Cette nuit et toujours (Tonight and every night) – de Victor Saville – 1945
Que voilà une heureuse surprise. De ce film musical, je n’attendais pas grand-chose d’autre qu’une poignée de numéros chantés et dansés, ce qui aurait déjà pu suffire à mon bonheur, étant assez fan de Rita Hayworth, et conscient que la belle était sur le point d’enchaîner (ou presque) ses deux plus grands films dans un tout autre genre : Gilda et La Dame de Shanghai.
Elle est, bien sûr, somptueuse, Rita Hayworth, à rendre n’importe quel personnage complètement dingue. Elle en séduit bien un ou deux dans ce film, hommage appuyé à un cabaret londonien n’ayant jamais fermé ses portes durant la guerre, pas même aux pires moments des bombardements.
Beau sujet, dont on pouvait craindre quand même qu’il se limite à une succession de numéros, avec un vague fil conducteur. C’est d’ailleurs ce que le début du film semble annoncer, avec la présence d’un photographe du magazine Life qui fait un reportage-prétexte dans les coulisses du théâtre. Le film est beaucoup plus que ça. Les numéros sont nombreux, et ils sont filmés dans leur intégralité, avec leur existence propre. Mais ils s’inscrivent dans un beau mouvement général, avec de vrais enjeux dramatiques.
Le film est séduisant, porté par les superbes couleurs du chef op Rudolph Maté, chaudes et cosy, comme l’appartement très londonien de l’amoureux joué par Lee Bowman. Il n’est pas parfait, non plus. On y trouve de jolis morceaux musicaux qui auraient mérité d’être filmées avec plus de vie, des seconds rôles à peine survolés, et quelques excitantes mais bizarrement à peine ébauchées.
Parmi les beaux moments, on retiendra la demande en mariage, et la manière dont la copine commence « I’ll be… » sans oser finir sa phrase en réalisant qu’elle parle à un prêtre… Un moment curieux, aussi, où le film musical se transforme brièvement en comédie musicale, où les personnages se mettent à chanter en coulisses, dans leur quotidien. C’est le moment où la frontière se lève entre la scène et la vie, où les comédiens décident de dormir sur place pour ne pas voir leurs nuits constamment écourtées par les alarmes.