Les Amants de Vérone – d’André Cayatte – 1949
Les amants de Vérone… Roméo et Juliette ? Non… Enfin si… enfin non… enfin… André Cayatte, avant de devenir un cinéaste engagé spécialisé dans les films à thèse autour de la justice, aussi sincère que peu enthousiasmant, a signé ce film original et ambitieux, hommage malin au classique de Shakespeare, écrit par Jacques Prévert.
Les premières images laissent penser que nous sommes dans l’Italie des Capulet et des Montaigu. Mais non : le récit qui introduit le film est celui, lassé, d’un guide dans une verrerie de l’île de Murano, où s’affairent des corps bien d’aujourd’hui (enfin, de 1949), dont celui d’un tout jeune Serge Reggiani.
Le guide, c’est Pierre Brasseur, véritable fil conducteur et ressort dramatique du film : amoureux éconduit, assassin en puissance, et victime expiatoire du récit. Comme chez Shakespeare, il est question d’amour impossible, de passion pure, de trahison et de destin, dans les beaux décors de Vérone, et surtout de Venise.
Cette version contemporaine du drame se déroule dans les coulisses d’un tournage de cinéma, pour renforcer le jeu de miroir. Celui d’une énième version de Roméo et Juliette, bien sûr. Ce qu’on voit des scènes qui se tournent ne donne d’ailleurs guère envie de découvrir le film terminé…
Mais le drame qui se noue en coulisses est fort, comme ce coup de foudre (sur un balcon, comme il se doit) que vivent deux doublures, effaçant instantanément ceux qui devraient être au cœur de l’attention, dont Martine Carole en star de cinéma, interprète de Juliette.
Ces deux héros : un souffleur de verre (Reggiani, donc), et une jeune femme étouffée par une famille très dysfonctionnelle (Anouk Aimée, et sa voix déjà fascinante). Ce qui se passe entre ces deux là est assez magique.
Les intrigues annexes ne sont pas toujours convaincantes, et les rebondissements incessant manquent souvent de rythme, Cayatte se perdant dans un récit trop plein de personnages secondaires inégaux (Dalio en vétéran frappadingue, bof). Cayatte ne fait pas de miracle. Mais loin de ses films « Dossier de l’écran » à venir, il signe surprenant et séduisant.