Total Recall, Mémoire programmée (Total Recall) – de Len Wiseman – 2012
Le film de Paul Verhoeven, tout en restant un chef d’œuvre de la SF, a comme beaucoup de classiques du genre, pris un sérieux coup de vieux, avec ses trouvailles futuristes qui paraissent aujourd’hui bien ringardes. L’idée d’en faire un remake était donc loin d’être une aberration.
Len Wiseman, l’excellent réalisateur de Die Hard 4, fait le travail de fort belle manière. Dans la première moitié, surtout, où le cinéaste nous offre une vision du futur qui n’est pas sans rappeler Blade Runner. A vrai dire, la comparaison est même incontournable, tant le film reprend une grande partie de l’imagerie du film de Scott. La mégalopole avec ses rues grouillantes et baignées de pluie, où l’Asiatique semble le type dominant : on s’attendrait presque à y croiser Harrison Ford mangeant des pâtes chinoises… Quelques plans sont même des copiés-collés de Blade Runner ? Pas si étonnant : le film était, comme Total Recall, adapté de l’œuvre de Philip K. Dick.
Le principal problème, cela dit, c’est que le film de Wiseman est trop plein de références. La poursuite en voiture ressemble étrangement à celle de Minority Report (d’après Dick, également), les extérieurs rappellent le film de Ridley Scott, certains intérieurs citent Star Wars (la trilogie originale), tandis que l’armée de robots évoque les Sith de la deuxième trilogie. Surtout, tout en se démarquant nettement du film de Verhoeven, Wiseman, en homme peu avisé (jeu de mot bilingue), multiplie les références à son modèle. C’est sympathique une fois (« si je ne suis pas moi, bordel, qui je suis »), deux fois (l’apparition de la femme, sosie du déguisement de Schwarzenegger, à la douane), mais à partir de trois fois (le bras coupé dans l’ascenseur), la comparaison devient trop systématique, à tel point qu’on attend tous les grands moments du film original, dont certains (« considère ça comme un divorce ») ne viennent pas.
Il y a pourtant de très belles choses dans le film, en particulier une utilisation exceptionnelle de décors exceptionnels. Dans la première grande confrontation entre Doug Quaid et sa « femme » surtout, morceau de bravoure ahurissant, où le plus petit élément du gigantesque décor semble avoir son utilité. Wiseman règle en maître une séquence d’action en trois dimensions (sans la 3D), ainsi que dans la scène de la poursuite en voiture, et celle plus impressionnante encore des ascenseurs. L’utilisation de l’espace y est magistrale.
Hélas, dans la seconde moitié, le film se transforme en un blockbuster explosif assez boursouflé et sans grand intérêt. A tel point qu’on finit par se moquer de la course en avant d’un Colin Farrel pourtant très à l’aise dans l’univers de Philip K. Dick (il avait trouvé l’un de ses premiers rôles marquants dans Minority Report) et dans son emploi d’action hero.
A trop vouloir marquer son respect pour les précédentes adaptations de Dick, et à trop vouloir respecter les codes de la surenchère hollywoodienne, Wiseman manque sa cible. Dommage, parce qu’il y a dans certaines scènes une ambition et une maîtrise qui étaient pleines de promesses.