L’Aigle et le vautour (The Eagle and the Hawk) – de Lewis R. Foster – 1950
Voici un western relativement fauché, mais bourré de belles idées, à commencer par son tandem de héros : un Nordiste (Dennis O’Keefe) et un Sudiste (John Payne) amenés à travailler main dans la main pour découvrir ce qui se trame de l’autre côté de la frontière mexicaine, pendant que les Etats-Unis sont occupés à s’entre-déchirer. Plus que de faire se rencontrer deux partisans de camps opposés, c’est la manière dont ce tandem est mis en scène qui frappe, comment l’amitié naît entre ces deux hommes si différents. Une amitié qu’aucun des deux ne domine de quelque manière que ce soit, ce n’est pas si courant.
Cette drôle d’alchimie est parfaitement incarnée par deux acteurs que tout oppose également : O’Keefe ouvertement séducteur, voire suave ; et Payne, brut et animal. Entre ces deux-là, le courant passe immédiatement. Comme l’attirance sensuelle éclate dès la rencontre entre Payne et Rhonda Fleming, beau couple de cinéma que Dwan reformera notamment dans Slightly Scarlet. Ajoutons encore Thomas Gomez, étonnant mais très bien en général mexicain : le casting de cette petite production suffit à susciter l’envie.
Et il y a surtout tous ces détails qui parsèment le film et le tirent vers le haut : cet étonnant fétichisme des bottes qui conduit à plusieurs reprises le personnage d’O'Keefe à se retrouver en chaussettes, cette torture (qui me semble inédite dans un western) qui consiste à écarteler un homme attaché à des chevaux jusqu’à le démembrer (rien d’ouvertement gore, mais la seule évocation de la chose fait son petit effet), ou encore le running gag réjouissant autour des noms et de l’anonymat : « Smith ? On en a déjà trois… »
Et puis il y a la très belle photographie de James Wong Howe, avec ces magnifiques séquences nocturnes aux couleurs si chaudes et envoûtantes. Il faut dire que l’homme n’est pas un manchot : de Shangaï Express à Traître sur commande, sa carrière est jalonnée de grands films aux images sublimes. Lewis R. Foster en tire le meilleur, et c’est bien lorsque la photo est la plus spectaculaire que le film est le plus passionnant et le plus fort : lors des nombreuses scènes de nuit, et aussi lors d’un impressionnant duel dans les flammes.
Bref, que du bon dans ce western. Finalement, le seul point vraiment négatif, c’est la manière dont Rhonda Fleming, décidément magnifique, est réduite au rang de séduisant faire-valoir, caution féminine d’un film par ailleurs très masculin. Mais John Payne et Dennis O’Keefe, moi je kiffe.