Play it again, Sam

tout le cinéma que j’aime

Archive pour la catégorie 'DOCUMENTAIRE'

Torpedo Squadron 8 (id.) – de John Ford – 1942

Posté : 18 avril, 2023 @ 8:00 dans 1940-1949, COURTS MÉTRAGES, DOCUMENTAIRE, FORD John | Pas de commentaires »

Torpedo Squadron 8

Torpedo Squadron 8 est une sorte de complément au documentaire que Ford a consacré à La Bataille de Midway. Le cinéaste était réellement sur place, et a rencontré les hommes à qui il rend hommage dans ce court film. Hommage simple et bouleversant : l’essentiel du film est une succession de courts plans dans lesquels les hommes, qui trouveront tous la mort dans la bataille, prennent la pose devant la caméra, à côté d’un bombardier.

Cette espèce de mausolée animé capte ces (jeunes) soldats dans cet univers que l’on devine de camaraderie. La plupart sont souriants, paraissent plein de vie, et sympathiques. Et c’est avec un énorme pincement au cœur qu’on les voit retenir un rire, dessiner un visage sur la bombe accrochée à l’avion, jeter un œil à un pote hors caméra dont on devine qu’il doit faire le pitre… Un dispositif simple, presque une série de photos, à peine animée, mais la vie est omniprésente.

L’apparition de chaque binôme est précédée par leurs noms. C’est une sorte d’appel aux morts funèbre, beau et digne, que Ford conclue par un beau plan de coucher de soleil sur la mer, sous un ciel bas et chargé. Plan filmé du porte-avion sur lequel se trouvaient les hommes, et pour le coup très fordien.

Sex Hygiene (id.) – de John Ford – 1942

Posté : 12 avril, 2023 @ 8:00 dans 1940-1949, COURTS MÉTRAGES, DOCUMENTAIRE, FORD John | Pas de commentaires »

Sex Hygiene

John Ford fait décidément preuve de pédagogie en ce début de l’engagement américain dans la guerre. Après un premier documentaire didactique dans lequel il livrait aux femmes tous les moyens d’être utile à l’effort de guerre (Women in Defense), le voilà qui s’adresse aux hommes, aux soldats qui seraient tentés par les escapades sexuelles d’un soir, au risque de se choper des maladies vénériennes.

Oui les gars, en vous laissant aller, vous menacer votre propre santé, et vous exposer aussi tout votre bataillon. Autant dire que sur une terre étrangère, loin du foyer américain, le risque est dépeuplé, et que l’armée n’a pas besoin de ça ! Voilà en substance le message martelé par ce documentaire projeté aux soldats de l’oncle Sam engagés dans le conflit. Et s’ils l’ont regardé avec autant d’attention que ceux que l’on voit dans le film, il a dû en faire réfléchir plus d’un.

Parce qu’il est assez remarquable, ce court documentaire, qui réussit le pari d’être à la fois complet, technique et clair, et jamais ennuyeux. Pour cela, Ford utilise plusieurs procédés. Brièvement celui de la fiction, en ouvrant son film avec une scène de genre courte et parlante : alors que des soldats passent la soirée entre eux, jouant au billard pour certains, l’un d’eux s’éclipse contre l’avis des autres, bien décidé à profiter de la soirée « en ville ».

On imagine bien ce que ça veut dire, le regard réprobateur des autres est un peu édifiant, on se dit qu’on va avoir droit à un film lourdement moralisateur… et il l’est d’une certaine façon. Mais le but étant clairement affiché, on ne peut que saluer la manière dont Ford entremêle la fiction et la démonstration, utilisant diagrammes évocateurs et images (d’archives?) d’examens médicaux, avec un grand sens de la pédagogie, et du spectacle.

C’est direct et même assez cru. Et Ford, plutôt prude habituellement dès qu’il s’agit de sexe, nous montre un nombre impressionnants d’hommes nus, de sexes attaqués par la syphilis, la gonorrhée ou d’autres maladies franchement dégueulasses. On a droit aussi aux traitements douloureux, au pus qui sort de l’urètre… L’objectif était d’interpeller les soldats sur les conduites à risques, il est largement atteint dans ce film dur, cru et didactique, et curieusement captivant.

Women in defense (id.) – de John Ford – 1941

Posté : 2 avril, 2023 @ 8:00 dans 1940-1949, COURTS MÉTRAGES, DOCUMENTAIRE, FORD John | Pas de commentaires »

Women in defense

John Ford n’est pas crédité au générique, mais il semble bien qu’on lui doive ce documentaire court et didactique, qui serait donc sa première contribution à l’effort de guerre, et la seule avant l’attaque de Pearl Harbor. Celle qui est créditée en revanche, c’est Eleanor Roosevelt, la première dame des Etats-Unis en personne, qui a écrit les textes que dit Katherine Hepburn en voix off.

Ford, en l’occurrence, n’est pas derrière la caméra, mais à la table de montage, pour assembler des images montrant comment les femmes peuvent participer à la défense de la démocratie. Après tout, « les femmes ont toujours été les gardiennes des maisons et des enfants, qui sont notre avenir », comme le concluent Eleanor et Katherine. Oui, c’est grandiloquent et très américain, très dans l’esprit du patriotisme de cette époque trouble.

Ce petit film a pour vocation d’expliquer comment les femmes peuvent être utiles. Et à quel point leurs qualités propres sont précieuses : ces mains menues qui leur permettent de manipuler les petites pièces indispensables pour les machines que leurs hommes conduiront ou piloteront sur le front, avec une patience qui n’appartient qu’à elles. Usines, hôpitaux, ateliers de couture, dons de sang… les décors s’enchaînent avec musique héroïque de rigueur, histoire de rappeler à quel point chaque femme a envie de s’engager à sa manière.

C’est martial et héroïque, très hollywoodien. Ça montre aussi à quel point la place de la femme dans la société a évolué ces dernières décennies. Bref, ça se remet dans le contexte, et ça se regarde comme une curiosité fordienne. Après tout, c’était pour la bonne cause.

Poulet frites – de Jean Libon et Yves Hinant – 2022

Posté : 5 décembre, 2022 @ 8:00 dans * Polars européens, 2020-2029, DOCUMENTAIRE, HINANT Yves, LIBON Jean | Pas de commentaires »

Poulet frites

Quatre ans après le formidable Ni juge, ni soumise, les deux auteurs de la série documentaire Strip Tease sortent de leurs cartons une autre pépite : une enquête autour d’un meurtre à Bruxelles, dont l’indice le plus important, celui qui pourrait innocenter le principal suspect, est une frite retrouvée dans l’estomac de la victime, et qui a « le même calibre » que les frites cuisines par ledit suspect.

On retrouve dans Poulet frites le même esprit que dans le précédent long métrage (et que dans feu la série) : une manière de capter la réalité en filmant les personnages au plus près, dans leur routine quotidienne. Ici, l’équipe a semble-t-il suivi l’équipe de policiers (et la juge Anne Gruwez, la même qui était au cœur de Ni juge…, formidable personnage de cinéma) pendant de longs mois. Cette enquête avait d’ailleurs été diffusée dans Strip Tease il y a une bonne quinzaine d’années, en trois épisodes d’une heure.

Le duo Libon/Hinant en livre un montage inédit, et dans un beau noir et blanc. Et le résultat est passionnant à tous les niveaux. C’est d’abord une plongée documentaire fascinante dans le quotidien de ces flics qui ont accepté de se faire filmer dans la routine de leur travail, devant une caméra qui capte aussi bien lemoments de grâce et d’autres moins glorieux. C’est aussi un vrai polar, auquel le montage au cordeau donne un rythme de fiction.

On s’attache à ces personnages : les policiers souvent dépassés d’abord, mais aussi ce suspect trop évident dont on voit bien que les flics eux-mêmes doutent de la culpabilité. « Si je l’avais tuée, je m’en souviendrais, quand même ! » lance-t-il à plusieurs reprises, rappelant l’essence même de Strip Tease : une manière brute et frontale de filmer des personnages et des répliques qu’un scénariste n’oserait pas inventer. Comme cet indice central dans l’enquête : cette frite retrouvée dans l’estomac de la victime, et cette réplique définitive de l’enquêteur : « Ce qui m’a frappé, c’est le calibre de la frite… »

Voyages à travers le cinéma français – de Bertrand Tavernier – TV – 2018

Posté : 4 avril, 2022 @ 8:00 dans 2010-2019, DOCUMENTAIRE, TAVERNIER Bertrand, TÉLÉVISION | Pas de commentaires »

Voyages à travers le cinéma français - série

Ces « voyages à travers le cinéma français » resteront donc l’ultime réalisation de Bertrand Tavernier. Et après le long métrage du même nom (mais sans S), ce prolongement télévisuel en huit épisodes d’une heure est une belle illustration de la curiosité, de la passion et de la générosité du cinéaste et cinéphile. Les deux facettes de sa personnalité sont intimement liés dans ce voyage amoureux, dont la construction révèle la vision intime de l’homme.

Voyage… le film s’articulait autour de Lyon, la ville où Tavernier a grandi, où il a découvert le cinéma, où il a tourné son premier film. De la maison familiale à l’Institut Lumière, c’est son parcours personnel de cinéphile qu’il nous faisait partager avec ferveur pendant deux heures. Bien trop court pour ne pas laisser un peu de frustration et d’envie. D’où la série, qui reprend le même parti-pris intime. La forme est un peu plus convenue, mais la passion et la subjectivité restent la règle, naturelle, discutable et enthousiasmante.

Chaque épisode s’articule autour d’un thème plus ou moins précis. L’occasion de vérifier que, outre l’étendue hallucinante de sa culture, Tavernier a des goûts très sûrs. Ses cinéastes de chevet ? Henri Decoin, Jean Grémillon, Jacques Beker ou Sacha Guitry, qu’on a le sentiment de totalement méconnaître en découvrant les extraits de films choisis par Tavernier.

Ces choix ne cessent de surprendre, comme la manière dont Tavernier les introduit. Il sait mettre en valeur la beauté d’un mouvement de caméra, ou celle d’un dialogue. Il laisse le temps aux extraits de vraiment parler, révélant le sublime des dialogues de Jeanson pour Les Amoureux sont seuls au monde. Il surprend, en mettant en parallèle Tati et Bresson.

Au fil des épisodes, il salue le génie et le formidable éclectisme de Duvivier, met en valeur ce qu’il considère comme une spécificité française (l’importance des chansons dans les films), ou réhabilite quelques cinéastes mésestimés comme Maurice Tourneur, Henri Calef, Gilles Grangier, Anatole Litvak (dont le Cœur de Lilas est décidément une merveille) ou Jean Boyer, dont on a désormais très envie de découvrir le film avec Danielle Darrieux, Un Mauvais Garçon.

Toujours en marge des aspects trop évidents de l’histoire du cinéma français, il consacre une large part de l’épisode consacré à l’Occupation à Claude Autant-Lara, dont il signe un superbe portrait, salaud tardif et type odieux que sa filmographie rachète. Tavernier n’esquive pas les défauts des cinéastes qu’il aime : il les aborde frontalement pour mieux exprimer leur singularité. Clouzot, pas plus qu’Autant-Lara, n’est pas un type chaleureux. Mais derrière son austérité, Tavernier devine un regard acide et amusé.

La série s’achève par un épisode intitulé « Mes années 60 » : cette décennie au cours de laquelle Tavernier a fait ses premiers pas au cinéma, en tant que critique ou attaché de presse. Impossible pour lui d’aller plus loin, d’aborder une période où lui-même était devenu cinéaste. Une fin logique, donc, même si on aurait aimé que la série se prolonge, longuement, tant on sent que Tavernier a fait des choix parfois cruels.

Sydney, l’autre Chaplin – de Serge Bromberg et Eric Lange – 2017

Posté : 29 novembre, 2021 @ 8:00 dans 2010-2019, BROMBERG Serge, CHAPLIN Charles, DOCUMENTAIRE, LANGE Eric | Pas de commentaires »

Sydney l'autre Chaplin

De Sydney Chaplin, on connaît surtout les apparitions dans les films de son frère : un vendeur de saucisses dans Une vie de chien, un père suspicieux dans Le Pèlerin… On sait vaguement qu’il a lui-même connu un certain succès éphémère en tant qu’acteur, et qu’il a joué un rôle de l’ombre relativement important dans le parcours de Charlie. Ce documentaire passionnant fait de Sydney bien plus qu’un personnage de l’ombre : un homme complexe et attachant, à la vie assez incroyable.

On y découvre l’ampleur de l’influence qu’a eu Sydney sur Charles, à la fois dans ses choix et la gestion de sa carrière, mais aussi artistiquement. Dans les années 1910 surtout, mais même au-delà. Bien avant Le Dictateur (en 1921), Sydney a ainsi réalisé et interprété un King, Queen and Joker dans lequel son personnage prend la place d’un roi. Il y est également un barbier qui rase un client sur le rythme d’une musique. Certes, la scène n’a pas le génie de celle de Charlie, mais tout de même.

De la même manière, le verbiage imaginaire mais tellement compréhensible du dictateur dans le classique de Charlie semble avoir été inventé quatre ans plus tôt par Sydney dans un film personnel, tourné (en couleurs) lors d’une visite de l’exposition universelle de Paris. Le documentaire de Serge Bromberg et Eric Lange doit beaucoup à ces images d’archives, rares et précieuses, dont beaucoup sont dues à Sydney lui-même. On le découvre sur les plateaux de son frère, ou lors de ses très nombreux voyages autour du monde.

On connaissait déjà les images en couleurs qu’il a tournées sur le tournage du Dictateur, témoignage exceptionnel du travail de Charles Chaplin. Sydney en a filmé bien d’autres, souvent inédites, que l’on découvre ici avec passion : dans les studios de son frère, lors du fameux voyage en Asie au début des années 1930, ou bien plus tard au Manoir de Ban à Corsier-sur-Vevey. Précieux témoin du parcours exceptionnel de Charlie, dans l’ombre duquel il est toujours resté, sans en tirer la moindre amertume.

Témoin privilégié, Sydney est toujours resté proche de son frère malgré quelques scandales. Mais il a lui-même eu une vie étonnante : frère de, acteur, réalisateur et vedette de cinéma, homme à femmes mais proche de ses épouses, fondateur de la première compagnie aérienne privée en 1919, adepte du naturisme, inlassable globe-trotter… Ce documentaire fait découvrir l’homme, dans toute sa complexité.

Le Sel de Svaténie (Džim Švante) – de Mikhaïl Kalatozov – 1930

Posté : 23 septembre, 2021 @ 8:00 dans 1930-1939, DOCUMENTAIRE, FILMS MUETS, KALATOZOV Mikhaïl | Pas de commentaires »

Le Sel de Svanétie

Quelques décennies avant Quand passent les cigognes et Soy Cuba, ses deux grands classiques, Mikhaïl Kalatozov signait une espèce de docu-fiction qui était déjà une date dans le genre. Pas d’intrigue, pas de personnage clairement identifié, mais une province de Georgie, perdue au milieu des hautes montagnes du Caucase. Une province qui, jusque dans les années 1920, gardait un mode de vie à peu près inchangé depuis des siècles, voire des millénaires, coupés du monde jusqu’à la construction d’une route par le pouvoir bolchévique.

Le Sel de Svaténie est un film qui glorifie le bolchévisme, qui permet l’arrivée de la modernité, et donc de l’humanité, dans les contrées les plus reculées. C’est un film dirigé contre la religion, encore très ancrée avant l’arrivée de la « civilisation », et au nom de laquelle on laisse mourir un nouveau né pour mieux accompagner un mort jusqu’à l’autre vie, mort pour qui on sacrifie un cheval en le faisant galoper en aveugle jusqu’à ce que son cœur éclate, tandis que le grand prêtre encourage les proches à être généreux, pour mieux empocher les dons.

Bref, c’est un film de propagande. Un film dont la construction est, par ailleurs, assez classique, succession de séquences qui illustrent chacune l’un des pans de la vie de cette communauté comme figée dans le passé. Vie de labeur et de souffrance : on travaille la laine, on casse la pierre pour se faire des toits, on traverse de hautes montagnes pour se fournir en sel…

Pourtant, Le Sel de Svanétie est un film envoûtant et magnétique. Cruel aussi, tant le quotidien de ces hommes et de ces femmes si marqués est dur et sans joie. On hésite quand même à parler de cinéma ethnographique, même si on a le sentiment d’être plongé dans cette vie d’un autre temps. Kalatozov, mine de rien, construit une vraie dramaturgie, qui culmine dans le montage en parallèle de l’accouchement et de l’enterrement.

Le film est sans doute plus proche de la fiction que du documentaire, même si les décors sont réels (et impressionnants). C’est en tout cas du cinéma absolument magnifique, avec des images d’une beauté rude et saisissante, l’un des sommets de cette avant-garde russe apparue à la fin du muet. Montage rapide, gros plans dramatiques, lumières très contrastées… Du grand, du très cinéma, impressionnant et d’une beauté à couper le souffle.

Chesty (Chesty, a tribute to a legend) – de John Ford – 1970-1976

Posté : 9 février, 2021 @ 8:00 dans 1970-1979, DOCUMENTAIRE, FORD John, WAYNE John | Pas de commentaires »

Chesty

Quelle tristesse, quand même, d’imaginer que Ford a vécu les dernières années de sa vie sans pouvoir réaliser de nouveau film. A l’exception de ce documentaire, tourné en 1970, mais sorti six ans plus tard, bien après la mort de Ford.

Chesty : surnom de Lewis B. Puller, officier multi-décoré de l’armée américaine, héros de Guadalcanal et de Corée. Un dur. Le genre a dire, lorsqu’il réalise que son unité est encerclée : « Tant mieux, maintenant on peut tirer sur ces enfoirés dans toutes les directions ». Est-ce que l’anecdote est authentique ? Relève-t-elle de la légende ? Qu’importe : le film s’appelle « a tribute to a legend ». Et quand la légende est plus belle que la réalité, qu’est-ce qu’on imprime, déjà ?

Ici, elle est racontée par John Wayne lui-même, qui lui aussi joue avec sa légende, mine de rien. Parce qu’il porte ses habits de cow-boy, dans un décor de western. Et parce qu’il raconte, devant la caméra de son ami John Ford, sa rencontre avec Chesty durant la seconde guerre mondiale, laissant croire avec beaucoup d’affectation que lui aussi était au plus près du feu.

Un hommage, plus qu’un documentaire. D’ailleurs, Ford utilise tous les effets du cinéma traditionnel, avec une surabondance de bruits de coups de feu sur des images muettes, notamment celles tournées dans les années 20 au Nicaragua (images impressionnantes, nonobstant). Des effets parfois faciles, mais qui donnent du rythme et un aspect vraiment spectaculaire.

Beaucoup d’images d’archives, certaines montrant Chesty sur ses différents fronts, beaucoup de simples illustrations. Le travail de montage et le sens de la narration de Ford font le reste. C’est une curiosité, qui vaut surtout d’être vu parce qu’il s’agit du baroud d’honneur du cinéaste. Mais le film prend une dimension particulière dans ses dernières minutes, qui prennent une dimension presque crépusculaire.

Le temps de très courtes scènes, Ford met vraiment en scène son ami Chesty, filmant le vieil homme accoudé à la roue d’un canon dans la cour de l’école militaire où il a fait ses premiers pas de soldats, ou traînant ses pas lourds dans l’allée de son pavillon de retraité. Là, les réminiscences de ses années glorieuses ressurgissent en flash-backs, comme sortis de l’esprit de Chesty… Ultimes images du dernier film d’un géant.

Death Mills (Die Todesmühlen) – de Billy Wilder et Hans Burger – 1946

Posté : 22 décembre, 2020 @ 8:00 dans 1940-1949, BURGER Hans, COURTS MÉTRAGES, DOCUMENTAIRE, WILDER Billy | Pas de commentaires »

Death Mills

En 1945, Wilder accepte la proposition de la « psychological warfare division », qui lui demande de participer à un programme destiné à « dé-nazifier » l’Allemagne. Il s’agit de réaliser un court documentaire à base des nombreuses images tournées par les troupes alliées à la libération des camps de concentration et d’extermination, et de donner corps aux horreurs de la Shoah.

Et des corps, il y en a : meurtris, décharnés, entassés, mutilés… Des images terribles, dont beaucoup sont insoutenables. Mais le pire, sans doute, c’est l’accumulation, les chiffres qui s’égrainent et les cadavres que l’on découvre, innombrables et souvent surpris dans leurs derniers élans de vie.

Wilder adopte une forme classique : celle d’une succession d’images d’archives, avec une voix off pédagogique. Le film est d’ailleurs un modèle de montage, qui retrace en une vingtaine de minutes seulement, de la manière la plus claire possible, ce que furent pour ces femmes et ces hommes ces années d’horreur.

Aucun effet factice, Wilder sait que les images et le texte dit sans esbroufe se suffisent. Son objectif est d’être le plus clair possible, le plus direct aussi, et le plus factuel surtout. La dernière partie du film se concentre sur les visages parfois souriants des Allemands vivant dans les villes voisines des camps, ces Allemands qui affirmaient ne rien savoir, ne pas se douter…

C’est avant tout à eux que le film est destiné, une manière de leur dire : voyez ce que vous acceptiez en accueillant Hitler comme un héros ; maintenant, vous ne pourrez plus dire que vous ne saviez pas…

Lorsqu’il travaille sur Death Mills, durant cinq mois que l’on imagine particulièrement traumatisants, Wilder venait d’enchaîner deux chefs d’œuvre très sombres, Assurance sur la mort et Le Poison. On comprend qu’il aura besoin de donner un peu de légèreté à sa terre natale après ça : ce sera avec La Valse de l’Empereur, comédie chantante et coupée du monde…

Merci patron ! – de François Ruffin – 2016

Posté : 25 juillet, 2020 @ 8:00 dans 2010-2019, DOCUMENTAIRE, RUFFIN François | Pas de commentaires »

Merci patron

Avant d’être député, François Ruffin était déjà le patron du journal Le Fakir. Et il se voyait bien en double picard de Michael Moore : même engagement, même attachement viscéral aux droits des individus, même sens de la dramaturgie et de la mise en scène… et même égotisme surdimensionné.

C’est la limite de ce documentaire engagé et, on le sent, profondément sincère : cette manière de constamment se mettre en scène en chevalier blanc sans peur et sans reproche, tout juste traversé par un petit doute, lorsqu’il se demande si sa mise en scène (justement) ne va pas ruiner toutes les avancées obtenues.

Dans Merci Patron !, François Ruffin prend la défense des laissés pour compte de LVMH : toutes ces petites mains de la Somme et du Nord qui se sont retrouvées au chômage et dans la misère après que Bernard Arnault a racheté des entreprises pour mieux délocaliser l’activité.

Comme il a le sens de la dramaturgie, mais aussi le vrai sens pratique de l’homme d’action, il comprend vite qu’il ne représentera jamais mieux l’ensemble des laissés pour compte qu’en se focalisant sur un unique couple. Les Klur, de Poix-du-Nord, des vrais gens, pas glamour pour un sou, et bien dans la galère, sur le point de perdre leur maison.

François Ruffin se met en scène à leurs côtés. On sent parfois que ces images comme prises sur le fait sont, justement, très mises en scène. Mais qu’importe : c’est surtout l’empathie du type qui frappe, ce refus du misérabilisme. Ruffin n’est pas un laissé pour compte, mais il les comprend, il les aime, c’est flagrant.

Le ton qu’il utilise n’est jamais agressif. Ironique, plutôt. Pédagogique, aussi. Édifiant, surtout. En tentant d’approcher l’homme Bernard Arnault, Ruffin dévoile la puissance de la machine LVMH. En mettant en place un stratagème pour soutirer quelques dizaines de milliers d’euros au groupe au bénéfice des Klur, il met en évidence une organisation souterraine franchement glaçante.

Le film de Ruffin a un côté plus bricolo que ceux de Michael Moore. Il est aussi, sans doute, plus crédible dans son travail journalistique. Son film, vivant et souriant, révèle le cynisme organisé du monde du luxe et des grandes entreprises. Une image : un chef d’entreprise (délocalisé) qui annonce avec un sourire indolent que si les salaires continuent à augmenter en Bulgarie, une nouvelle délocalisation aura lieu vers la Grèce, où des tas de gens sont au chômage. Chouette ! Rien de plus facile à exploiter qu’un peuple dans la misère…

Merci Patron ! est un road trip populaire qui sent la frite et la bière. C’est aussi un documentaire engagé qui sent le chagrin et la misère, et souffle un vent de révolte qui fait du bien.

123
 

Kiefer Sutherland Filmographie |
LE PIANO un film de Lévon ... |
Twilight, The vampire diari... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | CABINE OF THE DEAD
| film streaming
| inderalfr