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Archive pour la catégorie 'par réalisateurs'

Vingt Dieux – de Louise Courvoisier – 2024

Posté : 14 janvier, 2025 @ 8:56 dans 2020-2029, COURVOISIER Louise | Pas de commentaires »

Vingt Dieux

Il y a un charme fou, et une délicatesse mine de rien infinie dans ce premier film enthousiasmant, à l’histoire improbable : un très jeune Jurassien qui se retrouve seul avec sa petite sœur après la mort de leur père, et qui décide de fabriquer le meilleur fromage du coin pour gagner l’argent qui leur permettra de s’en sortir.

C’est plein de charme, parce qu’il y a une vraie candeur dans la manière de filmer ce jeune gars pas encore totalement sorti de l’adolescence, brut de décoffrage, un peu bagarreur, grossier, magouilleur, mais en même temps tellement sincère. Un gamin, confronté à des responsabilités de grands.

Louise Courvoisier, trentenaire qui n’avait que deux courts métrages à son actif, trouve la parfaite distance pour filmer l’humanité de cette forte tête qui refuse de montrer ses sentiments. Flirtant avec la comédie et la tragédie, elle flirte constamment avec ces deux extrêmes, tirant de larges sourires et nouant le ventre dans le même mouvement.

Outre l’authentique délicatesse de sa mise en scène, à ne pas sous-estimer (une cinéaste à suivre, assurément), l’un de ses tours de force est d’avoir dénicher l’interprète de « Totone » : Clément Faveau, débutant de 19 ans dont il est difficile de parler sans tomber dans les clichés. Alors allons y : il crève l’écran, il est bluffant de vérité, il est d’une justesse absolue, il a un sourire qui emporte tout, et un regard tellement profond…

Et en plus, c’est drôle. Vingt Dieux domine de trois têtes la vague actuelle du cinéma « régionaliste ». Il a séduit public et critique, et c’est une sacrément bonne nouvelle, et une belle manière de terminer 2024 (oui, j’ai un peu de retard), chouette année de cinéma.

Grand Tour (id.) – de Miguel Gomes – 2024

Posté : 11 janvier, 2025 @ 8:00 dans 2020-2029, GOMES Miguel | Pas de commentaires »

Grand Tour

Dans la Birmanie de 1918, un fonctionnaire de l’Empire britannique prend subitement la fuite, alors que sa fiancée s’apprête à le rejoindre après des années de séparation. Cette dernière part à sa recherche, et suit sa trace étape par étape, à travers toute l’Asie…

C’est presque une histoire de vaudeville : un homme effrayé par l’engagement d’un mariage, une femme pleine de vie qui lui court après. Mais c’est tout à fait autre chose que filme Miguel Gomes : un double voyage dans des contrées inconnues, qui est tout à la fois une découverte qu’une manière de se perdre, dans tous les sens du terme.

Grand Tour ne ressemble à rien d’autre, et c’est un immense compliment fait à Miguel Gomes, qui ose faire ce que peu d’autres cinéastes ont osé depuis des décennies : réinventer une forme de cinéma, s’inscrivant ainsi dans la lignée des grands formalistes des origines, qui avaient tout à créer. Le résultat est une merveille, qui tient tout à la fois de la grande fresque romanesque que du film expérimental.

Intime et grandiose, narratif et introspectif, linéaire et nébuleux. Une véritable expérience de cinéma que nous offre Gomes, absolument fascinante. C’est l’histoire d’un homme et d’une femme, mais ce sont aussi les rencontres, qui comptent, avec des personnages étonnants, grotesques ou touchants, et avec des paysages, qui prennent souvent le pas sur les êtres.

Les personnages, d’ailleurs, disparaissent parfois durant de longues minutes, laissant place aux villes qu’ils découvrent, à leurs habitants si éloignés d’eux. Le voyage et la découverte deviennent alors les personnages principaux de ce film fascinant et magnifique. Où le fait de ne plus voir les personnages à l’écran nous les rend plus intimes encore.

Le film est coupé en deux parties à peu près égales, qui racontent le même voyage, plongée de plus en plus profonde au cœur d’une culture de plus en plus opaque. D’abord l’homme, Edward (joué par Gonçalo Waddington), qui fuit pour se perdre, comme étranger à lui-même, suivant le premier venu comme si sa vie en dépendait. Ensuite la femme, Molly, débordante de vie et de dynamisme, qui avance parce que c’est ce qu’elle a décidé…

Elle est jouée par Crista Alfaiate, actrice rayonnante dont le visage dans Grand Tour pourrait illustrer le mot « solaire » dans le dictionnaire. Magnifique personnage, qui se perd peu à peu à mesure qu’elle se rapproche de celui qu’elle a décidé d’épouser. Son apparition à mi-film donne littéralement un coup de fouet au spectateur, jusque là happé par l’apathie de son fiancé.

Sous le charme de Crista Alfaiate, sous le charme de ce film merveilleux, sous le charme des images hypnotiques de Miguel Gomes, fer de lance du nouveau cinéma portugais, dont je n’avais pas vu les films précédents. Celui-ci donne une furieuse envie de s’y plonger.

Here – les plus belles années de notre vie (Here) – de Robert Zemeckis – 2024

Posté : 10 janvier, 2025 @ 8:00 dans 2020-2029, ZEMECKIS Robert | Pas de commentaires »

Here

On a envie de les aimer passionnément, les films de Zemeckis. On a envie de les aimer, et d’accompagner ce réalisateur qui, quarante ans après ses premiers succès, a gardé le même enthousiasme, la même envie de relever des défis, ces défis qui semblent bien souvent être la raison d’être de ses films.

Mais il faut bien se faire une raison : derrière la gageure technique de ses films, il manque bien souvent ce petit supplément d’âme qui faisait la différence avec Retour vers le Futur, voire avec Qui veut la peau de Roger Rabbit ?, Forrest Gump et quelques autres. Here ne fait pas exception : d’un parti-pris casse-gueule, Zemeckis tire un film assez passionnant, sans temps mort, mais où l’émotion reste largement à la porte. Hélas.

Le parti-pris, donc, est le même que celui de la bande dessinée dont le film est adapté (par Zemeckis et Eric Roth, son co-scénariste de Forrest Gump). Une caméra fixe dans une maison, où nous assistons aux vies de plusieurs générations successives d’habitants : les arrivées, les départs, les naissances, les morts, les rêves, les engueulades, les regrets… Bref, un procédé original pour filmer le temps qui passe, les générations qui se succèdent, et ce depuis… l’extinction des dinosaures. Zemeckis aurait d’ailleurs pu se passer des quelques minutes d’introduction, qui n’apportent pas grand-chose d’autre que la mention « a filmé des dinosaures » sur le CV du cinéaste.

Pour le reste, le parti-pris de mise-en-scène (aucun mouvement de caméra, donc, et uniquement des plans séquences), aussi restrictif soit-il, est parfaitement tenu par Zemeckis, qui utilise très habilement les cadres dans le cadre pour passer d’une période à une autre dans un constant va-et-vient plein de rythme, qui donne un vrai coup de neuf à la notion même de montage.

Zemeckis reste donc un réalisateur habilement novateur. Mais comme souvent, disais-je, l’émotion n’est pas au rendez-vous, ou si peu. Peut-être est-ce dû, justement, au parti-pris trop réducteur. Ou aux effets spéciaux désormais si courant du de-aging, qui permet de retrouver la jeunesse de Robin Wright et Tom Hanks (autre parenté avec Forrest Gump), mais avec un lissage numérique qui nuit à l’intensité de leur jeu.

Disons que Zemeckis est toujours un réalisateur intéressant. Mais qu’il gagnerait peut-être à délaisser les technologies les plus pointues pour revenir à un cinéma plus bricolo et plus humain. Mais n’est-ce pas une phrase qu’on peut appliquer à l’immense majorité des blockbusters hollywoodiens ?

Soigne ton gauche – de René Clément – 1936

Posté : 29 décembre, 2024 @ 8:00 dans 1930-1939, CLÉMENT René, COURTS MÉTRAGES | Pas de commentaires »

Soigne ton gauche

Passionnant, décidément, le début de carrière de Tati. Ses courts métrages de jeunesse donnent vraiment le sentiment d’assister à la naissance d’un artiste de génie. Celui-ci, signé par un tout jeune René Clément (qui avait été assistant réalisateur sur On demande une brute), peut être vu comme le véritable acte de naissance de Jour de fête, plus de dix ans avant L’École des facteurs.

Le film s’ouvre par une séquence qui annonce très clairement le premier long métrage de Tati : l’arrivée dans un village d’un facteur à vélo, dextérité au guidon et accent marqué compris. L’ambiance du village, à la fois très rural et marqué par un événement hors du commun (une fête locale là, l’entraînement d’un champion de boxe ici) renforcent la parenté des deux films.

Et c’est franchement fascinant de voir à quel point Tati va se nourrir des motifs de ce court film, comme il le nourrit de son expérience sur On demande une brute, qu’il avait déjà écrit : les scènes de boxe sont également importantes dans les deux films, avec même le même gag, lorsque Tati, sur le ring, se met à courir en rond avant de se heurter sur le bras tendu de son adversaire.

Difficile d’affirmer l’importance qu’a eu Clément sur le tournage de ce court film, qui porte très clairement la signature de Jacques Tati. Soigne ton gauche est une étape importante, et assez géniale, dans la naissance d’un grand homme de cinéma, dont le parcours va être nettement ralenti par la guerre. La suite dans dix ans, donc…

Gai dimanche – de Jacques Berr (et Jacques Tati) – 1935

Posté : 28 décembre, 2024 @ 8:00 dans 1930-1939, BERR Jacques, COURTS MÉTRAGES, TATI Jacques | Pas de commentaires »

Gai dimanche

Gai dimanche est un petit film passionnant, dans ce qu’il montre d’un grand artiste en pleine construction. Jacques Tati en l’occurrence, alors artiste de music-hall, qui écrit et interprète ce court métrage, partageant l’affiche comme il l’avait fait dans le précédent (On demande une brute) avec Rhum « de Medrano », clown auguste célèbre de l’époque.

Passionnant à plus d’un titre. D’abord, il montre bien ce qu’aurait pu être la carrière de Tati, qui forme ici un duo comique assez équilibré avec Rhum. Il est, pour être honnête, très en retrait par rapport à son comparse, se contentant la plupart du temps d’un rôle de faire-valoir, ne s’imposant vraiment que dans de rares moments, et quasiment toujours en contrepoint de Rhum.

D’un autre côté, Gai dimanche, dont Tati signe donc le scénario, annonce clairement la direction qu’il prendra rapidement, avec un sens affirmé d’un burlesque basé sur son propre corps, et sur une bande sonore pleine d’effets comiques à contretemps. Ce qui manquait, au fond, au précédent court métrage.

Tati, scénariste et acteur, affirme plus encore sa filiation avec Chaplin. Rhum et lui apparaissent ainsi en vagabonds que l’on découvre au début du film mis à la porte d’une entrée de métro où ils ont passé la nuit. L’ombre de Charlot n’est décidément jamais loin, dans ce début de carrière…

On demande une brute – de Charles Barrois – 1934

Posté : 27 décembre, 2024 @ 8:00 dans 1930-1939, BARROIS Charles, COURTS MÉTRAGES | Pas de commentaires »

On demande une brute

Si on doutait encore de l’importance que le cinéma de Chaplin a eu sur celui de Jacques Tati, il suffit de voir ce court métrage pour s’en convaincre. Tati ne le réalise pas, mais il en signe le scénario et interprète le rôle principal, très inspiré par l’épisode « combat de boxe » des Lumières de la ville, sorti peu avant.

Tati, donc, tout jeune homme, pas encore monsieur Hulot, mais déjà grand échalas qui semble ne pas savoir quoi faire de son corps, comédien effacé qu’un quiproquos entraîne sur le ring pour un combat de pancrace face à un terrible adversaire qui fait fuir les plus durs des lutteurs.

Tati joue de ce grand corps dégingandé comme Chaplin joue de son physique menu, avec des ressors comiques très semblables : l’opposition entre le frêle et la brute, le gaffeur qui tente discrètement de rattraper ses bêtises en ne faisant qu’empirer la situation (la scène du poisson rouge, la plus inventive).

Finalement, ce qui fait le plus défaut au métrage, par rapport aux films de Chaplin de cette période, c’est paradoxalement ce qui fera la grande force des chefs d’œuvre à venir de Tati : le jeu sur le son, sur les bruitages, que le réalisateur Charles Barrois n’utilise pas.

Au fond, ça n’a pas grande importance : On recherche une brute vaut surtout pour son aspect historique, puisque c’est le tout premier film de la carrière de Tati qui nous soit parvenu, le premier court dans lequel il était apparu ayant disparu. Rien que pour ça, voilà une bonne porte d’entrée pour découvrir le cinéma du futur monsieur Hulot.

Carry-on (id.) – de Jaume Collet-Serra – 2024

Posté : 26 décembre, 2024 @ 8:00 dans 2020-2029, ACTION US (1980-…), COLLET-SERRA Jaume | Pas de commentaires »

Carry-on

Ne comptez pas sur moi pour être original ! Après tout, est-ce que Carry-on l’est, hmmm ? Tout le monde compare le grand succès Netflix de la fin d’année à la saga Die Hard ? Eh bien je vais m’empresser de faire la même chose. D’ailleurs, il me semble à peu près certain que le scénariste a pensé très fort à 58 minutes pour vivre en écrivant l’histoire d’un homme seul affrontant une menace terroriste dans un aéroport bondé la veille de Noël.

Premier constat : Taron Egerton n’est pas Bruce Willis. Et on pourrait presque s’arrêter là, tant la comparaison est cruelle, et vient renforcer un sentiment déjà tenace depuis un moment : le film d’action made in 2020s n’a pas d’âme. On trouvera toujours des contre-exemples, mais pas ici, pas dans cet aéroport, où la fadeur de l’acteur produit l’effet exactement inverse au charisme de dingue du Bruce d’il y a trente ans.

Deuxième constat : Jaume Collet-Serra n’est pas John McTiernan. Et on pourrait presque s’arrêter là, tant la comparaison est cruelle, et vient renforcer un sentiment déjà tenace depuis un moment : le film d’action made in 2020s n’a pas d’âme… Comment ? Je l’ai déjà dit ?… Eh bien c’est que j’ai de la constance.

Ce n’est pas qu’on s’ennuie franchement : c’est rythmé, et il se passe plein de choses, avec un énorme enjeu dramatique. Et, surtout, un dilemme assez malin auquel est confronté le héros, agent de sécurité qui doit choisir entre deux options inacceptables : laisser passer une valise contenant un agent chimique très très mortel qui va coûter la vie à 200 personnes, ou laisser sa fiancée se faire abattre. Bon… je mettrais bien un billet sur une troisième option.

On ne s’ennuie pas franchement donc, mais entre un acteur transparent (qui n’est d’ailleurs pas le pire, Sophia Carson, dans le rôle de sa fiancée, se révèle une actrice assez désespérante) et un réalisateur efficace mais sans la moindre aspérité, difficile de se sentir impliqué outre-mesure. Seule bonne surprise finalement : le méchant incarné sans grands effets par Jason Bateman, plutôt à contre-courant des méchants habituels. Ça ne suffit pas faire de Carry-on un monument du genre, mais ça suffit pour assurer l’intérêt.

Fantômas – d’André Hunnebelle – 1964

Posté : 25 décembre, 2024 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1960-1969, HUNNEBELLE André | Pas de commentaires »

Fantômas

Envie d’un classique en cette période de fêtes ? Quoi de mieux qu’un bon vieux Fantômas… Oui, hein : quoi de mieux ? A vrai dire, beaucoup de choses. Beaucoup, beaucoup de choses. Parce que le sourire poli de mon fiston ne laisse guère de place aux doutes : il a pris un méchant coup de vieux, le premier opus de la version Jean Marais / Louis de Funès / André Hunnebelle.

Côté mystère, c’est à peu près le degré zéro du cinéma. Loin, très loin des versions précédentes, celles en particulier de Louis Feuillade et de Paul Féjos. Mais ça, disons que c’est assumé par un scénario et une mise en scène ouvertement tournés vers l’humour et l’aventure. Un pur divertissement conçu avant tout autour de sa star, Jean Marais.

Avant que Belmondo ne le supplante, Jean Marais était alors le grand homme d’action du cinéma français, transformé en héros bondissant par André Hunnebelle dans une série de films de cape et d’épée qui ont connu un énorme succès… et qu’on a bien du mal à revoir aujourd’hui. Mais côté action et aventures justement, Hunnebelle est un cinéaste bien poussif, que De Broca viendra totalement ringardiser dès cette époque.

Revoir ce premier Fantômas aujourd’hui est d’autant plus rude, que de nombreuses cascades et scènes d’action annoncent curieusement celles des Mission Impossible : courses poursuites sur un train, à moto, accroché à un hélicoptère… La comparaison, évidemment, n’est guère flatteuse pour ce Fantômas, malgré une générosité dans l’action qu’il faut souligner, jusqu’à une poursuite finale qui n’en finit pas de rebondir, semblant ne jamais devoir s’arrêter jusqu’à un final joyeusement grotesque, pour le coup assez réjouissant.

D’ailleurs, Hunnebelle n’a pas dû tarder à constater que ce qui fonctionnait le mieux dans son film, ce n’était ni le mystère, ni l’action, ni Jean Marais (franchement pas terrible d’ailleurs), mais Louis De Funès. Pas encore super star (il le devient cette année 1964, avec également Le Corniaud et Le Gendarme de Saint-Tropez), il s’impose comme un immense voleur de scène. Même en roue libre comme dans ce film où il semble ne pas être dirigé, il est le principal centre d’intérêt. Les scènes où il ne figure pas sont bien ternes…

Dernier caprice / L’Automne de la famille Kohayagawa (Kohayagawa-ke no aki) – de Yajujiro Ozu – 1961

Posté : 23 décembre, 2024 @ 8:00 dans 1960-1969, OZU Yasujiro | Pas de commentaires »

Dernier caprice

L’ombre de la mort plane sur l’avant-dernier film d’Ozu. Pas de manière morbide, non, ce n’est pas le genre de la maison. Mais il y a dans ce film une conscience de la fragilité de la vie, étonnante chez un cinéaste qui ne savait pas encore que ces jours étaient comptés, et qui n’était pas si vieux. Le temps qui passe est un thème récurrent chez Ozu, mais le personnage du patriarche ne ressemble pas aux autres : cet homme débordant de vie, espiègle et vaguement régressif, mais en même temps si fragile, comme un symbole d’une vie qui tient à pas grand-chose.

Au fond, Ozu raconte ce qu’il a souvent raconté, avec son style inimitable, ces longs plans de décors nus, sa caméra au sol, ces motifs récurrents, cette modernité qui s’impose régulièrement, tranchant avec la tradition calme et rassurante, avec ses grands spots de lumière… Il filme un moment de transition, les dernières heures de quelque chose : à la fois le Japon de sa jeunesse, et une certaine période de cette famille, avec les incertitudes et les interrogations qui vont avec.

Et, surtout, avec un mélange de conscience absolue et d’amertume, qui fait de Dernier caprice (le titre, déjà…) un film à part dans cette dernière partie de l’œuvre d’Ozu. Les personnages semblent mus par la tentation de se raccrocher à un passé disparu, ou sur le point de disparaître. Le patriarche qui renoue avec un amour d’autrefois, la fille aînée qui hésite à se remarier (Setsuko Hara), la cadette rêvant d’un mariage d’amour…

Et beaucoup de personnages qui gravitent autour d’eux, avec des liens familiaux parfois difficiles à suivre, ce dont s’amuse d’ailleurs un personnage, soulignant la complexité des liens qui unissent les membres de cette famille. Comme pour dire : qu’importe, finalement, la famille qui nous entoure ne répond à aucune règle strictement rigide.

Ozu filme un moment en suspens, où l’alcool semble là pour repousser l’échéance… ou retenir les illusions. Mais le grand Chishu Ryu apparaît, tardivement et brièvement, en paysan guettant la fumée sortant d’un crématorium, comme l’alter ego d’Ozu qu’il a toujours été, témoin conscient que la vie passe, que la jeunesse remplace la vieillesse. Toujours. Qu’il y a un temps pour tout. Même si c’est difficile à accepter, comme le soulignent ces derniers mots simples et amers : « Déjà la fin. »

L’Atlantide (Antinea, l’amante della città sepolta) – d’Edgar G. Ulmer (et Giuseppe Masini, et Frank Borzage) – 1961

Posté : 22 décembre, 2024 @ 8:00 dans 1960-1969, BORZAGE Frank, MASINI Giuseppe, ULMER Edgar G. | Pas de commentaires »

L'Atlantide 1961

Frank Borzage est tombé malade quelques jours seulement après le début du tournage, remplacé par le pas manchot Edgar G. Ulmer (seul crédité au générique) et par l’inconnu de mes services Giuseppe Masini. Et je ne sais pas trop ce qu’il faut en penser : regretter qu’il n’y ait pas derrière la caméra un cinéaste à l’univers aussi fortement romanesque que Borzage, ou se réjouir que son immense carrière ne se termine pas officiellement par ce film d’aventure que j’aurais sans doute trouvé trépidant à 11 ans, devant la télé familiale ?

Ne refaisons pas l’histoire… Cette énième adaptation du roman de Pierre Benoît (après celle de Feyder et celle de Pabst quand même, comment rivaliser…), modernisée et mise au goût du jour atomique de ce début des années 1960, est un film d’aventure comme on en tournait alors des dizaines, une espèce de grosse production fauchée pas si mal fichue, mais au scénario vraiment impossible.

Un exemple de dialogue, juste pour le plaisir. « Je ne veux pas mourir », lance une jeune femme avec beaucoup d’esprit. « Ce serait une injustice… tu es trop jolie », rétorque le jeune premier dont elle est tombée amoureuse. Autrement dit : si tu avais été moche ma grande, tu n’aurais qu’à prendre sur toi et te laisser mourir bien gentiment. Et sachant que l’élégant jeune homme qui lance cette réplique s’appelle Jean-Louis Trintignant, voilà une bonne raison de voir le film. Au second degré.

L’histoire, on la connaît : des Européens perdus dans le désert se retrouvent par hasard dans la cité perdue mythique de l’Atlantide, faux paradis et vraie dictature dont ils réalisent bientôt qu’ils sont prisonniers. Seule nouveauté : l’explosion imminente d’une bombe atomique, ce coin paumé du désert ayant été choisir pour un essai qui promet d’éradiquer pour de bon cette cité disparue.

Pas si mal fichue, donc, parce qu’on ne s’ennuie pas vraiment : le rythme est impeccable, et la séquence de la tempête est même franchement tendue, et très joliment éclairée (par Enzo Serafin, chef op de Rossellini pour Voyage à Rome ou d’Antonioni pour Chronique d’un amour), baignée d’un bleu profond et dramatique.

Mais que le scénario est poussif, bourré de détails très cons. Un exemple, encore : pour sauver un homme en train de se noyer dans 10 centimètres d’eau cinq mètres plus bas, Trintignant, courageux, demande à son pote de le suspendre en le tenant par les chevilles. Si. La mise en scène, visiblement très partagée entre les trois réalisateurs qui se sont succédé, ne sauve pas toujours la situation. On parle de ce plan cadrant un tout jeune Gian Maria Volonte à travers les jambes de son adversaire ?

Reste le plaisir de découvrir une authentique curiosité, dont Trintignant n’a pas dû beaucoup se vanter dans les décennies qui ont suivi. Et d’ajouter une pierre, certes mineure, à la découverte des filmographies de Borzage (qui avance) et d’Ulmer (qui piétine).

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