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Archive pour février, 2021

Tarakanova – de Raymond Bernard – 1930

Posté : 28 février, 2021 @ 8:00 dans 1930-1939, BERNARD Raymond, FILMS MUETS | Pas de commentaires »

Tarakanova

Toujours sous le charme d’Edith Jéhanne depuis le très beau L’Amour de Jeanne Ney… La filmographie de la belle ne compte que huit films, dont la moitié sont réalisés par Raymond Bernard. Ce Tarakanova est un film à sa mesure, aussi ample et tragique que le film de Pabst était ample et romanesque.

L’actrice était française, née à Châteauroux nous apprend Wikipédia (pas vérifié à l’état civil) de parents aux patronymes bien française. Pourtant, c’est une nouvelle fois une Russe qu’Edith Jéhanne interprète ici. Un personnage historique (et largement romancé) : la « princesse » Tarakanova, qui affirmait être la fille de la défunte impératrice Elisabeth Ie, et donc l’héritière naturelle du trône, face à Catherine II de Russie.

Le film de Raymond Bernard fait de la belle un objet de manipulation : une jeune tzigane qu’un intriguant visant à la destitution de Catherine II choisit pour sa ressemblance avec la véritable héritière, qui a elle renoncé à toute ambition pour vivre recluse dans un couvent. Le personnage d’Edith Jéhanne est d’autant plus fort qu’elle se laisse réellement convaincre qu’elle est la fille de l’impératrice, elle qui n’a jamais su qui était sa mère.

Raymond Bernard a de gros moyens pour reconstituer la Russie du 18e siècle. Il a surtout de grandes et belles ambitions visuelles. L’enterrement du tsar, l’armée qui part au combat en pleine nuit, les mouvements des troupes russes… autant de morceaux de bravoure dont le cinéaste fait de superbes moments de cinéma. Ses mouvements de caméra très fluides, la richesse des cadres, le travail sur le montage, tout est au service de l’intimité des personnages.

Très moderne même, Bernard, lorsque sa caméra s’affole pour filmer la jeune tzigane poursuivie par des hommes qui la menacent, ou avec les images spectaculaires du hissage des voiles. Son style atteint même des sommets lors de la scène clé du film : sur le canot qui conduit la jeune femme à sa perte, alors qu’elle est encore toute pleine d’illusions. Par un montage alterné majestueux, le rêve de celle qui se voit en impératrice se confond avec la marche funeste vers son destin tragique.

Un bémol, et un seul : la post-synchro un peu douteuse qui sonne comme un passage obligé en cette période de transition vers le cinéma parlant, avec des chansons entonnées avec une voix stridente qui gâchent un peu l’émotion que procure le visage d’Edith Jéhanne. Pas de quoi bouder ce film, intensément beau.

Pirates – de Roman Polanski – 1986

Posté : 27 février, 2021 @ 8:00 dans 1980-1989, POLANSKI Roman | Pas de commentaires »

Pirates

Des réminiscences du cinéma de son enfance sans doute, des envies de renouer avec les souvenirs de L’Aigle des Mers ou de Capitaine Blood… Trente-cinq ans après, la volonté de Roman Polanski de tourner son film de pirates s’explique quand même difficilement. Et paraît qu’il y tenait vraiment à ce film, qu’il portait en lui depuis plus de dix ans. Un vrai plaisir régressif pour le coup, plein de gourmandises, mais aussi totalement à part dans une filmographie tout de même autrement plus ambitieuse par ailleurs.

Ce n’est pas que Pirates soit dénué d’ambition, mais cette ambition semble entièrement tournée vers les décors, réellement spectaculaires. Ceux qui ont l’âge de s’en souvenir ne peuvent pas avoir oublié ce galion longtemps « exposé » à Cannes, qui avait été reconstitué à grands frais pour les besoins du film. Fort joli ce galion d’ailleurs, comme l’est l’île où se réfugient les pirates, ou même le radeau de fortune sur lequel s’ouvre le film…

Le problème, c’est plutôt que Polanski donne l’impression d’enfiler des perles, avec application et enthousiasme, mais sans rien faire d’autre que recycler des images tout droit sorties d’un livre d’aventures pour enfants. Lorsqu’il s’est attaqué à des genres aussi marquants que le film noir (Chinatown), le film d’horreur (Le Bal des Vampires), ou le film paranoïaque (Ghost Writer), Polanski a toujours joué avec les codes pour mieux les bousculer, et signer des films personnels et passionnants. Là, il donne le sentiment de visiter un musée, ou un parc d’attraction.

C’est parfois réjouissant : Walter Matthau est parfait dans le rôle de ce capitaine légendaire, à la guibole forcément en bois, prêt à bouffer le matelot coincé avec lui sur le radeau (Chris Campion, dynamique et à l’aise, à qui manquerait tout de même une pointe de charisme). Pirates aurait pu être formidable, si Polanski avait lâché la bride, s’il avait donné à Matthau toute la liberté que sa truculence réclamait. Ce n’est pas le cas. Pirates est donc au choix un agréable divertissement, une revisite sans envergure de l’imagerie des flibustiers, ou une aberration dans l’œuvre du cinéaste.

L’Amour de Jeanne Ney (Die Liebe der Jeanne Ney) – de Georg Wilhelm Pabst – 1927

Posté : 26 février, 2021 @ 8:00 dans 1920-1929, FILMS MUETS, PABST Georg Wilhelm | Pas de commentaires »

L'Amour de Jeanne Ney

Les troubles en Crimée après la Révolution russe. Un jeune Bolchevik amoureux de la fille d’un émissaire français qui meurt à cause de lui. Un traître prêt à tout pour l’argent. Un exil à Paris. Une romance qui se poursuit malgré tout. Un vol de diamant. Un meurtre…

L’Amour de Jeanne Ney est basé sur un scénario pour le moins généreux, qui nous fait voyager à travers les continents, et dans les milieux les plus différents, des tavernes de débauche en Crimée aux grands salons parisiens, en passant par une banlieue baignée de pluie ou un hôtel miteux de Montmartre… Trop généreux peut-être : on finit même par se demander pourquoi la Révolution russe était si importante dans cette histoire…

Mais ça, c’est si on veut creuser un peu. Parce que surtout, ce sixième film de Pabst procure un plaisir immense, surprenant constamment par son audace, par la puissance des émotions qui s’en dégagent, et par la maîtrise du cinéaste, et la modernité du style. Un film merveilleux, impressionnant, porté par la superbe Edith Jehanne, actrice au visage inoubliable, lui aussi d’une étonnante modernité, personnage puissant ballotté par l’histoire en marche.

Dès la première scène dans cette Crimée entre deux eaux, Pabst donne une vie incroyable à son film. Dans ce bouge où soldats et jeunes femmes se livrent à une véritable orgie, il renforce le côté décadent par des plans désaxés où la caméra semble ne jamais devoir se fixer. C’est aussi ce qui marque dans ce film : la mobilité de la caméra, et la fluidité totale de ses mouvements, et des enchaînements de scène.

Ce qui frappe aussi, c’est l’importance que Pabst accorde aux corps. Aux mains surtout : celles généreuses et passionnées de Jeanne, celles épouvantées d’Andreas (Uno Henning), celles avides de l’oncle (Adolf Edgar Licho), celles fuyantes du vil Khalibiev (Fritz Rasp), ou celles douces et pleines de frustrations de Brigitte Helm, dont les grands yeux servent parfaitement la cécité de son personnage.

C’est beau, ample, plein de suspense et de rebondissements. Pabst fera peut-être plus profond, plus audacieux. Mais ce film est une merveille passionnante, romanesque et généreuse. Et moi, me voilà définitivement sous le charme d’Edith Jehanne…

Le Champion (The Champ) – de King Vidor – 1931

Posté : 25 février, 2021 @ 8:00 dans 1930-1939, VIDOR King | Pas de commentaires »

Le Champion Vidor

Grand cinéaste du muet (immense, même), Vidor fait partie de ces rares réalisateurs dont le passage au parlant n’a absolument pas remis en cause ni l’excellence, ni l’ambition formelle. Ce Champion est certes plus convenu que son premier talkie Hallelujah, dans les thèmes abordés comme dans l’ampleur de la mise en scène, mais Vidor fait de ce drame bien dans la veine de Frances Marion un beau moment de cinéma, où le geste dépasse de loin le propos.

C’est flagrant dès la première scène, toute simple. Wallace Beery, ex-champion de boxe qui reprend l’entraînement, que l’on découvre faisant un footing derrière une voiture fatiguée, accompagné par son fils, Jacky Cooper. Rien de plus, pas d’enjeu dramatique fort. Mais cette simple scène dit déjà tout des rapports père/fils au cœur du film, et de l’approche du réalisateur, qui associe mouvement et sentiment dans un superbe travelling, pas si courant dans ces premières années du cinéma parlant.

Non, The Champ n’est pas un très grand Vidor. L’émotion a beau être grande, on sent la production taillée pour Wallace Beery, acteur sympathique et touchant (qui obtient l’Oscar pour ce rôle), mais au registre bien calibré. Et Frances Marion est une scénariste qui n’hésite jamais à rajouter des violons bien grinçants. L’histoire de ce garçon tiraillé entre son père et sa mère, le premier vivant pauvrement mais intensément, la seconde menant une vie de grande bourgeoise, n’est pas la plus délicate du monde. Mais on marche.

Comme on fond devant les larmes de Jacky Cooper, devant la culpabilité de Wallace Beery qui ne cesse de perdre au jeu le cheval de son fils, et devant l’aspect éphémère flagrant de ce paradis de l’enfance, dénué des règles habituelles de la société. Un Vidor mineur, mais diablement attachant.

Scène de la rue (Street Scene) – de King Vidor – 1931

Posté : 24 février, 2021 @ 8:00 dans 1930-1939, SIDNEY Sylvia, VIDOR King | Pas de commentaires »

Scène de la rue

Un quartier populaire de New York, un été caniculaire… La caméra de King Vidor ne quitte jamais le perron d’un immeuble modeste, où les locataires se croisent, papotent, cancanent, ou se déchirent, dans cette adaptation d’une pièce à succès d’Elmer Price, Prix Pulitzer en 1929.

Street Scene n’échappe d’ailleurs pas à l’aspect théâtral de l’entreprise, avec sa stricte unité de lieu et de temps : trois scènes clairement définies, entrecoupées par des ellipses fortes en tension dramatique ; l’une laissant en suspens le destin d’une femme sur le point d’accoucher ; l’autre celui d’une autre femme gravement blessée.

King Vidor, grand cinéaste du mouvement et de la foule, relève un vrai défi avec ce dispositif théâtral qui se concentre sur un décor de quelques mètres carrés seulement, avec beaucoup d’enjeux hors champs. Il s’en tire avec les honneurs, même si on le sent contraint par ce parti-pris.

Mais il donne de la vie à cette petite communauté, bien servi par de beaux acteurs : Sylvia Sidney en jeune femme femme tragique et forte, Beulah Bondi en commère affreuse, John Qualen en brave concierge… Surtout, c’est dans les détails qu’on retrouve le talent du cinéaste : dans cette série de plans inauguraux qui rendent palpables la chaleur accablante, ou dans celle du premier « entracte » qui suggère la nuit qui passe, préfigurant les images de voisins dans Fenêtre sur cour, bien plus tard.

Mais c’est dans les deux scènes de foule que le réalisateur du bien nommé La Foule rappelle vraiment le grand cinéaste qu’il est : deux séquences où le drame attire les curieux, libère les passions morbides… et dont Vidor fait le cadre idéal pour isoler ses héros, comme prisonniers d’un environnement étouffant et mesquin.

Pas le chef d’œuvre de Vidor, non, mais un film intense et sensible, et ancré dans une réalisé sans concession, et sans illusion.

Falbalas – de Jacques Becker – 1945

Posté : 23 février, 2021 @ 8:00 dans 1940-1949, BECKER Jacques | Pas de commentaires »

Falbalas

Pour son troisième long métrage, Jacques Becker nous plonge dans les coulisses de la haute couture, pour un drame amoureux tendu et passionnant, qui est aussi un film sur les affres de la création.

Raymond Rouleau, déjà héros de Dernier Atout, le premier film de Becker, est un couturier jouisseur, qui domine son univers de petites mains tel un coq dans sa basse-cour. Un type séduisant, aucun doute. Mais surtout trop occupé par son désir de tout maîtriser pour s’attacher à cette chose si imprévisible qu’est l’humain.

Dans un restaurant bondé, il agit comme s’il était seul au monde. Et c’est bien ainsi qu’il vit, totalement indifférent aux émotions qui l’entourent. Il est odieux, simplement, sans même y penser, traitant ses modèles comme des pantins dépourvus de vie propre.

Et quand il rompt avec une énième petite amie, il le fait sans un mot, accrochant une nouvelle robe dans sa penderie : une robe pour chaque ex, comme un collectionneur ayant fait une nouvelle acquisition et déjà tourné vers la prochaine. Et lorsque la jeune femme s’en va, c’est la robe qu’il regarde en lâchant, dans un soupir : « ce n’était pas laid »…

Un homme qui ne voit pas le mal qu’il fait autour de lui, les grands yeux perdus de celle qui ne peut l’oublier (Françoise Lugagne, très émouvante), ou celui désapprobateur mais protecteur de son assistante (la grande Gabrielle Dorziat), et que l’amour finira par perdre : celui de Micheline Presle, dont l’image finira par se confondre avec celle d’un mannequin artificiel, avec qui il pourra être le créateur tout puissant qu’il s’imagine être.

Beau et troublant film, qui séduit aussi et surtout pour la manière dont Becker filme les coulisses de la haute couture, sa caméra passant des grands salons aux ateliers où s’affairent les petites mains autour de leur cheffe Jeanne Fusier-Gir, très attachante. Il y a de la vie dans ces scènes, où chaque détail sonne juste.

Détails et précisions pour le décor, mais un contexte plus général dont Becker ne sait curieusement pas trop quoi faire. L’action se déroule durant l’été 1943, comme le mentionne clairement un billet écrit par le couturier. Mais aucune allusion n’est faite à l’occupation, si ce n’est le vélo comme mode de transport pour les sorties nocturnes. Une « omission » qui rend ce film, si précis et vrai par ailleurs, étonnamment flou sur le fond…

Clockers (id.) – de Spike Lee – 1995

Posté : 22 février, 2021 @ 8:00 dans * Thrillers US (1980-…), 1990-1999, LEE Spike | Pas de commentaires »

Clockers

Un quartier noir de New York, drogue, violence, destin… Spike Lee en terrain connu ? Oui, mais avec ce film en forme de polar, le cinéaste surprend et séduit malgré tout, avec une sorte de mélancolie désespérée qui dépasse la colère et la morgue, et qu’on ne lui connaissait pas.

Le film s’ouvre sur des photos de cadavres dans les rues, clichés pris sur des scènes de crimes, froids et bruts. Mais la musique que l’on entend est totalement décalée : une chanson soft presque lounge. Le genre de musique que l’on entend presque constamment au cours du film, malgré la violence ambiante latente.

Dans ce quartier où les destins semblent tout tracés, deux personnages tranchent par leurs regards un peu paumés. Strike, un jeune noir dont on sent bien qu’il aurait pu être un type bien dans une autre vie. Un dealer, avec du cœur, mais qui a le don de prendre les mauvaises décisions et de concentrer les rancœurs. l’autre, c’est un flic, le verbe raciste (« no offence ! »), mais l’acte généreux, et l’envie que son travail fasse la différence.

Le premier, c’est Mekhi Phifer, révélation du film, regard dur et brisé à la fois. Le second, c’est Harvey Keitel, l’intensité du flic qui en a trop encaissé. Spike Lee installe autour d’eux la sensation d’une spirale infernale, sans issue. Clockers n’est pas un film sur le racisme, qui n’est qu’une toile de fond, mais sur la prédestination, sur la difficulté de s’arracher à son destin.

Strike s’accroche à ses modèles réduits de train pour s’extirper de cette réalité insupportable, et c’est une idée à la fois naïve et très belle. Idée qui débouche sur une fin inattendue et superbe, d’une douceur presque irréelle.

Inside Man : l’homme de l’intérieur (Inside Man) – de Spike Lee – 2006

Posté : 21 février, 2021 @ 8:00 dans * Thrillers US (1980-…), 2000-2009, LEE Spike | Pas de commentaires »

Inside Man

Skipe Lee signe un vrai film de braquage, brillamment retors et franchement réjouissant, en distillant le mystère et le suspense. Une vraie récréation dans l’œuvre souvent sombre et engagée du cinéaste, qui délaisse pour une fois le thème du communautarisme, à peine évoqué ici. Le racisme si présent dans son œuvre n’est abordé que par quelques détails, des remarques lancées par des policiers qui en disent long sur la vision qu’à Lee des institutions américaines.

Inside Man n’est pas le film le plus personnel de Spike Lee, c’est une évidence. Mais c’est un divertissement de luxe, qui porte tout de même la griffe d’un grand réalisateur, dès la scène d’introduction, avec Clive Owen face caméra. Spike Lee est d’ailleurs, il faut le dire, un grand directeur d’acteur.

Denzel Washington fait ici un grand numéro en flic trouble, acteur génial qui est quand même rarement aussi bien que quand il est dirigé par Lee. Quant à Jodie Foster, elle est formidablement cynique dans un rôle plus en retrait mais marquant. Ajoutez Willem Dafoe en flic mauvais coucheur, Christopher Plummer en banquier au passé bien embarrassant, ou Chiwetel Ejiofor en partenaire enthousiaste de Denzel… Inside Man est un film de genre franchement classe.

Si le film est si séduisant, ce n’est pas vraiment pour le scénario, gentiment retors, mais pour le décalage constant que choisit Spike Lee à force de petits détails. La musique, loin des notes dramatiques habituelles. Le fait de dissimuler le visage de Clive Owen dans la plupart de ses scènes. Le plan typique de Spike Lee où Denzel Washington, sous le choc, avance face caméra comme en lévitation. Ou encore cet autre plan tout simple d’un coin de rue quasi désert, filmé en plongé, où apparaissent deux silhouettes dont les ombres s’allongent longuement devant eux… Trois fois rien, une image sans réelle importance, mais qui rend soudain palpable le crépuscule, l’attente, cette espèce d’entre-deux incertain.

Hallelujah (id.) – de King Vidor – 1929

Posté : 20 février, 2021 @ 8:00 dans 1920-1929, VIDOR King | Pas de commentaires »

Hallelujah

Le chemin de la rédemption peut être long, l’histoire de Zeke le prouve (j’y reviens dans quelques lignes). Celui du cinéma parlant est en revanche immédiat pour King Vidor, grand cinéaste du muet qui s’approprie totalement les techniques du son dès 1929. Et il ne cherche pas la facilité, avec un drame ample et musical, tourné exclusivement (semble-t-il) en décors naturels, et avec des tas de comédiens et figurants.

OK, il triche : Hallelujah est considéré comme le tout premier film de l’histoire entièrement postsynchronisé. Mais qu’importe, puisque la démarche porte ses fruits : jamais cette postsynchronisation ne remet en cause le naturel et la fluidité de la mise en scène.

Hallelujah flirte constamment avec le mauvais goût. Ses acteurs (tous afro-américains, c’est une quasi-première pour un film hollywoodien) sont pour certains particulièrement emphatiques, visiblement amateurs ou marqués par le langage muet ou théâtral. Comme le titre l’annonce, la notion religieuse et rédemptrice est très présente. On découvre cette famille de noirs dans leur champ de coton, heureux de travailler sous le soleil… Bref, tout ça sent la caricature datée à plein nez.

Pourtant, King Vidor signe un film passionnant, certes pas entièrement tenu, mais riche, généreux, enthousiasmant, et plein de moments extraordinaires.

Zeke, donc, l’aîné d’une famille de noirs du Sud profond, bon gars, toujours la chanson aux lèvres, mais qui dilapide les cent dollars que sa famille a mis six mois de travail à réunir à cause d’une jeune femme belle et vénéneuse. Quand il comprend qu’il s’est fait avoir par la belle et son mac, il perd la tête, sort son arme, tire un peu à l’aveugle, et tue son propre frère… Ravagé, il devient prêcheur. La belle le suit, semble se racheter, mais le chemin de la rédemption est VRAIMENT très long.

Dans les mains d’un tâcheron, le film aurait viré au prêchi-prêcha musical écœurant. Vidor a ce talent pour tirer du gigantisme (il y a là un nombre incroyable de figurants, dans quasiment toutes les scènes) une humanité et une intimité folles.

Prenons la grande scène de prêche, tournant du film. Tout le génie de Vidor est là. Dans sa manière de filmer Zeke, psalmodiant son prêche qui se transforme en chant (ça m’a fait penser à la narration du Chant de la fidèle Chun-Yang). Dans sa manière de créer une sorte de cocon par le mouvement de la foule elle-même. Dans sa manière enfin d’isoler les acteurs du drame par une série de plans de coupes isolés dans la foule.

L’image de Daniel L. Haynes (l’interprète de Zeke), visage hagard traversant la foule des fidèles bras levés pour suivre Nina Mae McKinney (Chick), l’incarnation de la tentation, est d’une force incroyable. Comme cette course poursuite dans les marécages, d’une puissance visuelle qui reste impressionnante. Le chemin de la rédemption est long, fort, et beau.

Un après-midi de chien (Dog Day Afternoon) – de Sidney Lumet – 1975

Posté : 19 février, 2021 @ 8:00 dans * Polars US (1960-1979), 1970-1979, LUMET Sidney, PACINO Al | Pas de commentaires »

Un après-midi de chien

Bon sang le sentiment de solitude qui se dégage de ce dernier plan. Le regard de Pacino, rempli d’une panique qu’on sent prête à éclater… Le film est comme une cocotte minute dont la pression ne cesserait d’augmenter, mais qui n’explose jamais vraiment. Une tension incroyable, une attente interminable, et un grand film d’une intensité folle signé Sidney Lumet, au sommet.

Un après-midi de chien est inspiré d’une histoire vraie : celle de deux braqueurs improvisés qui doirent tout ce qu’ils entreprennent et qui se retrouvent à prendre en otage les neuf employés d’une banque. Al Pacino et John Cazale, de nouveau réunis après Le Parrain et sa suite, immenses tous les deux. Cazale en paumé intégrale et perdu d’avance. Pacino en petite tête qui, le temps d’un fiasco, semble trouver un sens à sa vie. Une place dans une société pour laquelle il paraît inadapté.

Sa vie : tiraillé entre une mère et une femme également castratrices, mais aussi entre une femme et un amant qui a besoin d’argent pour une opération de changement de sexe. Totalement paumé, tiraillé ou rejeté, hésitant constamment sur l’identité de sa femme (elle ou lui ?)… Le symbole d’une Amérique en quête d’identité, ou de modèle.

D’ailleurs, il suffit qu’il tienne tête à la police et fasse référence à la tuerie d’Attica pour qu’il devienne une sorte de rock star aux yeux des badauds venus assister au drame. Et lui y trouve quelque chose comme un aboutissement personnel. Lumet invente au passage la téléréalité, décortique une société qui va mal, pointe du doigt la rupture brutale entre la population et les forces de l’ordre…

Un après-midi de chien a la force du cinéma noir des années 1970, mais il fait aussi écho cruellement à l’époque actuelle, avec une acuité étonnante. Un grand film intemporel, cruel mais plein d’une empathie belle et douloureuse.

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