Nathalie… – d’Anne Fontaine – 2003

La femme, le mari et la maîtresse… Rien de très original dans cette combinaison. Mais le point de vue qu’adopte Anne Fontaine bouscule. Un double point de vue, à vrai dire : celui de la femme et celui de la maîtresse. Et que le dénouement soit plus complexe que ça ne change rien à la force de ce double point de vue, qui porte un regard assez rare sur le couple et la fidélité.
Un autre choix fait de Nathalie… un film d’emblée intéressant : les acteurs qui interprètent le couple marié. Fanny Ardant et Gérard Depardieu. Forcément, leur seule présence fait de ce couple en crise comme un symbole du désir et de la passion, émoussés en l’occurrence par le temps qui passe. C’est que Nathalie… arrive un peu plus de vingt ans après La Femme d’à côté, film dans lequel Depardieu se prénommait déjà Bernard, ce qui n’est sans doute pas un hasard.
Cette fois, il est en retrait, Depardieu. Ce qui n’est pas non plus un hasard, mais on ne peut pas en dire trop. Le regard central, c’est celui d’Ardant, superbe dans le rôle de cette femme blessée, parce que trompée, et qui s’enferme dans une logique mortifère et dérangeante. Consciente que son mari l’a trompée, elle engage une « entraîneuse » pour séduire son mari. Comme un test grandeur nature, ou comme un besoin irréfréné de donner corps à son sentiment de péremption…
Quelle que soit la raison profonde, la relation qui se noue entre l’épouse délaissée entre deux âges et la prostituée délurée à la jeunesse spectaculaire est étonnante, trouble, fascinante. Elle, c’est Emmanuelle Béart, voluptueuse et mystérieuse, le verbe cru, le corps sexy, et le regard perdu. Elle aussi est magnifique, troublante dans sa manière d’associer la sexualité et l’innocence dans une même posture.
Anne Fontaine apporte un petit truc en plus dans cette question si souvent filmée de la fidélité et du couple soumis au temps qui passe. Parce que ce n’est pas si souvent, que le cœur d’un film s’avère être la femme blessée. Et qu’importe au fond que les postures hyper sexuées d’Emmanuelle Béart et du monde dans lequel elle évolue aient quelque chose de factice : cela n’enlève rien à la violence que ressent le personnage de Fanny Ardant, cette femme encore si belle qui regarde Emmanuelle Béart, cette femme si belle (sans le « encore ») comme le reflet de ce qu’elle n’est plus.
Au fond, Nathalie… est peut-être moins un film sur le désir et la tromperie qu’un film, fort, sur une femme confrontée au temps qui passe et au doute qui s’installe. Et c’est assez beau.

