Marius – de Alexandre Korda et Marcel Pagnol – 1931
Fanny aime Marius. Marius aime Fanny. Mais deux choses freinent leur amour. D’abord, leur pudeur de jeunes gens. Et puis, l’appel de la mer, l’envie d’ailleurs qui ronge Marius de l’intérieur.
De cette histoire toute simple, Marcel Pagnol (véritable auteur, même si la mise en scène est assurée par Alexandre Korda) tire un film magnifique, qui réussit à tirer sourires et larmes dans le même mouvement. Un film où le verbe haut et chaud du vieux port de Marseille n’est qu’un voile pudique qui dissimule mal une immense tendresse.
La tendresse d’un père et de son fils, César et Marius, immense Raimu face à un Pierre Fresnay particulièrement intense. On la sent constamment, cette tendresse, jusque dans la violence feinte de leurs engueulades. Mais quand ils baissent la garde et qu’ils s’avouent des maladroits « je t’aime bien » entrecoupés de longs silences et de regards étonnés, l’émotion est immense, et le moment est magique.
C’est la même tendresse qui se cache (mal) derrière la mère si exubérante (Alida Rouffe), ou derrière le voisin si soupe au lait, Panisse (Charpin). Dans ce petit bout de quartier dont on ne sort jamais, c’est un microcosme plein de vie que filment Pagnol et Korda (l’un aux commandes, l’autre à la pure mise en scène), avec les petites mesquineries et les grands sacrifices dont sont capables les hommes.
C’est presque une version condensée de la condition humaine, avec fort accent marseillais (à peine pesant les premières minutes), soleil écrasant, et voiles qui bouchent l’horizon.
Le film est beau, parce que les acteurs sont formidables. Il ne faut pas oublier Oriane Demazis, en grande amoureuse sacrificielle, dont le jeu est un peu plus daté que celui de ses camarades, mais bien émouvante tout de même. Il est beau aussi parce qu’il y a dans la simplicité du procédé une intensité et un rythme exceptionnels.
Pagnol, d’ailleurs, n’a pas besoin de se départir du dispositif théâtral original, avec personnages qui entrent et sortent des différents plateaux. Nul besoin de rajouter des extérieurs inutiles. Grand dramaturge, il est aussi un grand cinéaste, et son œuvre parfaitement cinématographique. Et bouleversante.