Le Tunnel – de Curtis Bernhardt – 1933
Il aura tout fait Gabin, sur grand écran. Même creusé un tunnel sous l’Atlantique, pour relier l’Amérique à l’Europe. C’est en tout cas ce que son personnage, Mac Allan, se met en tête, convaincant pour cela de riches et puissants investisseurs.
Curtis Bernhardt, que l’on retrouvera plus tard à Hollywood dirigeant Bogart (Sirocco), signe un film dense et ambitieux, qui maintient constamment la pression malgré quelques maladresses. Des flottements, disons, particulièrement autour du grand méchant manipulateur, dont les scènes sont pour la plupart un peu plates.
Pour le reste, Bernhardt plonge Gabin dans un univers qui lui va bien : celui des ouvriers, de l’effort, de la sueur et de la suie. Un meneur plus qu’un chef, constamment du côté des travailleurs, qui révèle une intensité folle face à une foule déchaînée. La grande figure du Front Populaire est déjà là, avec un discours certes nettement plus nuancé…
Les nombreuses scènes sous le tunnel en travaux sont les plus réussies, d’un réalisme étonnant. Bernhardt sait rendre palpable l’effort et l’étouffement. Sa caméra embrasse le travail collectif tout en s’attardant sur le visage de chacun, que ce soit Gabin lui-même ou les nombreux anonymes qui l’entourent.
Les scènes en surface seraient plus convenues s’il n’y avait Madeleine Renaud, magnifique en épouse sacrificielle de Gabin. Beau personnage, qui dit tout des sacrifices consentis par ceux qui ont des rêves si grands.
Méconnu, cette petite perle dans la filmo du jeune Gabin est la version française d’un film allemand, tourné avec d’autres acteurs, dernière réalisation de Curtis Bernhardt dans son pays natal avant son exil.