Play it again, Sam

tout le cinéma que j’aime

Archive pour avril, 2014

Le Dernier des Mohicans (The Last of the Mohicans) – de Maurice Tourneur et Clarence Brown – 1920

Posté : 30 avril, 2014 @ 1:51 dans 1920-1929, BROWN Clarence, FILMS MUETS, TOURNEUR Maurice, WESTERNS | Pas de commentaires »

Le dernier des Mohicans Tourneur

De toutes les adaptations du roman de Fenimore Cooper, celle-ci est sans doute la plus belle (avec celle de Michael Mann peut-être), un chef d’œuvre du muet que Tourneur co-réalise avec son associé de longue date Clarence Brown, sans doute chargé de la deuxième équipe. Deux grands noms au service d’une grande histoire de la culture populaire…

Sur fond de guerre entre les Anglais et les Français, dans l’Amérique de 1757, c’est une histoire d’amour impossible entre une blanche et un Indien. Trente ans avant la révolution de La Flèche brisée. La fille d’un officier britannique et le fils d’un chef Mohican se découvrent et tombent amoureux malgré le monde qui les sépare, et la violence qui les entoure.

Tourné en 1920, le film surprend aujourd’hui encore par sa modernité et son audace. Pour l’histoire d’amour bien sûr, mais aussi pour la manière d’appréhender la violence, filmée sans l’habituel fard hollywoodien. Tourneur filme notamment une longue séquence de massacre sans rien nous épargner : ni la sauvagerie des assaillants, ni les femmes tuées à coup de hache, ni même un bébé jeté comme un vulgaire sac… Plus inconcevable encore, dans un film américain (d’aujourd’hui en tout cas) : la violence touche même les animaux, avec un cheval tombé sous les flèches…

Tourneur signe aussi l’une des plus belles mises en scène de sa carrière. Jouant constamment de la profondeur de champ, il souligne l’inquiétante beauté de ses magnifiques décors naturels, qui semblent peser comme une sourde menace sur les personnages, parfois filmés comme de simples silhouettes au loin, cernées par le danger.

L’exceptionnel sens du cadre de Tourneur est éclatant, tout comme le soin qu’il apporte à l’éclairage, qui a fait sa réputation à Hollywood, où il était alors considéré comme l’un des plus grands cinéastes en activité (ce qu’on a un peu vite oublié en France). La lumière est ici tamisée par les arbres, la pluie ou les nuages. Elle met en valeur les visages, et surtout les regards, des personnages, notamment dans de belles scènes d’attente, entre deux accès de violence.

Dans le rôle du grand méchant, l’Indien traître par qui le malheur arrivera, Wallace Beery est assez formidable. Loin, très loin, de son habituel emploi de costaud au grand cœur, notamment dans d’innombrables films de catch (Flesh de John Ford, pour ne citer que le plus recommandable), il est effrayant, figure inoubliable de ce chef d’œuvre dur et inspiré.

• Le film fait partie du coffret « Hommage à Maurice Tourneur », consacré à la période muette du cinéaste, édité par Bach Films. Avec une belle image qui permet de réaliser la beauté des images de Tourneur. Fait plutôt rare chez cet éditeur, la musique d’accompagnement est une partition qui suit et souligne véritablement l’action du film, et pas une simple bande son collée au hasard sur l’image. Avec, en bonus, une présentation passionnée par Patrick Brion.

Sierra Torride (Two mules for Sister Sara) – de Don Siegel – 1970

Posté : 30 avril, 2014 @ 1:46 dans 1970-1979, EASTWOOD Clint (acteur), SIEGEL Don, WESTERNS | Pas de commentaires »

Sierra Torride

C’est un drôle de western que signe Siegel. Quelques mois avant d’offrir à Eastwood deux de ses rôles les plus marquants (Dirty Harry et le soldat mysogine des Proies), le réalisateur joue avec l’image que le films de Leone ont donné à son acteur.

Dès les premières images, la musique inoubliable de Leone affiche la parenté avec les westerns spaghettis. L’influence leonienne est constante, mais Siegel s’en amuse, prenant ses distances pour signer un film qui porte véritablement sa marque, notamment dans le soin des cadres. La séquence générique souligne ainsi l’ambition formelle du cinéaste, qui enchaîne les plans extraordinaires mettant en valeur la place de l’homme dans une nature belle et sauvage où les animaux sont au premier plan.

La première image du générique est particulièrement marquante : une silhouette en ombre chinoise qui se profile sur un crépuscule rougeoyant qu’Eastwood lui-même citera ouvertement au début et à la fin de son chef d’œuvre, Impitoyable, qu’il dédiera d’ailleurs à Siegel (ainsi qu’à Leone).

Formellement, la suite est plus inégale, avec toutefois quelques passages parfaitement réussis. Pas forcément les plus spectaculaires, comme l’attaque finale, qui étonne par ses parti-pris violents, et ses étonnants excès gores. Le plus beau plan, c’est un passage extrêmement simple : l’arrivée de Clint et Shirley dans un village, filmée par un très élégant panoramique qui accompagne les acteurs et passe sous un pont avant de s’ouvrir vers la vie du village.

Le cœur du film, sa seule raison d’être même, c’est l’improbable association du solitaire Hogan (Clint) avec une nonne mystérieuse qu’il sauve d’un viol collectif, jouée par la pétulante Shirley MacLaine. C’est à leurs face-à-face décalés qu’on doit les meilleures scènes du film, à cette confrontation de deux mondes que tout oppose.

Dès leur rencontre, cette opposition donne un ton unique au film : cette séquence où, sous un soleil assommant, la jeune femme décide d’enterrer comme il se doit les malfrats qui l’auraient tuer, devant un Hogan bien décidé à ne pas se laisser dicter sa conduite. Impassible, jusqu’à ce que la « sœur » se mette à bénir les tombes avec l’eau de sa gourde… La surprise de Clint, à ce moment, est irrésistible, comme les regards plein de désirs, mais résignés, qu’il porte sur sa jolie compagne de voyage.

Le film manque par moments de rythme, et le scénario semble parfois se limiter à une succession de scènes maladroitement rattachées les unes aux autres : la rencontre, puis les soldats, puis les Indiens, puis le train à faire dérailler… Autant de chapitres assez plaisants, mais reliés par une intrigue dont Siegel lui-même se désintéresse visiblement. Cette « cause » dont on parle constamment, le réalisateur s’en moque gentiment. Un rien cynique, il paraît adopter la philosophie de Hogan, entièrement basée sur les plaisirs simples de la vie. Ce qu’il nous fait espérer, ce n’est pas que les Juaristes s’imposent, mais que Hogan emballe la fille…

• Blue ray de bonne facture, mais sans le moindre bonus, chez Universal.

Une femme de Tokyo (Tokyo no onna) – de Yasujiro Ozu – 1933

Posté : 11 avril, 2014 @ 1:55 dans 1930-1939, FILMS MUETS, OZU Yasujiro | Pas de commentaires »

Une femme de Tokyo

« On n’en tirera pas un scoop » lance un journaliste, cynique. Effectivement, le drame que raconte Ozu dans ce film court et poignant n’a rien d’exceptionnel, comme le souligne d’ailleurs le titre du film, on ne peut plus sobre. C’est presque le titre d’un manifeste : Ozu ne filme pas des gens hors du commun, mais une poignée de personnages qui mènent des vies modestes et rangées, travaillant ou étudiant pour trouver leur place dans une société modernisée en apparence, mais toujours hyper codifiée.

Un jeune homme, étudiant, vit au côté de sa sœur, employée de bureau unanimement saluée, jeune femme courageuse qui travaille le soir en tant qu’assistante d’un professeur. C’est en tout cas ce que tout le monde croit, jusqu’au jour où la rumeur désigne la jeune femme comme étant l’une des hôtesses d’un cabaret louche. En d’autres termes, cela signifie pute, et cette révélation (qui s’avère véritable) entraîne l’inéluctable drame, qui laisse un sentiment de gâchis sans nom.

Avec ce petit film qui dure à peine plus de trois quarts d’heure, Ozu signe mine de rien un grand film politique, un plaidoyer pour une certaine ouverture d’esprit, et contre d’antiques codes d’honneur que sa belle anti-héroïne, sublime dans le chagrin (un rien sadique, ça, non ?), qualifiera in fine de lâcheté. Un cinéaste ouvertement marqué marqué par la culture occidentale, particulièrement l’influence du cinéma américain (certains des personnages vont d’ailleurs voir la comédie Si j’avais un million au cinéma).

Cette société japonaise avec ses traditions encore vivaces, d’où peut découler le plus absurde des drames, Ozu en fait quelque chose d’étrangement figé. Personne ne semble construire quoi que ce soit ici, ou attendre quoi que ce soit. L’avenir n’est abordé que comme un vague rêve, lorsque le jeune homme évoque ses études en cours. Pas de couple, pas même de parents : juste des frères et sœurs qui vivent ensemble, sans autre ouverture aux autres, et dont les destins n’ont aucune incidence sur la marche de la ville… Les dernières images du film, montrant les journalistes quittant la scène du drame en parlant de tout autre chose, sont en cela particulièrement cruelles.

Sur le DVD édité par Carlotta, ce film muet est présenté sans accompagnement musical, ce qui pose parfois des problèmes de rythme pour certains films. Au contraire ici, l’absence totale de son souligne la force des images (et le dynamisme du montage), avec des cadrages qui utilisent merveilleusement les gros plans et les plans plus larges, donnant une importance constante à des objets de la vie quotidienne, repères immuables quel que soit le drame qui se joue. Merveille de mise en scène, Une femme de Tokyo est un mélo d’une cruelle beauté.

• Le film fait partie de l’indispensable coffret de 14 films que Carlotta vient de consacrer à Ozu, avec de nombreux bonus : des analyses de plusieurs films, des documentaires, et même deux courts métrages tournés par le cinéaste dans les années 30.

Le Secret du bonheur / Victoire (Victory) – de Maurice Tourneur – 1919

Posté : 11 avril, 2014 @ 1:49 dans 1895-1919, FILMS MUETS, TOURNEUR Maurice | Pas de commentaires »

Le Secret du bonheur

Victory est l’unique adaptation d’un roman de Joseph Conrad que le romancier ait pu voir. Tous les autres films inspirés de son œuvre, de Agent secret à Apocalypse Now en passant par Lord Jim et pas mal d’autres, ont été tournés des années après sa mort. La première rencontre entre le romancier et le cinéma est un coup de maître. Un peu naïf sur le papier, un peu improbable dans son propos, le film est constamment tiré vers le haut par le talent de Maurice Tourneur, et la force de sa mise en scène.

C’est l’histoire d’un oisif solitaire, qui vit en reclus (avec un serviteur quand même, on a un standing ou on n’en a pas…) dans une île déserte et paradisiaque, désireux de vivre selon les préceptes d’un père qui a écrit dans un livre qu’il lit et relit à longueur de journée que le secret du bonheur était de vivre en évitant tout contact avec la société, sans aimer qui que ce soit, et sans avoir à tuer qui que ce soit… Bien sûr, à l’occasion d’un séjour dans la société, c’est l’amour et la mort qu’il rencontrera.

Ce qui frappe surtout dans ce film, c’est la violence avec laquelle le personnage principal d’Axel Heyst (Jack Holt) découvre les rapports humains dans ce qu’ils ont de plus extrêmes. L’histoire d’amour est charmante, mais elle n’existe qu’en réaction aux accès de violence, dont certains sont franchement glaçants. Une petite musicienne ballottée entre des employeurs  tyranniques et un logeur libidineux, un trio de louches aventuriers vivant de meurtres et de vols… et deux scènes d’exécution (dont une en flash-back) qui se répondent avec une brutalité rare, les visages des victimes étant plongés dans des brasiers…

Dans le rôle, secondaire, de l’un de ces bandits, Lon Chaney vampe la caméra. Dans le rôle de Ricardo, un second couteau (au sens propre), il vole sans peine la vedette à des acteurs principaux que, d’ailleurs, l’histoire a plongé dans l’anonymat. En 1919, Lon Chaney n’est pas encore une star, mais il a déjà une solide réputation de second rôle capable d’adopter n’importe quel maquillage. Ici, il n’aborde qu’une petite moustache et un look hispanique, mais il a une présence réellement magnétique qui est le signe d’un immense acteur de cinéma.

• Le film fait partie du coffret « Hommage à Maurice Tourneur » consacré à la période muette hollywoodienne du cinéaste, et édité par Bach Films. Avec une qualité d’image disons acceptable, et une présentation érudite de Roland Lacourbe.

Les Rebelles (Border River) – de George Sherman – 1954

Posté : 11 avril, 2014 @ 1:40 dans 1950-1959, DE CARLO Yvonne, SHERMAN George, WESTERNS | Pas de commentaires »

Les Rebelles

Excellent réalisateur de westerns, George Sherman a signé pour la Universal toute une série de films inspirés (souvent lointainement) d’épisodes réels de la mythologie westernienne. Dans Les Rebelles, il ne s’agit pas de figures célèbres de cette époque des pionniers, comme Calamity Jane ou Black Bart, mais d’une particularité de ces années marquées par la guerre civile : la Zona Libre, un petit territoire situé sur les rives du Rio Grande, entre les Etats-Unis et le Mexique, où de nombreux hors-la-loi trouvent refuge.

L’intrigue du film (un soldat sudiste qui vient acheter des armes pour son camp) n’est ainsi qu’un prétexte pour mettre en scène ce territoire administré par des bandits (un « général » mexicain interprété par Pedro Armendariz), et où ne vivent que des bandits. Un thème riche en promesses, qui ne les tient hélas pas toutes : si le Général est un personnage particulièrement réussi et effrayant, la population qui peuple le territoire n’a pas cette dimension de danger qu’on pouvait attendre.

Mais le film est une réussite, signé par un petit maître (irrégulier) du genre, et parsemé de moments particulièrement inspirés : un cheval happé par des sables mouvants, un « baron » qui perd subitement sa superbe lorsqu’il réalise qu’il est condamné, un repas plein de sous-entendus lourds de menaces… C’est lorsqu’il met en scène ces soudaines irruptions du danger que Sherman se montre le plus efficace.

Face à Joel McCrea, grand acteur westernien (c’est quand même lui le héros du formidable Pacific Express de Cecil B. De Mille), Sherman dirige une nouvelle fois Yvonne De Carlo, à qui il a offert quelques-uns de ses rôles les plus marquants. L’actrice, l’une des plus belles figures du genre, est une nouvelle fois magnifique.

Impasse des Deux-Anges – de Maurice Tourneur – 1948

Posté : 11 avril, 2014 @ 1:33 dans * Polars/noirs France, 1940-1949, TOURNEUR Maurice | Pas de commentaires »

Impasse des Deux-Anges

Le grand Maurice Tourneur termine sa carrière sur une petite merveille totalement oubliée. Les images du générique créent une ambiance qui évoque immédiatement La Main du Diable, peut-être le plus renommé de tous ses chefs d’œuvres français. Mais si on reconnaît bien la patte du cinéaste, son sens de l’image, du cadrage et de l’éclairage, Impasse des Deux-Anges est une œuvre profondément originale et atypique, dans laquelle Tourneur laisse libre court à son imagination, avec un plaisir gourmant et communicatif.

Ça commence comme un film de gangster assez classique : Paul Meurisse, as du cambriolage chargé de voler un collier de diamants hors de prix qui doit être porté par une comédienne sur le point de se marier. Mais très vite, Tourneur brouille les pistes : la fiancée, pétulante et irrésistible Simone Signoret, a eu une grande histoire d’amour avec ce cambrioleur qu’elle n’avait plus vu depuis sept ans. Leurs retrouvailles remettent en cause le mariage annoncé…

Polar, romance, comédie de mœurs… Tourneur s’amuse à mélanger les genres, pour un pur plaisir de cinéma. Tantôt acerbe, lors d’une réception, brillante, qui constitue le baptême de la comédienne Signoret dans le grand monde. Tantôt impressionnant, lors d’une course-poursuite suivie d’une fusillade filmés en ombres chinoises dans des décors presque abstraits. Tantôt romantique lorsqu’il emmène ses deux personnages principaux dans une virée nocturne sur les traces de leur passé.

Cette séquence nocturne est la meilleure du film. Dans un Paris de carte postale, Simone Signoret et Paul Meurisse invoquent les fantômes de leur passé commun (magnifiques flash backs avec des apparitions fantômatiques de leurs souvenirs), qu’ils tentent de retrouver, le temps d’une soirée. Mais de ce passé, qu’ils croient retrouver dans un hôtel où ils ont vécu les plus belles heures de leur passion, ils ne retrouvent que des ruines, un quartier qui n’est plus qu’un chantier laissé à l’abandon, et où on croise des jeunes gens (dont la gamine Danièle Delorme) sans avenir. Tout un symbole…

Je n’ai rien oublié – de Bruno Chiche – 2010

Posté : 11 avril, 2014 @ 1:23 dans * Polars/noirs France, 2010-2019, CHICHE Bruno | Pas de commentaires »

Je n’ai rien oublié

Adapté du roman Small World de Martin Suter, Je n’ai rien oublié est l’un de ces films basés sur un très vieux secret de famille. Un genre en soi, que le cinéma français aime revisiter régulièrement, et qui donne souvent de belles réussites : Un secret de Claude Miller ou La Fleur du mal de Claude Chabrol par exemple, dans des genres très différents.

Le film de Bruno Chiche s’inscrit dans la lignée du Chabrol, le cynisme en moins. En faisant du personnage principal un homme vieillissant malade d’Alzheimer, à qui Gérard Depardieu apporte une belle candeur, le film est dominé par une douce nostalgie. L’acteur est très émouvant dans le rôle de cet homme qui perd la mémoire immédiate, mais dont les vieux souvenirs resurgissent avec précision, le renvoyant à une enfance où sa vie semble s’être arrêtée.

Il y a donc un secret profondément enfoui, dans cette riche famille dont Depardieu, l’ami d’enfance et l’employé, est une sorte de pièce rapportée. Un secret que la matriarche (Françoise Fabian, dont le grand âge n’enlève pas grand-chose à l’extrême beauté) porte visiblement en elle depuis des décennies, et qui finira par rapprocher les deux amis d’enfance séparés par la vie : Depardieu et son double inversé, l’impeccable Niels Arestrup.

Bruno Chiche a parfois une tendance à la caricature, et les dialogues sont par moments franchement lourdingues. Mais la musique souligne parfaitement la nostalgie et la profonde solitude de tous ces personnages qui semblent tous vivre avec leurs rêves d’enfants, leurs rendez-vous perdus, et les promesses non tenues. Une jolie surprise.

• Un making of très classique dans le DVD édité chez Studio 37.

The County Fair (id.) – de Maurice Tourneur – 1920

Posté : 10 avril, 2014 @ 1:46 dans 1920-1929, FILMS MUETS, TOURNEUR Maurice | Pas de commentaires »

The County Fair 1

Charmante romance adaptée d’une pièce à succès de Neil Burgess, visiblement très en vogue au début du 20ème siècle, ce muet de Maurice Tourneur se situe dans une petite ville de l’Amérique profonde où la modernité arrive doucement, mais qui ressemble encore énormément aux petites villes du 19ème. Une Amérique déjà d’un autre temps, mais que Tourneur filme comme un paradis sur le point d’être perdu : les rares signes de modernité, en l’occurrence l’apparition d’automobiles entre les mains des riches notables détestables, sont montrés comme des menaces.

C’est un feel-good movie que signe Tourneur, avec cette double histoire d’amours menacées, mais on imagine dès le départ qu’elles finiront bien : une jeune femme et sa tante vieillissante, qui attendent désespérément qu’un petit ouvrier agricole et un petit homme jovial et timide les demandent en mariage, mais qu’un riche propriétaire et son fils convoitent, menaçant de les expulser de leur ferme si elles n’acceptent pas de les épouser.

Il y a quelque chose de la lutte des classes que met en scène Tourneur avec ces deux triangles amoureux. Trois, même, si l’on compte la romance contrariée de ce gamin qui tente de séduire une jeune fille, qui le laisse en plan pour roucouler avec un autre gosse qui, lui, peut lui payer la limonade dont elle a envie. Pas d’angélisme ni de naïveté, d’ailleurs : si les couples heureux finissent par se former, c’est grâce à cet argent qui leur manquait tant, et qui finit par arriver grâce au jeu.

Outre le rythme du film, sans le moindre temps mort, Tourneur excelle à rendre vivante cette communauté, en multipliant les petites détails, souvent anodins, qui donnent une matière incroyable au moindre second rôle. Les gestes quotidiens de Sally à la ferme, les rêveries d’un gamin à l’église, les paroissiens qui déposent leurs cigares sur une barrière pour les retrouver après l’office… Ce film en apparence très léger trouve toute sa valeur dans ces détails qui en font une œuvre plutôt délicate et sensible.

• Le film fait partie du coffre « Hommage à Maurice Tourneur » édité chez Bach Films, avec une image d’une qualité hélas très discutable.

Un flic – de Jean-Pierre Melville – 1972

Posté : 10 avril, 2014 @ 1:38 dans * Polars/noirs France, 1970-1979, MELVILLE Jean-Pierre | Pas de commentaires »

Un flic

Ultime film de Melville, qui revient au dépouillement absolu et à l’abstraction du Samouraï, son chef d’œuvre. Le cinéaste retrouve d’ailleurs son acteur le plus symbolique : Delon, royal dans la peau de ce flic comme il l’était dans celle du tueur solitaire. Parce que les deux hommes, finalement, ne sont pas si éloignés. Même s’ils se situent de part et d’autre de la loi, ils incarnent une même vision de l’humanité : solitaire, taiseuse, et vivant en marge de la société.

Dès la première apparition de Delon, en plans brefs que le montage intercale dans un long braquage de banque à des centaines de kilomètres de Paris, quelques rares mots prononcés en voix off soulignent le quotidien de ce flic, qui entre en fonction en fin de journée sur les Champs Elysées, mais qui n’existe vraiment que lorsque Paris s’endort…

Delon le flic partage ses nuits avec un coéquipier (Paul Crauchet) avec lequel il n’échange pas le moindre mot. Les rares fois où il semble vivre enfin, c’est lorsqu’il s’éloigne de ces appels téléphoniques qui se suivent sans fin, et qu’il côtoie celui et celle dont il ne sait pas encore qu’ils sont les cerveaux du braquage, propriétaires d’un club de nuit où il a ses habitudes.

Lui, c’est Richard Crenna, le futur colonel Trautman de Rambo, dont le regard laisse transparaître les rêves perdus et surtout le destin inéluctable. Elle, c’est Catherine Deneuve, qui parvient à donner une aura tragique à ce personnage quasi muet et totalement en retrait.

D’ailleurs, tous les personnages sont en retrait, et n’existent vraiment que dans les silences, plus que dans n’importe quel film depuis Le Samouraï. Comme s’il pressentait qu’Un  Flic serait son dernier film, il en fait une œuvre-somme, où l’on retrouve son goût pour les chapeaux et les pardessus, pour les lieux nocturnes où flics et gangsters partagent les mêmes valeurs, et pour les silences qui en disent long.

Il y a bien quelques dialogues, rares et faussement explicatifs. Mais ce sont les silences et les regards qui marquent le plus dans ce sommet du cinéma melvilien. Un regard compréhensif entre le flic et un travesti. Puis, plus tard dans la nuit, un autre regard, dur et résigné, entre les deux mêmes… Melville multiplie les gros plans pour coller à l’évolution des personnages. Avec ces visages pas si impassibles, c’est l’inéluctabilité du drame en marche qu’il met en valeur.

Meurtre mystérieux à Manhattan (Manhattan Murder Mystery) – de Woody Allen – 1993

Posté : 10 avril, 2014 @ 1:32 dans * Thrillers US (1980-…), 1990-1999, ALLEN Woody | Pas de commentaires »

Meurtre mystérieux à Manhattan

Après sa rupture avec Mia Farrow, Woody Allen retrouve Diane Keaton, qu’il n’avait plus dirigée depuis un petit rôle dans Radio Days, pour ce qui reste l’un des sommets de sa veine la plus légère. Les bons mots et les dialogues irrésistibles se succèdent à un rythme incroyable, et l’hommage à Hitchcock, déjà présent dans d’autres films (Crime et délits surtout) est ici au cœur même de l’histoire.

On pense évidemment à Fenêtre sur cour, avec cette histoire d’une bourgeoise qui s’ennuie un peu dans son couple, qui se persuade que la mort de leur charmante voisine n’a rien d’accidentel, et que le mari l’a assassinée. Woody Allen signe d’ailleurs un authentique suspense qui tient remarquablement bien la route… même s’il n’oublie jamais de prendre ça avec beaucoup de dérision.

Et le film est à mourir de rire, porté par un couple d’acteurs qu’on prend un plaisir fou à retrouver. Le personnage de Diane Keaton pourrait bien être une sorte de Annie Hall avec quinze ans de plus, désireuse de retrouver la liberté et la folie de ses jeunes années. Quant à Woody, il retrouve la veine burlesque de ses débuts lors de quelques séquences géniales, particulièrement une leçon de poker avec Anjelica Huston où il marche dans les pas de Groucho Marx.

Manhattan Murder Mystery est ce qui ressemble le plus à une comédie policière, dans la filmo de Woody Allen. Malgré la légèreté du propos, il n’en oublie pas pour autant d’apposer sa marque avec les thèmes qui lui sont chers : la difficulté de vivre en couple (version plutôt optimiste cette fois, malgré l’actualité de sa vie privée), son amour pour New York (le film s’ouvre avec le « I happen to love New York » de Cole Porter) et sa cinéphilie.

Outre l’hommage à Hitchcock, Woody Allen parsème son film de références aux grands films noirs hollywoodiens. Ce qui donne notamment un hommage ébouriffant à La Dame de Shanghai d’Orson Welles, où la mythique scène des miroirs semble sortir de l’écran pour se rejouer en direct dans la salle de cinéma. Une mise en abîme qui résume bien ce qu’est Meurtre mystérieux à Manhattan : une déclaration d’amour au cinéma, l’art qui rend la vie plus belle…

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