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Archive pour la catégorie '* Polars européens'

La Conspiration du Caire (Walad min al Janna) – de Tarik Saleh – 2022

Posté : 11 février, 2023 @ 8:00 dans * Polars européens, 2020-2029, SALEH Tarik | Pas de commentaires »

La Conspiration du Caire

Le fils d’un pêcheur est accepté dans la prestigieuse université al-Azhar du Caire, haut lieu de l’enseignement islamique. Là, il deviendra le jouet des services de sécurité du pays, qui veulent en faire leur taupe pour infiltrer les frères musulmans, qui eux-mêmes auraient infiltré l’université. Vraiment ?

Le réalisateur d’origine égyptienne (il a la nationalité suédoise), à qui on doit déjà Le Caire Confidentiel, laisse un temps planer l’idée que son film se résumerait à ça : la menace intégriste qui rongerait le monde musulman de l’intérieur. Son scénario est en fait autrement plus retors, et son film nettement plus politique que religieux : c’est la société égyptienne dans ce qu’elle a de plus trouble et opaque qui est au cœur de l’histoire.

Film engagé, mais aussi thriller efficace, La Conspiration du Caire multiplie les fausses-pistes et dévoile une société rongée par la corruption, la manipulation, la violence institutionnelle. Dans ce vaste jeu de massacre, le pauvre étudiant se retrouve ballotté au gré de ses rencontres, utilisé sans trop de vergogne par à peu près tout le monde, y compris ce flic un peu paumé, un peu tendre, capable des pires dérives comme de la plus folle rédemption.

La religion, finalement, n’est qu’une passionnante toile de fond, un peu à la manière du Nom de la Rose. Et plutôt que l’islamisme radical, ce sont les cent nuances de l’Islam que met en lumière Tarik Saleh, dont le style impressionne dès qu’il filme l’institution religieuse : superbes travellings sur des apprentis imams évoluant dans le décor de l’université, plongées vertigineuses sur une « armée » d’étudiants coiffés de rouge…

Tourné loin de l’Egypte, où le réalisateur est « indésirable » depuis avant Le Caire Confidentiel, Tarik Saleh ne risque pas de renouer avec son pays d’origine avec ce film, passionnant… thriller?… parcours initiatique ?… pamphlet ? Tout ça à la fois, pour une plongée fascinante et oppressante dans une guerre de pouvoir assez glaçante.

La Femme vêtue de noir (Damen i svart) – d’Arne Mattson – 1958

Posté : 16 janvier, 2023 @ 8:00 dans * Polars européens, 1950-1959, MATTSON Arne | Pas de commentaires »

La Femme vêtue de noir

Arne Mattson a le sens du cadre, c’est un fait. Arne Mattson n’est pas un grand directeur d’acteur, c’est un autre fait. Il n’a pas non plus le sens du rythme, et met en images un scénario assez médiocre et bourré de grosses ficelles. D’où une question qui me vient à l’esprit : de belles images peuvent-elles sauver un film par ailleurs pas terrible ? Question simple, réponse à la carte…

Parce que franchement, il y a plein de moments où on se dit que Mattson nous prend pour des crétins, que sa manière de semer le trouble sur la possible culpabilité de chacun des personnages a un côté déjà très éculé en 1958. Parce que la plupart des personnages sont caricaturaux ou à peine dessinés, en tout cas peu crédibles (le comparse des détectives, avec ses faux airs de Buster Keaton qui surjoue la comparaison… bof). Mais aussi parce que oui, par moments, le film séduit.

Il séduit par ses cadrages donc, avant toute chose : belles compositions qui jouent à la fois avec la profondeur de champs et avec les ombres, en bon élève de Jacques Tourneur, mais aussi des récents succès de la Hammer, sources d’inspiration flagrantes pour le réalisateur. Il séduit aussi par son couple de héros, détectives confrontés à une affaire flirtant avec le surnaturel.

L’intrigue elle-même n’a strictement aucun intérêt, mais c’est à ce couple évoluant dans un microcosme qui lui est étranger que l’on doit tout le plaisir : la belle Annalisa Ericson surtout, indépendante, perspicace et moderne (elle porte des pantalons, c’est dire), qui surpasse sans se la raconter son mari gentiment macho (joué par Karl-Arne Holmsten). Pas étonnant que le couple soit devenu si populaire : on les retrouvera dans quatre autres films.

Maria Marten, or the murder in the red barn (id.) – de Milton Rosmer – 1935

Posté : 9 janvier, 2023 @ 8:00 dans * Polars européens, 1930-1939, ROSMER Milton | Pas de commentaires »

Maria Marten or the murder in the red barn

Le film commence sur une scène de théâtre, où un « M. Loyal » présente au public les personnages et les acteurs qui vont interpréter le drame sur le point de se jouer. Puis le rideau se lève, et nous voilà plongé dans l’Angleterre rurale des années 1820…

Le procédé narratif n’est pas neuf, ni très original. Il donne ici le sentiment d’être utilisé pour excuser à l’avance le jeu très théâtral et exubérant des comédiens, à commencer par la « star » du film (son nom s’inscrit en lettres deux fois plus grandes que le titre) ; Tod Slaughter, vedette de l’époque spécialisée dans les films d’épouvante victoriens.

Il est ici un noble désargenté dont on sait dès le lever de rideau qu’il sera le grand méchant de l’histoire. Une histoire vrai à propos, ou à peu près : le film s’inspire d’un authentique fait divers de cette époque. Une jeune femme, Maria Marten, a été assassinée par celui qui était son amant, et qui a prétendu après avoir reçu des lettres de Maria, disparue mais bien en vie. Jusqu’à ce que le corps de la victime soit retrouvée dans une grande rouge.

C’est dans cette grange que se déroulent les deux séquences les plus réussies du film, celles où la tension atteint son apogée, où les grands gestes et les roulements d’yeux de Tod Slaughter épousent le mieux les jeux d’ombres et le style dramatique de Milton Rosmer. Là, le temps de ces deux séquences, le film évoque certains films de James Whale, voire de Tod Browning. En mode très mineur.

Peaky Blinders (id.) – saison 6 – créée par Steven Knight – 2022

Posté : 17 décembre, 2022 @ 8:00 dans * Films de gangsters, * Polars européens, BYRNE Anthony, KNIGHT Steven, TÉLÉVISION | Pas de commentaires »

Peaky Blinders saison 6

La mort est plus présente que jamais dans cette ultime saison. Cette mort qui se refuse implacablement à Tommy. Cette mort qui le hante depuis les tunnels de France qui continuent à le traumatiser tant d’années après la guerre. Cette mort qu’il distribue ou qu’il ne distribue pas selon sa propre volonté. Cette mort qui frappe la plus proche de ses alliées aussi, et dont on sent qu’elle peut n’épargner personne… Et encore cette petite liste ne concerne-t-elle que le premier quart d’heure du premier épisode de cette sixième saison.

Depuis ses débuts, Peaky Blinders est marquée par la violence et la mort. Mais jamais la noirceur n’avait encore atteint une telle complexité que dans ce final, en forme de descente aux enfers. Désormais, ce n’est plus la famille contre le reste du monde. La famille a perdu son socle, que la disparition prématurée d’Helen McCrory avant le tournage de cette saison a rendu inévitable. Le show, d’ailleurs, rend un hommage réellement vibrant à l’actrice, en mettant en scène la mort de son personnage avec une gravité qui pèse sur toute la saison.

Les guerres, donc, sont aussi intestines. De quoi vérifier que, non, le personnage de Tommy (Cillian Murphy, toujours incroyablement intense) n’a aucune limite. Il reste la colonne vertébrale de la série, dont l’esthétique de plus en plus sombre semble adopter son propre état d’esprit… Tourmenté, ravagé, confronté à la pire des douleurs… La longue ouverture sur une île de Saint-Pierre et Miquelon battue par les vents et les embruns annonce d’ailleurs la couleur : temps couvert, sans horizon.

En plongeant de plus en plus profondément dans des abymes de noirceur, Peaky Blinders aura en tout cas réussi à maintenir de bout en bout une ambition folle et une esthétique très léchée, qui n’a cessé d’évoluer tout en restant cohérente. Six saisons, pas une de plus… La saga sombre et violente de la famille Shelby devrait se poursuivre sur grand écran. Vivement.

Poulet frites – de Jean Libon et Yves Hinant – 2022

Posté : 5 décembre, 2022 @ 8:00 dans * Polars européens, 2020-2029, DOCUMENTAIRE, HINANT Yves, LIBON Jean | Pas de commentaires »

Poulet frites

Quatre ans après le formidable Ni juge, ni soumise, les deux auteurs de la série documentaire Strip Tease sortent de leurs cartons une autre pépite : une enquête autour d’un meurtre à Bruxelles, dont l’indice le plus important, celui qui pourrait innocenter le principal suspect, est une frite retrouvée dans l’estomac de la victime, et qui a « le même calibre » que les frites cuisines par ledit suspect.

On retrouve dans Poulet frites le même esprit que dans le précédent long métrage (et que dans feu la série) : une manière de capter la réalité en filmant les personnages au plus près, dans leur routine quotidienne. Ici, l’équipe a semble-t-il suivi l’équipe de policiers (et la juge Anne Gruwez, la même qui était au cœur de Ni juge…, formidable personnage de cinéma) pendant de longs mois. Cette enquête avait d’ailleurs été diffusée dans Strip Tease il y a une bonne quinzaine d’années, en trois épisodes d’une heure.

Le duo Libon/Hinant en livre un montage inédit, et dans un beau noir et blanc. Et le résultat est passionnant à tous les niveaux. C’est d’abord une plongée documentaire fascinante dans le quotidien de ces flics qui ont accepté de se faire filmer dans la routine de leur travail, devant une caméra qui capte aussi bien lemoments de grâce et d’autres moins glorieux. C’est aussi un vrai polar, auquel le montage au cordeau donne un rythme de fiction.

On s’attache à ces personnages : les policiers souvent dépassés d’abord, mais aussi ce suspect trop évident dont on voit bien que les flics eux-mêmes doutent de la culpabilité. « Si je l’avais tuée, je m’en souviendrais, quand même ! » lance-t-il à plusieurs reprises, rappelant l’essence même de Strip Tease : une manière brute et frontale de filmer des personnages et des répliques qu’un scénariste n’oserait pas inventer. Comme cet indice central dans l’enquête : cette frite retrouvée dans l’estomac de la victime, et cette réplique définitive de l’enquêteur : « Ce qui m’a frappé, c’est le calibre de la frite… »

As Bestas (id.) – de Rodrigo Sorogoyen – 2022

Posté : 25 septembre, 2022 @ 8:00 dans * Polars européens, * Polars/noirs France, 2020-2029, SOROGOYEN Rodrigo | Pas de commentaires »

As bestas

Voilà un grand film qui vous assomme littéralement. Quelle claque que ce film qui commence comme une chronique rurale sous tension, pour tendre vers le thriller le plus noir, puis vers le portrait sensible d’une richesse et d’une vérité folles. L’histoire se déroule en Galice, région rurale de l’Espagne, où un couple de Français s’est installé il y a déjà un bon moment pour donner un nouveau sens à leur vie.

La toute première scène nous happe littéralement, sans qu’on comprenne vraiment ce qui s’y dit, ni qui sont les personnages. Il est question du fils d’un homme du village, qu’on ne verra pas, et dont il ne sera plus jamais question. Mais entre les hommes attablés dans le petit bar miteux, le ton d’abord bon enfant se fait vite, mais imperceptiblement, plus tendu. L’un des hommes surtout, Xan, dégage une autorité naturelle. Une froideur aussi, cinglante, dont on sent qu’elle peut éclater en violence pure à tout moment.

Et soudain, cette violence, verbale, se dirige vers un autre personnage que l’on n’avait pas encore remarqué : « le Français », qui s’en allait discrètement et que Xan abreuve de sa hargne sans qu’on l’ait vraiment vu venir… Que se passe-t-il entre ces deux hommes, qui vivent à quelques mètres seulement l’un de l’autre ? Le film révèle ses mystères au compte-goutte, mais on sent d’emblée qu’il y a une animosité énorme entre eux.

Rodrigo Sorogoyen adopte le point de vue de ces deux Français, incarnés par Marina Foïs et Denis Ménochet, exceptionnels tous les deux. Il filme le sentiment d’oppression qui grandit chez eux, la peur qui finit par s’installer, le regard qu’ils portent sur ces voisins devenus une véritable menace pour eux. Ce point de vue est important, parce que c’est celui que le spectateur adopte comme une évidence.

Mais il instille à petits traits une vérité plus nuancée que celle que l’on pressentait. Et le trouble ne cesse de grandir, comme lors de ce face à face de la dernière chance, où les certitudes du Français Antoine semblent vaciller, parce que pour la première fois, il comprend un peu mieux celui qui lui bouffe la vie. Si le film est aussi fort, c’est aussi pour ça : pour ce refus du manichéisme, même lorsque l’irréparable est commis.

Xan, incarné par l’Espagnol Luis Zahera, est ainsi un personnage d’une complexité et d’une vérité extraordinaires. Et la perception qu’on en a évolue en cours de route, nous confrontant à nos propres certitudes autoproclamées. Le personnage de la fille du couple (Marie Colomb) incarne parfaitement cette difficulté à se mettre réellement à la place de ceux qu’on a face à nous, même quand ils nous sont propres.

Chronique d’un mode de vie qui tend à disparaître, thriller tendu, As bestas est aussi une belle histoire d’amour entre deux acteurs qu’on savait excellents, mais qu’on n’avait peut-être jamais vu aussi intenses. Denis Ménochet, dont la puissance physique contraste avec le regard troublé. Et Marina Foïs, dont l’apparente passivité initiale cache une détermination et une sensibilité mêlées. Deux grands personnages, pour deux grands acteurs.

Et puis il y a la manière dont le cinéaste filme son décor, ces grandes vallées de la Galice qui tranchent avec tous les stéréotypes sur l’Espagne. Une nature belle et spectaculaire, mais où la vie est rude, et où beaucoup rêvent d’une vie plus facile. Dans ce décor là, le choix de vie d’un couple venu d’ailleurs passe mal. Et les questions que cela pose pèsent sur le film sans que Sorogoyen n’apporte de réponse facile. Le film, en tout cas, trotte dans la tête des jours après l’avoir vu…

Johnny Nobody (id.) – de Nigel Patrick – 1961

Posté : 14 septembre, 2022 @ 8:00 dans * Polars européens, 1960-1969, PATRICK Nigel | Pas de commentaires »

Johnny Nobody

Après The Teckman Mystery, retour au polar british, et même constat, mêmes limites : un manque de style, un manque de rythme, un aspect lisse et impersonnel… Bref, très peu de caractère dans ce film qui se révèle plutôt amusant dans son propos : l’histoire d’un prêtre (Nigel Patrick, également derrière la caméra pour second long métrage en tant que réalisateur) témoin d’un meurtre qui devient un fugitif un peu par accident.

Sauf que la première partie laisse espérer autre chose qu’un film vaguement amusant. Dans un petit village irlandais qui ressemble étrangement à celui de L’Homme tranquille, un écrivain américain vit en quasi-ermite, et en quasi-alcoolique. C’est William Bendix, et c’est forcément assez excitant : sa présence suffit souvent à sauver des films pas toujours formidables. Mais sa présence ne dure pas. Agacé par la place de la religion dans cette communauté, il défie Dieu sur la place du village. Quelques instants après, un mystérieux étranger le tue, avant de demander l’aide du prêtre.

Intervention divine ou crime de droit commun ? Ce n’est pas tant le doute sur la nature du meurtre que l’interrogation qui ronge le prêtre lorsqu’un avocat lui pose une question inattendue, qui peut sembler anodine mais qui plonge au cœur d’une certaine âme irlandaise : pensez-vous qu’il ait été guidé par Dieu ?

Ce cas de conscience est plein de promesses. Il n’est pas exploré comme il le devrait, hélas. On est souvent plus proche du Hitchcock des années britanniques, le style, le rythme et l’humour en moins, que d’une profonde réflexion sur la foi et la responsabilité. Un rythme pépère, une cascade dans un train à laquelle on a bien du mal à croire, des personnages un peu ternes… Pas désagréable, pas mémorable non plus.

The Teckman Mystery (id.) – de Wendy Toye – 1954

Posté : 5 août, 2022 @ 8:00 dans * Polars européens, 1950-1959, TOYE Wendy | Pas de commentaires »

 The Teckman Mystery.jpg - Photos

Je ne connaissais pas Wendy Toye, mais un rapide coup d’œil à sa biographie suffit à réaliser à quel point cette ancienne danseuse a eu une carrière étonnante. Chorégraphe, femme de théâtre, elle a aussi réalisé quelques films pour le cinéma, dont ce premier long métrage, qui révèle à la fois pas mal de limites et un esprit assez enthousiasmant.

Les limites reposent surtout sur la technique, la direction d’acteur, la réalisation pure. Là, il faut reconnaître que la réalisatrice représente assez bien tout ce qu’on peut trouver de lisse, voire de tiède, au cinéma anglais de cette période. C’est platement réalisé, avec de longs plans purement fonctionnels où une malencontreuse ombre apparaît, semblant suggérer l’imminence d’un danger… Mais non, c’était probablement un technicien mal placé.

Cette première impression s’estompe un peu au fur et à mesure que le personnage principal s’enfonce dans le mystère. Romancier à succès, il est chargé d’écrire la biographie d’un pilote mort dans l’explosion de son avion prototype. Enfin c’est ce que tout le monde affirme, mais l’enquête que mène le futur biographe ne tarde pas à faire émerger le doute.

Wendy Toye aussi, qui dirige tous ses seconds rôles comme s’ils étaient des traîtres. Ce qui a pour effet, au choix et selon le niveau de bienveillance qu’on veut garder : de poser les bases d’un thriller joliment paranoïaque, ou de lasser d’un faux suspense dont on sait bien qu’il ne mènera pas à une conclusion très dramatique. Il y a un peu de tout ça, et un doute qui subsiste sur le talent de ces seconds rôles, dont on se demande bien s’ils jouent le trouble… ou s’ils jouent mal.

Le jeu du héros-enquêteur, incarné par John Justin, ne laisse lui aucun doute sur l’intention toute entière tournée vers une certaine légèreté du film. Cet accent londonien surjoué, le flegme so british à toute épreuve (mais vraiment à toute épreuve), il affronte tous les dangers, toutes les morts, avec un détachement presque amusé qui donne le ton : sans brader le mystère, Wendy Toye ne le prend pas vraiment au sérieux.

Le résultat est en tout cas bien plaisant. Et même si le héros passe beaucoup de temps à boire et à proposer du brandy (à des proches ou de vagues connaissances qui eux passent beaucoup de temps à refuser le verre, parce qu’il est trop tôt pour eux), le film se regarde plutôt avec un thé ou un café sur une petite table recouverte d’un napperon. Et si la pluie tombe derrière la fenêtre, ça peut être encore mieux.

Beckett (id.) – de Ferdinando Cito Filomarino – 2021

Posté : 23 novembre, 2021 @ 8:00 dans * Polars européens, * Polars sud-américains, * Thrillers US (1980-…), 2020-2029, CITO FILOMARINO Ferdinando | Pas de commentaires »

Beckett

Un couple d’Américains en voyage en Grèce. Un accident. Et tout déraille. L’homme, qui surmonte difficilement de gros problèmes de communication, se retrouve pris pour cible pour une raison qu’il ignore, dans un pays qu’il ne connaît pas, coupé du monde.

John David Washington est de toutes les scènes, presque de chaque plan. La grande force du film, c’est d’adopter son strict point de vue. Oh, rien de bien neuf là-dedans. Roman Polanski avait à peu près le même parti-pris pour Frantic, autre thriller dont le héros est un homme ordinaire pris dans une machination qui le dépasse, seul dans un pays dont il ne parle pas la langue. Pas grand-chose de neuf, donc, mais une efficacité indéniable, une grande intensité, et un vrai point de vue.

Sur la Grèce en l’occurrence, pays finalement rarement filmé dans le cinéma de genre, et ici totalement dépouillé de ses images toutes faites. Ce n’est pas la Grèce touristique que l’on découvre ici, encore que la première moitié se déroule dans une région de montagnes d’une grande beauté. C’est, plutôt, la Grèce de la crise financière, au bord de la rupture, où tout semble à l’abandon, poussiéreux. C’est surtout frappant dans la seconde moitié du film, à Athènes, ville pleine de vie, et d’une pauvreté omniprésente.

C’est le second film de Fernando Cito Filomarino, réalisateur italien qui renoue ici avec le thriller paranoïaque style Les Trois Jours du Condor. Avec une vraie efficacité, une réussite visuelle exempte de toute afféterie. On peut juste regretter la surenchère de rebondissements et de scènes d’action, comme si le cinéaste ne faisait pas suffisamment confiance à la seule force de son mystère. Alors c’est parfois un peu trop, mais les coups et blessures que se prend le pauvre John David Washington finissent par créer une étrange fascination, comme un violent trip qui chercherait à garder l’émotion à distance. Pour mieux la laisser éclater.

Le Voyeur (Peeping Tom) – de Michael Powell – 1960

Posté : 22 novembre, 2021 @ 8:00 dans * Polars européens, 1960-1969, POWELL Michael | Pas de commentaires »

Le Voyeur

1960 est une année évidemment très importante dans l’histoire du cinéma, ne serait-ce que parce qu’elle a vu l’avènement de la Nouvelle Vague. C’est aussi l’année où deux grands cinéastes anglais ont signé deux de leurs plus grands films, tous deux basés sur le destin de jeunes hommes étouffés par leurs géniteurs et dont l’Œdipe a fait des tueurs en série… et des figures mémorables du 7e Art. Mais si Hitchcock a obtenu d’emblée un triomphe populaire et critique avec Psychose, Michael Powell s’est lui heurté à un mur d’incompréhension avec son Peeping Tom.

Il a fallu du temps, et quelques ambassadeurs dithyrambiques dont la voix porte (Tavernier ici, Scorsese outre-Atlantique) pour réhabiliter le film, et toute la filmographie de Michael Powell. Le Voyeur, traduction française plus banale que le titre original, est un film aussi intense, et aussi maîtrisé que le chef d’œuvre d’Hitchcock. Impossible d’ailleurs de ne pas comparer les deux films, ne serait-ce que pour leurs personnages principaux (et le choix d’Anna Massey pour interpréter Susan, l’actrice devant renouer avec l’univers des tueurs en série quelques années plus tard pour Frenzy… devant la caméra d’Hitchcock).

Le traumatisme de l’enfance, la figure parentale castratrice, les difficiles rapports amoureux, la figure menaçante de la police, et surtout le langage cinématographique comme sujet même du film… Le Voyeur aurait sans doute pu être réalisé par Hitchcock lui-même. Michael Powell, toutefois, invente ici une forme nouvelle, gommant la frontière entre le regard de l’homme et celui de la caméra, glissant d’une vue subjective à une image plus classique.

Son « héros », Mark, jeune homme charmant mais rongé par le souvenir d’un père qui avait fait de lui un cobaye vivant, semble ne vivre qu’à travers la caméra qu’il ne quitte pas, et par laquelle il cherche à retrouver le sentiment de peur ultime qui était l’obsession de son père, et qui est devenue la sienne. Jusqu’à faire de sa caméra, ce prolongement de son œil et de son corps, un outil de mort, au sens premier du terme.

Dans sa forme et dans le fond, le film inspirera profondément (autant que le cinéma d’Hitchcock) le Brian De Palma de Blow Out ou Body Double. Michael Powell, avec une image aux couleurs vives et crues, aux antipodes du noir et blanc de Psycho, signe à la fois un modèle de thriller, flippant et émouvant dans le même mouvement, et un grand film quasi conceptuel, où chaque image, chaque association de plans, chaque mouvement de caméra, fait sens, dit quelque chose de la psyché de son héros malade.

Le film dit aussi beaucoup de la force des images, de la capacité qu’a le cinéma de prendre le dessus sur la vie. Le Voyeur n’est pas pour autant un film théorique. Michael Powell y réussit une série de séquences de meurtres particulièrement flippantes, toutes sur un modèle similaire, mais toutes complètement différentes, captant parfaitement l’apparition de la peur dans le regard de ses victimes… et provoquant la nôtre par la même occasion. Grand film.

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