ce décor de bateau, doublé aux contraintes budgétaires légendaires du studio, Mark Robson tire le meilleur. Un peu mal à l’aise lors de la partie centrale du film, une vingtaine de minutes ensoleillées durant l’escale du bateau, Robson fait des miracles lorsque le bateau est en mer. Le film est à l’image de ce que disent les personnages du bateau : il ne prend vie que lorsqu’il navigue.

C’est exactement le cas pour The Ghost Ship. Convenue et peu intéressant sur la terre ferme, il se transforme en une œuvre fascinante et passionnante lorsqu’il fend l’océan. La brume, les immenses étendues d’eau que l’on devine sans jamais les voir… Ce sont des ficelles pas si éloignées de celles de Tourneur qu’utilise Robson pour ce qui est son deuxième film, lui qui fut justement le monteur de La Féline et des deux autres films du cinéaste.

La première demi-heure est brillante : la tension naît de petits détails, qui dévoilent peu à peu la folie grandissante de ce capitaine interprété avec un immense talent par Richard Dix, vedette oubliée qui tenait là son ultime rôle. Son sourire trop avenant, son obsession de l’autorité, ou l’étrange nonchalance avec laquelle il referme une écoutille, condamnant le marin qui était derrière alors même qu’il avait osé se dresser face à lui… Le comédien apporte l’intensité dont ce personnage trouble avait besoin.

Face à lui, le jeune officier qui, seul, devine la folie du capitaine, paraît bien falot, Russell Wade ne lui donnant qu’un charme bien lisse. Mais il y a les personnages secondaires des matelots, tous formidables, de rudes gaillards aux gueules inoubliables. A commencer par ce marin muet au visage grêlé qui habite littéralement le bateau, commentant en voix off le drame qui se noue. Sa présence dépasse de loin celle du « héros » officiel du film, ce qui se confirme lors de la dernière partie, chef d’œuvre d’angoisse pure, au dénouement également inoubliable : un affrontement brutal mais silencieux, au son de l’une de ces chansons de marins qui rythment le film.

Mal connu, longtemps considéré comme disparu, Le Vaisseau fantôme est une petite merveille qui n’a pas grand-chose à envier aux grands classiques du genre.

• Le DVD du film fait partie de la collection bleue que les Editions Montparnasse ont consacrée à la RKO, présentée par Serge Bromberg.

Les Faucons de la nuit (Nighthawks) – de Bruce Malmuth – 1981

Posté : 29 août, 2014 @ 3:51 dans * Thrillers US (1980-…), 1980-1989, MALMUTH Bruce, STALLONE Sylvester | Pas de commentaires »

Les Faucons de la nuit

En 1981, l’année de sa sortie, Les Faucons de la nuit devait déjà sembler anachronique, tant il fleure bon les années 70. Le look qu’arbore Stallone ne ment pas : manteau en cuir, grosses lunettes et barbe d’une semaine… c’est le flic à la sauce Serpico que tente de retrouver l’obscur réalisateur Bruce Malmuth. Avec un bonheur, disons, mitigé.

Ce n’est quand même pas un hasard si, d’une part, le nom de Malmuth est totalement tombé dans l’oubli, et si ce film demeure largement méconnu, alors que Stallone était déjà une star quand il l’a tourné (c’était aussi l’année de Rocky 3). Plein de bonnes intentions, Les Faucons de la nuit est un film souvent très maladroit, et écrit avec des moufles.

Le scénario ne fait pas grand cas de la vraisemblance, avec ces deux flics bad-ass (Stallone et Billy Dee Williams, qui venait de connaître une gloire éphémère avec L’Empire contre-attaque) qui passent leurs journée à monter des traquenards pour délinquants ; la psychologie des personnages se résume à… rien du tout ; et les principaux rebondissements dramatiques du film sont gâchés par des ficelles énormes (lorsque Stallone propose au boss qu’il ne pouvait pas blairer trois minutes plus tôt d’aller manger chinois lorsque leur opération serait terminée, on comprend tout de suite que le boss en question ne s’en sortira pas).

Il y a pourtant du très bon, dans ce polar urbain qui s’inscrit dans une prestigieuse lignée de classique des seventies (Dirty Harry en tête), et qui pose mine de rien des questions complexes et avant-gardistes : s’interroger, vingt ans avant le 11 septembre, sur les méthodes acceptables à utiliser contre le terrorisme, paraît bien en avance sur son temps. Le fait d’avoir limité l’ennemi à un homme (Rutger Hauer) plutôt qu’à une organisation, ou une « cause », en limite l’impact, mais tout de même…

Visuellement aussi, quelques fulgurances viennent sortir le film de l’anonymat : une poignée d’images jouant habilement sur la profondeur de champs, une séquence nocturne joliment stylisée, ou encore une poursuite dans le métro parfaitement haletante… Mais ces passages franchement passionnants alternent constamment avec des procédés nettement plus discutables. Jusqu’au dénouement final qui, en une poignée de plans (et de secondes), parvient à alterner le meilleur (quelques gros plans joliment tendus) et le grand guignol (le corps qui s’effondre en virevoltant).

Imparfait, Les Faucons de la Nuit reste toutefois une curiosité plutôt recommandable pour les admirateurs de Stallone.

Printemps tardif (Banshun) – de Yasujiro Ozu – 1949

Posté : 26 août, 2014 @ 4:06 dans 1940-1949, OZU Yasujiro | Pas de commentaires »

Printemps tardif

L’attachement à la figure du père est une nouvelle fois au cœur de ce film d’une beauté à la fois simple et déchirante du grand Ozu. Avec, déjà, Chishu Ryû et Setsuko Hara, les futurs interprètes de Voyage à Tokyo, respectivement père veuf et vieillissant, et fille trop attachée à la vie avec lui pour envisager sereinement de se marier… Rien de plus : juste les quelques mois qui séparent l’enfant de la femme, et la difficulté de rompre ce lien filial qui suffit au bonheur de la jeune femme…

Ce n’est que le troisième film d’Ozu depuis la longue interruption durant la guerre. Le Japon qu’il y montre n’est plus tout à fait le même que lors de ses débuts. La tradition est toujours là : les rituels du thé et (et surtout, ici) du saké sont plus importants que jamais, dans ces intérieurs qui semblent ne porter aucune trace de la décennie qui vient de s’écouler. Mais rien n’est plus tout à fait comme avant. Des publicités pour Coca, des panneaux de circulation en miles, des enfants qui jouent au base-ball, des voitures américaines qui conduisent des mariées très traditionnellement vêtues, et puis des divorces et des remariages, qui ne choquent plus grand monde…

C’est un pays en pleine mutation que filme mine de rien le cinéaste, à travers le portrait de cette jeune femme elle aussi à la croisée des chemins. Une jeune femme qui n’aspire qu’à conserver, ou retrouver, l’harmonie de son enfance. Au détour d’un dialogue, et malgré le sourire éclatant qu’elle arbore constamment, en tout cas dans la première partie du film, Ozu nous glisse à l’oreille qu’elle a été malade, peut-être gravement, souffrant vraisemblablement des privations de cette guerre qu’on n’évoque qu’avec une légèreté apparente. Est-ce pour cela qu’elle est la dernière de ses camarades de lycée à se marier, certaines de ses amies ayant déjà quatre enfants, d’autres en étant à leur deuxième mariage…

L’arrière-plan historique n’est pas anodin. Pourtant, c’est une histoire universelle qu’Ozu raconte : celle d’un père et de son enfant à l’aube de l’âge adulte. Et on sent bien l’admiration qu’a Ozu (qui, lui, n’a jamais quitté le foyer parental) pour ce père, dont il fait un homme totalement tourné vers le bonheur de sa fille, feignant une quasi-indifférence à l’idée de son départ. Parfois un peu maladroit, lorsqu’il suit les conseils de sa sœur (ou est-ce sa belle-sœur ?) pour inciter sa fille à se marier. Parfois presque comique, lorsqu’il tente d’interroger sa fille sur ses relations avec un jeune homme. Et puis soudain bouleversant et héroïque lorsque, le devoir accompli, il se retrouve seul…

Avec cette histoire d’une simplicité confondante, Ozu signe un film superbe et plein de vie. Des petits riens du quotidien, le cinéaste fait des moments forts et intenses. Comme souvent dans son cinéma, l’émotion émerge de recoins totalement inattendus. Un plan sur le père et la fille assistant à une représentation de théâtre nô, le regard du père face au fou-rire de sa fille, une intimité qui se noue autour d’une table basse… Et derrière tout ça, l’imminence du départ, inéluctable et déchirant.

• Le film figure dans le coffret que Carlotta a consacré à Ozu, avec quatorze de ses films.

Un jour sans fin (Groundhog Day) – de Harold Ramis – 1993

Posté : 26 août, 2014 @ 4:01 dans 1990-1999, FANTASTIQUE/SF, RAMIS Harold | Pas de commentaires »

Un jour sans fin

Avec Un jour sans fin, devenu une sorte de référence incontournable depuis sa sortie assez discrète en salles, Harold Ramis avait réussi un petit miracle, qu’il ne réitérera jamais vraiment. Ancien acteur (il était l’un des chasseurs de fantômes de Ghostbusters) devenu réalisateur de comédies sympathiques, Ramis n’est pas ce qu’on appelle un auteur, même si la réussite incontestable de ce film a fondé quelques espoirs, entretenus un temps par son film suivant, Multiplicity. On peine d’ailleurs à parler d’un authentique style dans ce film vif mais visuellement plutôt anonyme.

Mais l’intelligence du scénario, combinée à une mise en scène très fluide, à la personnalité unique de Bill Murray (son ancien complice chasseur d’ectoplasmes, dont le cynisme lunaire et la façon qu’il a de sembler être constamment ailleurs font merveille.), et à ce petit éclat magique qu’on explique pas vraiment, font de Groundhog Day un pur plaisir de cinéma.

L’histoire, originale et pleine de promesses, était aussi particulièrement casse-gueule : cette petite vedette de télévision, absolument détestable, chargé d’aller « couvrir » le jour de la marmotte, une tradition hivernale et ancestrale, dans une petite ville « de ploucs », et qui revit indéfiniment le même jour sans jamais pouvoir passer au lendemain… Le risque était grand de tomber dans la redite en racontant toujours la même journée, tout comme il était osé de faire du personnage principal un être méprisant et absolument pas aimable.

Ce deuxième écueil est balayé par le génie de Bill Murray. Détestable, mais hilarant, il interprète la face sombre de monsieur tout le monde. Un vrai sale type, imbus de lui-même et méprisant le monde entier, un homme seul qui mettra longtemps à comprendre que c’est une nouvelle chance qui lui est offerte par cette curieuse faille temporaire. Et puis, il faut reconnaître que, lorsqu’il méprise ceux qu’il croise, un ancien camarade de classe qu’il a chassé de sa mémoire ou la vieille patronne d’une maison d’hôte, Murray est à pleurer de rire. Passant du dédain au désespoir, de l’enthousiasme au sardonique, il est assez exceptionnel.

Il y a bien un petit ventre creux, une petite demi-heure durant laquelle le film ronronne un peu. Mais Groundhog Day s’impose tout de même comme le digne rejeton du cinéma de Capra. On pense surtout à La Vie est belle, dont le film est une sorte de version modernisée. L’élément fantastique y est utilisé de la même manière, pour décrire le long parcours intérieur d’un personnage qui se sent coincé dans un bled qu’il rêve de pouvoir quitter, avant de réaliser que ces ploucs qui l’entourent sont des gens simples et chaleureux.

Extrêmement malin, le scénario utilise toutes les possibilités de son parti-pris de base, en évitant constamment toute impression pesante de répétition. Ajoutez à cela un humour politiquement incorrect (bien rattrapé par la morale du film) et une interprétation parfaite (Andie MacDowell est charmante, et Michael Shannon tenait là l’un de ses premiers tout petits rôles), et vous obtenez une réussite miraculeuse.

Histoires d’herbes flottantes (Ukikusa monogatari) – de Yasujiro Ozu – 1934

Posté : 21 août, 2014 @ 1:57 dans 1930-1939, FILMS MUETS, OZU Yasujiro | Pas de commentaires »

Histoires d’herbes flottantes

Le cinéma d’Ozu est décidément un bonheur de chaque instant. Quelle beauté, encore, que ce film tardivement muet (le cinéaste ne passera au parlant qu’avec Le Fils unique, deux ans plus tard), où les relations filiales, que l’on retrouve tout au long de son œuvre, sont une nouvelle fois complexes et bouleversantes.

Cette fois, c’est dans un milieu artistique qu’il connaît bien qu’il situe son histoire. Le héros est un petit comédien sans grand talent, chef d’une troupe itinérante que le train ramène, après quatre ans d’absence, dans un petit village où elle doit s’installer pour un temps. Ce village, Kihachi, le chef de troupe, le connaît bien : c’est là que vit son ancienne maîtresse, qu’il avait rencontrée lors d’une tournée il y a bien longtemps de cela, et avec qui il a eu un enfant. Ce dernier a grandi, est un étudiant plein d’avenir, et pense que son vrai père est mort : Kihachi ne serait qu’un oncle un peu inconsistant que l’on est toujours heureux de revoir…

Les retrouvailles entre l’acteur vieillissant et son ancienne maîtresse, qui évoquent leur fils en buvant du saké (les traditions japonaises sont toujours très présentes chez Ozu, comme un contrepoint à la modernité et à l’occidentalisation de la société), est une merveille. Glissant doucement de l’ivresse des retrouvailles la conscience douloureuse de la longue absence, la caméra d’Ozu scrute les visages et y décèlent des trésors de souffrance, chez cet homme qui ne peut qu’observer de loin en loin ce fils aimé grandir loin de lui…

Ozu donne une image sans complaisance du théâtre, ôtant toute dimension romantique à cette troupe dont le quotidien semble n’être fait que d’ennui et d’attentes interminables. Surtout, il oppose la condition d’homme de troupe aux aspirations de père de famille. La vie facile que Kihachi a sans doute choisie s’est transformée en une vie de sacrifice, que les trop longues absences ont rendu insupportables.

Les moments que le jeune homme passe avec son « oncle » n’en sont que plus précieux. Père et fils qui pêchent côte à côte dans le fleuve… Une scène simple et touchante qui renvoie à un autre film de Ozu, Il était un père.
Le film est une splendeur, terriblement émouvant et émaillé de fulgurances de mise en scène, comme cette dispute entre l’acteur et sa maîtresse officielle séparés par un épais rideau de pluie. Comme souvent chez Ozu, le décor et les objets jouent un rôle important dans le langage cinématographique. Cette constante troupe son apogée lors d’une séquence en apparence anodine, entre le fils de l’acteur et la jeune fille, comédienne elle aussi, dont il est tombé amoureux…

Alors que le jeune couple est côte à côte, insouciant, la soudaine apparition d’un train (figure récurrente dans le cinéma de Ozu), vient les tirer de leur rêverie, rappelant la jeune actrice à la réalité, et à l’imminence du moment où elle devra reprendre la route avec la troupe. Cette séquence, rythmée par les rails et la présence du vélo du jeune homme, éléments de décors qui semblent éloignés les amants l’un de l’autre, est d’une intelligence narrative et d’une beauté impressionnantes. Un chef d’œuvre, dont Ozu signera lui-même un remake en 1959, Herbes flottantes.

• Le film figure dans le formidable coffret DVD édité chez Carlotta, dans une version sans accompagnement musical. Un étrange choix éditorial, mais qui ne gâche en rien le plaisir immense que procure le film.

Mondwest (Westworld) – de Michael Crichton – 1973

Posté : 21 août, 2014 @ 1:52 dans 1970-1979, CRICHTON Michael, FANTASTIQUE/SF, WESTERNS | Pas de commentaires »

Mondwest

Avant d’imaginer Jurassic Park, le romancier, scénariste et réalisateur Michael Crichton avait déjà créé un parc d’attraction du futur, dans ce petit classique de la SF, malin et bien fichu. A quelle époque l’histoire se déroule-t-elle ? A quoi ressemble la société ? On n’en saura à peu près rien, mais c’est une époque où les vacances les plus funs consistent à s’immerger dans une période de l’histoire reconstituée jusqu’au moindre détail, où les figurants sont tous des robots, répliques parfaites des hommes.

Au choix : le far-west, le Moyen-Âge ou l’empire romain, trois périodes marquées par le sexe débridé, la morale discrète et la violence facile, ce qui attire visiblement des tas de touristes franchement désireux de s’encanailler, et qui reviennent de ces vacances enchantés d’avoir pu tuer une demi-douzaine d’hommes (en se persuadant sans trop réfléchir qu’il s’agissait bien de robots) et baiser autant de prostitués ou de femmes facilement séduites (en n’imaginant pas trop qu’il ne s’agissait pas de vraies femmes)…

Crichton signe mine de rien une œuvre profondément cynique, qui inspirera beaucoup les grands films de SF de Paul Verhoeven : la filiation est évidente dès la séquence d’ouverture, spot télévisé vantant les mérites de ce parc d’attraction, un procédé que le « Hollandais violent » reprendra dans Total Recall, celui de ses films qui évoquera le plus ce Mondwest.

Un autre classique plus récent s’inscrit clairement comme un rejeton du film de Crichton : Terminator, qui reprendra en le développant le thème des machines prenant le pouvoir. Car les robots en ont marre de se faire tripoter par des vieux libidineux ou de se faire descendre par des citadins trop excités par leur revolver.

C’est un autre aspect du film que Crichton réussit parfaitement : faire monter la tension à travers ce robot taciturne interprété par Yul Brynner, dans l’un de ses rôles les plus emblématiques. Constamment abattu par le même homme (Richard Benjamin, très bien en avocat coincé venu se « déniaiser » avec son pote James Brolin, tous deux s’éclatant à se découvrir une âme de machos et de tueurs), le pistolero-robot semble de plus en plus sur le point d’éclater, ses yeux fixes reflétant une colère sourde impressionnante.

Les vingt dernières minutes sont les moins intéressantes. Une fois que la révolte est commencée, la tension retombe un peu, et l’enjeu se résume alors à un simple suspense, certes plutôt efficace. Crichton lui-même semble conscient de n’avoir plus grand-chose à dire, étirant inutilement la conclusion en rajoutant quelques rebondissements grand-guignolesques, sans doute ajoutés uniquement pour rapprocher le métrage des 90 minutes standards.

Reste que Mondwest, avec ses personnages peu aimables et sa critique acerbe de la société, est une belle réussite. Un gros succès commercial aussi, qui aura droit à une suite trois ans plus tard : Les Rescapés du futur, toujours avec Yul Brynner.

• Rien d’autre que le film dans le DVD édité chez Aventi.

Le Voleur de Tanger (The Prince who was a thief) – de Rudolph Maté – 1951

Posté : 21 août, 2014 @ 1:47 dans 1950-1959, CURTIS Tony, MATÉ Rudolph | Pas de commentaires »

Le Voleur de Tanger

Tony Curtis, à la jeunesse insolente, virevolte et sautille autant qu’il le peut (et il le peut beaucoup) dans ce très joli film « d’aventures orientales », genre alors très en vogue et dont la Universal s’était fait une spécialité. Et dans la longue liste des films du genre produits par le studio cette décennie-là, celui-ci est une vraie merveille.

Aux commandes, Rudolph Maté donne un rythme fou à ce film léger et enthousiasmant, aux antipodes du film noir dont il a signé quelques perles (D.O.A. surtout). Respectant toutes les figures imposées du genre (la poursuite dans le souk, les murailles que l’on gravit, les danses orientales…), il construit tout son film autour de la personnalité et du dynamisme irrésistibles de Curtis et de celle qui allait devenir sa partenaire privilégiée (c’est leur premier film ensemble), Piper Laurie.

L’actrice est craquante en petite sauvageonne cracra et indomptable, dont la souplesse impressionnante donne lieu à quelques scènes de cambrioles très étonnantes. Le rôle de Curtis est plus convenu, mais il apporte la légèreté et le dynamisme qu’il faut à ce voleur au grand cœur qui s’élève face au roi tyrannique, voleur qui est en fait le prince héritier sauvé d’un assassinat par le plus grand voleur de Tanger, alors qu’il n’était qu’un bébé…

Puis il y a la musique romanesque à souhait de Hans Salter, et le Technicolor flamboyant merveilleusement utilisé par le chef opérateur Irving Glassberg. Ses images sont d’une grande beauté, en particulier les séquences nocturnes, où quelques discrets points de lumière chaude percent constamment la pénombre, créant une atmosphère envoûtante et pleine de mystère. Avec mêmes quelques passages joliment émouvants. Le plus beau plan du film ? La silhouette de Piper Laurie se découpant dans un beau clair-obscur alors que son prince disparaît. Simple, sobre, et magnifique.

• Un DVD sans bonus et à petit prix vient d’être édité chez Universal.

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