Welcome in Vienna – Partie 3 : Welcome in Vienna (Wohin und Zurück. 3 : Welcome in Vienna) – d’Axel Corti – 1986
« Pendant toutes ces années, c’est comme si on était loin de sa patrie, mais aussi de ses sentiments »
Suite et fin d’une trilogie indispensable, longtemps invisible chez nous. Freddy Wolff s’est engagé dans l’armée américaine et a combattu en France. Avec un seul objectif : retrouver Vienne, la ville de ses racines, là où sa vie, et celle de tant d’autres Juifs, s’est arrêtée une sombre journée de 1938. Après sept ans d’exil, enfin, il est de retour chez lui. Happy end ? Pas vraiment, non… De sa ville, objets de tous ses fantasmes depuis tant d’années, il ne retrouve qu’un tas de ruines qui abrite des êtres rongés par la guerre, la misère, la fatigue, la culpabilité, la haine, la rancœur…
Axel Corti et son scénariste Georg Stefan Troller ont signé avec cette trilogie une œuvre d’une force rare, d’autant plus puissante qu’elle nous fait ressentir mieux qu’un documentaire la réalité de ces êtres à qui ont a tout pris : les biens matériels et la dignité. Et sans concession. Comme le rêve américain explosait dans Santa Fé, le retour dans cette Europe qui a rejeté ses semblables d’un port à l’autre (voir Dieu ne croit plus en nous) balaye tous les rêves qui nourrissait Freddy dans son exil interminable. Là, il pensait retrouver ses attaches, sa dignité, un foyer… Mais là encore, il est hanté par le manque de sentiments… « Pourquoi personne ne me retient ? » clame-t-il avec un désespoir apparent. Ce manque de sentiment qui est devenu son quotidien, et qui le rend incapable de prendre à bras le corps l’amour que lui offre une jeune comédienne.
Il faut dire que le Vienne de 1945 n’a rien d’un paradis retrouvé. Ce que Freddy y rencontre, c’est le marche noir, la trahison, l’antisémitisme qui n’est pas mort avec Hitler, et même une certaine nostalgie du nazisme qui ne dit pas son nom. Et partout, un cynisme ambiant qui fait une nouvelle fois du candide Freddy un étranger parmi les siens…
Si la première partie de cette trilogie marquait la fin de l’innocence, et la deuxième l’implosion du rêve d’exil, ce troisième volet signe la mort des illusions. Avec l’Ennemi (avec une majuscule) officiellement vaincu, le sentiment qui se dégage de cette conclusion est plus confus, moins clairement tragique que dans les deux films précédents. Mais le malaise constant qui règne n’est guère plus enviable : c’est désormais un sentiment d’irréversible gâchis qui domine. A peine Corti et Troller, qui auront tenu le cap de leur œuvre jusqu’au bout, se permettent-il un ultime plan d’où renaît une (petite) lueur d’optimisme. Peut-être, sur ces ruines et ces êtres brisées, pourra-t-on reconstruire quelque chose…
• La trilogie Welcome in Vienna, présentée pour la première fois dans un circuit restreint de cinémas l’an dernier, paraît enfin en DVD. C’est chez les Editions Montparnasse, dans un coffret absolument indispensable. Avec en bonus un long entretien (chapitré par questions, excellente idée) de Georg Stefan Troller, passionnant et très émouvant.