Chasseur de primes (The Bounty Killer) – de Spencer Gordon Bennet – 1965
Pas vraiment mémorable, ce petit western fauché à peu près inconnu sous nos latitudes. Le film a été tourné en 1965, à une époque où le genre est en pleine mutation. Pourtant, il semble d’un autre temps, par des parti-pris ouvertement tournés vers le western d’antan (jusqu’à l’apparition de « Broncho Billy » Anderson, la toute première star du western, dans un rôle muet dans la « Cantina »). Par son ton étrange qui oscille entre la comédie et le drame, entre la dérision et le sérieux. Mais aussi par la maladresse parfois impardonnable de Bennet.
Les premières scènes sont ainsi édifiantes, avec une séquence « plus clichée tu meurs » dans un saloon peuplé de gros durs avec la douce chanteuse et l’incontournable pianiste en bras de chemise. Lorsqu’arrive un Dan Duryea vieillissant au sourire niais avec redingote et chapeau melon, alors l’évidence apparaît : on est dans un épisode de Lucky Luke, et Bennet est un nouveau pseudo de Morris…
On ne s’ennuie pas, cela dit. Les rebondissements s’enchaînent devant la caméra d’un cinéaste qui s’est fait un nom en tournant des serials dans les années 40, avec un réel savoir-faire, et même par moments avec une certaine inspiration : il y a notamment une scène très réussie dans un saloon transformé en église éphémère, durant laquelle la lâcheté et l’hypocrisie des « bons Américains » sont pointées du doigt par un Dan Duryea devenu chasseur de primes rongé par la haine et la violence.
Le sujet est finalement assez ambitieux, avec ce parcours d’un homme de bien (il croit en Dieu au début du film) attiré par l’argent facile, qui décide de devenir chasseur de primes mais se laisse dévorer par la violence qu’il côtoie désormais au quotidien. Une véritable descente aux enfers à laquelle on a quand même bien du mal à croire vraiment : la transformation du pied-tendre en pistolero portant fusil à canon scié à la cuisse est aussi rapide, spectaculaire, improbable que la rupture du ton du film.
* Le DVD paru dans la collection « Westerns de Légende » chez Sidonis/Calysta, avec une présentation de Patrick Brion et une autre d’Yves Boisset (qui se contente essentiellement d’évoquer le producteur et scénariste Leo Gordon, qu’il a bien connu), propose une version recadrée 4/3 de ce film tourné en Cinemascope, apparemment la seule version disponible avec une qualité d’image acceptable.