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Archive pour octobre, 2011

Rio Grande (id.) – de John Ford – 1950

Posté : 23 octobre, 2011 @ 5:49 dans 1950-1959, FORD John, O'HARA Maureen, WAYNE John, WESTERNS | 2 commentaires »

Rio Grande

Après Le Massacre de Fort-Apache et La Charge héroïque, Ford boucle sa sublime trilogie de la cavalerie avec ce Rio Grande, nouvelle grande réussite même s’il s’agit incontestablement du plus faible des trois films. Plus encore que dans les deux films précédents, Ford se désintéresse clairement de la trame dramatique pour se concentrer sur ce qui fait tout le sel de cette trilogie unique : les hommes qui composent cette cavalerie qui le fascine visiblement, mais sur laquelle il pose un regard à la fois admiratif et respectueux, mais aussi parfois critique et ironique.

John Wayne est une nouvelle fois au cœur du film. Et une nouvelle fois, c’est un homme confronté aux horreurs de la guerre avec les Indiens, autant qu’à l’imbécillité de ses supérieurs, à qui il obéit aveuglement en dépit de tout. C’est ça la cavalerie : un sens du devoir et de l’obéissance qui doit dominer tout le reste… y compris la famille.

Le rôle des épouses de soldats avait été évoqué joliment, par quelques plans particulièrement marquants, dans Fort Apache… Il est ici au cœur de Rio Grande, à travers le beau personnage de Maureen O’Hara (qui donne pour la première fois la réplique à Wayne), mère désespérée qui a quitté son John Wayne de mari des années plus tôt après qu’il a brûlé leur propre maison sur les ordres de son supérieur (ah ben oui, il a le sens du devoir !), et qui vient aujourd’hui pour le convaincre de renvoyer à la vie civile leur fils, qui vient de s’enrôler après avoir raté le concours d’officier.

Incontestablement, l’alchimie est parfaite entre les deux acteurs (alchimie qui explosera littéralement deux ans plus tard avec L’Homme tranquille), dont toutes les confrontations sont baignées par un mélange d’animosité et d’attirance. On peut juste regretter que Ford n’ait pas exploré davantage cette dualité : très vite, on sent bien que le sens du devoir de Wayne va emporter les dernières réticences de la maternelle Maureen.

Dommage, mais c’est bien la seule réserve que je fais à ce film passionnant dans lequel John Wayne est une nouvelle fois épatant en héros fatigué par les longues chevauchées autant que par l’impuissance à laquelle le soumettent ses supérieurs.

Mais le film vaut avant tout pour ses nombreux moments en creux. Une chorale militaire qui chante une ballade irlandaise qui plonge soldats du rang et officiers dans une douce mélancolie… Un sous-off fort en gueule (incontournable Victor McLaglen, dans son avant-dernier rôle pour Ford, avant L’Homme tranquille) qui entraîne de jeunes recrues… Deux vieux de la vieille qui évoquent autour d’un café et à mots feutrés la bataille qui les a marqués bien des années plus tôt… Le regard inquiet de Wayne veillant sans en avoir l’air sur son rejeton… La complicité évidente entre Ben Johnson et Harry Carey Jr, duo que Ford venait de diriger dans Le Convoi des baves, son précédent chef d’œuvre.

Bref, un pur John Ford pas tout à fait aussi ambitieux que les précédents (visuellement, même, le noir et blanc de Rio Grande est bien moins spectaculaire que le technicolor sublime de La Charge héroïque). Mais c’est un bon Ford. Et un bon Ford, c’est un grand film…

Jugé coupable (True Crime) – de Clint Eastwood – 1999

Posté : 23 octobre, 2011 @ 5:44 dans * Thrillers US (1980-…), 1990-1999, EASTWOOD Clint (acteur), EASTWOOD Clint (réal.) | Pas de commentaires »

Jugé coupable

Un film qui commence avec un médecin qui examine un condamné à mort sur le point d’être exécuté en lui lançant  « Vous avez une santé de fer ! » ne peut pas être un film comme les autres. Et effectivement. Si Jugé coupable est un film mineur dans la filmo de Clint réalisateur, c’est aussi, sans doute, le plus étonnant et le plus déroutant. Eastwood semble en profiter pour dire : « bon, maintenant j’ai 69 ans, je n’ai plus rien à prouver et je vais faire exactement ce que je veux. Tant pis si ça ne vous plaît pas… »

Et tant pis si le suspense repose sur une intrigue totalement incroyable, qui permet au journaliste Steve Everett de résoudre une enquête en douze heures montre en main, alors que tout le monde s’y était cassé les dents depuis six ans. Mais attention, pas douze heures à temps plein : durant cette demi-journée, Steve a le temps de se fâcher avec sa femme, de se faire virer par son patron, de coucher avec la femme de son rédacteur en chef, de se saoûler… et même d’emmener sa fille (jouée par la propre fillette d’Eastwood) visiter le zoo, dans une scène aussi inattendue qu’irrésistible de « rapido-zoo »…

Quel homme, quand même… Evidemment, l’histoire est idiote, et l’incroyable rebondissement qui permet à Clint de sauver in fine le condamné à mort au tout dernier moment (suspense oblige) est totalement incroyable. Mais justement, on s’en fout. Les moments en creux ont toujours été la grande force des films d’Eastwood (et cette tendance ne fera que croître dans les films à venir). Alors cette fois, le cinéaste a décidé d’aller au bout de cette logique, et de se désintéresser totalement de tout ce qui n’est pas « en creux », évacuant l’intrigue à proprement parler par des rebondissements énormes.

Non pas, d’ailleurs, que le suspense ne fonctionne pas. Mais c’est dans tous les à-côtés qu’on prend un plaisir presque enfantin à voir ce film. La scène du zoo, donc, la plus drôle de l’histoire du cinéma ; les derniers soubresauts d’un Clint dragueur qui réalise trop tard qu’il n’est plus le séducteur qu’il était ; l’humanité troublante et touchante d’un directeur de prison trop confronté à la mort (Bernard Hill) ; les gardiens mobilisés pour retrouver le crayon vert d’une fillette ; ou surtout ces trop rares tête-à-tête entre Clint et James Woods, patron de journal au langage pour le moins fleuri, et qui relèvent du pur plaisir de comédie (aussi réjouissante que la rencontre entre Clint Eastwood et Ed Harris dans Les Pleins Pouvoirs).

C’est aussi, presque accessoirement, un film mititant contre la peine de mort (mais ce n’est ni le premier, ni le plus efficace), et un film qui s’inscrit nettement dans la mythologie eastwoodienne : la dernière image, belle et mélancolique, renvoie à l’image du cavalier solitaire campé par Clint dans tant d’autres films du passé…

La Rivière sauvage (The River Wild) – de Curtis Hanson – 1994

Posté : 23 octobre, 2011 @ 5:42 dans * Thrillers US (1980-…), 1990-1999, ACTION US (1980-…), HANSON Curtis | Pas de commentaires »

La Rivière sauvage (The River Wild) - de Curtis Hanson - 1994 dans * Thrillers US (1980-…) la-riviere-sauvage

Avoir revu l’excellent Wonder boys m’a donné envie de replonger dans cette Rivière sauvage, du même Curtis Hanson, que je n’avais plus fréquentée depuis sa sortie en salles. Ça nous rajeunit pas, ma brave dame. Le film, en tout cas, tient plutôt bien l’épreuve du temps : seul le jean délavé trop large de Meryl Streep est là pour nous rappeler que le film est bientôt majeur !

L’histoire est très simple : une famille de New Yorkais part décompresser quelques jours en descendant en bateau les eaux agitées d’une rivière sauvage (eh oui, d’où le titre). Ils rencontrent des étrangers avec qui ils sympathisent, mais qui se révèlent être de dangereux malfaiteurs… Difficile de voir le film sans penser à Délivrance ou à Rivière sans retour, deux chef d’œuvre d’un autre temps auxquels Hanson rend hommage, sans se laisser étouffer par la double comparaison.

Rien à dire sur le sens de la narration du cinéaste, qui sait décidément y faire avec le film de genre : après une première partie toute en douceur, Hanson fait monter la pression autour du personnage de Kevin Bacon, jeune homme sympathique qui révèle sa vraie nature de monstre prêt à tout, même à tuer un chien de sang froid (mais rassurez-vous, on est à Hollywood, où il est plus facile de tuer un enfant qu’un chien). Ce thriller au grand air est particulièrement flippant.

Rien à dire non plus sur la manière dont il filme les descentes de rapides… Nettement plus spectaculaire que Rivière sans retour, La Rivière sauvage est un pur plaisir de cinéma très impressionnant visuellement. D’autant plus que tout le film est dominé par les décors naturels absolument époustouflants dans lesquels il a été tourné. Cours d’eau calme ou gorges profondes entourées de montagnes boisées, chaque image est d’une beauté à couper le souffle. A tel point qu’on souhaiterait presque, par moments, que les personnages disparaissent pour mieux profiter de cette nature sublimissime.

Mais Hanson ne se contente pas de raconter une histoire inquiétante dans un décor de rêve : il fait de la nature un élément essentiel de son film. Comme John Boorman dans Délivrance, mais surtout comme Anthony Mann dans ses westerns (en particulier L’Appât). C’est un personnage à part entière, peut-être le plus riche et surprenant de tous.

Bon point aussi pour les acteurs, et surtout pour les deux personnages les plus en retraits : le mari (David Strathairn) et le complice de Kevin Bacon (John C. Reilly, espèce de gros nounours toujours très juste et surprenant). Finalement, le principal défaut du film, c’est sa star : Meryl Streep, qui en fait des tonnes dans le côté « je suis une grande actrice bien au-dessus de mes partenaires ». On l’a connue plus sobre et plus convaincante…

La Maison des Sept Péchés (Seven Sinners) – de Tay Garnett – 1940

Posté : 22 octobre, 2011 @ 10:48 dans 1940-1949, DIETRICH Marlene, GARNETT Tay, WAYNE John | Pas de commentaires »

La Maison des Sept Péchés (Seven Sinners) - de Tay Garnett - 1940 dans 1940-1949 la-maison-des-sept-peches

Une bien belle surprise que ce film exotique bourré de bagarres de marins, de bons mots et de romance faussement légère… Réalisé par Tay Garnett six ans avant qu’il ne signe le plus connu de ses chef d’œuvre (Le Facteur sonne toujours deux fois), le film est un mélange très convaincant de comédie enlevée et de gravité. La toute première séquence donne le ton : dans son éternel rôle de chanteuse de cabaret, Marlene Dietrich déclenche sans même apparaître une bagarre homérique qui termine par une descente de police.

On est sur une île de l’océan Pacifique, et Marlene, le regard incendiaire et la jambe interminable, est expulsée avec ses compagnons, un voleur pulsionnel et un gros bras bas du front. Toute cette première partie est traitée avec un humour ravageur et un second degré réjouissant. Mais sur le bateau qui emmène cette petite troupe vers une autre île, le ton s’avère un peu moins léger qu’il ne paraissait : la rencontre de Marlene avec un médecin légèrement alcoolo et très seul révèle les failles de la jeune femme, ses blessures cachées et son envie secrète de se fixer quelque part.

Cette faille va croître lorsque, arrivée à destination, la chanteuse va tomber amoureuse d’un beau marin promis à la fille du gouverneur (jouée par la Fordienne Anna Lee) : c’est John Wayne dans un rôle amusant et plutôt léger. Très convaincant lorsqu’il fait le dur, Wayne est quand même un peu limite lorsqu’il se transforme en amoureux très fleur bleue… Ajoutons à cette galerie déjà bien fournie un dangereux arnaqueur, joué avec froideur par l’inquiétant Oscar Homolka, qui était le Verloc du Sabotage de Hitchcock.

En apparence, on est en terrain très connu : un film d’aventure romantique et exotique, genre très en vogue à l’époque, avec des personnages qui semblent proches de la caricature. Sauf que, justement, la force du film, outre son rythme exceptionnel, réside sur les contre-pieds absolus pris pour à peu près tous les personnages : celui de Marlene, bien sûr, dont la force et le recul ne sont qu’apparences ; il y le médecin alcoolique et désagréable, qui se révélera être un fidèle ami ; le gros bras un peu idiot qui révélera sa sensibilité et sa clairvoyance…

Le personnage de John Wayne est un peu plus convenu, mais se sentiment de douce mélancolie qui reste après avoir vu le film repose en partie sur la décision inattendue qu’il prendra. Loin, très loin de ce qu’on pouvait attendre de ce film drôle et énergique, qui est finalement aussi amer et mélancolique.

L’Esprit s’amuse (Blithe Spirit) – de David Lean – 1945

Posté : 21 octobre, 2011 @ 9:38 dans 1940-1949, FANTASTIQUE/SF, LEAN David | Pas de commentaires »

L'Esprit s'amuse

Après le succès de Heureux mortels, David Lean adapte une nouvelle fois une pièce de Noel Coward. Le résultat est considéré comme l’une des meilleures comédies anglaises des années 40, mais je vais être bien moins enthousiaste que la postérité ! Bon, je dois reconnaître ne pas être très friand des comédies de mœurs mettant en scène des fantômes (si, si, il doit y en avoir d’autres). C’est peut-être pour ça que cette comédie qui se veut enlevée (la femme de ménage n’arrête pas de courir) et acide (un homme qui fait ménage avec sa nouvelle femme et le fantôme de sa femme précédente, quel scandale !) m’a totalement laissé sur la touche.

Rex Harrison y interprète un écrivain remarié après la mort de sa première femme, qui fait appel à une médium pour l’observer sans en avoir l’air et en faire un personnage de son prochain roman. Sauf que la séance tourne bizarrement, et que le fantôme de son ex lui apparaît (mais juste à lui) et s’incruste durablement… Dans un premier temps, le personnage très excentrique de Margaret Rutherford (la médium) fait sourire, mais sa prestation finit par être un brin exaspérante. Quant aux quiproquos créés par ce fantôme qui n’est visible et audible que de Rex, ils font sourire une ou deux fois… mais le running gag revient sans cesse, jusqu’au trop-plein. C’était sans doute très drôle sur scène, mais David Lean ne renouvelle pas le miracle de son précédent film : s’approprier le matériau de départ pour en tirer un film qui lui soit personnel.

On n’est pas pour autant dans du théâtre filmé : Lean, s’il reste très « cowardien », donne du rythme au film, et lui donne une atmosphère très british, qui lui font dire des choses très cruelles (le personnage de Rex Harrison est quand même un type d’un cynisme et d’un égocentrisme assez inouïs) avec une impression de légèreté délicieusement inconvenante. Rien que pour ça, et malgré le vert très laid du fantôme et l’ennui qui pointe son nez de temps en temps, le film mérite bien d’être vu.

Blitz (id.) – de Elliott Lester – 2011

Posté : 21 octobre, 2011 @ 9:14 dans * Polars européens, 2010-2019, LESTER Elliott | Pas de commentaires »

Blitz

Un flic aux méthodes radicales mal vu par ses supérieurs, sur la sellette après avoir mis hors circuit d’une manière radicale des voyous qu’il avait surpris en plein méfait… Non, Blitz n’est pas un remake de L’Inspecteur Harry, mais la filiation est évidente. Evidente et visiblement assumée comme le réalisateur semble le reconnaître au détour d’un dialogue (« Vous marchez dans la rue et vous tombez sur des types armés de cutters. Ils en veulent à votre fric et ils veulent vous graver votre nom sur la tronche. Dans ce cas, vous pensez plus à votre tronche ou aux journaux ? »). L’hommage méritait-il un film ? Pas sûr…

Blitz n’a pas le côté écœurant de certains « vigilante », le rôle de la fliquette qui lutte contre sa propre toxicomanie est original et sonne juste, Jason Statham ne manque pas d’un certain charisme animal (bestial, même), et la peinture de Londres est clairement en dehors des sentiers battus, inquiétante et violente. Voilà pour les points très positifs.

Mais la balance penche très nettement du côté négatif. Pour commencer, et sans vouloir dire « c’était mieux avant » (mais c’était mieux avant, quand même…) Elliott Lester n’est pas Don Siegel. Et Blitz n’arrive pas à la cheville de Dirty Harry, pas plus que Statham ne supporte la comparaison avec Eastwood. Charismatique, peut-être, mais la profondeur du personnage avoisine le néant. Et le tandem que ce type hyper viril (de 1940 à 2010, l’image de la virilité a migré de Humphrey Bogart à Jason Statham… ben oui, c’était vraiment mieux avant !) forme avec un flic homosexuel sur le modèle archi-rabattu du buddy movie, est aussi lourd qu’inintéressant.

Quant à l’histoire (deux flics enquêtent sur un tueur de flics qui sévit dans les rues de Londres), elle ne tient pas ses promesses, loin s’en faut. Le méchant manque de profondeur, l’enquête est baclée, et le rebondissement final est téléphoné.

A moitié agacé, à moitié ennuyé, on finit par se désintéresser de l’intrigue, pour s’amuser au jeu des ressemblances… qui ne manquent pas. Basic Instinct (« vous allez m’arrêter pour avoir fumé ? »), Sixième sens (la relation dangereuse nouée par le tueur avec un journaliste, interprété ici par David Morrissey), ou encore American History X (ouïe… le coup de la bordure de trottoir) et plein d’autres. Sûr que ce sont des hommages…

Le Président et Miss Wade (The American President) – de Rob Reiner – 1995

Posté : 20 octobre, 2011 @ 4:29 dans 1990-1999, REINER Rob | Pas de commentaires »

Le président et miss Wade

Après The Ghost Writer, on reste dans les coulisses du pouvoir, à la Maison Blanche cette fois, mais dans un tout autre genre : une bonne vieille comédie romantique à l’américaine, signée par un petit maître du genre (Rob Reiner, le réal de Quand Harry rencontre Sally), touche-à-tout souvent très inspiré, et largement sous-estimé (on lui doit quand même des films comme Stand by me, Princess Bride, Misery ou Des hommes d’honneur… que du bon !). Dans le genre « couple improbable », au cœur de tous les bons films du genre, Reiner n’y va pas par le dos de la cuillère dans The American President : rien moins que le président des Etats-Unis (séduisant, sympathique, humaniste, honnête, populaire… Michael Douglas, quoi !) et une activiste représentant un contre-pouvoir (quadra esseulée charmante mais maladroite… Annette Benning, donc).

La charge est lourde ? Pas plus que dans un bon Capra, et la comparaison n’est pas fortuite : le film est un hommage aussi sincère qu’honnête au réalisateur de Monsieur Smith au Sénat, film auquel on pense immanquablement : ce n’est pas un hasard si le cinéma de Capra apparaît au détour d’un charmant dialogue, ou si la toute dernière scène se déroule dans l’enceinte mythique du Sénat, immortalisée par Capra dans son chef d’œuvre. Il ne faut pas s’attendre à être surpris : c’est une vraie comédie romantique, qui répond à toutes les règles du genre. Premier contact difficile, coup de foudre, romance assumée malgré les regards extérieurs, choix cornélien, sentiment de trahison, froid, réconciliation… Mais si on n’est pas surpris, on est franchement charmé par ce couple… ben oui, charmant. On est séduit aussi par l’élégant classicisme de la mise en scène, qui ressuscite le Hollywood de l’âge d’or.

Rob Reiner renoue d’ailleurs avec une tradition qui appartient au grand cinéma des années 30 et 40, et qui a un peu disparu ces dernières décennies : les grands seconds rôles. Martin Sheen, Michael J. Fox, Richard Dreyfuss… ces personnages secondaires ont du poids, et contribuent à la réussite d’un film émaillé de scènes croquignoles (l’apparition d’un couple présidentiel français visiblement inspiré des Chirac, qui venaient d’entrer à l’Elysée), de passages obligés (la fille adolescente du président, sans doute le personnage le moins convaincant) et de moments de grâce (la première rencontre, la scène du bal…). Et puis il y a Annette et Michael, couple de cinéma idéal, très hollywoodien, mais à l’ancienne.

The Ghost Writer (id.) – de Roman Polanski – 2010

Posté : 18 octobre, 2011 @ 3:03 dans * Thrillers US (1980-…), 2010-2019, POLANSKI Roman | Pas de commentaires »

The Ghost Writer

Question du jour : la prison rend-elle les détenus meilleurs ? Pas sûr… Mais son séjour derrière les barreaux n’a pas gâché le talent de Roman Polanski, loin de là. C’est en prison que le cinéaste a monté Ghost Writer, et le résultat est absolument bluffant. Comme souvent lorsqu’il s’attaque au pur film de genre (je ne me lasse pas de Frantic), Polanski est à son meilleur avec ce thriller politique assez machiavélique, mais finalement très simple. Simpliste, même, rétorquent ses détracteurs, ce qui n’est pas tout à fait faux.

Il y a en tout cas la sensation d’une grande simplicité qui transparaît du film, ce qui est plutôt inattendu dans un thriller politique, genre largement porté sur les révélations à tiroirs, sur les fausses pistes et les faux semblants. Ici, personne n’est vraiment ce qu’il prétend être, c’est vrai, mais les masques tombent très vite.

On comprend vite, en tout cas, que le personnage principal, un « nègre » (l’expression anglaise, ghost writer, est nettement plus belle) appelé pour terminer l’autobiographie d’un ancien premier ministre britannique, s’est plongé dans la gueule du loup, et qu’il ne peut vraiment faire confiance à personne. Le film repose sur le suspense qui découle de cette situation, et sur l’intelligence extrême de la mise en scène. Plutôt économe en dialogues, le film devient génial grâce au sens exceptionnel de la narration du cinéaste.

Le film commence d’une manière aussi originale que brillante : un ferry qui se vide peu à peu de ses passagers. Seule reste une voiture abandonnée… Il n’en faut pas plus pour comprendre que son propriétaire est mort, sans doute balancé par-dessus bord pendant la traversée. La séquence est totalement muette, mais on en apprend énormément. Mieux : cette première scène trouvera un écho terrifiant vers la fin du film, lorsque le héros fera la même traversée.

Cette victime est justement le premier écrivain appelé à travailler sur la bio de l’ancien premier ministre. C’est pour le remplacer que le nouveau nègre est engagé. C’est Ewan McGregor, acteur de plus en plus puissant qui joue formidablement bien cet écrivaillon sans grande envergure qui réalise peu à peu que le secret qu’a découvert son prédécesseur a de quoi faire vaciller tout un pan de la politique britannique, et qu’il pourrait accessoirement lui coûter la vie…

Quel est ce secret ? On s’en fiche un peu : Polanski nous fait le coup du macguffin cher à Hitchcock, dans ce qui est d’ailleurs le plus hitchcockien de ses films depuis Frantic. Ce qui compte ici, c’est le pur suspense, et l’élégance extrême de la mise en scène. Très inspiré, Polanski filme son personnage principal dans un enfermement grandissant à plusieurs niveaux. Géographique, d’abord : l’histoire se passe en grande partie sur une île presque déserte au lare de Boston, dans une immense maison dépouillée et froide. Et puis morale : McGregor n’a personne à qui parler, personne en qui croire : la seule personne « neutre » qu’il rencontre est un vieillard qui ne semble plus avoir toute sa tête (apparition brève mais sympathique d’Eli Wallach, still here).

McGregor est de toutes les scènes, et porte littéralement le film sur ses épaules. Mais Pierce Brosnan est là, lui aussi. Dans le rôle (assez bref en terme d’apparition à l’écran) de l’ancien premier ministre, il est excellent, portrait fascinant d’un homme qui fut très puissant et qui passe désormais des journées d’une vacuité extrême, isolé avec sa dernière garde rapprochée aux antipodes de l’hyperactivité de Londres. C’est aussi ça le sujet du film, en tout cas dans sa première partie, moins flippante, mais aussi passionnante : comment un homme aussi important peut-il réapprendre à vivre « normalement ». La réponse, ici, n’est guère optimiste.

The Ghost Writer est un chef d’œuvre, d’une richesse sans doute infinie. Mais on peut le voir aussi comme un pur film de genre, l’œuvre d’un cinéaste exceptionnel. Le film est émaillé de scènes à couper le souffle, à la fois d’une grande efficacité, d’une grande intelligence (Polanski est peut-être le premier à utiliser le gps intelligemment pour une longue scène de suspense), et d’une grande élégance. Jusqu’à la toute dernière séquence, que je ne dévoilerai pas ici, mais qui porte la marque d’un très grand cinéaste, sur de son savoir-faire. Décidément très hitchcockien.

Heureux mortels (The Happy Breed) – de David Lean – 1944

Posté : 17 octobre, 2011 @ 4:11 dans 1940-1949, LEAN David | Pas de commentaires »

Heureux mortels

Le futur réalisateur de La Fille de Ryan qui adapte, pour sa première mise en scène solo, une œuvre renommée de Noel Coward, véritable institution en Grande-Bretagne ? J’y allai davantage par curiosité que par enthousiasme… Grand bien m’en a pris : Heureux mortels est un grand bonheur de cinéma, une fresque intime sublime et sensible, d’une intelligence rare, et d’une délicatesse infinie. Un chef d’œuvre ? Ben oui, un chef d’œuvre, à la fois ambitieux (c’est l’histoire d’une famille londonienne entre la fin de la Première guerre mondiale et la veille de la seconde) et d’une étonnante simplicité : cette famille, ce pourrait être n’importe laquelle, ou presque.

Le début et la fin du film se font écho. Le générique de début se termine sur une porte qui s’ouvre. La caméra est à l’intérieur d’une maison jusqu’alors vide, qui voit arriver toute une famille, revenue d’un exil forcé pendant la guerre. Le film se terminera par la même porte qui se referme sur les derniers habitants qui s’en vont vers une autre étape de leur vie. Entre deux, la caméra n’aura quasiment pas quitté la maison ou ses environs proches, comme si c’étaient ces murs qui nous racontaient l’histoire si banale et si belle à la fois de la famille Gibbons.

Cette famille, c’est un couple uni entouré d’une grand-mère acariâtre, d’une belle-sœur veuve de guerre, et de trois grands enfants que l’on voit grandir, quittant la maison l’un après l’autre. Il y a des fâcheries, des engueulades, des réconciliations, des départs, des mariages, et des drames aussi, terribles. Il y a des rires et il y a des larmes, mais ce qui est beau dans ce film, c’est la pudeur extrême de Lean, qui filme le pire des drames (je ne vais pas dévoiler de quel drame il s’agit) sans rien en montrer, et sans rien en dire. Les joies, par contre, sont filmées frontalement, et c’est là que les larmes jaillissent enfin (je parle de mes larmes à moi, en fait…). Il y a cet ami inséparable et profondément sympathique aussi, et puis les fréquentations amicales ou amoureuses que les enfants amènent à leur tour…

Le film, qui évoque évidemment le temps qui passe, pourrait être plombant. Ce n’est pas le cas, en partie aussi grâce aux personnages qui sont pourtant des « caractères » très typiques, mais qui évitent constamment le cliché ou l’excès. Celia Johnson (qui jouera l’année suivante dans Brève rencontre, grand classique également signé David Lean et Noel Coward), figure idéale de la mère de famille « normale » (beauté sans glamour, attachante mais rugueuse), forme avec Robert Newton (père idéal, mari aimant, homme simple qu’on aimerait avoir pour ami) un couple en dehors de toutes les modes, et donc inoubliable.

Ils sont au cœur de cette fresque intime d’une famille qui traverse les grands événements  historiques en les vivant pleinement, mais toujours par le prisme de la famille. Une grève générale, la mort d’un roi, une guerre qui menace… Jamais ces événements historiques ne prennent le pas sur les personnages, mais l’influence du « monde extérieur » est continuellement perceptible.

Tourné dans un technicolor d’une sobriété elle aussi extrême (on est finalement proche du noir et blanc), ce film sublime est, à travers l’histoire de cette famille à la fois classique et unique, le portrait doux amer de la société anglaise de l’entre-deux-guerre.

Public Enemies (id.) – de Michael Mann – 2009

Posté : 12 octobre, 2011 @ 5:57 dans * Thrillers US (1980-…), 2000-2009, MANN Michael | Pas de commentaires »

Public Enemies

Encore une claque ! Troisième fois, déjà, que je regarde ce nouveau chef d’œuvre mannien, et le constat est toujours évident : Mann est l’un des plus grands cinéastes vivants ; il fait partie de ces artistes dont l’œuvre est hantée par les mêmes thèmes ; et il est plus que jamais le seul à me faire aimer les caméras numériques. C’est un créateur et un inventeur de forme, et c’est de plus en plus évident à chaque nouveau film. Collateral, Miami Vice, Public Enemies… Chaque nouvelle réalisation permet à Mann d’aller plus loin dans l’utilisation de ces caméras qui transforment l’immense majorité des longs métrages en films de vacances… Ici, les images de nuit surtout, et les séquences de fusillades (et elles sont très, très nombreuses) sont proprement fascinantes !

L’idée de voir Mann porter à l’écran la vie très tumultueuse de John Dillinger, l’homme pour qui l’expression « ennemi public » a été inventée, et dont la traque a permis au FBI de Hoover de prendre une nouvelle dimension, était très excitante. Mais le résultat est au-delà des attentes, parce qu’il n’y a pas la moindre faute de goût dans ce film ample et spectaculaire, mais aussi intime et complexe. Et parce que le cinéaste transcende son sujet, en faisant une fable noire et cruelle sur l’éternelle confrontation entre le bien et le mal (au cœur de presque tous ses films), et entre le passé et l’avenir.

Car malgré sa jeunesse, Dillinger est déjà un homme du passé, une espèce de dinosaure qui ne réalise pas vraiment que le monde a changé sans lui, qui découvre avec une surprise désabusée que les nouveaux gangsters se font plus d’argent chez les bookmakers chaque jour que lui-même en braquant une banaque, et que le panache n’a plus de valeur pour eux. Il peine aussi à comprendre que le FBI (comme la police dans le White Heat de Raoul Walsh) utilise des moyens auxquels il n’est pas préparé, et qui finiront par le faire tomber. Cette confrontation entre le passé et le futur est d’ailleurs visuellement perceptible : la reconstitution magnifique de l’Amérique des années 30 est filmée par la plus moderne des caméras, dans des images bien d’aujourd’hui.

Cette Amérique de la Grande dépression n’avait plus été filmée avec autant de force depuis bien des années. Comme Ford dans Les Raisins de la Colère, Mann filme une Amérique profonde à la recherche de symbole, et qui le trouve en la personne de ce gangster qui tue les policiers sans hésiter mais épargne les petites gens, qui volent les banques tout en laissant leur argent aux clients. C’est aussi une Amérique sans espoir et sans joie, symbolisée par cette courte mais très belle scène où une jeune femme chez qui il s’est réfugié supplie Dillinger de l’emmener avec lui. C’est avant tout contre cette société qui victimise que Dillinger se révolte, lui qui, comme il le dit « veut tout ».

Public Enemies évoque aussi la plupart des précédents polars de Mann, et tout particulièrement Heat, dans sa confrontation entre le bien et le mal, symbolisés par deux personnages également forts : Dillinger, alias Johnny Depp, puissant et ténébreux ; et sa nemesis, l’agent du FBI Melvin Purvis, joué par Christian Bale, superflic dont les failles à peine perceptibles sont bien réelles, devant les méthodes parfois employées par le « bureau », et sa propre impuissance face à cet ennemi qui le fascine et qu’il admire. Leur relation fait bien plus qu’évoquer celle de Pacino et DeNiro dans Heat : elle la développe et l’enrichit, tout en en gardant l’essence profonde.

La parenté entre ces deux films est souvent évidente, comme quand Depp explique que pour survivre, il faut être capable de partir en quelques minutes, et de tout laisser derrière soi. Exactement comme DeNiro dans Heat. Les deux hommes sont étonnamment semblables, partagent une même philosophie de la vie, et tomberont tous deux pour les mêmes raisons : cherchez la femme ! On le comprend, le Dillinger, parce que cette femme est jouée par Marion Cotillard, à tomber par terre (quelle carrière américaine, quand même !), qui offre à son amant quelques très jolis moments de bonheur entre deux explosions de violence.

Intelligent et d’une richesse exceptionnelle, Public Enemies est aussi hyper spectaculaire et très émouvant. Ben oui, c’est un chef d’œuvre, quoi…

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