Dreamscape (id.) – de Joseph Ruben – 1984
Ainsi donc, vingt-cinq ans avant Inception, le grand-œuvre virtuose et un peu vain de Christopher Nolan, un autre auteur-réalisateur avait imaginé que l’on pouvait pénétrer dans les rêves d’autrui et y prendre une part active… Totalement tombé dans l’oubli, Dreamscape n’a même pas eu droit à un regain de notoriété lorsque est sorti le blockbuster de Nolan. C’eut pourtant été un juste retour des choses, tant la parenté entre ces deux films est flagrante. Avec Matrix aussi d’ailleurs, les Wachowski s’en étant visiblement très inspiré pour évoquer leur univers mental où toutes les prouesses sont possibles.
Bien sûr, il y a le poids des ans, flagrant dès la toute première scène, une séquence de cauchemar apocalyptique dont les effets spéciaux rudimentaires nous renvoient immédiatement à la préhistoire des trucages : la période pré-Terminator 2 pour faire court, à une époque où le top des jeux vidéos consistaient à faire bouger deux traits blancs pour se renvoyer une sorte de balle carrée.
On n’est pas très loin de cette caricature avec les trucages de Dreamscape, mais Joseph Ruben, réalisateur lui aussi tombé dans l’oubli mais qui eut beaucoup d’ambitions à ses débuts, parvient dans la plupart des séquences de rêves à créer une étrangeté sensorielle plutôt réussie, avec une économie de moyens assumée : une image légèrement distordue, quelques taches sur l’objectif, quelques décors oniriques… Les trucs les plus simples se révèlent nettement plus efficaces que les effets spéciaux plus recherchés.
Le scénario, lui, est un peu bancal et maladroit, avec des personnages assez mal dessinés que parviennent à sauver la plupart du temps d’excellents acteurs. C’est notamment le cas de Christopher Plummer, flippant en patron des services secrets hyper-puissants que le film montre simplement comme un mec super bien habillé et très raide entouré de trois gorilles un peu bas du front. Kate Capshaw est charmante mais n’a pas grand-chose d’autre à faire que d’être l’atout charme (et sexy dans une scène de rêve plutôt chaude). Max Von Sydow est impeccable dans un rôle de scientifique sans surprise. Et Dennis Quaid sourit déjà beaucoup en jeune médium qui voyage dans les rêves des autres… une sorte de répétition avant son voyage dans le corps humain (L’Aventure intérieure).
Tantôt réjouissant, tantôt frustrant, Dreamscape souffre de maladresses et d’un manque de rythme flagrant dans certaines scènes (était-ce bien utile de garder in extenso de longs trajets dans des couloirs, soulignés lourdement par une musique électro de Maurice Jarre qui a pris un sale coup de vieux). Il passe surtout à côté du grand film paranoïaque qu’il aurait pu être, dans la lignée d’Un crime dans la tête par exemple.
Au final, Ruben signe un film hybride ni très sombre, ni vraiment fun, que les distributeurs ne sauront pas comment et à qui vendre, tentant de le faire passer pour un film d’aventures à la Indiana Jones à travers une affiche originale aberrante, qui joue sans doute sur la présence de Kate Capshaw, à l’affiche cette même année d’Indiana Jones et le Temple maudit…
• Le film est une rareté et une curiosité. C’est sans doute ce qui a incité le très exigeant éditeur Carlotta à le sortir dans un DVD au contenu éditorial assez limité. Uniques bonus : la bande annonce originale et une interview d’époque de Dennis Quaid, visiblement fatigué de répondre à d’insipides questions.