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Archive pour la catégorie 'RAY Satyajit'

L’Invaincu (Aparajito) – de Satyajit Ray – 1956

Posté : 4 juillet, 2024 @ 8:00 dans 1950-1959, RAY Satyajit | Pas de commentaires »

L'Invaincu

Deuxième volet de la « trilogie d’Apu », L’Invaincu commence à peu près où se terminait La Complainte du Sentier. La famille d’Apu, marquée par la mort de la grande sœur, a refait sa vie à Benares, ville au bord du Gange, loin de la campagne de sa jeunesse. Loin aussi de Calcutta, la grande ville, vers laquelle ne cesse de tendre le destin d’Apu.

Le premier film, sublime, évoquait la perte de l’innocence dans un récit relativement resserré. Son succès international permet à Ray d’envisager rapidement une première suite, à la fois fidèle dans l’esprit et assez radicalement différent dans la forme. Avec L’Invaincu, qui évoque cette fois le passage de l’enfance vers l’âge adulte, le destin d’Apu et de sa famille prend définitivement l’aspect d’une chronique réaliste, dont les aspects spectaculaires ne sont que des accidents de la vie.

Il y a des drames, donc. Et pour tout dire : difficile de retenir une ou deux larmes, tant le sort semble cruel pour la famille de notre jeune héros. Qui, lui, traverse ces drames avec la résilience d’un adolescent qui se construit, le regard tourné vers l’avenir… Un enfant d’abord, puis un ado, à l’aube de sa vie propre. D’où le sentiment ambivalent qui se dégage : malgré les drames, c’est la vie qui domine dans ce très beau film.

Contrairement au premier film, celui-ci s’étale sur plusieurs années, des 10 ans d’Apu à ses années d’étude. Deux acteurs, d’ailleurs l’interprètent. Des années d’allers-retours entre la petite ville, la grande et la campagne, comme autant de réflexions, d’hésitations et de doutes sur le chemin qu’il lui faut prendre pour mener sa vie.

La construction du récit, avec ces allers-retours constants entre la ville et la campagne, illustre la transition qui s’opère dans la vie d’Apu, et dans celle de sa mère, condamnée à observer à distance ce train qui traverse les paysages infinis au loin, transportant son fils loin de son univers à elle…

Le personnage le plus fort du film, c’est elle, la mère, toujours interprétée par l’excellente Karuna Bannerjee, personnage marqué par un drame d’autant plus fort qu’il semble banal. Personnage sacrifié, constamment dépendante des hommes qui l’entourent, et promise à une solitude sans issue. Elle est le personnage le plus fort, le plus beau, parce qu’à travers elle, c’est la condition de la femme que filme Ray avec une grande force.

Avec une scène, presque anodine mais d’une puissance sidérante : alors que son mari est malade, la mère réagit avec une violence paniquée aux regards concupiscents d’un voisin. Et c’est toute la dépendance à laquelle est soumise la femme qui éclate dans ces quelques secondes, puissantes et glaçantes.

Plus anodin en apparence que le précédent, moins spectaculaire, moins romanesque, L’Invaincu n’est pas pour autant moins beau. Ray, deux films au compteur, deux chefs d’œuvre. Il mettra encore trois ans pour boucler sa trilogie, avec Le Monde d’Apu. Je n’attendrai pas si longtemps…

La Complainte du Sentier (Pather Panchali) – de Satyajit Ray – 1955

Posté : 10 mai, 2024 @ 8:00 dans 1950-1959, RAY Satyajit | Pas de commentaires »

La Complainte du Sentier

Ce n’est pas mon premier Satyajit Ray, mais pas loin (il a beau y avoir plein de films sur ce blog, il me reste d’énormes lacunes à combler). Et comme La Complainte du Sentier est son tout premier film, cela semble une entrée en matière logique, et recommandable.

Surtout que, ne tournons pas autour du pot : La Complainte du Sentier est une pure merveille, dont la simplicité et l’extrême beauté ont quelque chose du cinéma d’Ozu. Ce qui est un immense compliment.

Le temps qui passe, les espoirs perdus, la peur du lendemain… Ray signe une chronique familiale magnifique, l’histoire de l’innocence et de sa perte : cette innocence dans laquelle grandit le jeune Apu dans une famille pauvre de la campagne indienne. Une famille qui, malgré la misère à laquelle elle est confrontée, pourrait si facilement être heureuse, s’il n’y avait ces retours brutaux à une rude réalité

Le film est à la fois d’une grande précision dans sa description des petits gestes du quotidien. Il est aussi d’une immense puissance émotionnelle, avec des moments d’une très grande beauté qui reposent sur peu de choses. Comme chez Ozu en fait : quelques gestes, un sens du cadre qui bouleverse, et une manière de capter la lumière dans des décors naturels (une vieille demeure familiale tombant en ruine, au cœur d’une nature foisonnante).

Les personnages sont magnifiques. Celui de la mère bien sûr, femme courage, femme martyr. Celui de la vieille tante aussi, qui semble grotesque mais révèle une vraie profondeur. Celui d’Apu enfin, et son regard d’une profondeur extrême. Et la musique de Ravi Shankar, presque un personnage à part entière, dont on ne sait si elle sublime la mise en scène de Ray ou si c’est le contraire.

Qu’importe d’ailleurs. Dans sa simplicité, dans sa pureté, dans son approche frontale des drames, le film est un sommet de beauté. Dès son premier film, Ray évoque la disparition d’un monde, thème qui sera récurrent de sa filmographie. Ou plutôt la perte d’un monde : celui d’une certaine innocence, des rêves de jeunesse. C’est tendre, drôle parfois, poignant, déchirant. Sublime.

La Grande Ville (Mahanagar) – de Satyajit Ray – 1963

Posté : 6 septembre, 2023 @ 8:00 dans 1960-1969, RAY Satyajit | Pas de commentaires »

La Grande Ville

La grande ville du titre, c’est Calcutta, la ville de Satyajit Ray, dont le cinéaste capte toutes les richesses, mais aussi et surtout tout ce qu’elle représente d’aliénant, tout ce qu’elle recèle de pièges et d’épreuves. Une fois qu’on a dit ça, on n’a pas dit grand-chose de la beauté de ce film qui est un peu construit sur le modèle d’Une étoile est née. A ceci près que la star sur le déclin est un mari sans histoire, et la vedette qui monte sa jeune épouse qui découvre le monde du travail…

Et à travers ces destins communs et croisés en même temps, c’est une société qui peine à sortir du patriarcat que filme Ray. Adapté d’une nouvelle publiée une quinzaine d’années plus tôt, le film est pourtant très contemporain de l’époque où il est tourné. Nous sommes donc au cœur des années 60, et le film commence en plein drame, en pleine révolution intime : Arati, jeune femme au foyer heureuse de son sort, doit se résoudre à trouver un emploi.

C’est le premier des trois films que tourne Ray avec l’actrice (sublime) Madhabi Mukherjee, avant Charulata et Le Lâche. Et l’intensité de l’actrice est centrale dans la réussite du film, la manière dont elle incarne à la fois la docilité à un mari et une belle-famille un rien conservateurs, et la découverte de la vie active et de ce que cela implique : la sociabilisation, une certaine forme de liberté, et surtout un libre-arbitre.

Ce sont les années 60, hier donc, mais l’émancipation de cette jeune femme est vécue comme un drame intime par son entourage : par les beaux-parents qui voient leur modèle bafoué, par le fils qui voit sa mère protectrice s’éloigner, et même par le mari qui voit son rôle central se déliter. Dans ce rôle plus effacé, Anil Chatterjee (que Ray avait déjà dirigé dans Trois filles), est très émouvant, dans sa manière d’incarner le lent effacement du personnage.

Ray séduit aussi par la fausse simplicité de sa mise en scène, par ces escaliers et ces dédales qu’il filme comme des symboles des tourments de ses personnages. Il donne corps aux doutes et aux espoirs, et à l’incertitude, concluant son film sur une fin ouverte magnifique, résumant en une image tous les doutes et tous les espoirs possibles.

 

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