… Sans laisser d’adresse – de Jean-Paul Le Chanois – 1951
C’est une jolie virée nocturne à laquelle nous convie Le Chanois, cinéaste qui n’a pas laissé que des bons souvenirs mais qui se dévoile ici sous son meilleur jour : celui d’un habile chroniqueur de la vie quotidienne des petits travailleurs parisiens.
L’histoire de ce brave chauffeur de taxi (Bernard Blier) qui trimballe une jeune femme tout juste descendue du train (Danièle Delorme) à travers les rues de la capitale où elle cherche en vain le père de son bébé, est l’occasion pour Le Chanois de nous plonger dans différents aspects de la vie nocturne.
Et dans la peinture des petites choses du quotidien, le cinéaste s’avère très à son aise, donnant du corps et de la vie à ces rencontres entre chauffeurs. Au fil de cette virée, on a aussi l’occasion de traverser la rédaction bouillonnante de vie d’un grand journal, ou les couloirs d’une maternité, ou encore la salle d’attente d’une gare… Et à chaque fois, le même sentiment de réalité et de justesse.
Bernard Blier, bonhomme et grande gueule à ses heures, est un guide idéal pour cette découverte de Paris, qui n’oublie pas de nous emmener dans une cave de Saint-Germain où chante Juliette Gréco dans son propre rôle, témoignage rare et intense de cette époque vibrante. Blier, donc, est formidable dans le rôle de cet homme si banal et si brave.
Et ce n’est pas si courant de voir un homme et une femme faire un tel compagnonnage sans que jamais le désir ou la séduction ne vienne troubler la donne. Le Chanois réussit avec ce film un petit miracle : un film qui n’élude en rien la dureté, voire la cruauté de l’existence, tout en étant constamment et parfaitement bienveillant. Un vrai feel-good movie…