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Archive pour la catégorie '* Polars/noirs France'

Le Parfum vert – de Nicolas Pariser – 2022

Posté : 31 mars, 2023 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 2020-2029, PARISER Nicolas | Pas de commentaires »

Le Parfum vert

Une comédie policière un peu rétro… Voilà le genre de plaisir qui ne se boude pas. Nicolas Pariser flirte ouvertement du côté d’Hitchcock. Une petite chose gentiment désuète qui pourrait suffire à mon bonheur, si le réalisateur avait su proposer autre chose qu’une compilation de clins d’œil et de citations plus ou moins évidentes.

Beaucoup d’Hitchcock, donc, des 39 marches à La Mort aux trousses en passant par Sueurs froides et beaucoup d’autres, mais aussi du Tintin (avez-vous remarqué la statuette de l’Oreille cassée), et quelques autres références. Ce catalogue de citations a deux effets : premièrement, il conduit assez vite à un sentiment de profonde lassitude ; deuxièmement, il permet de tenir jusqu’à la fin du film sans trop s’ennuyer, en s’amusant à reconnaître tel ou tel film.

On en sort quand même avec une vraie frustration. On pouvait attendre un peu plus d’originalité et d’audace de cette histoire de course poursuite à travers l’Europe, avec un duo mal assorti incarné par Sandrine Kiberlain et Vincent Lacoste. Elle, illustratrice lasse et prête à se lancer dans toutes les aventures. Lui, comédien très rive gauche dont un camarade est mort sur scène après lui avoir murmuré d’étranges paroles à l’oreille. Et ça, oui, c’est L’Homme qui en savait trop.

L. 627 – de Bertrand Tavernier – 1992

Posté : 21 mars, 2023 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1990-1999, TAVERNIER Bertrand | Pas de commentaires »

L 627

2h20 d’un film policier sans enquête, sans héros, sans méchants, sans même un vrai suspense. C’est ce qu’ose Bertrand Tavernier avec L.627, film chorale ou film manifeste, chronique réaliste et engagée assez audacieuse, taillée pour ne plaire à à peu près personne.

Pas aux flics eux-mêmes, que le cinéaste ne ménage pas en mettant en scène un groupe de policiers flirtant avec les règles, souvent profiteurs et magouilleurs, voire planqués. Encore moins à l’administration, dont Tavernier dénonce l’inanité, l’aveuglement et la lenteur. Et pas aux politiques, pointés du doigt en creux pour la culture du chiffre qu’ils véhiculent.

D’ailleurs, le film est une réponse à la posture d’un politique : Laurent Fabius, alors premier ministre, qui invitait des artistes à échanger avec lui à propos de sujets importants, et qui a balayé la réflexion de Bertrand Tavernier évoquant la drogue qui circule chez les jeunes par un « je vous ai demandé de me parler de sujets importants ». La réponse de Tavernier : L. 627, et une réplique cinglante lors d’une filature. « Il a pris à gauche. – Ben c’est pas Fabius. »

Voilà pour l’anecdote. L. 627 est donc le film d’un cinéaste en colère, qui a des choses à dire. C’est aussi une espèce de tournant dans l’œuvre de Tavernier, dont le cinéma était déjà engagé (dès son premier film, L’Horloger de Saint-Paul), mais toujours avec la forme relativement classique d’un film de fiction. Ici, il utilise plus que jamais les codes du documentaires, suivant le quotidien d’une brigade de flics mal équipés, bourrés de défauts et d’approximations, qui font littéralement ce qu’ils peuvent avec ce qu’ils ont.

Résultat : une suite de planques, de nuits blanches, de petites arrestations, d’interrogatoires qui n’en finissent pas, de mauvais plans et de journées perdues. Des affaires qui se résument à des statistiques, un manque criant de moyens, de l’alcool qui coule à flot, des vies privées réduites à de la figuration2h20 de ce quotidien peu glorieux, et pour tout dire assez pathétique, sans que jamais Tavernier ne cède aux sirènes d’un enjeu clairement identifié.

Il y aurait à peu près 70 rôles dans L. 627. C’est beaucoup. Mais le film garde constamment le point de vue de l’enquêteur « qui fait du zèle », joué par Didier Bezace, qui constitue une sorte de lien fictionnel au long métrage. Cette succession de petits riens, de minuscules victoires et de grandes frustrations, c’est aussi l’évolution du personnage, qui s’enfonce dans une « mission » qui dévore tout le reste, à commencer par sa vie de famille, avec cette épouse si discrète, et cette enfant si absente.

La relation du flic avec Cécile, jeune prostituée et toxicomane, est particulièrement forte. Relation d’une tendresse presque désespérée, et loin de tout cliché. Entre ces deux solitudes, c’est une sorte de pacte de la dernière chance que l’on devine : si je te sauve je me sauve, si tu plonges je me noie. C’est beau, déchirant, bouleversant. Et cette dernière image laisse une amertume folle.

La Nuit du 12 – de Dominik Moll – 2022

Posté : 18 mars, 2023 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 2020-2029, MOLL Dominik | Pas de commentaires »

La Nuit du 12

Zodiac, Memories of Murder… les polars évoquant l’obsession de flics qui échouent à résoudre un crime sont presque devenus un genre en soi. Et un genre souvent passionnant, comme le confirme La Nuit du 12, fraîchement césarisé, qui vaut à Dominik Moll un nouveau triomphe personnel plus retentissant peut-être encore que son Harry, un ami qui vous veut du bien, il y a vingt ans.

Surtout, Moll, tout en s’inscrivant dans la mouvance des chefs d’œuvre de Bong Joon Ho et David Fincher, signe un film très différent, bien dans la lignée de ce que sa courte filmographie (sept longs métrages en trente ans, c’est peu) suggérait déjà : il est un cinéaste du détail, de la précision, mais aussi d’un certain quotidien, dans lequel il infuse le déséquilibre et la rupture par de toutes petites touches.

Bon. Il y a tout de même un énorme point de bascule dans La Nuit du 12 : la scène du meurtre, ce moment très banal (une jeune femme qui quitte une soirée pour rentrer chez elle) qui tourne à la barbarie (un inconnu l’aborde, l’asperge d’essence et met le feu). Un moment qui rompt si brutalement le cours de la vie que Moll le film avec un soudain recul, avec le filtre inhabituel dans le film d’une musique dramatique, et avec une pudeur qui transforme l’horreur en une profonde émotion.

Cette scène, traumatisante et bouleversante, infuse tout le film. Elle permet aussi de ne jamais revenir lourdement sur la souffrance des flics chargés de l’enquête. C’est toute une équipe qui est mobilisée, mais le film se concentre sur le jeune chef de groupe et sur le plus ancien de ses adjoints. D’un côté, un trentenaire entièrement focalisé sur son métier, qui évacue son stress et sa colère en enchaînant les tours de piste de vélodrome, qui l’enferment symboliquement dans une logique jusqu’au-boutiste autodestructrice. De l’autre, un quinqua qui a depuis longtemps passé cet équilibre fragile, et qui arrive au point de rupture.

Entre Bastien Bouillon (étonnant César du meilleur espoir pour ce rôle – étonnant parce qu’il est loin d’être un débutant) et Bouli Lanners (César du second rôle), c’est toute la souffrance de cette enquête au long cours que capte Dominik Moll, à travers quelques éclats, de rares confessions, mais surtout à travers des silences, des non-dits, une incapacité du jeune flic à verbaliser, et une pression que son aîné peut de moins en moins canaliser

Le décor montagneux de la Maurienne n’est pas non plus anodin. Loin d’ouvrir le récit, il l’enferme au contraire dans des espèces de murs naturels qui renforcent le sentiment d’oppression, comme si les personnages s’enfermaient dans une logique de vie sans issue, que les repas qu’ils partagent régulièrement mettent en lumière, avec cette convivialité et cette légèreté feintes qui ne trompent pas grand-monde, pas même eux-mêmes.

Formidable polar entêtant, La Nuit du 12 pourrait être plombant. Il est effectivement très sombre, avec ces hommes et ses femmes qui s’accrochent avec la conviction du désespoir au moindre fil, systématiquement contrarié. Pourtant, Moll y insuffle de la vie, et même un étonnant sentiment d’optimisme. Ce n’est pas le moindre de ses mérites.

Danger de mort – de Gilles Grangier – 1947

Posté : 13 mars, 2023 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1940-1949, GRANGIER Gilles | Pas de commentaires »

Danger de mort

Grangier est un cinéaste dont il est bien difficile de savoir ce qu’il faut en attendre. Le noir lui va plutôt bien d’habitude, et ce Danger de mort est assez intriguant sur le papier : un pharmacien, tout à la joie de devenir père pour la première fois, réalise trop tard qu’il a confondu des flacons et ajouter du cyanure au sirop qui a fait sa renommée. Il se lance alors dans une course désespérée à travers la nuit pour retrouver les cinq personnes à qui il a vendu le sirop, pour éviter un drame, et sauver sa réputation.

Intriguant et même assez excitant. Mais dès les premières scènes, on sent bien que quelque chose cloche, et que Grangier hésite constamment sur la direction à prendre. Il y a de la comédie très légère dans le jeu de Fernand Ledoux, papa-quinqua-gâteau. Il y a du noir dans le personnage de collabo qui sort de prison, hanté par ses voix intérieures et sa culpabilité toute en voix off très « film noir ». Belle scène d’ailleurs que cette sortie de prison très paranoïaque, personnage intéressant et trouble dont le film ne fait pas grand-chose, sinon lui offrir une sortie de porte cynique et très discutable.

Sous ses faux airs de comédie teintée de suspense, le film offre une vision franchement glauque de l’humanité, dans cette petite ville de province d’apparence si tranquille. Et il n’y a guère que le jeune couple de passage qui semble trouver grâce aux yeux du cinéaste. Pas les gens du cirque en tout cas, occupés à martyriser « le nain » avec une cruauté déshumanisée comme on n’en voit pas si souvent au cinéma.

Un collabo, un jeune couple de passage, un nain… Drôle de bestiaire, auquel on aurait bien du mal à trouver un lien. Cette histoire de flacon empoisonné ressemble à un argument pour enchaîner des scènes plus ou moins inspirées sur le même thème : comment le pharmacien va-t-il pouvoir subtiliser le sirop le plus discrètement possible, pour éviter l’accident et le scandale…

C’est inégal, et c’est surtout très répétitif, avec le sentiment de faire du sur-place, et un enjeu dramatique qui s’essouffle vite. On a connu Grangier plus inspiré, pour le coup.

La Fleur du mal – de Claude Chabrol – 2003

Posté : 7 mars, 2023 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 2000-2009, CHABROL Claude | Pas de commentaires »

La Fleur du mal

Sorti il y a tout juste vingt ans, La Fleur du Mal est sans doute le dernier film purement chabrolien, en ce qu’il contient tous les thèmes et motifs qui habitent son cinéma le plus incarné, le plus immédiatement reconnaissable : une bourgeoisie de province (ici, le Bordelais), des secrets de famille, l’art de ne rien laisser transparaître, la nécessité d’afficher une apparence de bonheur et d’équilibre, et le sentiment d’étouffer, qu’un verre de whisky permet de contenir…

Côté secrets de famille, on est plutôt gâté avec celle-ci, ou plutôt celles-ci, avec un s : deux familles qui ne cessent de s’aimer, de se tromper, et de répéter les mêmes drames génération après génération. Avec un trait d’union entre elles : la si bonne tante Line, qui a la douceur de Suzanne Flon, mais qui garde en elle soixante ans de douleur contenue. On le sait vite : ses souvenirs reviennent par bribes, par l’intermédiaire de voix off.

Comme on sait vite que tout ça va se terminer en drame. C’est même le plan qui ouvre le film : fascinant travelling qui nous conduit à l’étage de la maison de famille, où on entend des conversations au rez-de-chaussée, loin du cadavre qui gît quelques mètres au-dessus. Ce premier plan hante évidemment tout le film, planant comme une ombre implacable, pesant sur l’histoire d’amour qui se noue entre le demi-frère et la demi-sœur, joués par Benoît Magimel et Mélanie Doutey.

Chabrol n’est pas du genre à nous asséner un jugement moral : sa critique de la bourgeoisie est nettement plus fine, et forte, qu’un simple constat selon lequel des demi-frères ne devraient pas coucher ensemble. Son point de vue, et le nôtre, est celui de cette famille qui a fait de l’hypocrisie un mode de vie. Et dont certains membres n’en sont pas moins éminemment sympathiques.

Il nous place constamment au niveau de ces personnages, dévoilant par petites touches les travers du père (Bernard Lecoq), et la fauxculterie de la mère (Nathalie Baye), en campagne pour devenir maire. La politique, comme métaphore de l’hypocrisie bourgeoise. Ce pourrait être lourd et convenu, mais non : c’est même particulièrement édifiant devant la caméra de Chabrol, très inspirée.

Dans La Fleur du Mal, tout est affaire de répétition, de mensonges, du poids de l’héritage dans cet entre-soit attirant et effrayant à la fois. Le film est d’une extrême précision, avec ce sentiment d’inéluctable que partagent tous les grands films de Chabrol.

Juste avant la nuit – de Claude Chabrol – 1971

Posté : 6 mars, 2023 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1970-1979, CHABROL Claude | Pas de commentaires »

Juste avant la nuit

Et si la première image de Juste avant la nuit, après un travelling sur la ville menant à la fenêtre d’un immeuble, clin d’œil pas innocent au premier plan de Psychose, était ce qu’il y avait de plus fort, et de plus évocateur, dans tout le cinéma de Claude Chabrol ? Un gros plan sur le profil baissé de Michel Bouquet, son incarnation la plus cynique de la bourgeoisie, le regard fixe sur une culpabilité dont on ne sait encore rien, et sur un arrière plan totalement noir. Et puis la lumière revient, laissant apparaître l’objet du malaise : une jeune femme nue et alanguie, pas encore assassinée mais c’est tout comme.

Juste avant la nuit n’est pas le film le plus célèbre et célébré de Chabrol. Il l’est moins en tout cas que Le Boucher, Que la bête meure ou La Femme infidèle, tourné peu avant. C’est pourtant l’un de ses chefs d’œuvre, et peut-être le plus hitchcockien dans sa facture et dans ses thèmes : cette manière de filmer la culpabilité et l’hypocrisie, les effets du crime plutôt que le crime lui-même, que Chabrol semble décortiquer dans les moindres détails alors qu’il ne nous en montre rien d’autre que les prémices et les conséquences. Pas l’acte lui-même.

Il semble en terrain totalement familier, Chabrol, filmant une famille bourgeoise se raccrochant à ce qu’elle a de plus vital : cette apparence de bonheur et de fidélité que chacun de ses membres ne cesse de revendiquer avec éclat. Les enfants rieurs, la femme faussement candide, la grand-mère exubérante, et même la bonne abonnée aux fous-rires… Tout sonne trop parfaitement pour être profondément sincère.

« Je te demande pardon… » commence le mari lorsqu’il confesse son crime à sa femme. Avant de continuer, sans ciller : « … Je n’ai pas eu le courage de continuer à me taire. » Avec cette phrase lancée par Michel Bouquet, et avec le visage fermé de son épouse jouée par Stéphane Audran, c’est un peu comme si le couple de La Femme infidèle poussait à l’extrême la logique bourgeoise chabrolienne : s’il s’excuse, ce n’est pas pour le crime qu’il a commis, mais pour le désordre que cela entraîne dans cette petite vie si parfaite.

Surtout ne rien laisser transparaître, surtout ne rien faire qui pourrait troubler la surface de ce bonheur apparent. La scène où Bouquet se livre au mari de sa victime, qui est aussi son meilleur ami et qu’interprète François Périer, est extraordinaire. Périer, au premier plan le visage impassible. Bouquet un peu en arrière, plongé dans l’ombre, de plus en plus opaque au fur et à mesure que son ami encaisse sans éclat, refusant de renoncer à cette amitié inséparable de son équilibre bourgeois…

Le crime est un prétexte, un « mcguffin » pour reprendre le terme d’Hitchcock, la raison qui enferme le personnage de Michel Bouquet dans une prison interne que la mise en scène de Chabrol ne cesse de souligner par des jeux de rideaux, par des grilles posées en premier plan… Autour de lui, dès ce formidable plan d’ouverture sur fond noir, le décor ne fait que renforcer le sentiment d’isolement et de pression, jusqu’à la nuit. La nuit qui estompe les aspérités. La quintessence du cinéma de Chabrol.

Reproduction interdite / Meurtre à Montmartre – de Gilles Grangier – 1957

Posté : 5 mars, 2023 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1950-1959, GRANGIER Gilles | Pas de commentaires »

Reproduction interdite

Tourné entre deux (très bons) Gabin, Le Sang à la tête et Le Rouge est mis, ce Grangier sorti sous le titre Reproduction interdite a été un échec, qui a incité les producteurs à le ressortir sous un titre plus évocateur, pour ne pas dire racoleur. Cela dit, ce « meurtre à Montmartre », tardif dans l’histoire, donne aussi la scène la plus forte de ce film assez inégal.

Plein de bonnes choses en tout cas, très inspiré par le film noir américain : cette influence est flagrante dès le générique de début, avec ces noms qui s’inscrivent en très gros à l’écran, et cette musique très dramatique et très ample, comme le cinéma français n’en use guère. La voix off de Paul Frankeur, un peu maladroite et peu convaincante, confirme cette ombre hollywoodienne qui plane.

C’est en tout cas une vraie intrigue de film noir : un marchant de tableaux (Frankeur), arnaqué par un escroc (Michel Auclair) qui lui a vendu un faux Gauguin, décide de faire équipe avec lui et de mettre à profit ses connaissances pour concevoir le faux le plus réaliste possible. Pas de « femme fatale » à proprement parler, mais les femmes sont centrales, et même fatales d’une certaine manière : l’une parce que le marchand Frankeur veut lui assurer le meilleur des trains de vie, l’autre parce qu’elle est la conscience du peintre faussaire, rongé par le sentiment de trahir sa vocation.

Cette dernière, c’est Annie Girargot, formidable dans un rôle un peu en retrait, mais d’une grande force : ce regard qu’elle lance lorsqu’on lui répète constamment « Empêchez le de boire », témoin impuissante de la chute et de la compromission de celui qu’elle aime. Elle est formidable, même si le film ne lui rend pas totalement justice : ces moments de grande tension, Grangier ne parvient jamais à en dégager la force, comme il peine à nous plonger dans les délires alcoolisés du peintre.

Un peu frustrant, donc, mais parce que le scénario, ambitieux et généreux, aurait pu donner quelque chose de vraiment grand si la magie avait opéré. Ce n’est pas tout à fait le cas, mais Grangier, à défaut d’être en état de grâce, connaît son métier. Il signe un bon film noir efficace, sombre et malin, et offre à Paul Frankeur un premier rôle particulièrement fort.

Bonnes à tuer – d’Henri Decoin – 1954

Posté : 26 février, 2023 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1950-1959, DARRIEUX Danielle, DECOIN Henri | Pas de commentaires »

Bonnes à tuer

Henri Decoin, homme à femmes, aurait-il projeté ses propres fantasmes dans ce film ? Il y met en scène un homme qui réunit lors d’une soirée dans un bel appartement dominant la ville, toutes les femmes qui ont compté dans sa vie (dont Danielle Darrieux, ex-compagne du cinéaste). Une soirée à l’atmosphère étrange, un peu malsaine, où l’hôte se met en scène en démiurge s’amusant des réactions de sa cour…

Le personnage que joue Michel Auclair est aux antipodes du cinéaste, éternel amoureux. Lui est un jeune ambitieux et arrogant dont on sait dès le début qu’il a prévu de tuer l’une des femmes, et que l’issue du film sera effectivement fatale. Mais quelle est sa cible ? Laquelle de ses quatre conquêtes, qu’il invite ensemble malgré tout ce qui les oppose, pour ce qu’il dit être la pendaison de crémaillère du luxueux appartement avec terrasse surplombant Paris, qu’il s’est offert comme le symbole de son ascension fulgurante.

L’essentiel du film se concentre dans cet appartement, et sur cette terrasse, sur cette soirée étrangement tendue. Mais ce qui fascine, c’est moins cette tension (avec sa conclusion attendue), ou le fait de faire d’un personnage antipathique le pivot du film (Auclair est très bien, d’ailleurs), que les personnalités si dissemblables des quatre femmes. Quatre femmes radicalement différentes, presque limitées à un type, au bord de la caricature : la douce (Danielle Darrieux, merveilleuse), l’hyper-sexuée (Corinne Calvet), la vamp mystérieuse (Miriam di San servolo), et la jeune ingénue délurée (Lyla Rocco).

La construction du film est étonnante. Essentiellement linéaire, il est parsemé de plusieurs flash-backs, adoptant chacun le point de vue de l’une des femmes. L’un d’eux est remarquable, et rompt avec l’habituel classicisme tout en élégance et en efficacité qui domine par ailleurs : celui où la jeune ingénue raconte une soirée telle que son esprit embrumé d’alcool l’a vécu. Là, Decoin dévoile une autre facette de son talent, passionnante, qui aurait mérité d’être développée.

125, rue Montmartre – de Gilles Grangier – 1958

Posté : 9 février, 2023 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1950-1959, GRANGIER Gilles | Pas de commentaires »

125 rue Montmartre

Gilles Grangier est à la toute fin de sa grande période lorsqu’il réalise ce film noir franchement formidable. La fin de sa carrière sera surtout marquée par des comédies pépères avec Gabin ou Fernandel, très dispensables. Mais ce 125, rue Montmartre, adaptation d’un roman à succès, est clairement l’un des sommets de sa filmographie, son chant du cygne disons…

C’est aussi l’un des meilleurs rôles de Lino Ventura, surprenant en vendeur de journaux à la criée, entraîné bien malgré lui dans une histoire de crime dont il est le pigeon habilement manipulé. On n’est dira pas beaucoup plus pour ménager les surprises, mais ce scénario brillamment retors est parfaitement mis en scène par Grangier, qui profite de ce polar pour nous plonger dans le quotidien de ces « crieurs », dont on découvre les petites habitudes, les réveils matinaux, les repas dans une cantine grouillante de vie…

125, rue Montmartre est un film noir digne des plus grandes réussites américaines du genre, qui vaut autant pour son scénario que pour ses personnages et son atmosphère. Et pour ses dialogues, signés Audiard, du caviar pour un Ventura, jusqu’à présent brillant second rôle qui s’apprête à devenir une star à part entière, et qui sort de sa zone de confort pour un rôle d’anti-héros assez passionnant.

Passionnant aussi, quoi que plus en retrait : le personnage du flic joué par Jean Desailly, que l’on découvre un peu fat et presque ridicule, et qui s’avère un digne héritier de Columbo, en plus élégant. Particulièrement réjouissant lorsqu’il s’adresse à son second alors qu’un suspect vient de lui mentir éhontément : « Suis-je idiot ? – Oh non commissaire. – Alors dites-lui, on gagnera du temps. » Réjouissant.

Une histoire d’amour – de Guy Lefranc – 1951

Posté : 7 janvier, 2023 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1950-1959, LEFRANC Guy | Pas de commentaires »

Une histoire d'amour

C’est le dernier film de Louis Jouvet, qui retrouve son réalisateur de Knock. C’est son dernier film, et c’est déjà très triste en soit : le voir ainsi, jeune encore et formidable dans un rôle de flic qu’il compose comme en opposition à celui de Quai des Orfèvres, est un crève-cœur quand on sait qu’il décédera quelques mois plus tard seulement. Et il se trouve que le film raconte une histoire également très triste…

Ça commence par la découverte d’un drame : un couple de jeunes gens (Dany Robin et Daniel Gélin, très jeunes, très beaux et très émouvants) s’est donné la mort dans un car abandonné dans un cimetière de véhicules. Pourquoi se sont-ils suicidés ? Dans quelle circonstance ? C’est ce que va s’évertuer à comprendre ce flic, qui n’a « jamais fait de zèle », mais qui cette fois refuse de classer le dossier sans comprendre.

Il est beau ce film, qui trouve l’équilibre parfait entre l’enquête du flic, fatigué par la mesquinerie des proches qu’il interroge, et les flah-backs, centrés sur ce couple qui se débat dans un monde où leur amour est impossible parce qu’il franchit les frontières de la bonne société : elle est une fille de grande famille, lui est le fils d’un pseudo artiste sans le sou. Leur point commun : avoir des parents toxiques, qui les conduiront à leur perte.

Il y a une étrange légèreté dans les flash-backs, qui nous poussent à espérer le meilleur, alors que le film s’ouvre sur le pire. C’est ce décalage entre ce que l’on sait et ce que l’on se surprend à espérer qui rend ce film si déchirant, et le regard de Jouvet si bouleversant. Derrière son apparente nonchalance, ce flic est d’une humanité magnifique. Cette humanité doit aussi quelque chose aux dialogues signés par un quasi-débutant nommé Michel Audiard, pas encore gâté par sa propre gloire, digne héritier de Jeanson.

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