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Archive pour la catégorie '* Polars/noirs France'

Pile ou face – de Robert Enrico – 1980

Posté : 2 mai, 2025 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1980-1989, ENRICO Robert | Pas de commentaires »

Pile ou face

Pile ou Face, c’est :

1) une mise en scène solide et sans éclat de Robert Enrico ;

2) un face-à-face qui tient ses promesses entre Noiret et Serrault, deux acteurs parfaits, tous deux en terrain connu dans des rôles taillés sur mesure ;

3) des dialogues acides signés par un Michel Audiard très inspiré en ce début des années 80, débarrassé de ses tics d’auteur trop obnubilé par ses bons mots ;

4) une intrigue pour le moins douteuse autour d’un féminicide, ou plutôt d’un crime passionnel comme on disait encore. Le terme n’est jamais utilisé, mais la sympathie pour le possible auteur du crime est tellement manifeste qu’elle crée un franc malaise.

Dans le même registre des parti-pris qu’on a du mal à défendre : pourquoi donc avoir filmé Dorothée nue (oui, la Dorothée du club Dorothée, alors actrice truffaldienne), dans une séquence dont on se dit qu’elle n’existe que pour filmer Dorothée nue…

Le film commence par la mort d’une femme horrible, véritable tyran domestique, qui passe littéralement à travers la fenêtre. Son mari (Serrault) l’a-t-il poussé ? L’enquête conclue que non, mais le flic Noiret est persuadé que oui. Et se met à harceler son suspect idéal.

La sympathie pour le possible criminel a bien du mal à passer. Mais elle souligne le caractère trouble des deux personnages principaux, derrière leur relative bonhomie. Les deux hommes ont des parcours semblables : deux veufs, qui sont passés à côté de leurs rêves, et qui abordent cet état de fait avec des réactions systématiquement opposés.

Entre eux se tissent des liens étranges, entre humiliation et amitié. Le personnage de Noiret, surtout, est assez passionnant, flic rêvant de finir sa carrière sur un succès, si pathétique soit-il. Son obsession évoque en quelques sortes celle de Nicholson dans The Pledge. Toute proportion gardée.

Une intime conviction – d’Antoine Raimbault – 2018

Posté : 7 avril, 2025 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 2010-2019, RAIMBAULT Antoine | Pas de commentaires »

Une intime conviction

Il y a à peu près toujours du bon dans les films de procès, genre éminemment (et assez paradoxalement, vu le caractère figé de la procédure) cinématographique. Celui-ci n’échappe pas à la règle. Il y a même de très belles idées dans cette Intime Conviction. Il y a aussi quelques limites.

Le film s’inspire du procès en appel de l’affaire Viguier, du nom de cet homme accusé du meurtre de sa femme, condamné d’avance par la vindicte populaire pour la froideur et le détachement qu’il arbore en permanence. Presque un remake du Gone Girl de David Fincher sur ce point, même si l’affaire Viguier est bien réelle.

Comme l’est l’avocat qui a défendu le mari lors de son appel : un certain Eric Dupont-Moretti, qu’incarne un Olivier Gourmet puissant et impressionnant. Même en frôlant le mimétisme avec le célèbre ténor du barreau et future Garde des Sceaux, l’acteur est constamment juste, donnant à son personnage un remarquable mélange de sensibilité et de brutalité, à la limite de la vulgarité.

Pourtant, le personnage le plus excitant est celui de Marina Foïs, un personnage de fiction celui-ci : jurée du premier procès qui se lance dans une croisade pour prouver l’innocence de Viguier, croisade qui tourne bientôt à l’obsession. Ce personnage aurait justifié à lui seul l’existence du film. Il est, hélas, un peu sacrifié dans la seconde partie au profit d’un réalisme judiciaire, et d’une fascination visible du scénariste-réalisateur pour la figure de Dupont-Moretti.

La principale limite du film repose sur un problème de point de vue. Antoine Raimbault semble au final n’avoir inventé le personnage le plus prometteur, autour duquel est construit toute la première partie, que pour justifier et simplifier l’intervention de Dupont-Moretti, faisant de sa plaidoirie le clou du film. Certes, elle est passionnante. Mais c’est le sentiment d’être passé à côté d’un grand film obsessionnel qui domine.

Fantômas – d’André Hunnebelle – 1964

Posté : 25 décembre, 2024 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1960-1969, HUNNEBELLE André | Pas de commentaires »

Fantômas

Envie d’un classique en cette période de fêtes ? Quoi de mieux qu’un bon vieux Fantômas… Oui, hein : quoi de mieux ? A vrai dire, beaucoup de choses. Beaucoup, beaucoup de choses. Parce que le sourire poli de mon fiston ne laisse guère de place aux doutes : il a pris un méchant coup de vieux, le premier opus de la version Jean Marais / Louis de Funès / André Hunnebelle.

Côté mystère, c’est à peu près le degré zéro du cinéma. Loin, très loin des versions précédentes, celles en particulier de Louis Feuillade et de Paul Féjos. Mais ça, disons que c’est assumé par un scénario et une mise en scène ouvertement tournés vers l’humour et l’aventure. Un pur divertissement conçu avant tout autour de sa star, Jean Marais.

Avant que Belmondo ne le supplante, Jean Marais était alors le grand homme d’action du cinéma français, transformé en héros bondissant par André Hunnebelle dans une série de films de cape et d’épée qui ont connu un énorme succès… et qu’on a bien du mal à revoir aujourd’hui. Mais côté action et aventures justement, Hunnebelle est un cinéaste bien poussif, que De Broca viendra totalement ringardiser dès cette époque.

Revoir ce premier Fantômas aujourd’hui est d’autant plus rude, que de nombreuses cascades et scènes d’action annoncent curieusement celles des Mission Impossible : courses poursuites sur un train, à moto, accroché à un hélicoptère… La comparaison, évidemment, n’est guère flatteuse pour ce Fantômas, malgré une générosité dans l’action qu’il faut souligner, jusqu’à une poursuite finale qui n’en finit pas de rebondir, semblant ne jamais devoir s’arrêter jusqu’à un final joyeusement grotesque, pour le coup assez réjouissant.

D’ailleurs, Hunnebelle n’a pas dû tarder à constater que ce qui fonctionnait le mieux dans son film, ce n’était ni le mystère, ni l’action, ni Jean Marais (franchement pas terrible d’ailleurs), mais Louis De Funès. Pas encore super star (il le devient cette année 1964, avec également Le Corniaud et Le Gendarme de Saint-Tropez), il s’impose comme un immense voleur de scène. Même en roue libre comme dans ce film où il semble ne pas être dirigé, il est le principal centre d’intérêt. Les scènes où il ne figure pas sont bien ternes…

La prochaine fois je viserai le cœur – de Cédric Anger – 2014

Posté : 1 décembre, 2024 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 2010-2019, ANGER Cédric | Pas de commentaires »

La Prochaine fois je viserai le cœur

Avec son précédent film, L’Avocat, Cédric Anger s’était perdu en se vautrant dans l’hyper-référence, incapable de s’affranchir de ses références, cinéastes américains nettement plus doués que lui (Scorsese et ses Affranchis, justement). Avec La prochaine fois je viserai le cœur, son troisième long métrage, Anger reste fidèle au polar, mais évite cette fois les comparaisons évidentes.

C’est une histoire vraie en l’occurrence, un peu oubliée : une série de crimes (un meurtre, et cinq tentatives) commis dans l’Oise à la fin des années 1970 par un mystérieux agresseur qui s’avérera être l’un des gendarmes travaillant sur l’enquête. Ce qui n’est pas divulgacher le film, puisque c’est le point dudit gendarme-tueur qu’Anger adopte, quasiment sans jamais le quitter.

Et c’est la grande force du film : le choix de ce point de vue, qui nous place au plus près d’un homme obsessionnel et visiblement bourré de frustrations explosives, dont les crimes semblent totalement gratuits (ni vol, ni viol), et mus par une rage que l’homme ne peut contenir. Pas de psychologie facile non plus : Anger filme assez frontalement, factuellement.

Le résultat est évidemment très dérangeant, sentiment renforcé par la présence de Guillaume Canet, acteur généralement très sympathique, impeccable et glaçant dans le rôle de cet homme hanté, dangereux, et malade. Le film doit beaucoup à cette manière si quotidienne et si flippante en même temps d’incarner ce gendarme-tueur pathétique.

Miséricorde – d’Alain Guiraudie – 2024

Posté : 7 novembre, 2024 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 2020-2029, GUIRAUDIE Alain | Pas de commentaires »

Miséricorde

Un jeune homme revient dans le village paumé où il a passé son enfance pour l’enterrement du père d’un ami. Accueilli chez la veuve, il s’incruste un peu plus que de raison. Et au fil des jours, des liens inattendus apparaissent : le visiteur était amoureux du décédé, son hôtesse semble attirée par lui, lui par le bon gros copain, le prêtre apparaît comme par enchantement à chaque balade dans les bois, la chambre où il réside est constamment visitée en pleine nuit…

Thriller ? Comédie ? Drame ? Non : Guiraudie. Le cinéma d’Alain Guiraudie, que je découvre avec ce Miséricorde, semble bien être un genre en soi. Il y a là un ton, une douce ironie, qui ne ressemblent à rien d’autre. Une manière de transformer une histoire qui pourrait être foncièrement dérangeante, en quelque chose de presque irréel, comme un étrange rêve qui offrirait un décalage troublant. Et très séduisant.

Guiraudie pose un regard étrangement ironique sur une humanité qui se défait mine de rien des conventions et de la bien-pensance. Son fils disparu mystérieusement, la mère jouée par Catherine Frot semble moins concernée par cette probable mort que par la présence de son visiteur. Quant au prêtre, il ne fait pas même mine de réprouver le crime qu’il pressent, s’arrangeant avec un hypothétique sentiment de culpabilité dans une réjouissante séquence de confession inversée.

La morale établie en prend d’ailleurs un sacré coup au passage, et le cinéma de Guiraudie rappelle parfois les grandes heures de Bertrand Blier… avec une forme de délicatesse en plus, et une vraie vision de cinéma, qui me donne furieusement envie de découvrir les premiers films du cinéaste, à côté desquels j’étais consciencieusement passé jusque là. La manière dont il joue avec les clichés ou avec toute tentation vériste s’avère vraiment, vraiment, très réjouissante.

Fantômas – de Paul Féjos – 1932

Posté : 5 novembre, 2024 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1930-1939, FEJOS Paul | Pas de commentaires »

Fantômas 1932

Et si la première adaptation sonore du célèbre serial était la meilleure ? Cette hypothèse peut faire bondir, tant la version de Louis Feuillade reste mythique, et tant l’auteur des romans (Marcel Allain, qui a pris la suite de Pierre Souvestre) a critiqué le film, succession de morceaux de bravoures qui privilégie constamment la forme au fond.

Une critique absolument fondée, qui explique paradoxalement en grande partie pourquoi le film de Paul Féjos reste si percutant, et finalement si moderne. Librement adapté du premier livre, ce Fantômas là en garde les grandes lignes : l’histoire d’un mystérieux criminel qui efface consciencieusement les traces de son dernier méfait, tandis que Juve, policier tenace, le traque inlassablement.

Cette intrigue n’est effectivement que le prétexte à enchaîner les séquences mémorables, jouant sur plusieurs registres du cinéma de genre, avec toujours la même volonté de pure efficacité.

Tout commence comme un film d’horreur, remarquable variation sur le thème alors très en vogue de la maison hantée, tendue et franchement flippante par moments. Réjouissante, en tout cas.

Puis, le polar prend le dessus, avec de grands moments de suspense particulièrement efficaces : la course automobile, l’attentat à l’hôpital… Un sens de l’action qui trouve son apogée lors de la bagarre finale, d’une brutalité rare à l’époque, et parfaitement tendue.

Sur le fond, rien de bien neuf. Mais Fantômas est un film de genre dans sa forme la plus pure, percutant et passionnant.

La Peau douce – de François Truffaut – 1964

Posté : 31 octobre, 2024 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1960-1969, TRUFFAUT François | Pas de commentaires »

La Peau douce

La Peau douce, film un peu mal aimé depuis soixante ans, a toujours été l’un de mes Truffaut préférés (avec La Femme d’à côté, dont les thèmes ne sont pas si éloignés d’ailleurs). Le revoir une nouvelle fois procure d’ailleurs les mêmes sentiments, très forts, et très pluriels.

Premier sentiment : y a-t-il un film qui porte mieux son titre que La Peau douce ? Le Vent de Sjöström, peut-être… C’est ce constat qui m’a toujours frappé en repensant au film : la manière si délicate dont Truffaut filme la peau de Françoise Dorléac, cette jeune hôtesse de l’air que son amant, le mature Jean Desailly, semble simplement effleurer, comme une apparition si douce et fragile qu’elle pourrait disparaître.

La première de ces deux là est un moment d’une extrême délicatesse, et qui procure une émotion profonde. Dans l’ascenseur de leur hôtel, des regards volés, une « ascension » qui dure bien plus longtemps qu’elle ne devrait. Truffaut dilate le temps pour installer le trouble qui envahit les deux personnages.

Et quelques minutes plus tard, à nouveau le temps qui n’existe plus alors qu’ils marchent dans le couloir qui les conduit vers sa chambre à elle. En ne filmant rien d’autres que leurs regards, et une main qui caresse un visage en ombre chinoise, Truffaut filme l’une de ses plus belles scènes d’amour. Peut-être la plus belle.

Tourné peu après sa rencontre au long cours avec Alfred Hitchcock pour son fameux livre d’entretien, La Peau douce est aussi le plus hitchcockien des films de Truffaut, dans ses thèmes, dans sa construction, et même dans sa manière de filmer, bourrée de clins d’œil plus ou moins évidents au cinéma d’Hitch.

C’est d’ailleurs le premier de ses films dont sent qu’il est totalement maîtrisé, dans le sens où il ne laisse pas de place au sentiment de liberté. Presque clinique, même, pour reprendre un terme qu’utilisait Truffaut lui-même pour ce film, en expliquant que son ambition était de disséquer un adultère, à travers trois personnages passionnants.

D’un côté, la jeune Françoise Dorléac, pleine de vie et de doute, dont on se dit qu’elle cherche aussi une figure paternelle. De l’autre, Nelly Benedetti en épouse bafouée et douloureuse. Au milieu, Jean Desailly dans le rôle d’un homme peu aimable au fond, qui passe son temps à faire de mauvais choix par maladresse ou par lâcheté. Un type tellement rangé qu’il ne traverse par une rue déserte quand le feu est rouge, mais qui s’enferme dans une logique de mensonges pour laquelle il n’est pas taillé.

Il y a un autre personnage aussi, discret et peu présent à l’écran, mais qui souligne en creux la douleur de ce qui se passe : celui de la fillette du couple légitime, dont la seule présence donne une dimension terrible au drame qui se noue. Décidément, l’un des plus beaux Truffaut.

Merci pour le chocolat – de Claude Chabrol – 2000

Posté : 25 octobre, 2024 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 2000-2009, CHABROL Claude | Pas de commentaires »

Merci pour le chocolat

Titre ironique, pour un Chabrol très grand cru. Dans pure veine hitchcockienne, le cinéaste-cinéphile cite tout à la fois Soupçons et Le Secret derrière la porte (un Lang lui-même très hitchcockien), ne filmant rien d’autre que ça : le soupçon et le secret, dans les alcôves d’une grande maison bourgeoise en apparence si parfaite.

Il faut dire qu’on est en Suisse, ce qui n’est pas si anodin : « Qui veux-tu qu’il te vole en Suisse ? », interroge l’un des personnages dans les premières minutes du film. Ben oui : dans ce décor-là, où tout a l’air si beau et si vrai, tout ne peut qu’être beau et vrai. Comme le mariage qui unit l’héritière d’une entreprise de chocolat et un grand pianiste.

La première faille apparaît très tôt, lorsqu’on apprend que ces deux mariés, Isabelle Huppert et Jacques Dutronc, s’étaient déjà mariés bien des années plus tôt, avant que le pianiste ne refasse sa vie avec la meilleure amie de la première, avec qui il a un enfant. Seconde épouse qui est morte prématurément, et mystérieusement.

Si on ajoute à cette découverte le lait que monte chaque soir la première (et troisième) épouse dans la chambre de son beau-fils, et si on a déjà vu Soupçons, on ne peut pas ne pas imaginer des choses…

L’intrigue se complique encore avec une jeune femme née le même jour que le fils du pianiste, avec qui elle aurait pu être échangée à la naissance… et qui s’avère être elle-même une jeune pianiste du talent. De quoi renforcer le malaise, recentrer l’intérêt, et pimenter les rapports familiaux.

Pas un cri, pas un mot qui dépasse. Une gentillesse et une bienveillance affichée à chaque moment. Mais de subtils mouvements de caméra qui viennent troubler l’élégance classique de la mise en scène : un plan légèrement désaxé, presque imperceptible, et c’est un sentiment de trouble et d’angoisse qui perce.

Merci pour le chocolat est un grand Chabrol, l’œuvre d’un cinéaste cette fois très inspiré et très attentif aux détails. Parce que c’est là, dans les détails, que naît l’intranquillité du film, son atmosphère si pesante qui tranche avec la quiétude des images.

Isabelle Huppert, décidément immense, y livre l’une de ses interprétations les plus dérangeantes, troublante et touchante jusqu’à l’abject. L’ultime plan sur elle est d’une richesse, d’une complexité et d’une puissance extraordinaires. Oui, décidément, grand Chabrol.

La Cérémonie – de Claude Chabrol – 1995

Posté : 15 octobre, 2024 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1990-1999, CHABROL Claude | Pas de commentaires »

La Cérémonie

Chabrol, c’est un peu le John Huston français. Non pas que leurs cinémas soient tellement comparables, non. Mais il y a chez l’un comme chez l’autre une propension intermittente à la paresse qui revient de temps en temps tout au long de leurs filmographies respectives, et qui leur a valu à l’un comme à l’autre une mauvaise réputation. Mais tout au long de leur carrière, du tout début jusqu’à la toute fin, tous deux ont aussi signé d’authentiques chefs d’œuvre, qui viennent régulièrement contredire cette propension susmentionnée.

La Cérémonie fait assurément partie des plus grandes réussites de Chabrol, grand dézingueur de la bourgeoisie de province qui prouve ici qu’il peut porter le même regard cynique (mais non dénué d’une certaine tendresse, si si) sur toutes les couches de la société, les plus hautes comme les plus basses. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois (Poulet au vinaigre, dix ans plus tôt, était déjà bien gratiné). Mais sa vision si noire et si personnelle prend ici une ampleur inédite.

Vingt-cinq ans après ses premiers chefs d’œuvre noirs (Le Boucher, Juste avant la nuit…), Chabrol nous plonge dans l’intimité de la fabrique du crime, avec une clairvoyance et une précision évidemment glaçantes. Comment deux jeunes femmes (Sandrine Bonnaire et Isabelle Huppert, immenses toutes les deux, cette dernière dans un registre totalement inattendu) en viennent à abattre froidement et sans cligner un œil toute une famille de grands bourgeois…

Bien sûr, il y a leurs passés à toutes les deux. Mais il y a surtout ce mur infranchissable qui sépare ces deux filles de rien, et cette famille si installée. Ce sont pourtant des gens bien, ces bourgeois : des parents progressistes (Jean-Pierre Cassel et Jacqueline Bisset), des enfants particulièrement bienveillants (dont Virginie Ledoyen, toute jeune). Bref, rien de monstrueux chez eux, mais une incapacité à appréhender ce mur, et l’effet surplombant qu’il peut avoir.

Au-delà de la fabrique de monstres, c’est le dialogue impossible entre les êtres que filme Chabrol, avec un mélange d’élégance et de précision clinique qui bouscule parce qu’il fascine. Grand Chabrol, grand film glaçant, très grand film, tout simplement.

Rafles sur la ville – de Pierre Chenal – 1958

Posté : 25 septembre, 2024 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1950-1959, CHENAL Pierre, VANEL Charles | Pas de commentaires »

Rafles sur la ville

De Pierre Chenal, l’histoire a surtout retenu Le Dernier Tournant, son excellente adaptation du Facteur sonne toujours deux fois. Tourné presque vingt ans plus tard, Rafles sur la ville donne une furieuse envie de plonger dans la filmographie de ce réalisateur largement méconnu.

Parce qu’il est assez incroyable, ce polar, tout à la fois film noir, film de gangster, suspense imparable, chronique hyper réaliste du quotidien de la police, et balade jazzy dans le Paris nocturne de l’époque. Tous ces aspects étant également passionnants.

On est immédiatement plongé dans le bain : le film commence par l’évasion (violente) d’un caïd de la pègre, que joue un Charles Vanel tantôt glaçant, tantôt pathétique. En quelques minutes, les principaux enjeux du film sont posés : Vanel est un salaud en fuite, poursuivi par un flic cynique et borderline.

C’est Michel Piccoli, tout jeune et tout chevelu, déjà formidable, avec une présence dingue. Un solitaire, revenu de tout, qui ne tarde pas à ajouter un autre enjeu au récit, en tombant amoureux de la femme de son nouveau coéquipier

C’est que les femmes, bien que condamnées par les hommes à des rôles de potiches, ou disons de simples présences apaisantes dans un quotidien rude et violent, tiennent en fait une place centrale dans l’histoire, et dans le destin de ces hommes.

Et si le film est si réussi, si passionnant, c’est aussi pour son extrême réalisme. Des décennies avant L627 de Tavernier (ce dernier évoque d’ailleurs Rafles sur la ville dans ses Voyages à travers le cinéma français), Chenal filme des policiers dénuée de moyens, travaillant dans des lieux exigus, obligés de mener les interrogatoires au vu de tout le monde, trop débordés pour pouvoir même perdre du temps à pleurer leurs morts.

C’est édifiant, tendu, passionnant. Et impossible de dire quoi que ce soit de la dernière séquence, hallucinante de violence, qui nous laisse le souffle coupé… Grand polar, oui.

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