La Fièvre du pétrole (Boom Town) – de Jack Conway – 1940
Spencer Tracy et Clark Gable qui se retrouvent quatre ans après San Francisco, qui plus entourés par Claudette Colbert et Heddy Lamar… Il est des affiches comme ça qui font franchement saliver d’envie. Boom Town n’est certes pas un chef d’œuvre : il tire parfois en longueur, et il manque la vision d’un grand cinéaste. Mais pas de quoi bouder son plaisir, qui est très grand : voilà un film d’aventures plutôt original et fort sympathique.
Il y a là tous les ingrédients pour une grande fresque romanesque et spectaculaire. Deux amis prospecteurs de pétrole, une femme entre deux, des fortunes qui se font et se défont, la civilisation qui prend peu à peu le pas sur l’Amérique des grands espaces… et cette soif de liberté, ce goût pour l’aventure vu comme une philosophie de vie. Un peu naïf, voire maladroit, oui, mais tellement sincère, et tellement réjouissant.
Le vétéran Jack Conway n’est pas un grand auteur, non, mais il est un artisan au savoir-faire indéniable, qui nous offre dans les premières scènes une vision impressionnantes et très originale de ces petites villes construites autour de la fièvre du pétrole, boueuses et grouillantes de monde. C’est dans ce décor qu’il introduit les deux personnages principaux, se croisant dans les rues recouvertes par une épaisse boue glissante, dont il tire tout le potentiel spectaculaire et comique.
Le film est particulièrement réussit quand il tient cet équilibre entre le grand spectacle et la légèreté. Quand, dans une séquence quasi-documentaire autour des pionniers du pétrole qui pompent, qui pompent, qui pompent, il filme Spencer Tracy se moquant allégrement des oreilles décollées de Clark Gable. Ou quand une scène de bagarre tourne à la farce, les deux amis mesurant leurs forces respectives à la distance à laquelle chacun d’entre eux envoie son adversaire au tapis.
Claudette Colbert, romanesque à souhait ; Spencer Tracy, noble comme il sait l’être ; Clark Gable, immense en aventurier obstiné ; et Heddy Lamar, d’une classe folle, qui renverse radicalement l’image de la femme fatale… Jack Conway tire le meilleur de ses acteurs, pour un film qui est avant tout une ode à l’amitié (même si la structure familiale est là, c’est la relation virile entre Tracy et Gable qui domine) et à l’esprit des pionniers: la course à la fortune vue non pas comme un but, mais comme comme un chemin, un art de vivre.