La Loi du Silence (I confess) – d’Alfred Hitchcock – 1953
Film mal aimé du grand Hitch, tourné à l’aube de sa période d’état de grâce, La Loi du Silence est un bon film imparfait, basé sur une grande idée assez mal exploitée. Fait plutôt rare dans l’œuvre du cinéaste, le héros de La Loi du Silence n’est pas un monsieur tout le monde plongé dans une situation exceptionnelle mais un prêtre dont les règles de vie font de lui un coupable tout désigné. Un faux coupable, comme on en trouve des dizaines dans le cinéma hitchcockien, à cela près que celui-là ne fait rien pour tenter de s’innocenter…
Montgomery Clift, dans le rôle du prêtre, n’est ni formidable, ni mauvais. Il est juste là, dans un rôle tellement effacé qu’il en devient peu intéressant, et peu aimable. Ce prêtre qui cache une ancienne relation avec la femme d’un notable (rien de honteux pourtant : la liaison date d’avant les vœux du prêtre, et le mariage de la dame), reçoit un soir la confession de son homme de confiance, qui lui avoue avoir tué un homme. Secret de la confession oblige, le prêtre ne peut rien dire à la police, même quand lui-même devient le suspect numéro 1.
Que le tueur se soit déguisé en prêtre pour commettre son crime relève du mystère, mais qu’importe : ce genre de facilités scénaristiques émaillent la filmo du maître, sans que cela enlève quoi que ce soit à la réussite de ses films. Le vrai problème est qu’Hitchcock ne sait visiblement pas bien quoi faire de ce postulat de base pourtant très excitant : le prêtre doit-il rompre son serment, doit-il se taire et risquer lui-même la prison, ou envoyer devant la justice cet homme qui s’est confessé à lui ?
Dans toute la première moitié du film, la question est presque totalement évacuée, au profit de cette vieille liaison entre Monty et Anne Baxter. Cette intrigue « bis » est certes intéressante et riche en enjeux dramatiques, mais elle détourne le film de sa question centrale, qui ne revient que tardivement, et à laquelle aucune vraie réponse ne sera apportée : un rebondissement final spectaculaire mais un peu artificiel détourne l’attention et conclut le film sur une spirale maligne, mais frustrante.
Frustrante aussi, la prestation effacée de Monty Clift. Il est plutôt convaincant, et parfois émouvant, mais ses démons intérieurs passent à l’arrière plan face à des seconds rôles autrement plus gratifiants : celui d’Anne Baxter notamment, mais surtout de Karl Malden en flic intègre et persévérant totalement à côté de la plaque, et de O.E. Hasse en sacristain assassin malgré lui, mari aimant qui se laisse dévorer par une spirale du sang et du mensonge qui le pousse jusqu’à l’irréparable.
Heureusement, il y a la mise en scène d’Hitchcock, continuellement inventive et inspirée. Dans ce film imparfait, il s’amuse à adopter alternativement toute une série de points de vue différents, qui donnent chacun un éclairage différent aux scènes que l’on suit. C’est brillant, et visuellement d’une grande beauté, avec un jeu merveilleux sur les ombres et le hors-champs. Largement de quoi tenir en haleine.