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Archive pour la catégorie 'BROOKS Richard'

De sang froid (In cold Blood) – de Richard Brooks – 1967

Posté : 14 juin, 2022 @ 8:00 dans * Polars US (1960-1979), 1960-1969, BROOKS Richard | Pas de commentaires »

De sang froid

Le livre est un chef d’œuvre, bien sûr. Le film est pas mal non plus. Richard Brooks, grand cinéaste, réussit le prodige de signer une adaptation très fidèle dans l’esprit et dans la forme au livre de Truman Capote (ce dernier a d’ailleurs participé au scénario), et dans le même temps un film qui existe par lui-même, avec ses propres parti-pris.

C’est flagrant dans la première partie, où Brooks choisit un montage parallèle qui met en perspective les retrouvailles entre les deux futurs tueurs et le quotidien de la famille qu’ils vont décimer. Ce parti-pris fait monter la tension jusqu’à l’insoutenable (Brooks n’élude pas les règles du film de genre), et rend surtout palpable l’humanité de tous les protagonistes. Humanité bienveillante pour la famille Clutter, humanité troublante et même dérangeante pour Perry et Dick, qui préparent leur horrible crime avec un naturel glaçant.

Avec le rôle du journaliste joué par Paul Stewart, Brooks adopte ce qui était le point de vue de Truman Capote : celui de l’écrivain qui se transforme à l’occasion d’un terrible fait divers en enquêteur des âmes. L’histoire est tirée d’une tuerie bien réelle : le meurtre de quatre membres d’une même famille par deux jeunes hommes, crime hallucinant commis sans haine apparente, et pour un profit minable. Les raisons du crime, sa description quasi-clinique, et surtout ses effets sur la communauté qui en a été le théâtre, sur les enquêteurs et sur les tueurs eux-mêmes… Capote disséquait ce fait divers et en faisait un grand livre sociétal.

Brooks prend le même chemin, en allant parfois plus loin encore. Tout en utilisant les artifices du 7e Art, il tend vers un cinéma vérité radical, tournant dans la maison où a vraiment eu lieu le crime, ainsi que dans l’authentique salle de tribunal où s’est déroulé le procès, offrant leurs propres rôles à plusieurs jurés du procès et au bourreau notamment, ne filmant qu’avec les lumières naturelles… d’où une impression claustrophobique étouffante dans la cave, avec un réalisme poisseux qui annonce avec des années d’avance Le Silence des Agneaux.

La construction du film est elle aussi formidable, toute en ellipses brutales (le soir du crime, l’arrestation), qui mènent inexorablement vers cette scène de tuerie autour de laquelle tout le film s’articulait, sans jamais en rien montrer jusqu’à l’arrestation des deux protagonistes joués par Robert Blake et Scott Wilson, deux jeunes acteurs formidables qui donnent corps à ces monstres pathétiques. La séquence de la tuerie, à la froideur clinique, est glaçante et pathétique. Elle laisse une amertume dont on a bien du mal à se débarrasser. Grand film.

La Dernière Chasse (The Last Hunt) – de Richard Brooks – 1956

Posté : 3 avril, 2022 @ 8:00 dans 1950-1959, BROOKS Richard, WESTERNS | Pas de commentaires »

La Dernière Chasse

Premier des trois westerns réalisés par Richard Brooks (avant Les Professionnels dix ans plus tard et La Chevauchée sauvage vingt ans plus tard), celui-ci est réalisé en plein âge d’or du genre. Et déjà, la vision singulière du cinéaste fait de La Dernière Chasse un film à la fois simple dans la forme, et joliment ambition dans sa manière de mettre en scène des enjeux moraux.

A priori, c’est donc d’une simplicité extrême : deux aventuriers se rencontrent et décident de faire équipe. L’un est un ancien chasseur de bisons qui aspire à une vie sans odeur de sang, alors que les troupeaux ont quasiment disparu. L’autre est un sanguin qui le convainc de profiter avec lui des derniers bisons encore présents pour faire fortune. L’alliance d’un homme bon et réfléchi, et d’un autre impulsif et intolérant… pas vraiment révolutionnaire.

Mais il y a chez Brooks un refus presque viscéral de stigmatiser, ou de se laisser aller à des jugements trop hâtifs. Robert Taylor est ainsi formidablement touchant en sale type pathétique, dont on devine le mal-être derrière son comportement, et même ses crimes. Quant à Stewart Granger, impérial en chasseur vieillissant, il est aussi hanté par toutes les vies qu’il a enlevées, conscient d’avoir été un acteur de l’éradication des bisons.

Il y a aussi dans le film une manière passionnante, qui touche au sublime, de filmer la nature, et la place de l’homme dans l’équilibre spectaculaire mais fragile de ces grands espaces. Là aussi, il serait vain de chercher du manichéisme dans l’approche de Brooks, avec une nature grandiose et magnifique, mais aussi hostile, comme le prouve l’extraordinaire conclusion du duel incontournable, l’une des plus radicales du genre.

Le film est habité par une humanité rare, qui se joue dans des détails étonnants : ce cow-boy qui entre chez le barbier en accrochant son chapeau… et une poule au porte-manteau. Dans ce western spectral, Brooks filme les derniers feux d’un mode de vie : celui des « cow-boys » vivant dans la plaine, celui des Indiens, mourant de faim dans leurs misérables réserves, tandis que les bisons disparaissent à leur tour. Grand film.

La Chatte sur un toit brûlant (Cat on a hot tin roof) – de Richard Brooks – 1958

Posté : 15 juillet, 2018 @ 8:00 dans 1950-1959, BROOKS Richard, NEWMAN Paul | Pas de commentaires »

La Chatte sur un toit brûlant

« What we’ve got here is failure to communicate… » La célèbre réplique de Luke la main froide aurait pu s’appliquer à cette sublime adaptation d’une pièce de Tennessee Williams, peut-être le sommet de la carrière d’Elizabeth Taylor. Et de Paul Newman d’ailleurs, dont le rôle dans Luke… sera une sorte de prolongement.

La moiteur, le mal-être, la cruauté, le désir contrarié, le besoin d’amour… Richard Brooks signe un film vraiment magnifique, déchirant et troublant, qui respecte les codes du théâtre (unité de lieu, de temps) tout en étant une grande oeuvre cinématographique : la caméra est évidemment importante, tout comme la construction des plans et le montage, chaque détail se conjuguant pour creuser la psyché de ces personnages abîmés.

Un exemple, simple et beau : Newman, qui repousse les avances de Liz, sa femme dont il ne supporte plus les attentions, avant de se réfugier derrière la porte de la salle de bain où il se laisse brièvement aller au contact de la nuisette de la jeune femme. En quelques secondes, le drame qui se noue au sein de ce couple malade prend une dimension inattendue, bouleversante.

Liz Taylor, douloureusement sexy, est magnifique. Paul Newman, fermé et mutique durant une grande partie du film, est d’une intensité incroyable. Burl Ives, monstre plein de fêlures, est impressionnant. La caméra passe de l’un à l’autre pour dresser une sorte de portrait multiple de l’incapacité à partager ses sentiments pour affronter la vie. « J’ai le courage de mourir, auras-tu celui de vivre ? » lance le père à son fils.

De la très belle pièce de Tennessee Williams, Brooks tire un authentique chef d’oeuvre : c’est avant tout le parcours intérieur de Brick, le fils en quête d’amour, rongé par la culpabilité et le dégoût de soi-même. C’est l’histoire d’un fils qui peine à s’accepter en tant qu’homme, à accepter ce que les autres lui offrent : le long chemin vers la paix, qu’il finira par trouver au cours d’un face-à-face père-fils d’une beauté renversante.

Ce film, je l’aimais déjà passionnément quand j’étais adolescent. Des années après, il garde la même force et la même beauté. Le même trouble aussi, fascinant mystère autour de cet ami suicidé dont l’évocation ne fait qu’effleurer une homosexualité latente pourtant bien présente. Paul Newman est un homme perdu qui peine à se trouver. Sa quête de lui-même est magnifique.

La Chevauchée sauvage (Bite the bullet) – de Richard Brooks – 1970

Posté : 25 avril, 2017 @ 8:00 dans 1970-1979, BROOKS Richard, WESTERNS | Pas de commentaires »

La Chevauchée sauvage

Dans Les Professionnels, Brooks mettait déjà en scène des personnages d’un autre-temps, pionniers rattrapés par la société. Dans La Chevauchée sauvage, dernier de ses trois westerns (après La Dernière Chasse, aussi), Brooks fait de ce décalage le cœur de son film, et va plus loin encore : les « héros » vieillissants n’ont sans doute connu que les dernières minutes du temps des pionniers, et ne font partie ni de cette période héroïque, ni de l’Amérique moderne qui s’installe.

On est alors au début du 20e siècle, et ces aventuriers, joués par Gene Hackman ou James Coburn, semblent vivre dans une espèce d’entre-deux indéfini. Des cow-boys anachroniques contraints de profiter d’une grande course à cheval à travers le pays pour vivre leur envie de grands espaces et de libertés. Dans cette course médiatisée (« couverte » par un journaliste qui suit les concurrents à moto), on retrouve un panel de personnages typiques du western, en un peu différent.

Le brave Mexicain est empêché par une rage de dent, le jeune pistolero impulsif n’est pas la brute attendue, l’ancienne prostituée est bien celle par qui le drame arrive, et le Old Timer (Ben Johnson, excellent) n’a pas plus de passé que d’avenir. Son rêve n’est pas de faire enfin fortune, mais juste de devenir quelqu’un. « Don’t even know your name », lancera, trop tard, le personnage de Gene Hackman.

La Chevauchée sauvage est une réussite mineure dans la filmographie de Richard Brooks. Mais cette grosse production, impressionnante et ambitieuse, est pleine de rebondissements et passionnante.

Les Professionnels (The Professionals) – de Richard Brooks – 1966

Posté : 29 avril, 2016 @ 11:38 dans 1960-1969, BROOKS Richard, LANCASTER Burt, RYAN Robert, WESTERNS | Pas de commentaires »

Les Professionnels

Dans la riche filmographie de Richard Brooks, cinéaste génial et engagé, Les Professionnels peut sembler bien anecdotique : un « simple » western construit sur le modèle déjà éculé des Sept mercenaires, soit quatre fines gâchettes engagées par un riche propriétaire pour retrouver sa femme, enlevée par un révolutionnaire mexicain…

Tourné après l’échec de Lord Jim, le film répond en effet à une volonté de Brooks de reprendre la main. En partie en tout cas, parce que le cinéaste n’abandonne pas ses ambitions pour autant. De ce film d’action fun et explosif, il tire en effet une réflexion un rien désenchantée sur la frontière entre le bien et le mal, filmant des personnages qui n’ont rien d’univoques, ou le manichéisme n’a pas sa place.

Le film fut un triomphe à sa sortie en salles. Un demi-siècle plus tard, il paraît étrangement moderne. Bien plus en tout cas que la plupart des westerns tournés durant cette période de déclin du genre et qui tentaient à tout prix d’être dans l’air du temps. Brooks, lui, réussit ce prodige de raconter son histoire le plus simplement du monde, avec une suprême élégance et une immense efficacité, tout en proposant une étude complexe et passionnante du genre humain, tiraillé entre convictions et intérêts personnels. Un vrai film politique…

Et puis il y a ce casting, fabuleux. L’un des plus excitants de toute la décennie sans aucun doute. Lee Marvin en tête d’affiche, sobre encore (dans son jeu en tout cas, paraît que sur le tournage, ce n’était pas souvent le cas…) et d’une intensité incroyable. Burt Lancaster surtout, acteur décidément formidable qui révèle ici une humilité rare, acceptant de passer au second plan pour le bien du film. Woody Strode encore, acteur fordien comme souvent peu bavard, mais dont la silhouette taillée à la serpe impressionne toujours. Robert Ryan enfin, acteur que je soupçonne incapable d’être mauvais, voire juste passable, excellent malgré un rôle très en retrait.

Et l’apparition tardive mais miraculeuse de Claudia Cardinale (des retrouvailles pour elle et Lancaster, après Le Guépard), d’une beauté à couper le souffle. Le couple qu’elle forme avec Jack Palance, méchant très relatif, constitue l’une des raisons de voir et revoir ce western majeur, l’un des meilleurs de la décennie.

* Blue ray dans la belle collection Very Classics de Sony, avec un livret passionnant et joliment illustré, et quelques bonus intéressants.

Bas les masques (Deadline USA) – de Richard Brooks – 1952

Posté : 30 juin, 2015 @ 2:09 dans * Films noirs (1935-1959), 1950-1959, BOGART Humphrey, BROOKS Richard | Pas de commentaires »

Bas les masques

Ne cherchez plus le plus beau film sur le journalisme (vous ne cherchiez pas ?) : il est signé Richard Brooks, et c’est Bogart qui s’y colle dans la peau du rédac chef que tous les journalistes rêveraient d’avoir : un type droit et humain, coriace et intègre. Bref, un vrai homme de presse qui vit son métier comme un sacerdoce et dont la déclaration d’amour à son métier et à son médium, longue tirade totalement inutile à l’intrigue, est renversante d’intensité.

Le film de Brooks est un chef d’oeuvre cynique et sincère à la fois. Cynique parce qu’il décrit une société déjà dominée par le profit, où l’intégrité et le courage sont des notions en voie de disparition. Sincère dans sa vision d’un journalisme qui semble déjà en voie de disparition. En 1952, la presse était donc déjà en crise ? Ce journalisme d’investigation au cœur de son film est menacé par une presse à scandale qui joue avec les peurs et le voyeurisme de ses lecteurs.

Avec une pointe de nostalgie qui paraît encore totalement d’actualité en 2015, Brooks raconte les derniers jours d’un grand journal, condamné à disparaître alors qu’il doit être racheté par son principal concurrent. Des derniers jours que le rédacteur en chef (Bogart, donc, aussi impérial en journaliste qu’il l’était en privé) refuse de vivre comme une agonie, préférant en faire un superbe chant du cygne.

Parallèlement à ses efforts pour tenter de sauver « son » journal, Bogart galvanise donc ses troupes, menacées par le chômage, pour poursuivre leurs investigations et faire tomber un gangster intouchable. Entre le film noir sombre et violent (dans un magnifique noir et blanc) et les petits drames humains, Brooks ne choisit pas et trouve un équilibre absolument parfait.

Et c’est bien ce qui fait le poids de son film : ses personnages sont constamment tiraillés entre leur devoir de journaliste et leur intérêt personnel. Il y a ce reporter montré du doigt parce qu’il s’est fait embauché par un autre journal. Il y a cette veuve du grand patron confrontée à la cupidité de ses filles. Il y a tous ces journalistes tentés par la déprime. Et il y a Bogie lui-même, dont le dévouement absolu à son métier l’empêche de renouer avec son ex-femme. Dans le rôle de cette dernière, personnage discret et en retrait, Kim Hunter est superbe et apporte une indispensable touche d’humanité.

* Belle édition DVD chez Rimini Editions / Fox, avec un beau portrait de Bogart et une présentation passionnante par Patrick Brion qui évoque sa passion pour Richard Brooks.

 

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