Les Vacances de M. Hulot – de Jacques Tati – 1953
Plus de dix ans pour se forger un personnage… et voilà que Tati, triomphal après son premier long métrage, décide de changer de cap, rompant avec le facteur de Jour de fête, peut-être trop rural, trop méridional, pas assez universel. Place donc à monsieur Hulot, qui pourrait être le cousin très éloigné du précédent, dont il garde une certaine candeur, et surtout la maladresse chronique.
Il n’y a pas que le personnage qui évolue d’ailleurs : l’univers même de Tati prend définitivement place dans Les Vacances…, moins porté sur le gag pur, frôlant l’abstraction dans un déluge d’humour décalé, de visions poétiques autour de Hulot, lunaire et inadapté socialement, dont chacune des apparitions amène immédiatement de la vie.
S’il fallait une image pour résumer Les Vacances de monsieur Hulot, ce serait peut-être cette petite lucarne qui s’éclaire en toute quiétude dans les combles, tandis que les grandes baies vitrées du rez-de-chaussée s’animent au son des querelles déclenchées par un simple geste innocent.
C’est ça, Hulot : l’incarnation même de la bienveillance, de l’innocence, qui au fond ne comprend pas grand-chose à ce qui l’entoure, et ne comprend même pas qu’il comprend pas. Un personnage lunaire qui, dès cette première apparition, trouve sa place dans le panthéon de la comédie, au côté d’un Chaplin par exemple, qui l’a tant inspiré à ses débuts, et dont il se détache pour crée son propre cinéma.
C’est aussi une merveille de construction, qui résume en une heure trente toute l’ambiance d’une certaine France, celle des vacances à la mer, des rencontres d’un été, des liens qui se nouent et se défont. Une tranche de vie irrésistible, drôle, et dont émane une poésie rare.