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Archive pour la catégorie '* Polars/noirs France'

L’Insoumis – d’Alain Cavalier – 1964

Posté : 5 septembre, 2024 @ 8:31 dans * Polars/noirs France, 1960-1969, CAVALIER Alain | Pas de commentaires »

L'Insoumis

Alain Delon est mort. L’info ne vous a peut-être pas échappé. Moi, elle m’a secoué, bien plus que je ne l’aurai cru. Parce que, du haut de mes 48 ans, il m’est toujours apparu comme une figure du passé, qui appartenait déjà à une autre époque bien révolue quand j’ai commencé à fréquenter les salles de cinéma. Combien de dois l’y ai-je vu sur un grand écran ? Je me souviens d’1 chance sur 2, et du plus beau passage des Acteurs. Mais dans les deux cas, il se contentait de jouer avec sa légende.

Sa mort, pourtant, m’a marqué plus qu’aucun autre acteur français avant lui. Comme si, sans que j’en ai conscience, il avait toujours fait partie de mon panthéon. Pourquoi ? Humainement, il ne donnait pas franchement envie de partager des soirées. Artistiquement, il avait depuis bien longtemps abdiqué, se réfugiant derrière un passéisme complaisant. Politiquement, n’en parlons pas.

Ces derniers jours, j’ai donc revu pas mal de ses films (déjà chroniqués sur ce blog), histoire de comprendre d’où venait ce profond sentiment de grande perte. Plein Soleil, Le Samouraï et quelques autres ont apporté un début de réponse : cette présence hallucinante, cette douleur renfermée, et ce regard qui en dit tellement derrière un visage qui semble impassible. Delon est un acteur qui peut être formidable.

Découvrir L’Insoumis (c’était la plus longue intro depuis la création de ce blog) apporte un autre éclairage, plus éclairant encore, sans doute. Quand il tourne ce film du jeunot Alain Cavalier, Delon est déjà une star : Clément et Visconti lui ont offert de très grands rôles, Gabin l’a adoubé… Bref, il peut faire ce qu’il veut, et il en a conscience : il décide de produire ses propres films, et L’Insoumis est le premier qu’il porte à bout de bras.

Et quel rôle s’offre-t-il dans ce premier film produit par lui-même ? Celui d’un déserteur de la guerre d’Algérie. Pas un lâche, non : la première séquence montre que ce n’est pas le cas. Mais un soldat qui déserte parce qu’il ne croit pas en la cause pour laquelle il est censé se battre. Bien loin de l’image de réac de droite qu’il a toujours trimballée.

Non pas que cette image soit fausse d’ailleurs : lui-même ne s’en défendait pas, et se complaisait même à l’alimenter ad nauseum. Mais les idées de l’homme n’ont finalement jamais pesé sur les choix de l’acteur, et c’est peut-être ça qui est le plus beau chez Delon, capable de s’engager pour un film anti-peine de mort (Deux hommes dans la ville), lui qui était favorable, ou d’incarner sans retenue un homosexuel (Un amour de Swann), lui qui trouvait ça contre-nature.

Et je me rend bien compte que je parle bien peu de L’Insoumis, et c’est bien injuste. Parce que ce film, franchement méconnu dans la filmographie de Delon, est l’un de ses meilleurs, un beau film engagé qui prend les allures d’un film noir pour raconter la déroute d’un homme qui, au fond, refuse simplement de suivre les diktats de la société. Un homme qui choisit la liberté, en sachant que ce choix l’emmène dans une véritable impasse.

Delon est particulièrement touchant dans le rôle de cet anti-héros, qui semble condenser sa vie en quelques heures, dans une fuite en avant passionnante et amère. Ce grand rôle méconnu, dans un film qui l’est tout autant, pourrait bien être, paradoxalement, une belle porte d’entrée pour découvrir ou redécouvrir la carrière de l’acteur, au-delà des stéréotypes dans lesquels il s’est lui-même complu.

Place Vendôme – de Nicole Garcia – 1998

Posté : 20 août, 2024 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1990-1999, GARCIA Nicole | Pas de commentaires »

Place Vendôme

J’aime bien le cinéma de Nicole Garcia, sa manière de dresser des portraits sensibles et complexes, et sa manière aussi de diriger les acteurs (et actrices), en tirant souvent quelques-unes de leurs meilleures prestations. Avec Catherine Deneuve, Jean-Pierre Bacri ou Jacques Dutronc devant sa caméra, autant dire qu’elle n’avait pas forcément à forcer son talent, pour en tirer le meilleur. Et pourtant, tous trois réussissent à surprendre, avec des personnages d’une belle complexité, et d’une belle évidence en même temps.

Deneuve surtout, est magnifique dans le rôle de cette veuve d’un grand joaillier, fragile psychologiquement, qui décide contre toute attente (et contre les intérêts de pas mal de gens) de reprendre les affaires de feu son mari, découvrant par la même occasion les libertés qu’il prenait avec les lois, ou la morale.

Parce que pour une fois, Nicole Garcia signe un film de genre : une sorte de polar à l’atmosphère très élégante, et à l’intrigue touffue et complexe. Un prétexte, d’ailleurs. Parce que même si cet aspect polar tient ses promesses, ce n’est visiblement pas ça qui intéresse la cinéaste et coscénariste (le film est écrit avec Jacques Fieschi, co-auteur de tous les films de Garcia), qui préfère décortiquer les relations elles aussi complexes entre les personnages.

Encore que « décortiquer » n’est pas le terme le plus adéquat, tant il se dégage un naturel et une vérité de ces rapports, parfois très inattendus, à l’image de cet étonnant flirt entre la sophistiquée et sublime Catherine Deneuve et un Jean-Pierre Bacri emprunté mais touchant, loin de son univers. Le contre-pied de cette ancienne idylle entre le personnage de Deneuve et celui de Dutronc, deux oiseaux de la même branche…

Les débuts de Nicole Garcia derrière la caméra avaient d’emblée étaient beaux (Un week-end sur deux, puis Le Fils préféré). Mais c’est avec ce troisième long métrage qu’elle gagnait ses galons de grande cinéaste. Depuis, elle n’a cessé de confirmer qu’elle fait partie des plus grands.

Elyas – de Florent-Emilio Siri – 2024

Posté : 11 août, 2024 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 2020-2029, SIRI Florent-Emilio | Pas de commentaires »

Elyas

Il y a un peu plus de vingt ans, Florent-Emilio Siri avait frappé fort avec un Nid de Guêpes jouissif et décomplexé, film d’action pur d’une efficacité redoutable, qui révélait le digne élève des grands noms du film de genre américain (et hong-kongais), sous influence de John Carpenter et John Woo notamment.

Depuis : une carrière hollywoodienne logique mais tuée dans l’œuf (Otage, échec au box-office), et un retour en France où il semble se chercher, entre réhabilitation historique ambitieuse (L’Ennemi intime), biopic musical (Cloclo) et comédie populaire (Pension complète). Et puis un silence de presque une décennie, qu’il rompt avec ce Elyas qui sonne comme un retour aux sources.

Vingt ans après, Siri est donc toujours sous influence du film de genre américain. Et cette fois, c’est dans la grande vague des films dont-le-héros-est-un-ancien-homme-d’action-retiré-des-affaires-mais-qu’un-événement-dramatique-oblige-à-sortir-de-sa-retraite-et-à-affronter-une-véritable-armée-à-lui-seul-dans-un-déluge-de-feu-et-de-sang qu’il trouve son inspiration. Oui, c’est un genre, qui n’a cessé de surenchérir entre Taken et la série des John Wick.

Côté surenchère, Siri n’y va pas avec le dos de la cuillère, en particulier dans le très long moment de bravoure, qui emprunte aussi bien du côté de John Wick que de Mission : Impossible, en mettant de côté toute notion de réalisme et même de crédibilité pour n’offrir qu’un condensé de pur cinéma d’action totalement décomplexé. Du strict point de vue de l’efficacité, c’est assez énorme, il faut le reconnaître.

C’est donc avec un certain plaisir que l’on découvre ce Elyas, dont on sent qu’il est taillé pour être le premier d’une série. Mais un plaisir coupable. Parce que Siri n’invente rien, se contentant d’enfiler les références plus ou moins glorieuses avec un savoir-faire imparable. Et parce que ce cinéma d’action décérébré et brut s’inscrit dans une histoire sombre aux thèmes plutôt sérieux : le traumatisme des anciens soldats, et surtout l’immigration, dont le scénario fait un ressors dramatique franchement douteux.

L’Assassin a peur la nuit – de Jean Delannoy – 1942

Posté : 8 juillet, 2024 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1940-1949, DELANNOY Jean | Pas de commentaires »

L'Assassin a peur la nuit

Il s’en passe des choses, dans ce film qui oscille entre le noir, la romance et l’aventure… Quelque part entre Lumière d’été pour les paysages brûlants et poussiéreux et les illusions perdues, Le Dernier Tournant pour l’anti-héros marqué par le destin, les films anglais genre Jeune et innocent pour les allers-retours constants et l’utilisation du vieux moulin, et L’Assassin habite au 21.

Les premières images, surtout, ressemblent en tout point à celles du film de Clouzot, sorti peu avant. De là à imaginer que Delannoy surfe sur le succès dudit, il n’y a qu’un pas que je franchis allégrement : dans l’entrée en scène des personnages, la manière de filmer les policiers arpentant la ville la nuit, l’humour des dialogues et l’utilisation des ombres sur les murs, l’influence est plus que manifeste. Et explique ce curieux titre qui ne correspond pas vraiment au film.

La comparaison avec le chef d’œuvre de Clouzot s’arrête là, d’ailleurs. Après cette introduction, le film prend d’autres directions. Plusieurs autres directions. Avec un vrai sens de l’image et de la narration : Delannoy réussit des tas de belles scènes, bien ficelées (celle du cambriolage, pleine d’entrain et d’inventivité, jusque dans les dialogues assez marrants), voire très fortes : l’arrivée dans la mine, le final dans le moulin…

Mais Delannoy, dans cette adaptation d’un roman de Pierre Véry (très en vogue sous l’occupation, avec des films adaptés de son œuvre comme L’Assassinat du Père Noël ou Goupi Mains Rouges), donne le sentiment d’enchaîner les scènes en oubliant de leur donner du liant, une ligne directrice, un rythme cohérent. C’est généreux, souvent plaisant, mais on peine à s’attacher aux personnages, à croire au soudain traumatisme du personnage principal (Jean Chevrier) ou au repentir de la vamp (Mireille Balin, très bien).

Mais il y a dans ce film référencé, généreux, et maladroit suffisamment de bons moments pour ne pas faire la fine bouche.

Chair de poule – de Julien Duvivier – 1963

Posté : 3 juillet, 2024 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1960-1969, DUVIVIER Julien | Pas de commentaires »

Chair de poule

On a un peu vite dit que la fin de carrière de Duvivier était décevante. Peut-être ce constat un peu trop facilement partagé a-t-il fait oublier quelques réussites. Ce Chair de poule, malgré un titre moche et une affiche ratée, en fait partie : avec cette adaptation d’un roman noir de James Hadley Chase, le cinéaste renoue avec une veine sombre qui lui va bien, et qui lui a inspiré quelques chefs d’œuvre, souvent avec Gabin en anti-héros marqué par le destin.

Vingt-cinq ans plus tôt, le rôle que tient ici Robert Hossein (excellent, d’ailleurs) serait sans doute revenu à l’interprète de La Bandera : qui d’autre, avant guerre, pour incarner ce genre de personnages dont on sait dès le début qu’ils sont promis à un sort funeste, que le hasard mène droit dans les bras d’une authentique femme fatale qui scelle son sort au premier regard.

Hossein, donc, évadé qui trouve refuge dans une station service au milieu de nulle part, où il se lie d’amitié avec le patron, homme jovial et vieillissant (George Wilson, jovial et attachant), marié à une femme trop jeune et trop belle (Catherine Rouvel). Oui, on croirait le postulat du Dernier Tournant et Le Facteur sonne toujours deux fois, les adaptations du roman de James M. Cain. Et on n’est clairement pas loin dans l’esprit.

Mais c’est bien d’un roman de Chase qu’il s’agit, auteur que Duvivier avait déjà adapté avec L’Homme à l’imperméable (nettement moins convaincant). De l’admirable première séquence, modèle de découpage et de mise en scène, à la conclusion sombre et ironique, cette histoire noire au possible inspire à Duvivier son dernier grand film, d’une richesse extrême jusque dans ses détails.

Une courte scène dans un HLM suffit à faire ressentir l’étouffement d’un personnage. L’effervescence d’un dimanche dans une cafétéria illustre la violence sexiste d’une société machiste… Et cette chaleur, la poussière, la culpabilité, la suspicion et le dégoût… que l’on ressent sans grand discours.

Duvivier n’est peut-être jamais aussi passionnant que quand il plonge dans les côtés les plus obscurs de l’âme humaine. Avec ce film noir, il s’épanouit comme rarement dans cette dernière partie de carrière. C’est brûlant et glaçant, et c’est une réussite majeure.

Un détail pour finir, intriguant : ce générique de début, à la manière de ceux, immuables, d’Ozu, qui mourra un mois après la sortie du film en salles. Curieux hasard, qui fait planer d’emblée et rétrospectivement une ombre de mort sur le film…

Le Dolmen tragique – de Léon Mathot – 1948

Posté : 27 mai, 2024 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1940-1949, MATHOT Léon | Pas de commentaires »

Le Dolmen tragique

Un château et son domaine, une dizaine d’invités, autant de rancœurs possibles, un mystérieux crime, et un policier incognito qui tente de démasquer le coupable… Ce n’est pas Agatha Christie, mais c’est tout comme.

Pas d’ambiance so british pour autant : ce film, une curiosité exhumée par Patrick Brion pour son Cinéma de Minuit, est une production qui fleure bon le cinéma français d’après-guerre, avec ses seconds rôles réjouissants (Alerme, Paulette Dubost…), sa gouaille, et même sa chanson…

En guise de chansons, on sort quand même du film un peu frustré : les premières minutes, joliment rythmées par une rengaine qui crée d’emblée une atmosphère enthousiasmante, laissent penser que la musique jouerait un rôle autrement plus important. Mais non : après cette belle entrée en matière, rien d’autre qu’une bande musicale fonctionnelle qui ponctue l’action, parfois lourdement.

Le film est sympathique, jamais ennuyeux, et plein de promesses (pas vraiment tenues) autour de ce dolmen maudit censé représenter tous les mystères de la Bretagne. Mais cet aspect surréaliste est vite évacué, au profit d’un whodunit classique et plein de légèreté. Plaisant, pas renversant.

Histoires extraordinaires à faire peur ou à faire rire… – de Jean Faurez – 1949

Posté : 13 mai, 2024 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1940-1949, FAUREZ Jean | Pas de commentaires »

Histoires extraordinaires à faire peur

Tout commence et tout finit en chansons dans cette adaptation de quelques récits d’Edgar Allan Poe et Thomas de Quincy : quatre histoires de meurtres par le réalisateur du très beau La Vie en rose, quatre contes macabres dans le Paris du Second Empire, racontés par des policiers trompant l’ennui et le froid dans un commissariat, en pleine nuit.

Il y a une constante dans ces quatre histoires : une vraie légèreté qui vient tempérer le caractère glauque voire horrible des crimes dont il est question. Un égorgeur de femmes, un tueur schizophrène hanté par le souvenir de son crime, un homme emmuré vivant, un cadavre qui vient confondre son criminel… Pas de quoi sourire a priori, et pourtant.

Faurez choisit de raconter ces histoires par des intermèdes étonnamment rigolards, avec les policiers (dont Paul Frankeur, très fort-en-gueule) qui s’amusent à se remémorer les plus frappantes de leurs affaires, avec beaucoup de rires et de détachement. Les histoires, pourtant, sont par moments franchement glaçantes.

Une image, notamment, marque les esprits : le visage de Jules Berry, en clown alcoolisé, réalisant qu’il est en train de se faire emmurer vivant par un Fernand Ledoux au sourire sardonique. Là, Faurez nous conduit quelques minutes durant sur les traces de Poe, là où l’horreur et la folie cohabitent.

Ce ton léger tempère nettement la noirceur du propos. Mais la réalisation de Faurez est vive et efficace, et sait créer de moments de frayeurs. Avec ces quatre récits très différents, il signe un film cohérent et prenant, une belle découverte.

Que la bête meure – de Claude Chabrol – 1969

Posté : 18 avril, 2024 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1960-1969, CHABROL Claude | Pas de commentaires »

Que la bête meure

1969, très, très grande année pour Claude Chabrol, qui tourne en quelques mois La Femme infidèle, Le Boucher et Que la bête meure. Soit trois de ses meilleurs films, avec lesquels il trouve ce qui resteront jusqu’au bout ses thèmes de prédilection : plus que la peinture acerbe d’une bourgeoisie décadente, la psyché d’hommes et de femmes rongés par la culpabilité, ou par leurs secrets les plus inavouables.

Dans Que la bête meure, Chabrol adopte une mise en scène aussi glaciale que son personnage principal, joué par Michel Duchaussoy : un homme en quête de vengeance, qui retrouve après de longues recherches l’homme qui a tué son fils en le renversant en voiture et en prenant la fuite. Le film est le récit de cette vengeance qu’il raconte (en voix off) dans un petit carnet pas si anodin. Mais la froide détermination du père se heurte bientôt à des sentiments tout à fait humain.

L’amour, d’abord, pour une jeune femme (Caroline Cellier) qu’il ne séduit dans un premier temps que pour approcher le monstre. Et la haine, débordante et viscérale, pour le coupable, joué par Jean Yanne : un monstre authentique, qui malmène son propre fils et humilie sa femme dans une scène d’une cruauté redoutable.

Faire de Yanne un personnage à ce point antipathique peut sembler une facilité : la vengeance du père n’en serait que plus légitime et mieux acceptée. Pourtant, ce choix rend la situation morale plus passionnante encore. Justement parce que la sympathie n’entre pas en ligne de compte, le dilemme ne repose que sur l’essentiel : la justification de l’acte de tuer.

La force du film repose sur le parti-pris de Chabrol d’adopter la posture du père : cette froideur qui correspond à son refus de parler de son fils au passé, cette distance mise à mal par des bribes d’humanité, par l’émotion qui jaillit de la bouleversante fragilité de Caroline Cellier, ou du comportement abject de Jean Yanne. Un chabrol radical, et très puissant.

La Sirène du Mississipi – de François Truffaut – 1969

Posté : 5 janvier, 2024 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1960-1969, TRUFFAUT François | Pas de commentaires »

La Sirène du Mississipi

Un an après La Mariée était en noir, Truffaut adapte de nouveau un roman de William Irish. Et de nouveau, c’est un mariage qui est à la base de l’histoire, en l’occurrence celui de Catherine Deneuve et de Jean-Paul Belmondo, ce qui, en soit, a quand même pas mal de gueule…

La Sirène du Mississipi est aussi l’un des plus beaux des films mésestimés de Truffaut, ou le plus mésestimé de ses beaux films, au choix. Echec cinglant (public et critique) à sa sortie, le film fait bien plus que séduire : il envoûte, comme le personnage de Deneuve envoûte celui de Belmondo.

Peut-être l’échec du film repose-t-il sur ce dernier, d’ailleurs, dont la superbe habituelle est rudement mise à mal par cette femme qui débarque (littéralement) sur l’île de la Réunion où il vit, après avoir répondu à une petite annonce matrimoniale. Croit-il.

Tout commence en fait par un mensonge : lorsque la jeune femme débarque, donc, elle ne ressemble pas du tout à la photo qu’elle lui avait envoyée lors de leurs nombreux échanges de lettres. Et pour cause, puisque… Ah non, ce serait divulgacher…

La vérité est là, évidente. Mais Belmondo ne la voit pas, ou refuse de la voir, victime peut-être pas si innocente de plus en plus soumise à la beauté de Deneuve, cette beauté qui lui vaudra cette réplique immortelle : « Quand je te regarde, c’est une souffrance, tu es si belle. – Hier tu disais que c’était une joie. – Oui, c’est une joie et une souffrance. » Réplique que rediras Depardieu à la même Deneuve dans Le Dernier Métro.

L’aveuglement de Belmondo, la manière dont il accepte tout et renonce peu à peu à son machisme apparent, face à une Deneuve qui ne cesse de prendre la main, machiavélique ou aimante, donne le ton à ce film dont le rythme même a quelque chose d’obsessionnel.

Truffaut, comme Belmondo, semble n’avoir d’yeux que pour l’actrice, qu’il s’amuse visiblement beaucoup à voir dominer l’acteur, même s’il accorde à ce dernier un impressionnant plan séquence qui lui permet de briller dans une scène d’acrobatie (ou plutôt d’escalade) comme il les aime, parenthèse étonnante dans ce film par ailleurs assez peu physique.

Plus que dans aucun des films qu’il a réalisé jusque là, Truffaut accorde aussi une grande place à ses décors, que ce soit l’île de la Réunion dont la moiteur est particulièrement bien filmée (et l’occasion pour le cinéaste d’un hommage à Jean Renoir, avec une introduction étonnante, faux documentaire tiré de La Marseillaise), la Provence ou Lyon.

En cela, ce Truffaut est assez atypique. Pourtant, on ressent constamment l’empreinte du cinéaste, son œil si original, et en même temps sa cinéphilie, son goût immodéré pour Hitchcock, dont il cite mine de rien de nombreux films : la Marion qui disparaît à mi-film de Psychose, le personnage féminin trouble de Marnie, et même le moineau en cage des OiseauxPourtant, jamais ces références ne sont étouffantes, ou ne viennent troubler ce constat : La Sirène… est un pur Truffaut, l’un de ceux qu’il faut vite redécouvrir.

La Mariée était en noir – de François Truffaut – 1968

Posté : 3 janvier, 2024 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1960-1969, TRUFFAUT François | Pas de commentaires »

La Mariée était en noir

La Mariée était en noir fait partie de ces Truffaut qui m’ont toujours laissé dubitatif. Comme pour Fahrenheit 451, il me donnait le sentiment qu’en s’emparant de genres très américains (le film noir ici, la science-fiction là), il transformait une histoire fascinante en quelque chose de très artificiel à travers un regard très français, et très littéraire.

Revoir cette adaptation du roman de William Irish m’oblige à revoir assez radicalement cette impression que m’avaient laissé mes premiers visionnages, il y a fort longtemps. La Mariée était en noir est effectivement très loin de ce qu’auraient pu en tirer un Robert Siodmak vingt ans plus tôt (comparaison pas innocente, puisque Siodmak a adapté Irish avec Phantom Lady). C’est aussi un Truffaut enthousiasmant, chaînon indispensable d’une espèce de trilogie noire informelle, après Tirez sur le pianiste et avant La Sirène du Mississipi.

C’est aussi, mine de rien, un film assez radical sur un canevas que Truffaut a utilisé plusieurs fois : le parcours d’un personnage qui en rencontre d’autres successivement, comme autant d’épisodes narratifs. Mais là où l’humour, la dérision, voire une grande légèreté seront au cœur d’Une belle fille comme moi ou de L’Homme qui aimait les femmes, il n’y a strictement aucune place pour l’humour dans La Mariée était en noir.

Jeanne Moreau, visage fermé, incarne une femme vengeresse dont on découvre les motivations par une série de courts flash-backs. Elle est une héroïne très sombre, victime de l’inconséquence et du pouvoir des hommes. Le regard de Truffaut est rarement tendre avec les hommes. Avec cette histoire particulièrement cruelle, il n’épargne pas non plus cette héroïne jusqu’au-boutiste, dont la vengeance prend des atours de plus en plus radicaux.

Elle finit même par provoquer le malaise en utilisant l’enfant du père de famille dominateur aussi pathétique qu’odieux joué par Michael Lonsdale. Et à perdre elle-même son humanité face à un Charles Denner qui lui laisse entrevoir une possible rédemption. Glacial et radical, La Mariée était en noir ne fait pas grand-chose pour séduire. C’est sans doute ce qui fait sa force.

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