Des feux dans la plaine (Ping yuan shang de huo yan) – de Zhang Ji – 2021-2025

Dans la Chine de 1997, un tueur mystérieux s’en prend aux chauffeurs de taxis sans mobile apparent. Les crimes s’arrêtent aussi subitement qu’ils ont commencé, en même temps qu’une jeune femme et son père disparaissent. Des années après, un policier rouvre l’enquête, toujours obsédé par ces meurtres et ces disparitions…
On pense évidemment évidemment à Memories of Murder, avec cette histoire d’obsession policière au long cours. Dans la première partie en tout cas. Parce que, assez vite, c’est une autre influence qui s’impose : celle de Black Coal, polar déjà culte dont le réalisateur Zhang Ji a été le chef opérateur. On retrouve une ambiance très semblable dans ce premier long métrage. Mais aussi un regard singulier qui déjoue toutes les attentes initiales.
A vrai dire, Des feux dans la plaine s’évertue à brouiller les pistes, pour nous emmener là où on ne s’attend pas. Alors que l’enquête criminelle semble sur le point de trouver sa résolution, c’est une toute autre porte qu’ouvre Zhang Ji. Et l’obsession de son personnage principal est finalement moins celle du policier que celle de l’homme, une obsession amoureuse, absolue et possiblement dangereuse.
Amour et mort intimement liés dans cette Chine de fin du monde. Plus la violence se fait brutale, plus la tension est palpable, et plus le récit se recentre sur ces deux amoureux séparés par leur époque : le loubard devenu policier et la jeune fille devenue zombie. Le polar se mue en une romance intime et déchirante, dans un décor de friches industrielles et de bâtiments qui tombent en ruines.
Polar, romance et film social… Zhang Ji entremêle brillamment tous les fils de son histoire, et signe un premier film fascinant et entêtant, qui a bien failli ne jamais sortir. Soumis à la censure chinoise, qui voit d’un mauvais œil des personnages si complexes, le réalisateur a dû se résoudre à inscrire une série de cartons à la fin du film, annonçant que tous les personnages étant sortis du champ de la morale ont, d’une manière ou d’une autre, été punis. Ce qui n’enlève pas grand-chose à la force du film, et ce qui permet de découvrir un cinéaste qu’on a hâte de suivre.