Le Monde perdu (The Lost World) – de Harry O. Hoyt – 1925
Un explorateur affirme que des dinosaures vivent au coeur des étendues inexplorées d’Amérique du Sud. Il parvient à monter une petite expédition pour se rendre sur place… Bien avant Michael Crichton et son Jurassic Park, Conan Doyle, entre deux Sherlock Holmes, avait imaginé la confrontation des hommes d’aujourd’hui et de dinosaures. Mais ce Monde perdu, et cette première adaptation muette signée Hoyt, a été une grande source d’inspiration bien avant les années 90. Et si le film a un air de déjà vu, c’est surtout parce que Schoedsack et Cooper s’en sont très largement inspirés pour leur King Kong de 1933, qui reprend le même canevas.
La partie située sur le « continent perdu » est paradoxalement la plus faible. Parce qu’elle se repose un peu trop sur la seule présence des dinosaures, et que l’effet de surprise ne suffit évidemment plus aujourd’hui. On imagine bien l’événement et l’effet fascinatoire que leur apparition devait avoir en 1925. Mais neuf décennies plus tard, ces trucages et effets spéciaux (essentiellement de l’animation image par image et des transparences), aussi réussis soient-ils, ne suffisent plus à assurer l’intérêt à eux seuls.
Cela dit, ces effets spéciaux restent la plupart du temps au service de l’histoire. Et, à l’exception de ce petit ventre mou axé sur les monstres qui se battent entre eux, ils ne ralentissent pas le rythme d’un film assez vif (il vaut mieux, pour une histoire de cette ampleur dans un film de moins d’une heure), et qui n’oublie pas de mettre en scène des personnages hauts en couleur.
Le scientifique que tout le monde croit fou, Challenger, est particulièrement réussi, sorte de savant fou à la barbe hirsute interprété par un Wallace Beery au regard d’illuminé. Sa rencontre avec le journaliste joué par Lloyd Hughes, surtout, donne une scène drôle et remuante.
Finalement, les parties londoniennes se révèlent plus aboutie que celle dans le « monde perdu », en Amérique du Sud. Le début parce que la mise en place et la présentation des personnages sont les aspects les plus inventifs et les plus réjouissants du film. La fin parce que l’apparition du brontosaure dans les rues brumeuses de Londres est, de loin, le passage le plus spectaculaire, et techniquement le plus impressionnant.
Une scène que King Kong copiera allègrement. A tel point qu’on s’attend presque à voir le dinosaure grimper en haut de Tower Bridge… Au lieu de cela, mine de rien, Hoyt réinvente le mythe du monstre du Loch Ness. Bien vu, et bien sympathique…
•Le film muet de Hoyt figure en bonus sur le blue ray dédié à l’autre version du Monde perdu, celle en couleur signée Irwin Allen en 1960. Cette première version est présentée dans une copie particulièrement abimée, avec une image très déteriorée et une bande musicale générique, que l’on a collée sur les images sans se soucier qu’elle suive l’histoire.