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Archive pour la catégorie 'BLIER Bertrand'

Un, deux, trois, soleil – de Bertrand Blier – 1993

Posté : 4 juillet, 2021 @ 8:00 dans 1990-1999, BLIER Bertrand | Pas de commentaires »

Un deux trois soleil

Dans une banlieue triste et grise, la vie sans horizon d’une jeune fille, entourée par une mère envahissante et un père alcoolique. Elle perd son pucelage dès l’école avec plusieurs loubards dans une carcasse de bagnole, découvre l’amour avec un jeune homme qui perdra la vie dans un cambriolage, grandira pleine de colère et de rancœur, avant de se marier sans amour avec un homme qui ne la fera pas rêver…

Vingt ans après Les Valseuses, la banlieue n’est pas plus sexy pour Blier, mais elle est tout aussi inspirante. D’avantage, même : Blier n’a rien abdiqué de sa liberté, mais a beaucoup gagné en maîtrise de son art. Et après une première partie qui laisse dubitatif, avec une Anouk Grinberg qui surjoue la petite écolière à grand renfort de minauderies prépubères, il se passe une sorte de petit miracle dans ce film.

Le déclic semble impulser par l’apparition d’un Jean-Pierre Marielle extraordinaire en vieil homme avide d’échanger avec ses jeunes cambrioleurs. Après ces premières minutes qui laissaient un sentiment pour le moins mitigé, son apparition le temps d’une unique séquence apporte une vérité qui ne disparaîtra plus. Ses dialogues face caméra donnent alors du corps aux parti-pris audacieux de Blier, à son récit totalement déstructuré où les époques se croisent, où les morts et les vivants se rencontrent, où les souvenirs et les espoirs prennent corps…

La séquence de Marielle est magnifique, avec ces images obscures et ces cadres dans le cadre qui soulignent la solitude du gars. Celle qui suit, avec un Claude Brasseur odieux, est tout aussi forte, dans ce qu’elle donne à voir de cette France évoquée par Blier. Sous les attraits d’une fable folle, c’est une société étouffante qui se dessine, avec des douleurs terribles. Un, deux, trois, soleil est un film qui ressemble à un cri suspendu, à des larmes qui refusent de couler.

Par moments, quand même, les cris retentissent, et les larmes coulent. La mort du père (Marcello Mastroianni, magnifique), les espoirs touchants du mari (Jean-Michel Noirey), la triste résignation d’Anouk Grinberg, surtout, qui laisse partir ses fantômes. Et la musique, signée Khaled, magnifique et bouleversante. Le condensé sensible, poétique et douloureux d’une jeunesse perdue.

Les Acteurs – de Bertrand Blier – 2000

Posté : 31 mars, 2020 @ 8:00 dans 2000-2009, BLIER Bertrand | Pas de commentaires »

Les Acteurs

Les Acteurs pourrait n’exister que pour sa première scène, superbe. Jean-Pierre Marielle (le vrai) y est dans un restaurant et réalise que le serveur ne l’entend pas lorsqu’il demande un pot d’eau chaude. Et c’est toute la truculence et la grandeur de ce type à la voix si forte, qui panique à l’idée de ne plus être entendu. Terrible angoisse, pour un acteur. Et grande interprétation pour Marielle, dont le drame sera le fil rouge de ce film construit sur le principe du fil que l’on tire, sans lien logique entre les scènes.

C’est aussi un hommage un peu vachard à cette drôle de profession que signe Bertrand Blier ici. Ses acteurs, hallucinante distribution qui réunit toute une famille du cinéma français, sont des hommes bourrés de névroses et de défauts, et très égocentrés. Pas de femmes ici, si ce n’est Balasko… dans le rôle d’André Dussollier, Dominique Blanc et Maria Schneider, dans les seuls rôles fictifs. Blier évoque un certain cinéma gouailleur qui semble pour lui exclusivement masculin.

Arditi, Brialy, Brasseur, Lonsdale, Serrault, Villeret, Yanne, Piccoli, Galabru, Frey, Dussollier, Rich… Les grands acteurs se succèdent, dans des saynètes tantôt drôles, tantôt lourdingues, tantôt loufoques, plus ou moins profondes, plus ou moins réussies. L’apparition de Depardieu se résume à sa tête de motard coincée dans un panneau d’affichage après un accident. Ni fin, ni intelligent. Celle de Belmondo laisse perplexe : Blier le filme en idiot souriant qui répète en boucle « j’me suis marré, qu’est-ce que j’me suis marré ».

On retiendra finalement plus la place laissée aux morts : Pierre Brasseur et Bernard Blier, que leurs fils respectifs (Claude et Bertrand) réussissent à joindre par téléphone. Un peu facile, mais plutôt émouvant. Surtout, l’hommage rendu à Gabin et Ventura, dont on ne voit que les chaises vides, jusqu’à l’apparition du dernier des Siciliens, Delon, superbe et magnétique : « Va falloir vous démerder avec ce qu’il reste, les gars ! »

Il est quand même immense, ce Delon-là. Avec lui, qui apparaît dans une nuit de cinéma, c’est toute une tradition du cinéma français qui revit l’espace de quelques secondes : celle de Gabin et Ventura donc, mais aussi celle du Melville du Samouraï. Les Acteurs est un film très inégal, mais après cette courte scène-là, j’ai envie de paraphraser Marielle : « Regardez bien mes yeux, je crois qu’ils sont humides. »

 

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