La Liste noire (Guilty by Suspicion) – d’Irwin Winkler – 1991
Producteur des Affranchis (et de beaucoup d’autres films, dont Rocky et Raging Bull), Irwin Winkler devient réalisateur au début des années 1990 sous le parrainage de Robert De Niro, qui interprète dans son premier film un réalisateur à succès dont la carrière est stoppée nette par la chasse aux sorcières en 1951.
Le scénario, écrit par Winkler lui-même, est excellent, entièrement basé sur la trajectoire contrariée de ce success-man qui évolue dans le Hollywood de l’âge d’or comme un demi-dieu que rien ne peut contrarier, et que des soupçons de communiste ramènent brutalement sur terre.
C’est passionnant, édifiant, révoltant, et mené avec un sens très sûr du drame, jusqu’à un final qui provoque immanquablement des frissons. Et puis il y a De Niro, parfait dans le rôle de cet homme tiraillé entre sa conscience et son envie de travailler. Et Annette Bening dans celui de sa conscience, pardon, de son ex-femme.
Passionnant, donc. Ne manquerait plus qu’un peu de folie pour bousculer ce film qui a le mérite de donner corps à une période très trouble de l’histoire américaine, mais qui aurait mériter un cinéaste au style moins lisse que celui de Winkler. Un Scorsese par exemple, qui fait une apparition clin d’œil en pote de De Niro.
On sent d’ailleurs que Winkler lorgne par moments sur le style de Scorsese, lorsqu’il fait glisser sa caméra d’une table à une autre dans un restaurant bondé, dans une scène qui évoque fugacement (et sans la même intensité) Les Affranchis.
La Liste noire remplit en tout cas son cahier des charges, dénonçant les dérives et la cruauté aveugle du maccarthysme, et signant le portrait d’un homme à la croisée des chemins, tiraillé entre sa bonne conscience (son ex-femme et son fils) et son tentateur (le tout puissant Daryl Zanuck). Passionnant, donc.