Guérillas / Guérillas aux Philippines (American Guerilla in the Philippines) – de Fritz Lang – 1950
Le plus mal aimé des films de Lang est peut-être, effectivement, le moins intéressant de tous (il en reste quelques-uns que je n’ai toujours pas vus). Mais sortie DVD de Guérillas chez l’excellent éditeur Sydonis arrive à point pour réévaluer un chouïa ce film de guerre loin d’être anecdoctique.
C’est vrai, ce n’est pas le projet le plus personnel de Lang : difficile de trouver sa patte et ses motifs habituels dans cette grosse production qui ne lui était pas destinée (c’est Henry King qui devait s’y coller, retrouvant ainsi son acteur fétiche Tyrone Power). Mais Lang tire le meilleur d’une approche plutôt originale du film de guerre.
Inspiré d’une histoire vraie, le film suit les aventures d’un officier de la marine américaine échoué aux Philippines et qui, tout en cherchant à gagner l’Australie où il espère reprendre sa place dans la navy, se retrouve constamment ramené (par les éléments, par les rares officiers encore sur place, par l’amour…) à cette terre occupée par les Japonais. Avec une poignée d’hommes, il fait son possible pour échapper à l’ennemi, avant de prendre une part active dans la résistance philippine et dans la préparation du retour très attendu du général MacArthur.
Un épisode peu vu au cinéma de la guerre du Pacifique, et pour cause : le sujet n’est pas le plus cinématographique qui soit : la résistance est larvée, patiente, lente, et les accès de violence sont aussi saisissants que rares. Quant à l’héroïsme de nos « combattants », il se résume durant la plus grande partie du film à éviter l’affrontement et à fuir les responsabilités. Si Tyrone Power et ses potes veulent gagner l’Australie, c’est pour se réfugier derrière les ordres directs de leurs supérieurs.
C’est là que Lang parvient à poser son empreinte. Son choix n’est pas de rendre le sujet plus spectaculaire qu’il n’est. Au contraire : il appuie un peu plus encore sur l’ennui qui gagne régulièrement les protagonistes, et décrit la nouvelle vie qui se met en place pour les autochtones, et pour les soldats, en particulier Tyrone Power et son sidekick, le sympathique Tom Ewell.
A quelques reprises, Lang fait mine de muscler son récit (la première escarmouche avec les Japonais, l’apparition d’un Jack Elam forcément patibulaire…), mais ce ne sont que des fausses pistes qu’il écarte rapidement. Lang nous prive même d’une scène de naufrage, ne montrant que le départ du bateau, puis le même bateau retourné devant un ciel parfaitement bleu, sans que l’on ait vu quoi que ce soit de la tempête qui en est responsable…
Par contre, il prend tout son temps pour filmer les temps, les longs préparatifs, les moments de repos… Un choix audacieux pour un film de cette ampleur, mais qui se révèle efficace. C’est dans ces longs moments en creux (l’action s’éternise sur trois longues années) que le film prend tout son sel, à l’image de La Ligne rouge, le film de Terrence Malick que ce Guérillas semble bien avoir inspiré.
Plus anecdotique (nettement), on notera aussi le rôle important tenu par Micheline presle (ou « Prelle » comme on peut le lire au générique) dans « sa » grande expérience hollywoodienne. Pas vraiment concluant : si charmante soit-elle, ses minauderies n’ont pas convaincu grand-monde, et la Micheline reviendra bien vite en France.