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Archive pour octobre, 2013

Blue Jasmine (id.) – de Woody Allen – 2013

Posté : 20 octobre, 2013 @ 10:12 dans 2010-2019, ALLEN Woody | Pas de commentaires »

Blue Jasmine (id.) - de Woody Allen - 2013 dans 2010-2019 blue-jasmine

Woody Allen se bonifierait-il avec l’âge ? Son dernier opus, en tout cas, est une merveille d’une justesse et d’une force rares. Une œuvre élégante aussi, où les riches et les pauvres sont filmés avec le même mélange d’affection et d’hyper-conscience. Avec ce portrait de l’ex-femme d’un richissime trader véreux, passée de la fortune à la misère, du luxe mondain de Central Park à la promiscuité d’un quartier populaire de San Francisco, Allen aurait pu choisir de dénoncer les dérives du capitalisme, magnifiant les victimes et faisant des cyniques boursicoteurs des monstres insensibles.

Blue Jasmine est beaucoup plus délicat que ça, même s’il n’évite pas ces sujets, qui donnent le fond du film (notamment avec le beau personnage de l’ancien mari de Ginger, la sœur de Jasmine). On a déjà vu des films s’intéresser à des personnages à la Madoff (le récent et très bon Arbitrage, avec Richard Gere), mais cette fois, c’est à son entourage qu’il s’intéresse. De ce « Madoff », interprété par un Alec Baldwin rajeuni et ressuscité (depuis quand ne l’a-t-on pas vu aussi bien au cinéma ?), on ne voit que la superbe, ou les prémisses du doute, pas la déchéance.

C’est celle de Cate Blanchett, sa femme, qui intéresse Woody Allen. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que cette déchéance est profonde. C’est aussi celle d’un système… qui n’en profite pas pour se remettre en cause et renaître. La force surprenante du film tient justement au fait qu’Allen évite soigneusement les revirement attendus, l’hypothétique résurrection morale ou matérielle.

Il ne condamne pas, jamais. Mais il n’est ni dupe, ni naïf : Cate Blanchett est touchante parce qu’elle est brisée, mais elle est aussi détestable, totalement égoïste et égocentrique. Ce fils qui a tout perdu, y compris un père qui était son modèle, elle ne le retrouve que pour lui reprocher de ne pas être là quand ELLE avait besoin de lui. Cette sœur qu’elle snobait quand elle était sur le toit du monde, elle continue à vouloir la façonner à son image…

Les personnages, d’ailleurs, sont absolument formidables, très « alleniens » bien sûr, mais d’une grande justesse : en particulier ce fiancé brut de décoffrage, physique de brute mais sensibilité à fleur de peau, qui éclate en sanglots dans le magasin où travaille son amie… Ou la sœur bien sûr, personnage incroyablement attachant joué par Sally Hawkins.

Finalement, le seul stéréotype dans ce film, c’est le « prince charmant » interprété par Peter Sarsgaard, dont on finit par se demander s’il est réel ou s’il n’est qu’un fantasme de Jasmine, son ultime chance de retrouver sa place dans cet univers qu’elle sait hypocrite et fait de faux-semblant, mais auquel elle appartient corps-et-âmes.

Cate Blanchett est exceptionnelle, d’une grande intensité, donnant corps aux différentes étapes de cette déchéance abyssale dans des allers et retours incessants, et intelligents, entre présent et passé. Deux époques qui se répondent ironiquement, ou tragiquement, grâce à la formidable construction du film.

Le cinéma de Woody Allen m’avait fait fuir durablement à la fin des années 90. Blue Jasmine est une splendide invitation à renouer avec ses films…

Le Gentilhomme de la Louisiane (The Mississippi Gambler) – de Rudolph Maté – 1953

Posté : 20 octobre, 2013 @ 10:09 dans 1950-1959, MATÉ Rudolph, WESTERNS | Pas de commentaires »

Le Gentilhomme de la Louisiane (The Mississippi Gambler) – de Rudolph Maté – 1953 dans 1950-1959 le-gentilhomme-de-la-louisiane

Ce western n’a strictement rien d’un western : pas de cow-boy, ni d’indien, ni de gangster, ni même de saloon ici, et les duels se règlent devant témoins, dans un pré baigné par la rosée du matin. Pas de grands espaces non plus : toute l’histoire se déroule dans la très chic Nouvelle Orléans ou sur les bateaux à aube du Mississippi.

Cela étant dit, le film de Rudolph Maté est une très belle réussite, une œuvre élégante et romanesque pleine d’entrain, histoire d’amour impossible sur fond de transmission et de perte des valeurs. Très européen dans son propos, le film tourne autour de valeurs et d’honneurs qui viennent tout droit de la vieille Europe. Pas étonnant que les deux figures masculines centrales soient de grands bretteurs ayant croisé le fer chez les maîtres de Paris.

Tyrone Power, assez formidable, est l’un de ces deux hommes, joueur professionnel, honnête et dominé par de grandes valeurs morales qui font rapidement de lui une sorte de légende autour des tables de jeu. Ce qui ne l’empêche pas de semer le malheur auprès des perdants, qui perdent parfois leur honneur, voire leur vie… Ce qui ne l’empêche pas non plus d’attirer l’attention des sœurs de ses « victimes ».

L’une d’elle est Piper Laurie, grande vedette de la Universal à l’époque, qui trouve un très beau rôle dans ce film, celui de la fille d’un homme vieillissant et droit pour qui l’honneur est le moteur de la vie. Un homme désespéré par la lâcheté et la médiocrité de son propre fils qui, comble de déchéance, ne respectera pas les règles d’un duel au pistolet. Les liens les plus forts, dans ce film, sont tous basés sur le malheur et les drames, amenés moins par le jeu que par l’honnêteté. Comme le souligne John McIntire, excellent faire-valoir de Power, il est parfois plus plaisant et moins risqué de participer à une partie que l’on sait truquée…

Le contraste est fort entre les tendances westerniennes de la jeune génération, et l’héritage de la vieille Europe, transmise par une poignée de personnages. C’est ce qui fait l’originalité de ce beau film original et passionnant. Maté y donne vie à une Nouvelle Orléans fascinante, grouillante de vie, à la fois d’une grande élégance et dominée par le pêché. La reconstitution est magnifique.

Côté curiosité, on croise aussi quelques seconds rôles qui, pour certains, ne font que de brèves apparitions, mais qui ne tarderont pas à se faire un nom : Anita Ekberg (qui tient le minuscule rôle d’une demoiselle d’honneur, sept ans avant La Dolce Vita), et Guy Williams (le futur Zorro télévisé est plus présent à l’écran, mais à peine plus bavard).

Le Gentilhomme de la Louisiane vient de sortir en DVD dans la collection Western de Légende de Sidonis, avec une présentation par Patrick Brion.

La Taverne du Cheval Rouge (Frontier Gal) – de Charles Lamont – 1946

Posté : 20 octobre, 2013 @ 10:02 dans 1940-1949, DE CARLO Yvonne, LAMONT Charles, WESTERNS | Pas de commentaires »

La Taverne du Cheval Rouge (Frontier Gal) – de Charles Lamont – 1946 dans 1940-1949 la-taverne-du-cheval-rouge

Un aventurier recherché pour meurtre débarque dans une ville qu’il ne connaît pas, à la recherche de l’homme qui a tué son partenaire. Il séduit la belle patronne du saloon, qui se persuade qu’il veut l’épouser. Mais lui est déjà fiancé à une autre. Vexée, elle l’emmène de force devant le juge, l’épouse, et le livre aux autorités. Six ans plus tard, il revient, et découvre qu’il a une fille…

Curieux western que signe Charles Lamont. Déjà réalisateur de l’étonnant Salome, avec le même couple d’acteurs (Rod Cameron et la sublissime Yvonne de Carlo), le cinéaste livre là un surprenant melting pot qui part absolument dans tous les sens : ça commence comme un western classique, avec une histoire de vengeance assez traditionnelle. Et puis ça tourne à la comédie la plus décomplexée, à la farce, au film de mœurs, et même à la comédie musicale avec tous les clients d’un saloon qui se mettent soudain à chanter au retour du héros…

C’est aussi le plus misogyne de tous les westerns. Avec cette histoire d’amour-haine entre un pistolero et une patronne de saloon, Lamont raconte rien moins que le dressage d’une femme un peu trop libre. Et Yvonne de Carlo joue le jeu à fond : d’abord femme de caractère, indépendante et frondeuse, qui fond littéralement devant ce bloc de virilité un peu bas du plafond (que joue Cameron avec un premier degré à peine tempéré par un petit rictus amusé), pour devenir ce que toute femme devrait être : une mère et une servante. Une sorte de rodéo amoureux, avec la fessée comme symbole absolu de l’amour…

Non, Frontier Gal n’est pas le meilleur film à projeter lors d’une convention féministe. Pourtant, le film attire la sympathie, pour son côté foutraque totalement assumé : Lamont se permet toutes les ruptures de ton et toutes les libertés, sans céder à une quelconque nécessité de vraisemblance. Pour ses belles scènes de saloon aussi, où se croisent quelques gueules bien sympathiques comme Andy Devine, qui délaisse pour une fois ses rôles de couard pour interpréter un colosse jovial et pantagruélique, une version westernienne d’Obélix qui n’aime rien tant que de filer des baffes et descendre d’immenses bocs de bière.

Derrière la misogynie, dont on préfère penser qu’elle est teintée d’ironie, il y a aussi une vraie tendresse, avec l’apprentissage de la relation père-fille, et la découverte du sentiment amoureux qui unit les deux parents autour de leur enfant. C’est très inégal, ça frôle par moments le grand n’importe quoi, mais le plaisir l’emporte. Et puis, bien sûr, il y a Yvonne de Carlo, dont la seule présence pourrait sauver n’importe quel nanar. Dans un rôle pas facile à défendre, elle est sublime.

La Taverne du Cheval rouge fait partie de la dernière fournée de la collection « Westerns de légende », éditée chez Sidonis. Avec une présentation par Patrick Brion, la bande annonce, et un documentaire foutraque consacré à l’histoire du western, déjà présent en bonus sur de nombreux titres de la collection.

Wild boys of the road (id.) – de William A. Wellman – 1933

Posté : 11 octobre, 2013 @ 4:38 dans 1930-1939, BOND Ward, WELLMAN William A. | Pas de commentaires »

Wild boys of the road (id.) – de William A. Wellman – 1933 dans 1930-1939 wild-boys-of-the-road

Après Heroes for sale, Wellman continue de scruter cette Amérique de la Grande Dépression, en livrant une vision terriblement sombre de cette société en déliquescence qui ne peut pas même préserver ce qu’elle a de plus précieux : ses enfants. C’est aux milliers d’enfants livrés à eux-mêmes durant ces sombres années que Wellman s’intéresse ici : à ces gosses qui ont quitté des foyers exsangues pour tenter de trouver eux-mêmes un emploi. Mais comme le dit avec une triste résignation un officiel que l’on sent écoeuré par le sort des gamins qu’il est chargé d’expulser de la ville : « On n’a déjà pas de travail pour les adultes, alors pour les enfants… »

Le thème est fort, le film est bouleversant. Wellman raconte le destin de deux amis, Eddie et Tommy, qui voient leur vie voler en éclat lorsque leurs parents perdent leur emploi, et qui prennent la route, rencontrant des dizaines de jeunes comme eux. Ballottés d’une ville à l’autre, forcés de voyager clandestinement dans des trains de marchandises, les enfants sont victimes de la crise, voire d’un système. De quelques mauvaises rencontres aussi, notamment Ward Bond dans le rôle court mais mémorable d’un horrible surveillant des chemins de fer.

Le film est souvent extrêmement dur, à l’image de cette scène terrifiante au cours de laquelle Tommy perd une jambe, coupée par le passage d’un train. Wellman donne au film un rythme trépidant, et n’hésite pas à donner un ton volontiers léger dès qu’il le peut. Mais il y a toujours un drame, une larme, un simple regard… pour rappeler que les « héros » sont des enfants privés de leur foyer…

Il y a dans ce film une véritable bienveillance, qui ne ressemble en rien à de la mièvrerie. Au contraire, tout ça est filmé avec une pudeur bouleversante. L’accolade entre Eddie et son père est parfaitement retenue… elle n’en est que plus émouvante. Plus tard, c’est la tape amicale et résignée d’un officiel, ou les hésitations douloureuses d’un policier chargé d’expulser les enfants, ou encore le regard ému d’un juge qui refuse d’appliquer des règles déshumanisées…

Cette bienveillance ambiante n’enlève rien à la cruauté de la situation. Mais Wellman, grand cinéaste, et grand Américain, laisse allumée une lueur d’espoir, et affiche clairement sa foi en un avenir meilleur. Il signe au passage l’un des films les plus forts sur la Grande Dépression, et un nouveau chef d’œuvre.

• Le film figure dans le volume 3 de la collection Forbidden Hollywood, coffret DVD en zone 1entièrement consacré à Wellman, avec commentaire audio de William Wellman Jr. et de l’historien du cinéma Frank Thompson (sans sous-titres).

L’Enfer de la corruption (Force of Evil) – d’Abraham Polonsky – 1948

Posté : 11 octobre, 2013 @ 9:31 dans * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, GARFIELD John, POLONSKY Abraham | Pas de commentaires »

L’Enfer de la corruption (Force of Evil) – d’Abraham Polonsky – 1948 dans * Films noirs (1935-1959) lenfer-de-la-corruption

Scénariste de Body and soul, le chef d’œuvre de Robert Rossen, Abraham Polonsky signe là son premier film derrière la caméra. Et il faudra attendre vingt ans avant de voir le suivant, le western Willie Boy : Polonsky a été l’une des principales victimes du MacCarthysme, son nom figurant sur la tristement fameuse liste noire, lui fermant les portes d’Hollywood.

Il continuera toutefois à travailler, collaborant à l’écriture de scénarios sous des noms d’emprunts, ou totalement anonymement. N’empêche : cette carrière avortée de cinéaste (il ne réalisera au total que trois films), à voir la réussite exceptionnelle de Force of Evil, fait partie des plus grands gâchis de l’histoire du cinéma…

Evidemment, avec un tel sujet, une telle manière d’aborder le film noir, la commission « des affaires anti-américaines » ne pouvait pas ne pas s’intéresser à Polonsky. Car Force of Evil assimile ouvertement le capitalisme au gangstérisme. Un business parfaitement organisé, avec ses règles et ses risques, dont la finalité absolue est l’argent et le pouvoir, les questions de morale n’étant que des valeurs ajustables dont on peut très bien se passer.

D’ailleurs, il y a guère de limite entre le bien et le mal dans ce film, évoquant l’univers des paris illégaux, dans un scénario d’une complexité fascinante et enivrante. D’un côté les puissants, de l’autre les petits… mais tous sont dans le même business, tirant leur profit de l’argent que les pauvres préfèrent miser sur des paris, plutôt que d’utiliser pour payer leur assurance. Quant à la police et à la justice, elles ne sont que des maillons d’un système qui dépassent largement les individus.

Au cœur de cet univers de corruption et de cynisme, deux frères : John Garfield, avocat ambitieux qui franchit la ligne rouge sans sourciller ; et son aîné Thomas Gomez, petit patron d’une banque des paris, qui traficote dans son coin et répugne à s’associer à de vrais gangsters. Mais il n’y a pas de frontière bien définie entre ces deux hommes que tout semble opposer, mais que des bribes de sens moral finira par rapprocher. Trop tard.

John Garfield est immense, bloc de cynisme et d’assurance qu’une lueur de doute vient ébranler. Thomas Gomez est tout aussi impressionnant, dans le rôle de sa vie : un type malade qui se raccroche à ses principes tout en n’assumant pas totalement d’être partie prenante du système.

Grand scénariste, grand directeur d’acteurs, Polonsky se révèle aussi un très grand homme d’images. Son langage est totalement cinématographique, à l’image de cette interminable descente de Garfield qui n’en finit plus, quittant son bureau luxueux surplombant la ville pour affronter son propre destin tout en bas, près des égoûts.

Et que dire de cet affrontement au pistolet dans un bureau plongé dans l’obscurité, où toutes les silhouettes se confondent… Ou de l’insoutenable séquence de la trahison dans le restaurant (« what have you done to me ? »)… Force of Evil est un chef d’œuvre total, un film immense, d’une force inégalée.

Le Vent (The Wind) – de Victor Sjöström – 1928

Posté : 10 octobre, 2013 @ 12:43 dans 1920-1929, SJÖSTRÖM Victor | Pas de commentaires »

Le Vent (The Wind) – de Victor Sjöström – 1928 dans 1920-1929 le-vent

Avec Le Vent, tourné au crépuscule du cinéma muet, Sjöström signe un chef d’œuvre viscéral. Le film, œuvre sensorielle totale, n’aurait pas pu porter un meilleur titre. Comme Truffaut avec La Peau douce, « le vent » est la raison d’être du film, bien plus qu’un simple décor : son personnage principal, et le moteur de toute l’action et des personnages…

Un vent omniprésent, que Sjöström s’attache à nous faire ressentir, nous plongeant au cœur d’une véritable tempête par écran interposé. Imaginez un vent violent, chargé de sable, qui soufflerait heure après heure, jour après jour, sans jamais s’arrêter. Dans une immense plaine de sable, sans âme qui vive ou presque, dans une petite bicoque pas vraiment hermétique.

C’est là que le personnage de Lilian Gish se retrouve, isolée du monde, dans un univers hostile où elle s’enfonce inexorablement dans la première partie. On ignore d’où vient cette jeune femme, mais on voit parfaitement où elle va, et surtout par où elle passe. Séduite par un aventurier qui finira par lui révéler qu’il est déjà marié, elle trouve refuge chez son cousin. Rejetée par la femme de ce dernier, elle finit par épouser un homme qu’elle n’aime pas. Alors que l’amour vient enfin, elle est violée lors d’une nuit de tempête hallucinante… Pas gai tout ça.

Mais le pire, c’est ce vent si présent, qui met à mal les nerfs de la pauvre Lilian Gish, sublime et bouleversante, petite chose fragile isolée dans un environnement totalement hostile : la nature dont on ne voit qu’une perpétuelle tempête de sable, et les hommes rustres et parfois violents. Le ton est rude, le vent rend fou, mais le film est superbe.

C’est merveilleusement réalisé, dans des décors qui semblent constamment prêts à être balayés, et dans des paysages que l’on devine immense, mais dont on ne voit qu’un rideau opaque de sable transporté par la tempête… Et cette croyance indienne selon laquelle le vent du Nord serait le fantôme d’un cheval au galop, que Sjöström illustre magnifiquement par des surimpressions qui rappellent son très beau La Charrette Fantôme, et qui donnent un ton poétiquement noir au film.

Le Vent est souvent considéré comme le dernier grand chef d’œuvre du muet. C’est en tout cas l’un des plus beaux rôles de Lilian Gish, et l’un des sommets de Sjöström. Un pur film de cinéaste, qui réussit à rendre palpable et menaçant ce vent pourtant invisible par essence. A tel point que, les mots The End s’affichant, on jurerait avoir entendu les portes qui claquent, les planches qui grincent, et les personnages qui hurlent pour se faire entendre…

• Comme Les Rapaces, Le Vent vient d’être édité par Bach Films, dans une édition DVD plus simple, avec uniquement quelques lobby cards et une présentation du film (plutôt centrée sur la carrière de Lilian Gish) par Agnès Michaux. Le packaging est séduisant, mais la qualité de l’image est… disons acceptable, à condition de ne pas être trop exigeant.

L’Aveu (Summer Storm) – de Douglas Sirk – 1944

Posté : 9 octobre, 2013 @ 10:32 dans 1940-1949, SIRK Douglas | Pas de commentaires »

L’Aveu (Summer Storm) – de Douglas Sirk – 1944 dans 1940-1949 laveu

Ce merveilleux drame amoureux sur fond de Russie tsariste moribonde est le deuxième film américain de Sirk, après l’exceptionnel Hitler’s madman. C’est aussi l’unique véritable film noir du cinéaste, qui fait de Linda Darnell l’une des grandes femmes fatales, et des acteurs (George Sanders en tête) les victimes consentantes idéales de cette manipulatrice aussi désirable que détestable. Mais c’est un film noir étonnant, qui s’inscrit dans ce contexte historique exceptionnel : celui de la Russie de 1912, cinq ans avant la révolution soviétique.

Les personnages soulignent le déclin de cette société séculaire que l’on sait condamnée. Des nobles totalement décadents qui boivent du champagne et baisent les domestiques pour oublier leur ennui, et des paysans pauvres et sales, qui s’abîment dans la vodka et « vendent » leur fille contre une poignée de roubles.

Et puis il y a Linda Darnell, fille pauvre mais belle à damner, qui sait qu’elle a une arme absolue pour grimper dans la hiérarchie sociale : son corps. Pas de beaux sentiments pour elle, mais un désir farouche de posséder. Pas une révolutionnaire : une ambitieuse, et une intriguante. Autour d’elle, les hommes succombent. Elle épouse un honnête travailleur, qu’elle trompe avec un juge, avant de jeter son dévolu sur un comte, l’homme le plus riche et le plus puissant de la région…

L’histoire étant racontée en flash-backs, par l’intermédiaire d’un manuscrit découvert en 1919 par l’une des protagonistes, l’absurdité de cette « ascension » rajoute à la cruauté de la belle : elle se rêve comtesse, mais ne sait pas encore que les titres et les fortunes n’allaient pas tarder à être confisqués par la révolution. Une absurdité qui souligne la cruauté et le gâchis de ces amours voués à l’échec.

L’Aveu a l’esthétique et le ton de ses films allemands, évoquant tout autant La Fille des marais et Les Piliers de la société. Comme dans ce dernier film, Sirk s’empare d’un roman très marqué par la culture d’un pays qui n’est pas le sien (en l’occurrence, l’une des rares nouvelles de Tcheckov), et le porte à l’écran d’une manière étonnamment intime, comme si cette culture était la sienne… Malgré l’accent le port so british de George Sanders, malgré le doux sourire si américain d’Anna Lee, la Russie existe bel et bien devant la caméra de Sirk, aidée par la superbe musique de Karl Hajos.

Le film donne une image plutôt sympathique de la Russie soviétique, dans le prologue et l’épilogue (Hollywood, en 1944, aidait volontiers l’Amérique à faire les yeux doux à l’URSS). Mais la vision de la Russie tsariste, si décadente soit-elle, n’est pas non plus totalement antipathique : l’absence de morale de la plupart des personnages s’apparente moins à de la médiocrité qu’à de l’infantilisme. Celui du comte est particulièrement frappant : en confiant ce personnage pourtant dramatique à Edward Everett Horton (plus habitué aux rôles comiques, notamment chez Lubitsch), Sirk donne un ton étonnant, presque léger, à la tragédie et à la déchéance.

Pas d’angélisme pour autant dans l’approche de Sirk, qui filme de vrais destins tragiques, réservant à George Sanders une dernière séquence d’un cynisme absolu.

• Longtemps introuvable, L’Aveu vient de sortir en DVD chez Sidonis, premier film d’une nouvelle collection consacrée aux « grands auteurs ». En bonus : des présentations du film par Patrick Brion, et surtout Bertrand Tavernier qui s’étend longuement sur la production, les qualités et les défauts du film, et ses propres souvenirs liés à sa découverte du deuxième film américain de Sirk…

Niagara (id.) – de Henry Hathaway – 1953

Posté : 8 octobre, 2013 @ 1:11 dans * Films noirs (1935-1959), 1950-1959, HATHAWAY Henry | Pas de commentaires »

Niagara (id.) – de Henry Hathaway – 1953 dans * Films noirs (1935-1959) niagara

Hathaway est-il plus fasciné par les chutes du Niagara ou par celles des hanches de Marilyn ? La question reste en suspens pendant une bonne partie du film, mais au final, c’est bel et bien le décor monumental qui est au cœur de Niagara. Mieux : il est même le sujet principal, et sans doute sa raison d’être.

Loin d’être anecdotique, l’omniprésence de ces chutes dans l’image donne le ton du film, et conditionne les rapports entre les personnages, comme le résume celui de Joseph Cotten : parfaitement calme et serein en amont, puis de plus en plus agité, jusqu’à ce que plus rien ne puisse éviter la chute fatale. Une sorte de fatalisme qu’il s’applique à lui-même, et à sa propre tragédie en marche.

L’histoire elle-même, cependant, ne manque pas d’intérêt : dans ce décor idyllique de lune de miel, deux jeunes couples se rencontrent. L’un est simple et heureux : c’est Jean Peters et Casey Adams, charmants, honnêtes et profondément attachants. L’autre est torturé et visiblement au bord de la rupture : Marilyn Monroe et Joseph Cotten. Elle le trompe, lui en devient fou. Elle en joue, et fomente son assassinat avec son amant. Mais rien ne se passe comme prévu…

C’est une pure histoire de film noir, que Hathaway filme avec génie, parce qu’il n’oublie jamais de la placer dans son contexte géographique extraordinaire : pas un plan qui ne rappelle que le drame auquel on assiste se déroule dans un lieu paradisiaque. Il ne cède pourtant pas à la tentation de la carte postale : le site touristique des chutes du Niagara sert constamment l’histoire et ses rebondissements, comme Anthony Mann utilise le moindre élément de ses décors dans ses westerns.

L’autre grande idée, c’est de confronter deux couples absolument opposés, et d’entraîner l’innocence totale incarnée par Jean Peters (décidément craquante) dans la spirale machiavélique de Marilyn Monroe et de sa « victime » de mari. Marilyn, loin de la légèreté à laquelle elle nous a davantage habituée, trouve l’un de ses meilleurs rôles, dans l’un de ses meilleurs films.

Elle n’est que le déclencheur du drame, et sa présence provocante habite le film. Mais l’histoire tourne essentiellement autour de Jean Peters et Joseph Cotten, jusqu’à la dernière séquence dans un bateau dérivant vers les chutes, sommet de suspense vers lequel tout le film semblait se diriger inexorablement.

• Un blue ray sans bonus, si ce n’est une poignée de bandes annonces, vient de sortir chez Europa.

El Dorado (id.) – de Howard Hawks – 1966

Posté : 7 octobre, 2013 @ 2:45 dans 1960-1969, HAWKS Howard, MITCHUM Robert, WAYNE John, WESTERNS | Pas de commentaires »

El Dorado (id.) – de Howard Hawks – 1966 dans 1960-1969 el-dorado

Curieuse fin de carrière pour Hawks, dont les deux derniers films sont des westerns qui déclinent les thèmes de Rio Bravo. Avant Rio Lobo, dont l’histoire en sera tout de même plus éloignée, El Dorado peut même être considéré comme le remake officiel de son chef d’œuvre de 1959. John Wayne qui fait équipe avec un alcoolique, un vieillard, un gamin et une belle jeune femme dans une prison assiégée… on a déjà vu ça quelque part.

Mais Hawks réussit un petit miracle. Sans être totalement aussi abouti que Rio Bravo, El Dorado, malgré tous les points communs avec son modèle (jusqu’à la fameuse goutte de sang dans la bière, remplacée par un piano aux fausses notes), évite toute sensation de redite. D’où cela vient-il ? Du fait que les rôles sont inversés peut-être : cette fois, c’est le shérif qui est alcoolique. Du fait, aussi, que seul Wayne reprend du service : Dean Martin est remplacé par Robert Mitchum, qui donne une autre dimension à son personnage.

Mais la vraie originalité vient peut-être du fait que, cette fois, la ville est clairement filmée dans son environnement. Dans Rio Bravo, Hawks n’en sortait jamais. Ici, il n’arrive à ce qui correspond au début de son précédent western qu’après un long prologue dans les vastes plaines environnantes, qui nous fait voyager d’une ville à l’autre. Dès le générique, d’ailleurs, suite de dessins représentant des cow-boys au travail, des attaques d’Indiens ou des caravanes sur les chemins, Hawks place son western sous le signe des grands espaces.

Cela peut sembler anecdotique, mais ce choix donne un ton différent au film, et une autre vérité aux personnages, dont on ressent la fatigue et la lassitude. John Wayne, dans un rôle apparemment semblable à celui de John T. Chance, n’est plus tout à fait le même. En sept ans, il a pris du poids, et un vrai coup de vieux. Il paraît plus fragile, moins « magnifique ». Et puis Hawks qui adjoint un vrai partenaire, un jeunôt lui : c’est James Caan, que le cinéaste avait déjà dirigé dans son précédent film, Ligne rouge 7000, et qui apporte une fraîcheur et un dynamisme qui tranchent avec la lassitude des personnages de Wayne et Mitchum.

Rio Bravo était un pur bonheur de cinéma, l’un de ces films mythiques totalement hors du temps. El Dorado est plus imparfait, mais aussi plus complexe, abordant plus cruellement les signes du temps qui passe.

• Le film vient de sortir en blue ray chez Universal. La qualité est irréprochable, mais par le moindre bonus à l’horizon.

Martin Roumagnac – de Georges Lacombe – 1946

Posté : 3 octobre, 2013 @ 1:12 dans 1940-1949, DIETRICH Marlene, GABIN Jean, LACOMBE Georges | Pas de commentaires »

Martin Roumagnac – de Georges Lacombe – 1946 dans 1940-1949 martin-roumagnac

De retour devant les caméras après deux années d’exil et d’engagement durant la guerre, Jean Gabin était attendu au tournant. La plus grande star française de l’avant-guerre, l’interprète des plus grands films de la décennie précédente, avait décroché le cœur de la star Marlene Dietrich depuis 1941. Restait à reconquérir le public. Son retour a été un événement d’autant plus important qu’il s’est fait au côté de sa maîtresse, dans ce qui restera le seul film français de L’Ange bleu.

Mais une fois qu’on a dit que Martin Roumagnac est le seul film tourné par le couple Marlene/Gabin, il faut reconnaître qu’on a dit le principal. Non pas que le film soit totalement raté. Cette adaptation d’un roman de Pierre-René Wolf est une tragédie qui s’inscrit dans la lignée de plusieurs autres films de Gabin. Mais c’est justement le problème : ce que raconte le film, le destin de ce brave type qui tourne à la tragédie parce qu’il est tombé amoureux d’une femme trop belle, trop classe, évoque furieusement celui de Gueule d’amour.

Tout, dans ce film, donne l’impression d’avoir déjà été fait auparavant. Et souvent en mieux. On sent d’ailleurs que Lacombe rêve de renouer avec le réalisme poétique de Carné ou Grémillon, et que les dialogues tentent maladroitement et lourdement d’être aussi percutants que ceux de Prévert. Et puis le film semble monté à la hache, avec des « ellipses » qui cassent continuellement le rythme. La séquence du procès, elle, flirte avec le ridicule, et est surtout interminable.

Mais Gabin est parfait en maçon fleur bleue, et Marlene trouve le ton juste entre la détermination et la tendresse, entre l’innocence et la sensualité. Quant aux personnages secondaires, même s’ils manquent pour la plupart de profondeur, ils sont interprétés par des comédiens à la gouaille assez jubilatoire.

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