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Archive pour la catégorie 'SAUTET Claude'

Nelly et monsieur Arnaud – de Claude Sautet – 1996

Posté : 7 mars, 2024 @ 8:00 dans 1990-1999, SAUTET Claude | Pas de commentaires »

Nelly et Monsieur Arnaud

Ils ne sont pas très nombreux, les grands cinéastes qui tirent leur révérence sur un chef d’œuvre. Claude Sautet est de ceux-là. Et comme Huston (Gens de Dublin) ou Ozu (Le Goût du Saké), son ultime film est à la fois une magnifique épure, la quintessence d’une certaine vision du cinéma et de l’humanité et, plus beau encore peut-être, un authentique chant d’adieu.

Savait-il que Nelly et monsieur Arnaud serait son dernier film ? Il y a en tout cas dans ce film sublime une douceur et une nostalgie immenses, et le sentiment que Sautet s’y livre comme peut-être jamais auparavant. Peut-être est-ce la ressemblance troublante de Michel Serrault et du cinéaste (les photos du tournage sont troublantes), mais jamais auparavant Sautet n’avait donné à ce point l’impression de filmer à la première personne.

Serrault, formidable dans le rôle de cet ancien juge idéaliste, ancien homme d’affaire redoutable… bref, un homme complexe et passionné, désormais enfermé dans une retraite bien rangée, et bien solitaire, que bouleverse l’arrivée d’une toute jeune femme, un peu paumée, un peu distante, mais terriblement belle et vivante. Emmanuelle Béart, que Sautet retrouve après Un cœur en hiver, déjà très beau film.

Entre ces deux personnages qui nouent une relation d’abord professionnelle (elle tape à l’ordinateur le manuscrit des mémoires qu’il écrit), c’est une véritable passion qui surgit, inattendue, inexplicable, et impossible. Ce n’est même pas une question d’âge, mais une question de perspective. Sautet, cet éternel amoureux des femmes, le sait bien : qu’offrir à une femme qui entre dans la vie, quand soi-même on en sort…

Pourtant, cette passion est réciproque. Platonique, certes, et pleine de respect, mais bouillonnante, et douloureuse. Il y a d’ailleurs au cœur du film un moment sidérant de douceur et de violence à la fois, le « Allez vous faire sauter » le plus déchirant de l’histoire du cinéma, ce regard triste et blessé d’Emmanuelle Béart, cette morgue balayée par la honte de Michel Serrault (qui mérite 100 fois son César)

Des moments de pure émotion comme celui-ci, il y en a plusieurs dans Nelly et monsieur Arnaud. Des regards complices autour d’une amie se lamentant dans une salle de bain, la surprise d’apprendre un départ soudain, le doute terrible au moment de partir… Des petits riens, et d’immenses émotions. La quintessence du cinéma de Sautet. En mieux. Magnifique chant du cygne.

Max et les ferrailleurs – de Claude Sautet – 1971

Posté : 10 décembre, 2021 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1970-1979, SAUTET Claude | Pas de commentaires »

Max et les ferrailleurs

Sautet a commencé dans le polar. Il s’est fait un nom avec des portrait un rien désabusés de quadragénaires bourgeois. Max et les ferrailleurs est un peu la synthèse de tout un pan de son cinéma.

Max, c’est Michel Piccoli, un flic qui se la joue un tout petit peu fin limier, mais qui accumule les ratés, incapable de conduire les criminels qu’il traque en prison. Des ratages à répétition qu’il ressent comme autant d’humiliation, et qu’il met sur le dos d’un système trop protectionniste. Alors Max a une idée de génie. Et son supérieur le constate dans la première scène du film, qui introduit un long flash-back dont on sait qu’il se terminera mal : il n’aurait pas dû le laisse faire.

Idée de génie qui a tout du plan tordu : il n’arrive pas à appréhender des criminels en plein flagrant délit ? Eh bien il va le provoquer, ce flagrant délit, choisissant une bande de loubards qu’il va pousser à commettre un braquage, en utilisant la jeune femme autour de laquelle gravite le groupe. Il va la séduire pour mieux la manipuler. Mais Sautet est influencé (thématiquement, pas stylistiquement) par le film noir. Alors femme fatale oblige, Max va lui aussi être séduit, malgré lui. Normal : c’est Romy Schneider, parfaite en jeune femme un peu paumée, anti-glamour au possible.

C’est l’une des forces du film : la qualité générale de l’interprétation. Bernard Fresson, parfaitement attachant en criminel désigné. François Périer en commissaire trop intègre. Et Piccoli donc, et Piccoli surtout, formidable dans ce rôle tourmenté, taiseux et intérieur. Il est extraordinaire en homme que l’on sent à deux doigts de la rupture. Non, un doigt, seulement.

Le polar n’est qu’un prétexte, un contexte. Max et les ferrailleurs, c’est le dernier voyage de ce superflic rattrapé par la réalité, puis dépassé, puis qui tente désespérément de s’y raccrocher. Son obsession est bouleversante, la méticulosité et l’acharnement derrière lesquels il se réfugie sont glaçants. Michel Piccoli est immense, Claude Sautet est un grand peintre des sentiments refoulés.

Garçon ! – de Claude Sautet – 1983

Posté : 6 juin, 2020 @ 8:00 dans 1980-1989, SAUTET Claude | Pas de commentaires »

Garçon

Sautet est dans une sorte d’entre-deux quand il tourne Garçon !, film charnière entre ses deux grandes périodes : celle de Montand et Dabadie disons, et celle d’Auteuil et Jacques Fieschi.

Pour Garçon !, Montand est toujours là, et Dabadie aussi. Mais le ton n’est plus celui de Vincent, François, Paul et les autres ou des Choses de la Vie. C’est une comédie, enlevée et pleine de moments drôles et légers. Mais une comédie pleine d’amertume, de cette amertume qui marque la fin de quelque chose.

Montand est parfait dans ce rôle d’un ancien danseur de claquettes, reconverti en chef de rang dans une brasserie pour payer ses énormes dettes d’homme aux grandes idées. Un homme dont la vie a toujours été tournée vers ses projets, ses envies, ses désirs. Un homme qui réalise tardivement qu’il ne s’est, au fond, intéressé qu’à lui-même.

Et quand il s’en rend compte, bien sûr, il est bien tard. Garçon ! est le portrait d’un homme arrivé à un tournant de sa vie, vieillissant, et seul, avec ses rêves réalisés, ou derrière lui. Sautet sait filmer l’effervescence de cette vite tout entière dans le mouvement, comme il filme l’effervescence de la brasserie, comme un grand mouvement dans lequel la vie telle qu’elle passe apparaît, comme ce couple que l’on voit se déliter peu à peu, jusqu’à disparaître.

Drôle de comédie quand même, centrée sur un Montand dont la sympathie s’étiole au fur et à mesure que ceux qui l’entourent et dont il profite plus ou moins s’éloignent de lui. Et quel entourage ! Villeret, Nicole Garcia, Rosy Varte, Marie Dubois…

Sautet est entre deux grandes périodes et cherche à se réinventer. Avec Garçon !, il signe un film à part dans sa filmographie, à la fois enthousiasmant et empreint d’une douce tristesse.

Quelques jours avec moi – de Claude Sautet – 1988

Posté : 28 mars, 2020 @ 8:00 dans 1980-1989, DARRIEUX Danielle, SAUTET Claude | Pas de commentaires »

Quelques jours avec moi

Après l’échec de Garçon, Claude Sautet s’offre une sorte de nouveau départ avec son film suivant. Exit Jean-Lou Dabadie, le scénariste de ses plus grands succès. Sautet écrit Quelques jours avec moi avec Jacques Fieschi (et Jérôme Tonnerre), qui sera le scénariste de ses trois derniers films, sorte de triptyque informel et superbe, qui est aussi, de l’avis très éclairé de moi-même l’apothéose de sa carrière.

Avec Daniel Auteuil, qu’il retrouvera pour Un Cœur en hiverSautet trouve un nouveau double idéal, handicapé du sentiment très loin de ce qu’était Yves Montand. Auteuil chez Sautet, c’est un peu L’Etranger de Camus : un homme qui traverse sa vie comme un spectateur, étranger à lui-même et à ceux qui l’entourent. Profondément dépressif ? En manque total d’empathie ? Confronté à un ennui sidéral ? Tout ça, et rien de ça à la fois. Le personnage d’Auteuil est une énigme fascinante dont la passivité bouscule l’ordre bien étable, et qui révèle paradoxalement ce qu’il y a de meilleur chez les autres.

Héritier d’une grande chaîne de supermarchés, taciturne, sans plaisir ni déplaisir, là sans être vraiment là. A Sandrine Bonnaire, la femme de ménage vaguement délinquante, à qui il tend une sorte de guet-apens parce qu’il n’imagine pas simplement l’inviter, il fait ce début de confession : « Vous êtes la première personne à qui j’ai envie de parler depuis des années. »

Il est étranger, mais pourtant d’une disponibilité extrême, aussi naturel avec le très beauf Jean-Pierre Castaldi qu’avec le notable beau parleur Jean-Pierre Marielle. Attirant les extrêmes et la sympathie de tous comme par magie. Y compris celle de Vincent Lindon, qui s’étonne lui-même de ne pas être jaloux de celui qui passe pourtant ses journées et une partie de ses nuits avec celle qu’il aime.

Etrange électron libre, qui attire tout ce petit monde autour de lui, catalyseur des amitiés les plus improbables. Quelques jours avec moi est une œuvre à part dans la filmo de Sautet, qui laisse libre cours à un sens inattendu de la fantaisie. Au cœur du film, il y a notamment cette fête hallucinante, où se retrouvent petits délinquants et chef de police, patron et ouvriers, dans un immense appartement rempli de meubles de jardins. Hors du temps, hors des conventions.

C’est drôle, c’est envoûtant, c’est poignant aussi. Les acteurs sont géniaux. Marielle est immense, Auteuil gagne une dimension encore inédite. Bonnaire est d’une liberté insolente. Et en plus, il y a Danielle Darrieux, grande, même avec un rôle très secondaire. Quelques jours avec moi : un très grand Sautet, de ceux que l’on revoit avec un plaisir qui ne fait que croître.

Un coeur en hiver – de Claude Sautet – 1992

Posté : 21 août, 2015 @ 4:35 dans 1990-1999, SAUTET Claude | Pas de commentaires »

Un cœur en hiver

C’est l’un des plus beaux films de Sautet. L’un des plus opaques, aussi, parce qu’entièrement basé sur un personnage fermé aux autres et à la vie. Daniel Auteuil, dans l’un des rôles de sa vie, fascinant en homme qui s’évertue systématiquement à rester « en dehors ».

Promis à une grande carrière de violoniste, il préfère rester dans l’ombre des musiciens dont il répare les instruments. Génial dans son métier, il s’efface derrière son patron (André Dussolier) qui le protège dans la lumière. Un éternel spectateur incapable d’entrer pleinement dans la vie, et qui en est pleinement conscient… et content.

Cet homme à la fois tragique et séduisant, touchant et détestable, ne ressent rien, ou si peu. Son patron-associé le considère comme son meilleur ami? Lui le laisse penser, mais ne voit dans leur relation qu’une association utile et efficace. Et quand la belle et grande violoniste Emmanuelle Béart tombe amoureuse de lui, on se dit qu’il va vibrer. Quand même, elle est sublime et sensuelle, et pleine de vie…

Du portrait d’un homme froid jusqu’à la cruauté, et austère jusqu’à l’excès, Sautet tire un film chaud, vibrant, et plein de vie. La prestation d’Emmanuelle Béart n’y est pas étrangère, contrepoint parfait de cet homme qui prend tout, mais refuse tout en même temps. Entre ces deux-là, pourtant aux antipodes, il y a une sorte d’évidence : celle de tous les très grands couples de cinéma.

Classe tous risques – de Claude Sautet – 1960

Posté : 21 mai, 2015 @ 3:47 dans * Polars/noirs France, 1960-1969, SAUTET Claude | Pas de commentaires »

Classe tous risques

C’est le presque premier film de Sautet, et l’un des plus grands polars français de la décennie. Un film qui aurait bien pu ne jamais exister, en tout cas comme ça : après l’échec de L’Arme à gauche, le « vrai » premier film de Sautet, le réalisateur échaudé par l’expérience n’a accepté de reprendre du service que devant l’insistance de Lino Ventura, la star des deux films.

La présence du jeune Belmondo, dans son premier grand rôle après le phénomène A Bout de souffle, rattacherait naturellement Classe tous risques à la Nouvelle Vague, qui révolutionnait alors le cinéma français. Mais Sautet s’inscrit bien d’avantage dans l’héritage de Jean-Pierre Meville, celui du Deuxième Souffle, auquel on pense forcément.

Moins pour la présence de Lino Ventura que pour la perfection imparable et implacable de la construction : lente mais inexorable chute d’un gangster à l’ancienne encore habité par les valeurs « romantiques » d’autrefois : honneur, amitiés viriles, sens du devoir…

Mais Sautet est déjà là. Pas seulement pour sa maîtrise impressionnante de la mise en scène et de l’action. Mais aussi parce que le personnage de Ventura est, déjà, un quadragénaire las qui cherche une échappatoire… Un personnage très proche sur le papier du Gu du film de Melville, avec le même destin tragique que l’on pressent dès les premières images. Mais le ton est différent : plus tendre, plus humain peut-être, et d’autant plus bouleversant.

Les Choses de la Vie – de Claude Sautet – 1970

Posté : 21 novembre, 2014 @ 3:58 dans 1970-1979, SAUTET Claude | Pas de commentaires »

Les Choses de la Vie

Après une série de polars très influencés par le cinéma américain et très remarqués dans les années 60, Claude Sautet change de style et trouve son propre univers, qui sera celui de tous ses plus grands sucès : une peinture de la petite bourgeoisie avec ses petits drames, ses passions, ses blessures.

Les Choses de la Vie, c’est surtout une construction admirable, autour d’un banal et tragique accident de la route. Sur la route qui le conduit à Rennes, à mi-chemin de ses deux vies, le quadra Michel Piccoli pense aux grands moments de sa vie : son présent avec Romy Schneider, son passé avec Léa Massari et leur fils devenu grand. Incapable de tirer définitivement un trait sur les belles heures d’hier, incapable de se lancer pleinement dans la passion que lui promet Romy… Piccoli est alors dans un entre-deux dont il n’a pas même la volonté de sortir.

Il n’en sortira pas d’ailleurs, on le sait très vite. Car les images de l’accident sont martelées tout au long du film. Un gros plan sur son visage en sang, une roue qui rebondit absurdement sur la chaussée, un volant maculé de terre… Des images comme des réminiscences, ou comme le signal de la tragédie annoncée.

Sautet ne ménage pas Piccoli, le montrant comme un homme continuellement indécis, incapable de s’engager. Un homme capable de la plus grande froideur, plantant la pauvre Romy totalement éplorée sans même un regard. Ce n’est pas tant qu’il hésite entre ses deux femmes, si belles l’une et l’autre. C’est surtout qu’il voudrait tout : l’aventure et la passion avec Romy, le confort et les habitudes avec Léa. L’accident, finalement, sonne pour lui comme la chance de ne pas avoir à choisir.

Mais pour son entourage, pour ses femmes, son fils, son ami (Jean Bouise), il sonne comme un coup de massue, alors que tous espéraient tant de lui. Trop. C’est à eux que va toute la sympathie de Sautet dans ce faux mélodrame dérangeant, et au final bouleversant.

 

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