Dix hommes à abattre (Ten wanted men) – de H. Bruce Humberstone – 1955
Randolph Scott décidé à se venger après la mort d’un proche… Voilà une phrase qui peut résumer une belle quantité de westerns. De là à dire que celui-ci tombe dans la facilité, il y a un pas que je ne franchirais pas. Il y a bien des raccourcis dans ce film : une romance qui se noue en un quart de seconde, un prétexte de querelle auquel on a bien du mal à croire, des rebondissements téléphonés (on sait d’emblée qui va se faire tuer et qui va s’en sortir). Mais il y a aussi des choses assez enthousiasmantes.
Et ça commence par une scène inattendue : un braquage de diligence (oui, oh, rien de bien original), qui s’avère être une blague, que vient dévoiler le grand rire d’un Randolph Scott inhabituellement jovial en grand propriétaire tout à son bonheur de retrouver son frère et son neveu, qu’il n’a pas vus depuis dix-huit ans. Sauf que le neveu tombe raide amoureux (au premier regard) d’une jeune femme qu’un autre grand propriétaire veut garder pour lui. C’est Richard Boone, alors on sait qu’il sera le grand méchant de l’histoire. Pas manqué.
C’est le grand méchant, mais il est assez étonnant. Parce qu’il n’est visiblement motivé que par l’amour (un amour très possessif, mais un amour quand même), et pas par l’argent ou le pouvoir. Parce qu’il ne tarde pas à se faire dépasser par les tueurs qu’il a engagés. Et parce qu’il est franchement assez pathétique, jusqu’au duel (presque) final attendu.
Ce western détonne par la place qu’il réserve aux femmes et aux romances, centrales à plusieurs titres. Le scénario n’est certes pas d’une très grande finesse, mais Humberstone, cinéaste nettement moins réputé que Boetticher ou De Toth dans le genre (pour citer les deux cinéastes fétiches de Randolph Scott au cours de cette décennie), mais il signe un western passionnant, avec quelques très beaux moments, à l’image de cette scène d’attente dans la maison assiégée, avec une série furtive de gros plans magnifiques.
Belle aussi, la relation de Scott avec la veuve jouée par Jocelyne Brando (la sœur de), romance qui ne dit pas son nom. Humberstone met joliment en scène la tendresse qui unit cet homme jovial et très entouré et pourtant solitaire, et cette femme plus si jeune. Les autres rôles féminins ne sont sans doute pas aussi intéressants, aussi développés. Mais ne serait-ce que pour la place qui est réservée aux femmes, Dix hommes à abattre mérite d’être découvert.