La Vie est à nous – de Jean Renoir – 1936

Un film étendard pour Renoir, dont on continue à se demander neuf décennies après s’il est devenu le cinéaste attitré du Parti Communiste par pure conviction ou par amour. Sans doute un peu des deux, et qu’importe au fond : La Vie est à nous existe, et il reste le plus mémorable de tous les films tournés à la gloire d’un parti politique en France, ce qui est déjà énorme.
Et on échappera pas à l’expression « film de propagande », bien sûr. On est même en plein dans le sujet. La Vie est à nous a beau être profondément attachant, l’honnêteté pousse à reconnaître que Renoir y utilise grosso-modo le même langage qu’une certaine Leni Rifenstahl quelques mois plus tôt avec son Triomphe de la volonté : le langage du cinéma, parfaitement maîtrisé, au service d’une idéologie.
Celle que sert Renoir a le mérite d’être profondément humaniste, tournée vers le peuple qui souffre et promouvant le collectif et l’entraide. En se vautrant certes dans une idolâtrie pro-soviétique d’avant la rupture qui fait pour le moins tiquer aujourd’hui : Stalline et Lénine comme modèles d’humanistes, on fait plus consensuel. Mais comme on dit, il faut remettre dans le contexte : en 1936, on ne savait pas, on ne voulait pas encore savoir, ou quelque chose quelque part entre les deux…
La Vie est à nous est ce qu’on peut sans hésitation appeler un film à message. La première partie, un rien lénifiante, l’illustre bien : un enseignant vante les atouts et les richesses de la France devant une classe captivée, avant de lancer un « pauvres petits » en voyant partir ses élèves, conscient d’être dans un territoire populaire peuplé de laissés pour compte. Le ton est donné : la France est riche, mais surtout pour les riches.
La suite, c’est le directeur du journal L’Humanité qui la rythme, en lisant des courriers de lecteurs qui sont autant de témoignages, qu’illustre Renoir sous la forme de courtes fictions. C’est là que le film est le plus passionnant, grâce à la puissance des images et à la force de la mise en scène, qui réussit en quelques minutes à peine à cerner le poids de la société et la force du collectif.
Je dis Renoir, mais le film est comme il se doit collectif, réalisé par une poignée d’auteurs (parmi lesquels Le Chanois sous pseudo, et le fidèle assistant de Renoir Jacques Becker) sous la supervision dudit Renoir. Le film, quand même, porte clairement sa marque, dans sa manière de filmer les gens du peuple, dans leur environnement, et dans leur force collective.
Dans ce domaine, les toutes dernières images du film rattachent définitivement La Vie est à nous à la grande tradition du cinéma soviétique de la grande période, celle de la fin du muet : un montage ultra dynamique qui associe les mouvements de la foule, la musique lyrique, les bruits des machines et les cultures florissantes dans les champs. Un véritable hymne, et un film brillant dans sa forme.





