Délivrance (Deliverance) – de John Boorman – 1972
Très américain, ça, cette volonté de toucher du doigt une terre sauvage avant qu’elle ne disparaisse. Très westernien, même. Les temps ont changé ? Pas tant que ça… Avec Délivrance, Boorman met à mal les mythes fondateurs de l’Amérique. Si l’homme est attiré par la nature sauvage, il est incapable d’y trouver le moindre accomplissement.
En fait de terre sauvage, c’est une rivière que quatre amis citadins décident de descendre, avant que sa vallée soit ensevelie sous les eaux après la construction d’un barrage. Quatre homme qui, en fait, ne sont pas si proches que ça, grands rôles pour Jon Voight, Burt Reynolds, Ned Beatty et Ronny Cox.
Aucun ne sortira vraiment indemne de ce trip nautique, virée d’un week-end dont on sent d’emblée qu’elle va mal tourner. L’arrogance des quatre hommes face aux « autochtones » de cette montagne perdue, et la soudaine harmonie entre le voyageur à la guitare et le gamin au banjo, qui improvisent le fameux thème musical du film… Cette harmonie, d’emblée, paraît problématique.
Est-ce le visage fermé du gamin ? Son regard vide ? Est-ce le visage habité de Burt Reynolds, obnubilé par son envie de vivre la grande aventure ? Dès ces premières scènes, le malaise est déjà là. Il ne fera que croître, imperceptiblement jusqu’à la scène de l’affrontement, glauque et violent, avec un Bill McKinney répugnant. Le gars a enchaîné les rôles de pervers et de malades. Mais des comme ça…
Il y a une tension incroyable dans ce film traumatisant, qui offre un revers cinglant à ce rêve américain de retour à la nature. Un rêve que Boorman ne donne pas franchement envie de vivre. Pas tout de suite en tout cas, le temps de digérer le traumatisme que le film procure.