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Archive pour la catégorie 'BOGDANOVICH Peter'

La Dernière Séance (The Last Picture Show) – de Peter Bogdanovich – 1971

Posté : 12 février, 2022 @ 8:00 dans 1970-1979, BOGDANOVICH Peter | Pas de commentaires »

La Dernière Séance

Ah ! Le Texas vu par Larry McMurtry. Le (grand) écrivain le connaît bien, cet état rural dont il ne cesse d’évoquer les immensités poussiéreuses et l’ennui sidéral qui y règne. Dans La Dernière Séance, on atteint des sommets, dans cette petite ville sans charme, sans vie, sans horizon, sans même la moindre distraction, si ce n’est un cinéma et un billard en fin de course, et un petit resto à l’avenant.

Il y a les jeunes qui passent le temps comme ils le peuvent, sans même rêver à un meilleur avenir. Il y a les quadragénaires qui oublient dans le vin qu’ils n’ont plus la force d’espérer un meilleur avenir. Il y a le jeune simple d’esprit qui balaye inlassablement une rue balayée par les vents et la poussière du désert. Il y a le sexe terne, les sentiments tristes, les passions calculées. Blurp.

Pas joyeuse, cette Amérique là, c’est le moins que l’on puisse dire. Une sorte de revers du rêve américain, ou de cette imagerie hollywoodienne dont Peter Bogdanovich est un si grand connaisseur. Ce n’est pas un hasard s’il confie le rôle de Sam, le vieux sage de la bourgade, à Ben Johnson, vétéran fordien. Pas un hasard non plus si on voit dans la devanture du cinéma l’affiche de Wagon Master.

Et cela fait un drôle d’effet de voir cet acteur que l’on a aimé dans les grands et beaux paysages de John Ford se réfugier « pour profiter du paysage », non pas au bord d’un lac, mais d’une sorte de réservoir boueux bordé de vagues buissons épineux, d’une laideur presque gênante. Pour le glamour hollywoodien, on essaiera autre chose…

Bogdanovich révèle surtout les talents de Cybil Sheperd (parfaite en jeune peste en quête d’un homme qui assurerait son avenir, aidée par sa mère, Ellen Burstyn) et Jeff Bridges. Dans le rôle principal, Timothy Bottoms est formidable (les trois se retrouveront vingt ans plus tard dans Texaville, suite tardive que tournera Bogdanovich), le sourire enfantin et le regard éteint d’un paumé dont la jeunesse s’évanouit au fur et à mesure qu’il perd tous ceux et tout ce qui le raccrochaient à un semblant de vie.

La Dernière Séance est un film assez radicalement pathétique, avec sa galerie de personnages rongés par l’échec. C’est d’une tristesse abyssale, et aussi d’une très grande justesse. Mais définitivement à proscrire un soir de cafard.

La Cible (Targets) – de Peter Bogdanovich – 1968

Posté : 4 septembre, 2021 @ 8:00 dans * Polars US (1960-1979), 1960-1969, BOGDANOVICH Peter | Pas de commentaires »

La Cible

Cinéaste cinéphile, Peter Bogdanovich offre à Boris Karloff son baroud d’honneur, à la fois clin d’œil à la longue filmographie du grand comédien d’horreur, et belle manière de l’inscrire de son vivant dans l’histoire du cinéma. Byron Orlock, s’appelle-t-il dans le film, mais ce patronyme sonne d’emblée comme un double pas peine déguisé de Karloff, d’autant plus que Byron Orlock est un acteur vieillissant, spécialiste de l’horreur, dont on voit des extraits de films : Criminal Code de Howard Hawks (premier grand rôle de Karloff) et surtout The Terror de Corman, dont de longs extraits ouvrent et referment le film.

La Cible a des allures de série B imaginée pour donner à Karloff un dernier rôle à sa mesure. C’est bien plus que ça : cri d’amour à un cinéma déjà disparu (« Tous les bons films ont déjà été faits », se désole Peter Bogdanovich, acteur de son propre film) et vision assez terrifiante de l’Amérique contemporaine. « Que cette ville est devenue laide », lance Karloff/Orlock avec dégoût dans une rue de Los Angeles dominée par les usines et les voitures. Et que l’âge d’or d’Hollywood semble loin.

Bogdanovich, c’est vrai, a une tendance à avoir le regard braqué vers le passé. Et ce n’est pas sur ce blog qu’on lui lancera la première pierre. Mais en confrontant ce regard plein de déférence à celui qu’il porte sur une société moderne malade, il fait de son film une œuvre assez radicale, un rien dérangeante. La violence du cinéma n’a rien à voir avec celle de la vraie vie, assure-t-il tout en réalisant un film sur la violence de la vraie vie.

Karloff/Orlock se sent dépassé, parce que la terreur qu’il incarnait à l’écran depuis bien des décennies est devenue « kitsch » face à celle qui occupe les journaux. Bogdanovich confronte ces deux violences radicalement opposées, d’abord en parallèle, jusqu’à une rencontre assez formidable où la frontière entre la vie et l’écran semble se dissoudre.

Deux hommes, deux générations : le vieil acteur, fatigué et dépassé par le monde qui l’entoure, tel qu’il est devenu. Et le jeune homme bien comme il faut, qui mène une vie tellement propre et aseptisée qu’il en perd toute humanité : une maison de banlieue comme tant d’autres, qu’il partage avec des parents parfaitement réactionnaires, des soirées passées devant des émissions de télévision idiotes (et pas devant des films), une femme très souriante… et un malaise qui ne cesse de croître.

Le personnage de Karloff est très réussi, celui de Bobby (Tim O’Kelly), inspiré par l’auteur de la tuerie de l’université d’Austin en 1966, est particulièrement marquant, et dérangeant : Bogdanovich, en le filmant au plus près du visage, capte et fait partager la sensation d’étouffement du personnage, ses idées noires, sa pulsion meurtrière qui affleure et qu’il n’ose d’abord pas laisser éclater. Il y a dans ses scènes une tension rare, qui bouscule et qui ne laisse pas indemne. Belle fin de carrière pour Karloff, beaux débuts pour Bogdanovich, qui ne fera guère mieux.

 

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