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Archive pour la catégorie 'par réalisateurs'

Cléo de 5 à 7 – d’Agnès Varda – 1962

Posté : 16 novembre, 2025 @ 8:00 dans 1960-1969, VARDA Agnès | Pas de commentaires »

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Le film est commencé depuis une bonne demi-heure, et on est déjà sous le charme de Cléo, cette jeune vedette de la chanson angoissée par l’idée d’être gravement malade, qui va dans Paris à la rencontre d’amis qui sauront la rassurer, ou faire taire cette angoisse. Le film est commencé depuis une bonne demi-heure, donc, quand arrive le moment qui le fait rentrer dans l’histoire du cinéma.

Dans une séquence de joyeuses répétitions avec le compositeur Michel Legrand (lui-même), Cloé entonne une chanson plus grave, sur un amour perdu, « Sans toi ». Dès les premières notes, quelque chose se produit, qui ne relève que de la pure magie du cinéma (et de la musique en l’occurrence) : une émotion étreint le spectateur, avant même la première parole…

Et puis le regard de Corinne Marchand se tourne vers la caméra, le décor disparaît, et il ne reste que ce visage si pur, la musique, et cette voix qui vous serre le cœur et vous fait monter les larmes aux yeux, sans que l’on sache vraiment expliquer pourquoi : la force pure du cinéma. Cette scène est d’une beauté et d’une puissance inégalables. Et tant qu’on est dans les superlatifs : elle peut sans problème prétendre au titre de la plus belle scène chantée ever…

Cette séquence est belle à plus d’un titre. Pour l’émotion pure qu’elle procure, d’abord. Et aussi parce qu’Agnès Varda y synthétise en quelques instants tout ce qu’est son personnage. Mieux encore : elle réussit à glisser le spectateur dans les tourments les plus profonds de son personnage. Et ça, c’est aussi rare que bouleversant.

Cléo de 5 à 7 est un chef d’œuvre, et pas seulement pour cette séquence si belle et si importante. Varda y affirme son style, cette liberté de ton et de style qui a tant inspiré les grands noms de la Nouvelle Vague, mais une liberté qu’elle s’offre avec, mine de rien, beaucoup de sophistication. Un plan illustre bien cette dualité : la caméra suit les échanges de personnages en voitures, dans les rues de Paris, et passe subrepticement de l’arrière à l’avant du véhicule, par l’extérieur. Un plan qui semble tourné « à l’arrache », mais qui nécessite forcément un dispositif savant de mise en scène.

Cléo de 5 à 7 séduit à ce point parce que le film donne le sentiment d’être improvisé, ce qu’il n’est évidemment pas. Mais cette liberté apparente place le spectateur dans une position rare : au côté du personnage, dans une promenade parisienne comme on n’en a rarement vues au cinéma. Parsemée en tout cas de moments de pure magie. C’est d’ailleurs sur l’un de ces moments en apesanteur que le film se referme, sur ce regard final empli de toutes les émotions du monde. Sublime, tout simplement.

Nouvelle Vague – de Richard Linklater – 2025

Posté : 15 novembre, 2025 @ 8:00 dans 2020-2029, LINKLATER Richard | Pas de commentaires »

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D’où vient donc que ce film dégage un tel charme, et procure un tel plaisir de cinéma ? Il a pourtant tout de la fausse bonne idée : raconter les coulisses du tournage du film qui a changé pour de bon la face du cinéma, en reconstituant le plus fidèlement possible les conditions du tournage, et les scènes que l’on connaît par cœur en train de se faire, avec des acteurs choisis au moins en grande partie pour leur ressemblance physique avec les personnages bien réels qu’ils interprètent.

Donc : le réalisateur Jean-Luc Godard, les acteurs Jean Seberg et Jean-Paul Belmondo, le grand ami François Truffaut, le producteur Georges de Beauregard, le caméraman Raoul Coutard, l’assistant Pierre Rissient, et beaucoup d’autres, plus ou moins importants, mais tous reconnaissables. Puisqu’il s’agit, bien sûr, du tournage d’A bout de souffle. Première bonne surprise : les acteurs sont pour la plupart formidables (même si Aubry Dullin souffre par absence du charisme de Belmondo), spécialement Guillaume Marbek en jeune Godard, obstiné, secret et mutin.

Tout de la fausse bonne idée, disais-je. Tout en tout cas pour n’être qu’une petite chose charmante mais très anecdotique, surtout que Richard Linklater (un Américain pour filmer ce tournant du cinéma français, pourquoi pas) fait le choix de l’extrême simplicité : ni stylisation à outrance, ni liberté extrême à la A bout de souffle, juste un cinéma direct et simple, sans esbroufe. Mais cette simplicité est, peut-être, la plus belle idée du film.

Parce qu’elle donne au spectateur le sentiment d’assister réellement à ce moment historique. Mais sans dramatisation, en se défaisant de la conscience de son importance, qui aurait alourdi le ton. Finalement, c’est ce que préfère Linklater qu’il filme ici : une tranche de vie, fondatrice avant tout pour ceux qui la vivent, mais vécue avec ce qui ressemble fort à l’insouciance de la jeunesse. C’est avec cette simplicité et cette légèreté que le réalisateur capte le mieux l’esprit de ce que fut la Nouvelle Vague, et la jeunesse de ceux qui la firent.

Alors oui, Nouvelle Vague est un film absolument irrésistible. Sans doute avant tout pour les amoureux du cinéma : ceux qui ne connaissent ni le film de Godard, ni les grands noms de la Nouvelle Vague risquent fort d’être perdus par tous les noms que l’on croise. Et sans doute de se désintéresser de la chose. Mais Linklater réussit quelque chose de très beau et d’assez rare, en tout cas aux antipodes de la mode qui n’en finit plus des biopics sans idée forte.

Nouvelle Vague, c’est un vrai cadeau offert aux cinéphiles, une invitation inattendue sur le « plateau » sauvage de 1959. Le voyage temporel est bluffant, la vie qui s’en dégage enthousiasmante, comme un hors du temps marqué dans ces dernières minutes par le destin de ceux qui l’ont vécu : tragique pour une Jean Seberg dont l’aventure du film se termine abruptement, galvanisant pour Godard ou Belmondo, qui prolongent eux cette aventure avec une liberté décuplée, qui semble sans fin. Sous le charme, oui, et même submergé par cette vague.

Le Monde ne suffit pas (The World is not enough) – de Michael Apted – 1999

Posté : 14 novembre, 2025 @ 8:00 dans * Espionnage, 1990-1999, ACTION US (1980-…), APTED Michael, James Bond | Pas de commentaires »

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Dernier Bond du deuxième millénaire, le troisième et avant-dernier pour Pierce Brosnan, particulièrement à l’aise dans ce costume qui semble avoir été taillé pour lui. Brosnan n’est clairement pas le plus surprenant des interprètes de 007, mais il faut lui reconnaître une certaine classe, aussi bien qu’une vraie gourmandise pour ce personnage.

On le sent particulièrement dans Le Monde ne suffit pas, où Brosnan, tout en livrant ce qu’on attend de lui (sourire séducteur et bons mots), instille ces quelques touches de noirceurs auxquelles il aspirait. Bond est un séducteur ? Oui, mais pour lequel les femmes ne sont au fond que des objets destinés à assouvir ses pulsions dominatrices, d’où ces allusions constantes (et un peu lourdingues) au sexe, dans à peu près tous les dialogues du film.

Bond est surtout un tueur, dont Brosnan se plaît à souligner le caractère dangereux. Ce que Daniel Craig fera d’une manière nettement plus radicale bien sûr (et ce que Sean Connery faisait d’une manière bien plus naturelle), mais ce Bond-là, le 19e de la série officielle, a au moins le mérite de ne pas trop se prendre au sérieux, et de se moquer gentiment de la vraisemblance, sans pour autant tomber dans des excès qui ont pesé sur certains opus précédents (et sur le suivant).

Côté intrigue, c’est à peu près la routine : une crise mondiale à éviter (liée au pétrole cette fois, avec une conscience écologique… inexistante : autre millénaire, autre monde), un super méchant vraiment chelou (celui-ci, joué par Robert Carlisle, a une balle dans la tête qui le prive de toute sensation, jusqu’à ne plus éprouver la douleur physique), des cascades très inventives et très percutantes sur des motifs éprouvés (poursuite en bateau, poursuite à ski, poursuite en voiture), et des Bond girls bien sûr.

A commencer par notre Sophie Marceau nationale, au sommet de sa carrière internationale, et très bien dans un rôle nettement plus complexe que le commun des Bond girls, dont elle se sort avec beaucoup de panache… une ligne plutôt très classe sur son CV. Très relativement classe aussi pour celui de Denise Richards, actrice nettement plus limitée au parcours nettement moins enthousiasmant, qui incarne avec beaucoup de… euh… poitrine, une physicienne nucléaire, avec un jeu mono-expressif qui laisse pantois. Autant Sophie Marceau renouvelle un peu le statut de Bond girl, autant Denise Richards tire le côté « potiche » vers une sorte d’absolu…

Ce n’est d’ailleurs pas le seul grand écart de ce Bond, signé Michael Apted, qui enchaîne tous les poncifs de la saga avec une grande application, tout en apportant un petit quelque chose de très nouveau. C’est le cas des scènes de laboratoire, aux gags éculés, mais tournées vers l’avenir (les adieux de Desmond Llewelyn, l’arrivée de John Cleese), et surtout des décors… Comme tout James Bond, celui-ci voit du pays. Mais l’exotisme romantique de rigueur a du plomb dans l’air, avec des paysages ravagés par les forages, les pipe-lines ou les usines… On n’ira pas jusqu’à affirmer que le film dénonce les effets d’un capitalisme mondialisé, mais il y a quand même quelques signes qui montrent une conscience. C’est déjà énorme.

Les Fiancés du pont Mac Donald ou (Méfiez-vous des lunettes noires) – d’Agnès Varda – 1961

Posté : 13 novembre, 2025 @ 8:00 dans 1960-1969, COURTS MÉTRAGES, FILMS MUETS, VARDA Agnès | Pas de commentaires »

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Agnès Varda raconte la genèse de ce court métrage muet, hommage aux burlesques d’Harold Lloyd ou Buster Keaton : alors qu’elle préparait Cléo de 5 à 7, elle a eu peur d’ennuyer les spectateurs, et a eu l’idée d’y insérer des extraits d’une comédie vive et loufoque, qui relancerait l’intérêt si besoin était. C’est ainsi qu’elle a rassemblé quelques-uns de ses amis de cinéma, pour une journée de tournage du côté de ce qu’était alors la Villette…

Et quels amis : en cinq minutes seulement, le couple d’amoureux joué par Anna Karina et Jean-Luc Godard (eh oui) croise Eddy Constantine, Danièle Delorme, Jean-Claude Brialy, Sami Frey, Georges de Beauregard ou Yves Robert… Impressionnant, pour une bluette très joliment naïve, pétillante et solaire, menée au rythme des improvisations musicales de Michel Legrand. Oui, c’est une affiche assez folle.

Cette petite chose dont une grande partie figure dans Cléo de 5 à 7 est un film formidablement attachant, l’une des rares occasions de voir… les yeux de Godard. Varda racontait encore que l’histoire du film était née de son envie de débarrasser le réalisateur d’A bout de souffle de ses éternelles lunettes noires, sujet de gag dans Les Fiancés…. Une curiosité totalement à part dans la filmographie d’Agnès Varda, et absolument indispensable.

Du côté de la côte – d’Agnès Varda – 1958

Posté : 12 novembre, 2025 @ 8:00 dans 1950-1959, COURTS MÉTRAGES, DOCUMENTAIRE, VARDA Agnès | Pas de commentaires »

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Agnès Varda continue ses déambulations touristiques. Après les châteaux de la Loire, c’est la côte d’Azur dont la jeune cinéaste vante les beautés dans ce « documentaire » qui, sur le papier, peut sembler assez conventionnel : de Cannes à Menton, de Nices à Saint-Tropez, Varda filme les différents attraits de ces cités balnéaires, côté touristes.

De film en film, le ton Varda s’affirme de plus en plus, et ce qu’elle réussit avec Du côté de la côte est très fort. Sans jamais se départir de l’aspect « promotion touristique » de son film, elle y instille une légèreté, un rythme et une très grande liberté de ton, et une ironie mordante et irrésistible, à peu près dès ses premières images de touristes, qu’elle présente entassés sur un petit morceau de plage, sans aucun espace pour se retourner.

Mais elle le fait avec une vraie tendresse, voire avec la candeur de celle qui ne juge pas mais s’amuse de ce qu’elle filme. Toujours du côté des gens, mais aussi toujours le regard vif et honnête. Son film est un modèle de rythme, Varda utilisant merveilleusement la musique de Delerue, le montage, les plans de nature et les images de touristes dans leurs activités de touristes.

Au final, on se demande un peu comment elle a pu réussir ce tour de force : réaliser un film aussi plein d’ironie, tout en saisissant les beautés de ce bien joli coin de France… réunir dans un même élan l’effervescence touristique de plages bondées, et la douceur de vivre d’une nature préservée.

L’Opéra-mouffe – d’Agnès Varda – 1958

Posté : 11 novembre, 2025 @ 8:00 dans 1950-1959, COURTS MÉTRAGES, DOCUMENTAIRE, VARDA Agnès | Pas de commentaires »

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Changement de décor pour Agnès Varda qui, après un quartier de Sète et les châteaux de la Loire, filme pour la première fois Paris. Le quartier de la rue Mouffetard, pour être précis, où elle trimballe sa caméra en plein hiver, alors qu’elle est enceinte. Ce qui a son importance, puisque le film s’ouvre par la vision d’une femme enceinte… Le signe, sans doute, que sa grossesse influe sur ses états d’âmes.

Le film, d’ailleurs, sans autre fil conducteur que les hasards des rencontres dans la rue (malgré une construction en « chapitres ») et les ébats d’un couple très amoureux (Dorothée Blanck et Antoine Bourseiller), ressemble à un ascenseur émotionnel. Sur une musique de Georges Delerue, et des chansons écrites par Varda elle-même, le ton est plutôt badin au début, lorsque la caméra capte dans la rue les visages de passants anonymes aux visages souvent impossibles.

Il y a même beaucoup d’humour et d’ironie dans cette manière de filmer les bavardages incessants (muets, le son étant entièrement off) d’une femme entre deux âges que l’on écoute sans pouvoir la couper. Mais la légèreté n’est qu’apparence, et peut être contredite en quelques secondes, lorsque la caméra se fait compatissante avec la torpeur des SDF ou la fatigue d’une ménagère revenant de courses avec un parpaing dans son panier…

Entre images saisies dans la rue et mise en scène, Varda met en images les émotions changeantes d’une femme sur le point de devenir mère : son ironie, son empathie, ses angoisses. C’est vivant et libre, et visuellement totalement fascinant.

Ô saisons, ô châteaux – d’Agnès Varda – 1957

Posté : 10 novembre, 2025 @ 8:00 dans 1950-1959, COURTS MÉTRAGES, DOCUMENTAIRE, VARDA Agnès | Pas de commentaires »

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Avec La Pointe courte, Agnès Varda nous avait fait découvrir d’une manière extraordinairement vivante un quartier de Sète. C’est sans doute ça qui lui a valu de se voir confier la réalisation de cette balade touristique et poétique à travers les châteaux de la Loire, construite comme un vagabondage d’un site à l’autre, dans l’ordre chronologique de construction.

Ce pourrait être rébarbatif et empesé, particulièrement pour un cinéphile que ces châteaux de pierre laissent de marbre (c’est un jeu de mots). Mais Varda a cette capacité a transformé un film de commande a priori guère palpitant en une œuvre libre et vivante, pleine de fantaisie, et historiquement pertinente.

C’est qu’on apprend plein de choses sur l’histoire et l’architecture de ces châteaux, sur les événements historiques qui s’y sont produits et sur leurs secrets de fabrication. Mais cette leçon de choses se fait au rythme doux et vaguement badin de la voix de Danièle Delorme, qu’entrecoupent des extraits de poèmes anciens dits par Antoine Bourseiller.

Et plutôt que la reconstitution historique, Varda choisit le contraste des époques pour illustrer la vie dans les châteaux, mettant en scène des mannequins parisiens bien d’aujourd’hui sur les terrasses, ou filmant les gardiens dans leur décor, captant au passage quelques remarques anecdotiques ou contemplatives des jardiniers. Une leçon pour tous les offices de tourisme du monde…

L’Etranger – de François Ozon – 2025

Posté : 9 novembre, 2025 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 2020-2029, OZON François | Pas de commentaires »

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C’est plutôt courageux, de s’attaquer à l’un des romans français les plus universellement connus. Un roman qu’à peu près tout le monde a lu (en ce qui me concerne, avec un intérêt poli à l’adolescence, et comme une révélation il y a à peu près un an), mais dont l’adaptation semblait compliquée : Visconti lui-même s’y est cassé les dents, après tout.

C’est d’ailleurs la toute première adaptation française me semble-t-il. Et Ozon a suffisamment de bouteille, et suffisamment de confiance aussi, pour relever avec intelligence les principaux écueils. En premier lieu : comment donner une forme au récit interne d’un homme comme Meursault, à ce point dénué d’émotion, traversant les drames et la vie avec la même indifférence apparente.

La meilleure réponse : c’est le choix de l’acteur. Visconti lui-même l’a reconnu : avoir choisi Mastroianni avait été une erreur, Delon et sa froideur auraient été nettement plus dans son élément. Delon étant mort, et trop vieux depuis quelques décennies pour le rôle, c’est une sorte de double fascinant que choisi Ozon : Benjamin Voisin, qu’il a révélé dans Eté 85, et qui traverse L’Etranger comme une apparition sur laquelle tout le monde extérieur semble glisser.

Pour reconstituer l’Algérie française, Ozon a tourné au Maroc (la géopolitique a ses contraintes), mais l’illusion est assez parfaite, notamment dans la séquence introductive, qui tourne le dos à une autre problématique (que faire de « Aujourd’hui, maman est morte… »?) pour un tout autre choix, qui renvoie à un autre Français « perdu » dans les colonies : Pépé le Moko, impression renforcée par le choix du noir et blanc.

Fort joli noir et blanc d’ailleurs, presque complètement dénué d’ombre, habile procédé pour souligne le poids du soleil et de la chaleur, qui est finalement le plus grand défi de cette adaptation. Le résultat est, au fond, plus froid et clinique que le livre d’Albert Camus, dont Ozon ne retrouve pas totalement le trouble et l’émotion.

Mais cette adaptation impossible se révèle assez passionnante, portée par des seconds rôles réjouissants (Rebecca Marder, Pierre Lottin ou Denis Lavant). Politique aussi : comme Kamel Daoud dans son Meursault, contre-enquête, Ozon réhabilite la place de « l’Arabe » dans les scènes de procès, à travers le joli personnage de la sœur, et dans un dernier plan qui fait définitivement le pont entre les romans de Camus et de Daoud.

La Pointe courte – d’Agnès Varda – 1954

Posté : 8 novembre, 2025 @ 8:00 dans 1950-1959, VARDA Agnès | Pas de commentaires »

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Agnès Varda, 25 ans seulement, délaisse son appareil photo et signe son premier long métrage. Et c’est un regard singulier qu’elle dévoile d’emblée, dans ce film entièrement tourné en décors naturels dans cette fameuse Pointe courte, quartier de pêcheur de Sète où tout semble n’être qu’entremêlements et enchevêtrements : de cabanes en bois, de filets de pêche, de sentiments, et même d’histoires.

Varda entremêle en effet deux récits. D’un côté, les déambulations et dialogues d’un jeune couple : lui enfant du pays revenu pour quelques jours de vacances ; elle, Parisienne venue lui annoncer leur séparation, mais pleine de doutes. Lui, c’est Philippe Noiret dans son tout premier film, également. Elle, c’est Silvia Monfort, actrice intense et fascinante qui évoque la blondeur faussement glaciale des héroïnes de Bergman.

La référence n’est pas anodine : dans sa manière de filmer ce couple dans ses errances, Varda fait souvent penser au cinéma du maître suédois, notamment dans ces plans où les visages des deux personnages se superposent, l’un de face l’autre de profil. Des plans que l’on retrouvera régulièrement dans les films que Bergman tournera plusieurs années plus tard, Persona et Le Silence notamment, signe que celui qui s’est inspiré de l’autre n’est peut-être pas celui qu’on croit.

En revanche, Varda a sans doute vu les films d’Ozu : son influence est frappante dans ses plans de terrains vagues et de grandes étendues dont l’horizon est barrée par des zones industrielles, et par les passages de trains. Deux références qui quoi qu’il en soit ont plutôt de l’allure.

L’autre histoire, c’est celle des pêcheurs eux-mêmes, véritable cœur vivant de ce quartier comme coupé du reste du monde, qui voient d’un œil suspicieux l’arrivée d’étrangers, particulièrement lorsqu’il s’agit de garde-pêche décidés à régulariser leurs pratiques et à punir les contrevenants.

Le suspense qui pointe le bout de son nez dans la scène admirable de l’arrivée des gardes par la mer fait long feu. Ce qui intéresse Varda dans cette partie « naturaliste », c’est le quotidien, les habitudes, les petits gestes et surtout leur absence, ce refus de la fatigue que trimballent ces hommes et ces femmes cultivant une belle forme de nonchalance sous le soleil.

Il y a une vérité incroyable dans ces images, malgré la gaucherie d’acteurs non professionnels (d’authentiques pêcheurs du quartier) : le mouvement de la caméra, celui des acteurs, celui du vent aussi, que Varda filme dans les draps qui volent, et que les femmes décrochent avec attention.

Entre ces deux parties, ce premier film attachant trouve un équilibre beau et fascinant. Un film de jeunesse, assurément, mais aussi un jalon incontournable dans le parcours d’Agnès Varda, et un film qui semble tisser des liens entre des cinémas du monde entier, et de toutes les époques : du muet (on pense aussi au Jean Epstein de Finis Terrae) à la Nouvelle Vague qui n’existait pas encore.

LIVRE : La Fille peinte – d’Edmond T. Gréville – 1962

Posté : 7 novembre, 2025 @ 8:00 dans GREVILLE Edmond T., LIVRES | Pas de commentaires »

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Ce blog étant dédié au cinéma, et non à la littérature (j’aimerais bien, mais j’ai un métier, une famille, et les journées ne font que 24 heures), c’est le tout premier roman qui a droit à sa chronique ici. Et cette chronique sera cinématographique, et pas littéraire.

Il se trouve que La Fille Peinte est signé Edmond T. Gréville, grand réalisateur français un peu trop oublié, dont j’ignorais qu’il avait écrit plusieurs romans avant de faire ses débuts derrière une caméra. Celui-ci marque le retour à l’écriture du cinéaste en fin de parcours. Et c’est avec une grande curiosité que je l’ai ouvert.

Deux impressions fortes me sont vite venues. La première : Gréville a une belle plume, et un vrai talent pour faire ressentir la force des éléments, un peu comme il l’avait fait au cinéma avec Le Diable souffle, l’un de ses meilleurs films. D’ailleurs, la deuxième impression se confirme très rapidement : cette histoire là ressemble fort à celle du Diable souffle, qu’il a réalisé une quinzaine d’années plus tôt.

Alors oui, c’est bel et bien la même histoire que Gréville adapte sous forme de roman, avec les mêmes personnages et la même intrigue. Un homme solitaire (Charles Vanel au cinéma) amène sur sa petite île au milieu du Rhône une jeune femme croisée dans un club de Paris et tombe amoureux d’elle avant de recueillir un mystérieux sourd-muet, visiblement recherché…

C’est la même histoire, et la même ambition : celle de rendre palpable le poids des éléments qui entourent ce trio et se referment sur lui, renforçant les enjeux dramatiques au rythme de la crue qui menace l’îlot et son microcosme. Le plaisir, en tout cas, est aussi fort. Et le livre refermé, on n’a qu’une envie : découvrir les premiers romans de Gréville. Ah non : une deuxième envie aussi, celle de revoir ses films…

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