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Archive pour la catégorie '1940-1949'

Danger de mort – de Gilles Grangier – 1947

Posté : 13 mars, 2023 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1940-1949, GRANGIER Gilles | Pas de commentaires »

Danger de mort

Grangier est un cinéaste dont il est bien difficile de savoir ce qu’il faut en attendre. Le noir lui va plutôt bien d’habitude, et ce Danger de mort est assez intriguant sur le papier : un pharmacien, tout à la joie de devenir père pour la première fois, réalise trop tard qu’il a confondu des flacons et ajouter du cyanure au sirop qui a fait sa renommée. Il se lance alors dans une course désespérée à travers la nuit pour retrouver les cinq personnes à qui il a vendu le sirop, pour éviter un drame, et sauver sa réputation.

Intriguant et même assez excitant. Mais dès les premières scènes, on sent bien que quelque chose cloche, et que Grangier hésite constamment sur la direction à prendre. Il y a de la comédie très légère dans le jeu de Fernand Ledoux, papa-quinqua-gâteau. Il y a du noir dans le personnage de collabo qui sort de prison, hanté par ses voix intérieures et sa culpabilité toute en voix off très « film noir ». Belle scène d’ailleurs que cette sortie de prison très paranoïaque, personnage intéressant et trouble dont le film ne fait pas grand-chose, sinon lui offrir une sortie de porte cynique et très discutable.

Sous ses faux airs de comédie teintée de suspense, le film offre une vision franchement glauque de l’humanité, dans cette petite ville de province d’apparence si tranquille. Et il n’y a guère que le jeune couple de passage qui semble trouver grâce aux yeux du cinéaste. Pas les gens du cirque en tout cas, occupés à martyriser « le nain » avec une cruauté déshumanisée comme on n’en voit pas si souvent au cinéma.

Un collabo, un jeune couple de passage, un nain… Drôle de bestiaire, auquel on aurait bien du mal à trouver un lien. Cette histoire de flacon empoisonné ressemble à un argument pour enchaîner des scènes plus ou moins inspirées sur le même thème : comment le pharmacien va-t-il pouvoir subtiliser le sirop le plus discrètement possible, pour éviter l’accident et le scandale…

C’est inégal, et c’est surtout très répétitif, avec le sentiment de faire du sur-place, et un enjeu dramatique qui s’essouffle vite. On a connu Grangier plus inspiré, pour le coup.

La Vie en rose – de Jean Faurez – 1948

Posté : 28 février, 2023 @ 8:00 dans 1940-1949, FAUREZ Jean | Pas de commentaires »

La Vie en rose

Dans un collège, le jour de la remise des prix, un enseignant tente de se suicider dans sa chambre. Un jeune surveillant intervient juste à temps, et se plonge dans le journal intime de l’homme, découvrant page après page les événements qui l’ont conduit à cette extrémité.

Et c’est l’auto-portrait d’un quadragénaire charismatique, à la faconde irrésistible, qui se dessine de sa propre main, dans ce journal intime qui prend vie devant nos yeux. Mais ce n’est que la première partie de ce film malin et réjouissant. La seconde offre un regard extérieur et objectif sur les mêmes événements, nettement moins flatteurs pour le « suicidé », homme effacé incapable d’extérioriser ses sentiments.

La Vie en rose n’est pas un cas unique dans l’histoire du cinéma, loin de là. A peu près à la même époque, pour ne citer que celui-là, Duvivier refera le coup du changement de point de vue dans son malin La Fête à Henriette, au procédé comparable sur un tout autre sujet. Il y a un point commun évident entre les deux films, au-delà du fait que ce sont deux merveilles : tous deux sont dialogués par Henri Jeanson.

Et ils sont importants, les dialogues, dans ce qu’ils disent du fossé qui sépare l’homme qu’est réellement cet enseignant effacé, et celui qu’il se fantasme. Et ce fossé est profond, d’une vérité dérangeante. Sous les attraits de la comédie, que suggère le dynamisme et la jeunesse éclatante de François Périer, c’est un drame étonnamment cruel qui se noue, Jean Faurez (cinéaste que je découvre avec enthousiasme) nous plongeant mine de rien dans la psyché d’un homme méprisé, qui passe à côté de sa vie sans que quiconque s’en soucis.

Dans ce rôle, double et passionnant, une autre révélation : Louis Salou, loin de son personnage hautain des Enfants du Paradis. Il est le pivot du film. Sa prestation dans le sublime et dans le pathétique est d’une intensité folle, digne des plus grands, inoubliables. Une révélation, une vraie.

Les Enfants du Paradis – de Marcel Carné – 1945

Posté : 12 février, 2023 @ 8:00 dans 1940-1949, CARNÉ Marcel | Pas de commentaires »

Les Enfants du Paradis

Que peut-on attendre d’un film qu’on a si souvent placé en tête du classement des plus beaux du cinéma français, et qu’on n’a pas revu depuis si longtemps ? D’être envoûté, enthousiasmé, bouleversé, emballé, en un mot emporté. Emporté par l’ambition de la reconstitution de ce Paris du XIXe siècle, emporté par la magie des mots de Jacques Prévert, emporté par l’interprétation habitée, par l’ampleur du drame romanesque…

J’ai bien peur de ne pas être original : Les Enfants du Paradis est une merveille, un bonheur de 3 heures et 9 minutes dont on aimerait qu’il ne s’arrête jamais. Le plus beau rôle d’Arletty, Garance pour l’éternité. Le plus beau rôle de Pierre Brasseur, flamboyant Frédérick Lemaître. Le plus beau rôle de Jean-Louis Barrault, Baptiste Debureau si intense, si tragique. Le plus beau rôle d’à peu près tout le monde à vrai dire, tant ce drame ample et intime à la fois laisse de la place à tous.

Les Enfants du Paradis est ce qu’on appellerait aujourd’hui un blockbuster, une grosse machine. Des décors extraordinaires de Trauner, des dizaines de figurants, des tas de rôles parlants, des intrigues qui s’entremêlent, deux époques qui se répondent (le film est divisé en deux longs métrages)… Dès le générique de début, la musique de Kosma et Thiriet annonce l’ambition et la démesure du projet. Encore que démesure ne soit sans doute pas le terme le plus précis : les moyens sont immenses, et semblent même illimités, mais le film frappe surtout par l’intensité et la maîtrise qui s’en dégagent, une sorte d’état de grâce qui ne s’éteint jamais.

« Paris est tout petit pour ceux qui s’aiment comme nous d’un si grand amour. » « Je ne suis pas belle, je suis vivante. » « Vous êtes riche et vous voudriez être aimés comme un pauvre. » Les grands dialogues grandiloquents peuvent être plombants. Ceux que glisse Prévert dans la bouche d’Arletty sont d’une beauté sidérante, comme cette gouaille si joyeuse qui laisse la place à une distinction si désabusée. C’est beau, renversant, poétique et tragique.

Le scénario et les dialogues sont magnifiques, c’est un fait. De là à attribuer au seul Prévert la réussite du film, il y a un pas qu’il serait bien injuste de franchir. Carné est bien plus qu’un illustrateur : de ce scénario si ample, de tous ces personnages qui se croisent sur un boulevard du crime bondé, il tire un film où tout coule de source, fluide et intense, drôle et poignant, d’un seul mouvement complexe et pluriel.

Dans ce vaste mouvement qui emporte tout, on croise une artiste paumée, libre et amoureuse, un célèbre mime, un grand acteur, un tueur anarchique… Mais au fond, uniquement des êtres qui tentent chacun à leur manière de dompter leur solitude. Un film en état de grâce. Allez… On refait un classement des plus beaux films du monde ?

Bagarres – de Henri Calef – 1948

Posté : 7 février, 2023 @ 8:00 dans 1940-1949, CALEF Henri | Pas de commentaires »

Bagarres

Etrange titre pour ce film où on n’assiste à peu près à aucune bagarre, si ce n’est un bref affrontement qui n’excède pas les cinq secondes à l’écran. Mais il est question d’affrontements, sourds et silencieux, entre à peu près tous les hommes de la distribution, tous membres d’une même petite communauté, et prêts à s’entretuer pour les faveurs d’une belle jeune femme.

C’est en tout cas la seconde moitié de ce film assez fascinant de Henri Calef, cinéaste un peu tombé dans l’oubli. La première est tout aussi tendue, mais sur un autre registre : la belle, Carmelle (jouée par Maria Casarès) est poussée par le jeune homme qu’elle aime à se mettre au service du riche paysan de la région, réputé pour profiter de sa position avec les femmes. Si elle pouvait se le mettre dans la poche et en profiter financièrement…

Le regard sombre et triste de Maria Casarès est magnifiquement filmé, femme fière et sacrifiée qui n’aspire qu’à la liberté dans ses montagnes, et qui est confrontée à la mesquinerie et à la brutalité des hommes. Le riche paysan d’abord, formidable Jean Brochard, dont Calef révèle le côté pathétique et solitaire derrière la pure brutalité. On le découvre abattant son chien devenu trop vieux. « Ce qui ne me sert plus à rien ne me donne jamais d’émotion », lance-t-il, bravache.

Mais Calef sait capter par de petits détails, des silences surtout, une vérité plus nuancée derrière les apparences : la dureté du riche Rabasse, ou la bonté de son employé Giuseppe (Edouard Delmont). Il filme un monde dur, où les femmes font ce qu’elles peuvent pour surnager, sans pouvoir trouver de réconfort dans ce qui leur sert de foyer (un « frère » joué par Mouloudji, plus menaçant que rassurant). Même la musique de Kosma, lyrique et romantique, apparaît comme étouffante tant elle est présente par moments.

Calef ne laisse guère de place pour la légèreté, n’accordant à son héroïne que de brèves respirations solitaires dans les montagnes. L’amour n’est pas loin, bien sûr, mais il sera d’emblée marqué par le destin. Vrai film noir. Beau film cruel.

Fille du Diable – de Henri Decoin – 1946

Posté : 24 décembre, 2022 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1940-1949, DECOIN Henri | Pas de commentaires »

Fille du diable

Fille du Diable commence par une séquence incroyable. Un assaut lancé par la police sur un immeuble d’habitation où s’est réfugié un célèbre bandit dont personne ne connaît le visageÇa tire dans tous les coins, à l’arme lourde. Dans l’appartement où il se cache, le bandit tire pour tuer, à travers la fenêtre donnant sur la cour, et à travers la porte. Puis il enjambe le balcon, saute vers l’appartement voisin, puis celui du dessous, et il réussit à s’enfuir.

Son visage, dur et fermé, seul le spectateur à l’occasion de le voir : c’est celui de Pierre Fresnay, et c’est déjà un choc en soit. Pierre Fresnay dans la peau d’un tueur que rien ne peut vraiment rattraper. Un vrai méchant… Oui, sauf que dans ce film, la notion de bien et de mal échappe à tout jugement trop facile. Ce n’est d’ailleurs pas le moindre de ces atouts : non seulement le film de Decoin évite tout manichéisme facile, mais il s’avère d’une complexité assez rare, refusant systématiquement de juger, de condamner, d’excuser…

Cette première séquence est aussi impressionnante par ses cadrages, la vivacité de son montage, et son utilisation de la musique d’Henri Dutilleux, déstructurée et fascinante. Image et musique qui jouent avec une telle force la même partition, voilà qui fait de Fille du Diable quelque chose comme un film précurseur, très en avance sur son temps.

C’est en tout cas un film passionnant, qui se permet d’abandonner un temps son personnage principal, accueilli comme un héros dans une petite ville, sous une fausse identité endossée par le plus miraculeux des hasards, pour s’intéresser à un autre personnage incroyable : une espèce de sauvageonne qui trimballe derrière elle un lourd passé et une amertume sans borne. C’est elle, la « fille du diable », bourgeoise bien née plongée dans la misère et le rejet de tous depuis la mort de ses parents, et souffrant de tuberculose.

Dans ce rôle, la jeune Andrée Clément (qui, triste ironie, mourra à 35 ans de la tuberculose) est à la fois inquiétante et émouvante, haineuse et fragile, aussi complexe que le bon médecin du village qui se livre à un chantage éhonté sans pour autant perdre son humanité, joué par Fernand Ledoux. On ne dira rien de la dernière scène, si ce n’est qu’elle atteint des sommets, et que les rapports humains y échappent définitivement à tout jugement facile. Au sommet de son art, Decoin signe l’une de ses grandes réussites, particulièrement méconnue.

La Nuit fantastique – de Marcel L’Herbier – 1942

Posté : 23 décembre, 2022 @ 8:00 dans 1940-1949, FANTASTIQUE/SF, L'HERBIER Marcel | Pas de commentaires »

La Nuit fantastique

Un étudiant en philosophie, contraint de travailler la nuit aux halles pour payer ses études, est tellement fatigué par son rythme de vie qu’il s’endort à la moindre occasion, et plonge dans des rêves où lui apparaît immanquablement une silhouette blonde, toute de blanc vêtue, dont il tombe profondément amoureux.

Toute la première partie du film est absolument magnifique : cette espèce de triangle amoureux entre le jeune homme (Fernand Gravey, formidable), une fiancée rêche et cassante (Christiane Nère) et une apparition fantomatique (Micheline Presle) inspire à L’Herbier un marivaudage lunaire et poétique enthousiasmant, où le verbe (superbes dialogues d’Henri Jeanson) et le jeu des acteurs, Gravey en tête, insufflent un charme irrésistiblement désuet. Et comme il y a Bernard Blier qui joue les témoins de cet étrange drame avec la gouaille réaliste qu’on lui connaît, le film atteint réellement des sommets.

Puis, les irruptions sporadiques des rêves tandis que le héros somnole finissent par devenir le corps du film, lorsque les somnolences se transforment en sommeil profond. Là, le film se révèle plutôt convainquant, et souvent fascinant. Ce qui pourrait aussi être traduit par «partiellement réussie ». Les premiers pas dans ce long rêve sont en tout cas étonnants : quand Fernand Gravey franchit les portes de ce premier bar, c’est un peu comme si L’Herbier, qui rend ici un hommage vibrant au cinéma des origines de Méliès, annonçait les occupants de la Loge Noire dans Twin Peaks : perception brouillée, dialogues dits à l’envers, absurde assumé… L’Herbier s’impose en précurseur inattendu de David Lynch.

Tout n’est pas du niveau de cette première scène, cela dit. L’ambition immense du film est parfois contredite par une approche esthétique un peu timorée. Mais quand L’Herbier désaxe ses cadres, insiste sur le phrasé traînant de Saturnin Fabre ou confronte ses personnages à des visions nocturnes coupées de toute réalité, cette Nuit fantastique atteint des sommets que peu de cinéastes approcheront dans les décennies suivantes.

Ce n’est qu’un au revoir / Voyage sans retour (‘Till we meet again) – de Frank Borzage – 1944

Posté : 15 décembre, 2022 @ 8:00 dans 1940-1949, BORZAGE Frank | Pas de commentaires »

Voyage sans retour

Nettement moins connu que Three Comrades ou The Mortal Storm, deux superbes drames sur les ravages du Nazisme, ‘Till we meet again n’en est pas moins une grande réussite qui porte évidemment la marque de Borzage, grand cinéaste d’une délicatesse décidément infinie. On hésite à parler d’une histoire d’amour ici, tant cette histoire d’amour est radicalement impossible entre les deux personnages principaux…

Dans la France occupée, donc, un aviateur américain se réfugie dans un couvent pour échapper aux Allemands. L’une des sœurs, qui vit là depuis ses 8 ans, doit se résoudre à sortir de ce couvent qu’elle n’a plus quitté depuis son arrivée, pour aider l’Américain à quitter le pays. A priori déjà, une histoire d’amour entre un soldat et une religieuse est impossible… Mais si on ajoute un passif douloureux entre la jeune femme et les hommes, et une épouse que le soldat évoque avec une tendresse immense…

Pas de happy end hollywoodien possible entre ces deux-là donc, on le sait d’emblée. Pourtant, ou peut-être grâce à cette certitude, la relation qui se noue entre eux est d’une beauté ravageuse. Elle est belle cette scène où, dans la maison où ils se sont réfugiés, la jeune femme réalise le bonheur de vivre au plus près d’un homme, dans cette famille éphémère qu’ils se sont créés. Et il est magnifique ce regard de l’homme, Ray Milland, posé sur cette femme, Barbara Britton, dont il sait qu’il ne la reverra pas.

C’est toute la puissance du cinéma de Borzage qui se concentre dans ce simple regard, qui véhicule tellement plus d’émotion que n’importe quel long discours. La pureté des sentiments exacerbés dans un contexte de violence et de haine… Et là aussi, Borzage révèle une sensibilité extrême, dans son refus de déshumaniser totalement le personnage de l’officier allemand, monstrueux mais pas dénué de sentiments.

Dans la scène où il annonce vouloir « utiliser » trois jeunes religieuses de 15 ans, il est terrifiant. Et l’évocation de ce qui pourrait advenir de ces adolescentes est plus dure peut-être que toutes les exactions auxquelles on assiste réellement. Ce qui n’empêche pas Borzage de filmer son trouble lorsque ses hommes abattent par mégarde la mère supérieure du couvent, scène terrible, qui propulse la jeune religieuse en dehors de son refuge.

Tout au long du film, on retrouve la délicatesse de Borzage, dans sa manière de filmer le visage si doux et pur de Barbara Britton, ou le regard las et tendre de Ray Milland. Dans des détails aussi : cette tache de sang que Milland essuie sur la joue de Barbara Britton ou, plus tôt dans le film, les colombes qui s’envolent lorsque les jeunes religieuses sont troublées dans leurs prières par des coups de feu… Du beau, du grand Borzage.

Aventures en Birmanie (Objective, Burma !) – de Raoul Walsh – 1945

Posté : 14 décembre, 2022 @ 8:00 dans 1940-1949, WALSH Raoul | Pas de commentaires »

Aventures en Birmanie

Immense dans le polar (White Heat), immense dans le western (La Fille du Désert), immense dans l’aventure (Capitaine sans peur), immense même dans la comédie (The Strawberry Blonde)… Walsh est un cinéaste immense, qui a transcendé à un moment ou à un autre tous les grands genres du cinéma américain. Le film de guerre ne fait pas exception : celui-ci est même, n’ayons pas peur des mots, le modèle indépassable de tous les films de commando qui ont suivi. Du Anthony Mann de Côte 465 au Terrence Malick de La Ligne rouge en passant par le Spielberg de Il faut sauver le soldat Ryan, tous doivent quelque chose à ce film. Sans oublier John McTiernan, dont le Predator reprend la même trame narrative, quasi-remake qui ne dit pas son nom.

Aventures en Birmanie est en tout cas un modèle de construction, dont Walsh transcende (une nouvelle fois) la simplicité. Une mission : se faufiler dans la jungle birmane pour faire sauter un radar japonais, et permettre aux Américains de revenir en force dans le pays. Un commando réduit : une quarantaine d’hommes derrière l’officier Errol Flynn. Un succès rapide et facile : cible détruite, aucune perte, pas même le moindre blessé. Il n’y a plus qu’à rentrer au bercail, mais c’est là que tout part de travers…

Et c’est là que le film déjà passionnant, prend une autre dimension. On retrouve là le sens du rythme et la fluidité parfaite du cinéma de Walsh. Comme dans tous les Walsh, d’ailleurs. Mais il y a autre chose, qui inspirera tant d’autres cinéastes : une manière de saisir les moments d’attente en filmant les visages des soldats au plus près dans de lents et beau travellings latéraux qui passent de l’un à l’autre, dévoilant les angoisses, les peurs, les postures de personnages à la présence puissante, même si on n’apprend pas grand-chose de leurs histoires personnelles (dont Henry Hull, particulièrement attachant en journaliste vieillissant).

Ces plans reviennent souvent dans le film, constamment renouvelés, toujours très intenses. Dans ce décor où la végétation est omniprésente, Walsh évite la sensation de redite, donnant le sentiment d’un perpétuel changement, créant par la même occasion un inconfort constant. Le danger est potentiellement partout, et sa manière de filmer les murs végétaux, l’obscurité ou l’eau croupie des marécages renforce l’angoisse, lourde et pesante.

Même virtuosité dans les scènes de combat, jamais identiques. L’attaque finale sur la colline, de nuit, est particulièrement forte. Walsh joue sur l’invisible pour renforcer encore la tension, étirant un suspense de plus en plus insoutenable, puis révélant l’urgence de la situation en éclairant artificiellement la scène. Du grand art…

La Justice des hommes (The Talk of the Town) – de George Stevens – 1942

Posté : 6 décembre, 2022 @ 8:00 dans * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, STEVENS George | Pas de commentaires »

La Justice des hommes

Comédie, thriller, triangle amoureux, et même film de procès… George Stevens jongle avec pas mal de genres très différents dans ce film. Quitte à laisser tomber quelques quilles en cours de route d’ailleurs : à changer de ton si souvent, il finit par accoucher d’un film un peu bancal. Bancal, mais pourtant assez réjouissant à de nombreuses occasions.

La séquence d’ouverture, d’abord, est remarquable. Sans un mot ou presque, avec un montage très dynamique utilisant coupures de presse et fausses images d’archives, Stevens plante le décor, et résume ce qui aurait pu être une longue partie d’introduction en quelques instants d’une clarté et d’une concision impressionnantes.

On a donc Cary Grant (un peu en retrait, mais joyeusement cabotin), accusé d’avoir mis le feu à l’usine où il travaillait, causant ainsi la mort d’un homme. Jugé, sur le point d’être condamné à mort, il s’évade et se réfugie au domicile d’une vague amie d’enfance (Jean Arthur, piquante et irrésistible). Mais quelques minutes après débarque un juriste éminent et raide comme la justice qui a loué la maison (Ronald Coleman, merveilleusement suave). Grant n’a que le temps de se cacher dans le grenier.

Commence alors un étrange huis-clos, plein de suspense et d’humour, avec cette cohabitation dissimulée particulièrement originale. Et ce n’est que la première partie d’un film qui ne cesse de prendre de nouveaux départs, quitte à changer de direction, passant de la comédie de mœurs la plus légère au drame judiciaire le plus intense. Et même s’il manque une ligne réellement cohérente, Stevens se révèle également à l’aise dans tous les tons.

On retiendra une course poursuite en pantoufles entre le juriste et une meute de chien, un repas enthousiaste autour d’un borscht (avec un œuf), une déclaration d’amour finale à grandes enjambées, ou encore un face-à-face tendu entre Cary Grant et une foule déchaînée… Beaucoup de moments mémorables pour un film très imparfait, et foncièrement attachant.

Arsenic et vieilles dentelles (Arsenic and old lace) – de Frank Capra – 1941-1944

Posté : 3 novembre, 2022 @ 8:00 dans 1940-1949, CAPRA Frank | Pas de commentaires »

Arsenic et vieilles dentelles

Bien sûr, il y a plus qu’un style Capra, il y a un état d’esprit, des thématiques qui habitent une très grande partie de son œuvre dès sa période muette (The Power of the Press), et jusqu’à ses films d’après-guerre (La Vie est belle, bien sûr) : une manière de critiquer les dérives de la société à travers des fables sociales drôles et enlevées.

Arsenic et vieilles dentelles fait partie des très grandes réussites du cinéaste, et le film porte bien sa signature : on le sent constamment dans le rythme de sa mise en scène, dans ce mélange si savamment dosé de burlesque débridé et d’un réalisme pas loin d’être sordide. Dans son décor aussi, qui semble sorti d’un conte de notre enfance, avec ce cimetière d’un autre temps qui sépare les maisons familiales de deux jeunes amoureux. Pourtant, c’est un film sans équivalent dans la filmographie de Capra, qui n’est jamais allé aussi loin dans la comédie pure et dans l’humour noir.

Une farce, plus qu’une fable. Avec cette adaptation d’une pièce de Broadway à succès, Capra lâche la bride et et n’hésite pas à mettre un pied dans l’outrance. Et c’est à Cary Grant, qu’il n’avait encore jamais dirigé (et qu’il ne dirigera plus jamais) qu’il confie le rôle principal. Le choix n’est pas anodin : c’est le Cary Grant des screwball comedies de Hawks qu’a choisi Capra, et qu’il pousse très loin, au bord de l’autocaricature.

Et voilà quelque chose que Grant maîtrise parfaitement, immense acteur comique qui n’est jamais aussi drôle que quand il va loin. Sa manière de surjouer serait du cabotinage éhonté pour à peu près n’importe qui d’autre. Lui en fait un chef d’œuvre d’interprétation comique. Sa prestation est la colonne vertébrale de la folie du film, l’histoire d’un jeune marié qui réalise que ses adorables tantes dézinguent des vieux messieurs trop seuls, par charité.

A vrai dire, toute la distribution est ainsi basée sur une idée proche de la caricature. Priscilla Lane séduit en surjouant les yeux de biches. Jean Adair et Josephine Hull ne sont formidables que parce qu’elles sont l’incarnation des vieilles dames au grand cœur. Jack Carson est irrésistible dans son rôle de flic forcément un peu benêt. Peter Lorre inquiète avec son bagage de psychopathe bien rodé depuis M le maudit. Et Raymond Massey bien sûr, sosie de la créature de Frankenstein agacé d’être constamment comparé à Boris Karloff.

On aurait bien tort de chercher autre chose dans ce film qu’une pure comédie. Capra laisse l’émotion de côté, ce qui n’est pas courant dans son cinéma. Et il signe un très grand classique comique qui déclenche des fous-rires à peu près incessants. Une merveille, et un film qui vous retape à coups sûr après une journée ou une semaine difficiles. Chef d’œuvre, respect, tout ça tout ça.

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