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Archive pour la catégorie '* Films de gangsters'

Killers of the Flower Moon (id.) – de Martin Scorsese – 2023

Posté : 4 novembre, 2023 @ 8:00 dans * Films de gangsters, * Thrillers US (1980-…), 2020-2029, DE NIRO Robert, SCORSESE Martin, WESTERNS | Pas de commentaires »

Killers of the Flower Moon

Le film américain le plus excitant de l’année, forcément : Scorsese, quatre ans après The Irishman, et avec De Niro, et avec Di Caprio, et d’après un livre-enquête absolument formidable de David Grann, qui se lit comme un roman comme on dit… Bref : l’attente était immense. Et le résultat à la hauteur : Killers of the Flower Moon n’est pas seulement le plus beau titre de film américain de l’année, il est aussi l’un des plus beaux, et l’un des plus ambitieux.

C’est d’ailleurs ce qui saute aux yeux le premier : l’extrême ambition du film, l’ampleur de la mise en scène. Scorsese, 80 ans au compteur, signe un film comme on n’en fait quasiment plus. Et c’est cette impression qui persiste longtemps après la projection : voir Killers of the Flower Moon donne le sentiment de découvrir un vieux classique indémodable, l’un de ces chefs d’œuvre que l’on voit et revoit au cours d’une vie, sans que jamais il ne paraisse usé par le temps.

Ces dernières années, le cinéma de Scorsese tendait de plus en plus vers ce classicisme classieux, aux antipodes des chocs esthétiques radicaux que furent Taxi Driver, Les Affranchis ou Casino, la quintessence de son art. Killers of the Flower Moon est très loin de ces jalons incontournables et géniaux. Mais le film n’est pas moins passionnant : Scorsese flirte cette fois avec les grands maîtres hollywoodiens, à la manière d’un Clint Eastwood, mais avec une ampleur bien plus importantes.

On pense forcément à Sergio Leone et à Il était une fois dans l’Ouest, dans la scène de la gare qui amène le personnage de Leonardo Di Caprio (et le spectateur) dans cette petite ville de western. Mais il y a aussi beaucoup de John Ford, voire de King Vidor, dans cette manière de filmer des communautés qui s’entrechoquent, une histoire en marche, et une violence omniprésente sans jamais occuper le premier plan.

Et elle est violente, cette histoire (authentique)… Au début du XXe siècle, le peuple indien des Osages est devenu le plus riche d’Amérique après que du pétrole a été découvert dans les terres arides sur lesquelles les colons les avaient parqués. De quoi aviver la convoitise de familles blanches qui se découvraient des passions pour ce peuple et ses filles, parfaites épouses. Ou d’une administration qui assigne aux riches Indiens des tuteurs pour surveiller cette fortune…

Lorsque le film commence, les morts suspectes se multiplient au sein des Osages. On pourrait s’attendre à ce que Scorsese s’appuie sur ce déchaînement de violences. Il n’en fait rien, refuse de jouer sur un faux suspense (on comprend d’emblée qui est l’instigateur de ces crimes) et se concentre sur ses personnages, notamment sur l’étonnant couple formé par Lily Gladstone (merveilleuse, la révélation du film) et Leonardo Di Caprio (dont l’interprétation intense mais très excessive est plus problématique, et moins tenue).

Au fil de ce film-fleuve (3h30), l’univers semble se refermer autour de ce couple complexe, au cœur des crimes, dont sont victimes tous les membres de sa famille à elle. Plus les meurtres s’accumulent, plus les signes de culpabilité semblent évidents, plus ces deux-là s’aiment, d’un amour que l’on devine sincère malgré l’horreur et l’absurdité. Deux êtres qui s’enferment dans une sorte de dénis fascinant.

Et puis il y a Robert De Niro, figure du Mal diamétralement opposée aux gangsters qu’il a interprété pour Scorsese. Il est extraordinaire dans le rôle de ce patriarche aux faux airs de grand-père idéal, retors et machiavélique. D’une justesse absolue, De Niro livre l’une de ses très grandes performances d’acteur, l’une de ses plus belles depuis plus de vingt-cinq ans. Son dixième rôle pour Scorsese rappelle à quel point cette association-là est précieuse dans l’histoire récente du cinéma.

Casino (id.) – de Martin Scorsese – 1995

Posté : 27 septembre, 2023 @ 8:00 dans * Films de gangsters, 1990-1999, DE NIRO Robert, SCORSESE Martin | Pas de commentaires »

Casino

Les Affranchis ou Casino ? Casino ou Les Affranchis ? Me voilà bien incapable de dire lequel des deux est le plus abouti, le plus fou, le plus audacieux. Le fait est que, tournés à cinq ans d’écart, voilà peut-être les deux chefs d’œuvre de Scorsese, deux films jumeaux dans lesquels le style du cinéaste trouve sa forme la plus parfaite.

Cela tient à la virtuosité du gars bien sûr. Cela tient aussi à son casting exceptionnel, le trio Robert De Niro-Sharon Stone-Joe Pesci en tête. Cela tient surtout, peut-être, au montage hallucinant signé par l’indispensable Thelma Schoonmaker. Le montage, dans les grands films de Scorsese, est au cœur de leur réussite. Il donne à l’ensemble disparate voire foutraque des images un mouvement d’une pureté et d’une évidence extraordinaire.

Il permet aussi toutes les audaces, scènes hyperdécoupées ou plans séquences virtuoses, déluges de violence et pauses romantiques ou dramatiques… Visuellement, Scorsese semble tout se permettre, ouvrant son film sur des effets spéciaux inattendus, puis par une longue séquence dévoilant par des voix off bavardes et fascinantes le fonctionnement d’un casino et les enjeux de l’histoire…

On retrouve la même virtuosité que dans le précédent film de gangsters du cinéaste, la même vision de la mafia, les mêmes tourments humains aussi. Mais Casino n’est pas une simple copie, ni même un prolongement. Scorsese s’y approche plus que jamais peut-être de la tragédie grecque, dans ce qu’elle a de plus exceptionnelle et humaine à la fois.

Sam Rothstein (De Niro, très grand) est une espèce de demi-dieu, de souverain en son royaume : le Las Vegas des années 1970, sous la coupe d’une mafia qui ne dit pas son nom mais qui impose sa loi. Un homme de confiance, qui a tout pour atteindre les sommets. Mais il a un ami d’enfance encombrant, Nicky, caïd de la pègre aux pulsions mortelles (Pesci, aussi flippant que dans Les Affranchis). Et il tombe amoureux de la femme qu’il ne faut pas, Ginger.

Avec cette figure tragique, superbe et pathétique, Sharon Stone trouve le rôle de sa vie, le seul peut-être digne du statut qui était le sien après Basic Instinct. Scorsese en fait le moteur principal de son drame, la figure autour de laquelle tout le film se concentre bientôt. Et sans y paraître, c’est tout le rythme du montage qui oscille en fonction de l’état d’esprit du personnage. Grand rôle, et grande interprétation.

Grand conteur, grand chef d’orchestre même, tant son cinéma est ample et brasse de multiples enjeux et personnages, Scorsese n’est sans doute jamais aussi inspiré que quand il a un décor fort à filmer : le monde de la boxe, celui du billard, les nuits de New York, le milieu de la pègre… Filmer les casinos et leurs joueurs avides offrent quelques-unes des images les plus fortes de tout son cinéma.

Peaky Blinders (id.) – saison 6 – créée par Steven Knight – 2022

Posté : 17 décembre, 2022 @ 8:00 dans * Films de gangsters, * Polars européens, BYRNE Anthony, KNIGHT Steven, TÉLÉVISION | Pas de commentaires »

Peaky Blinders saison 6

La mort est plus présente que jamais dans cette ultime saison. Cette mort qui se refuse implacablement à Tommy. Cette mort qui le hante depuis les tunnels de France qui continuent à le traumatiser tant d’années après la guerre. Cette mort qu’il distribue ou qu’il ne distribue pas selon sa propre volonté. Cette mort qui frappe la plus proche de ses alliées aussi, et dont on sent qu’elle peut n’épargner personne… Et encore cette petite liste ne concerne-t-elle que le premier quart d’heure du premier épisode de cette sixième saison.

Depuis ses débuts, Peaky Blinders est marquée par la violence et la mort. Mais jamais la noirceur n’avait encore atteint une telle complexité que dans ce final, en forme de descente aux enfers. Désormais, ce n’est plus la famille contre le reste du monde. La famille a perdu son socle, que la disparition prématurée d’Helen McCrory avant le tournage de cette saison a rendu inévitable. Le show, d’ailleurs, rend un hommage réellement vibrant à l’actrice, en mettant en scène la mort de son personnage avec une gravité qui pèse sur toute la saison.

Les guerres, donc, sont aussi intestines. De quoi vérifier que, non, le personnage de Tommy (Cillian Murphy, toujours incroyablement intense) n’a aucune limite. Il reste la colonne vertébrale de la série, dont l’esthétique de plus en plus sombre semble adopter son propre état d’esprit… Tourmenté, ravagé, confronté à la pire des douleurs… La longue ouverture sur une île de Saint-Pierre et Miquelon battue par les vents et les embruns annonce d’ailleurs la couleur : temps couvert, sans horizon.

En plongeant de plus en plus profondément dans des abymes de noirceur, Peaky Blinders aura en tout cas réussi à maintenir de bout en bout une ambition folle et une esthétique très léchée, qui n’a cessé d’évoluer tout en restant cohérente. Six saisons, pas une de plus… La saga sombre et violente de la famille Shelby devrait se poursuivre sur grand écran. Vivement.

Le Sicilien (The Sicilian) – de Michael Cimino – 1987

Posté : 4 janvier, 2022 @ 8:00 dans * Films de gangsters, 1980-1989, CIMINO Michael, POLARS/NOIRS | Pas de commentaires »

Le Sicilien

L’apogée de la carrière de Michael Cimino restera à jamais le triomphe à la fois public et critique de Voyage au bout de l’enfer, symbolisé par un moment-clé : l’Oscar qu’il a reçu des mains de Francis Ford Coppola, comme un passage de témoin entre l’un des pères du Nouvel Hollywood et son enfant alors chéri. C’était avant que son (sublime) film suivant, La Porte du Paradis, devienne le bouc-émissaire qu’attendaient les producteurs pour reprendre le pouvoir, et envoyer Cimino dans un purgatoire dont il ne sortira plus.

Après L’Année du Dragon et son accueil pour le moins partagé, Le Sicilien ressemble fort à une tentative un peu facile de renouer avec son âge d’or. Pensez donc : l’adaptation d’un roman de Mario Puzo, qui plus est un spin off du Parrain. Le projet lui-même témoigne d’une étonnante nostalgie de la part d’un cinéaste qui, jusque là, s’était montré si singulier, voire intransigeant. Comme s’il clamait au monde entier : « mais si, rappelez vous, je suis le fils spirituel de Coppola ! » A vrai dire, cette démarche a quelque chose de touchant, et même d’assez excitant.

Bon… D’emblée, l’affaire se présente mal. Pour un problème de droit, toute référence au Parrain doit être viré du scénario, ce qui nous prive d’une apparition possible de Michael Corleone (rien ne dit qu’Al Pacino aurait accepté le rôle, mais le personnage est bien présent dans le roman), et transforme Le Sicilien en ersatz du chef d’œuvre de Coppola. Autant dire que Cimino avait intérêt à se surpasser pour faire oublier le modèle, et imposer son propre univers.

Il le fait ponctuellement, au moins par son sens de la composition, le talent qu’il a pour filmer l’individu dans son environnement, et pour sublimer les paysages tout en soulignant leur caractère menaçant voire hostile. Le sujet s’y prête particulièrement : le destin (romancé) de Salvatore Giuliano, sorte de Robin des Bois de Sicile qui, en 1943, est devenu le héros d’un peuple paysan soumis à la rude loi italienne, et qui s’est réfugié dans les montagnes.

Visuellement, le film est donc souvent une splendeur. Pourtant, il ne fonctionne que très ponctuellement, plombé par plusieurs handicaps. D’abord, la comparaison avec le film de Coppola, que Cimino ne fait rien pour éviter, allant jusqu’à commencer son propre film par une séquence très inspirée du Parrain 2 (le cercueil qui traverse la campagne sicilienne). Ensuite parce que Christophe Lambert a tout de l’erreur de casting…

Il faut attendre la dernière partie, la plus sombre, pour que son jeu minimaliste prenne une certaine ampleur. Avant ça, il se contente de traverser l’histoire avec un visage impassible dont ne ressort à peu près rien. Bien sûr, il a le vent en poupe alors, sortant de Greystoke, Subway et Highlander, mais pourquoi lui avoir confié le rôle d’un symbole de l’identité sicilienne ? Cela dit, le reste du casting est plutôt à l’avenant, avec un Terence Stamp assez caricatural et une Barbara Sukowa franchement terne.

Reste John Turturro et Josh Ackland, très bien dans des rôles plus complexes, plus en demi-teinte. Pas suffisant pour faire du Sicilien le grand film qu’il aurait pu être, s’il ne donnait pas constamment cette sensation de vouloir se raccrocher à une mode, ou à un état de grâce disparu. En l’état, il a tout du film malade, beau par moments, décevant la plupart du temps, franchement raté parfois.

Peaky Blinders (id.) – saison 5 – créée par Steven Knight – 2019

Posté : 23 octobre, 2021 @ 8:00 dans * Films de gangsters, * Polars européens, 2010-2019, BYRNE Anthony, KNIGHT Steven, TÉLÉVISION | Pas de commentaires »

Peaky Blinders saison 5

Un uppercut, encore, qui vous laisse sur le flan, hagard, après avoir déjoué dans un jubilatoire sommet de tension tout ce qu’on attendait, tout ce vers quoi cette cinquième saison se dirigeait, et annonçait. Ça, c’est pour le final de cette nouvelle livraison de six épisodes, qui conclut (vraiment ?) magistralement cet arc narratif qui, si passionnant soit-il, donnait par moments le sentiment de tirer un peu sur la corde.

Après tout, Peaky Blinders est une série qui dure désormais depuis cinq saisons (six, bientôt) : avec son univers si marqué, ses codes narratifs, sa violence brute est ses personnages plus tourmentés que jamais. C’est la même histoire qui continue, finalement, et l’arc narratif en question a quelque chose du prétexte. Le sujet de la série, ce sont évidemment les personnages, cette famille Shelby qui, plus elle devient puissante, plus ses membres révèlent leurs failles.

Abyssales, les failles. Et sur ce point, cette saison gagne encore en intensité, grâce à Tommy et Arthur : Cillian Murphy et Paul Anderson, deux aspects d’une même douleur profonde, renfermée jusqu’à l’excès pour le premier, explosive et de plus en plus incontrôlable pour le second, hallucinant condensé de fureur et de souffrance. Comment un personnage peut être à ce point flippant et touchant tient du miracle.

Pouvoir, vengeance personnelle, guerre de clans, espionnage, trafics et politiques… L’ascension des Shelby épouse plus que jamais les affres de son époque. Aux conséquences de la Grande Guerre succède désormais les prémices d’un autre conflit qui se prépare, à travers la figure d’un méchant inattendu : un politicien, pilier d’un parti national-socialiste anglais, sur la route du pouvoir, et qui voit en Thomas Shelby un allié naturel.

La série joue constamment sur cette zone si inconfortable, si tangente, entre le mal et le bien. Un bien tout relatif, bien sûr, qui se fait à coup de meurtres et de domination. Cette frontière tend même à se troubler, jusqu’à créer un malaise constant qui ne fait que se renforcer, en même temps que les personnages semblent se perdre irrémédiablement.

Ce trouble se traduit aussi par le style, la grande marque de fabrique du show. Il y a une grande cohérence dans ce style depuis la première saison, mais aussi une vraie évolution. Les ralentis, les effets pyrotechniques, les clairs-obscurs sont toujours très marqués, mais dans un esprit moins purement spectaculaire, plus dramatique peut-être. La musique elle-même, qui fait toujours la part belle aux (superbes) reprises de chansons, se fait plus discrète, jusqu’à disparaître la plupart du temps du générique de début. Et ce n’est pas si anodin…

Peaky Blinders reste en tout cas une très grande série, addictive comme jamais. Surtout après cet ultime épisode, qui donne furieusement envie de renouer avec la fureur des Shelby. Pour une dernière saison, attendue avec une impatience folle, depuis deux ans…

Premiers pas dans la mafia (The Freshman) – d’Andrew Bergman – 1990

Posté : 5 septembre, 2021 @ 8:00 dans * Films de gangsters, 1990-1999, BERGMAN Andrew | Pas de commentaires »

Premiers pas dans la mafia

Un étudiant en cinéma débarque à New York et rencontre un personnage fascinant, sosie du Parrain de Coppola. Scénariste chevronné et cinéaste quasi-débutant, Andrew Bergman a une grande idée doublée d’une chance incroyable : le film tourne autour d’un sosie de Brando ? Brando lui-même accepte d’endosser le rôle et de parodier son rôle le plus iconique, dont il reprend l’apparence, la gestuelle et la voix voilée.

Film événement donc, forcément, sorti comme un clin d’œil pas anodin la même année que Le Parrain 3. L’ombre du Parrain premier du nom et du Parrain 2 plane constamment sur cette comédie aussi anodine que maline : à la fois sur l’imagerie qui entoure le personnage de Brando, et sur l’étudiant joué par Matthew Broderick, à qui des extraites des deux films sont régulièrement projetés. Les parallèles entre les films de Coppola et l’intrigue de celui-ci sont importants, révélateurs de l’engrenage dans lequel le jeune homme se laisse entraîner.

Malin, mais limité dans son ambition, le film se résume quand même assez largement à la rencontre de ces jeunes gens cinéphiles biberonnés aux Parrains avec cet ersatz de Don Corleone. Le reste est sympathique, frais et enlevé, mais aussi un peu vain. Chouette clin d’œil d’un Brando en bout de course, grand souvenir pour un Broderick déjà à l’acmé de sa carrière.

La Chute d’un caïd (The Rise and fall of Legs Diamond) – de Budd Boetticher – 1960

Posté : 19 août, 2021 @ 8:00 dans * Films de gangsters, 1960-1969, BOETTICHER Budd | Pas de commentaires »

La Chute d'un caïd

Chant du cygne pour Budd Boetticher qui, après son formidable cycle de westerns avec Randolph Scott, renoue avec le film criminel de ses débuts pour l’un des sommets du genre : l’ascension et la chute d’un gangster, pour une histoire que n’aurait pas reniée James Cagney vingt-cinq ou trente ans plus tôt.

Le film s’inscrit clairement dans la lignée de ces films de gangsters des années 30, comme une nouvelle version des Fantastiques années 20 qui serait dénuée de tout romantisme. « Legs » Diamond, inspiré librement d’un authentique gangster, est un cynique absolu, un ambitieux qui décide de ne s’attacher à personne pour ne pas avoir à s’inquiéter de qui que ce soit.

C’est le rôle d’une vie pour Ray Danton, qui ne retrouvera jamais un rôle aussi marquant, ni de près ni de loin. Il semble, c’est vrai, taillé uniquement pour ce rôle précis. Son aspect glacé, son jeu minimaliste (c’est une manière de dire qu’il ne fait vraiment pas grand-chose) et son regard dur et décidé collent parfaitement au personnage, mais aussi à la mise en scène totalement dans le ton de Boetticher.

Mise en scène elle aussi glacée, d’une précision mécanique, soulignée par un noir et blanc sans aspérité. Dans ce décor, la violence a un impact tout particulier. C’est là aussi que le film se démarque le plus nettement des films de gangster des années 30. La violence y était souvent suggérée, totalement hors champs. Elle est ici frontale, froide, et brutale.

Excellents seconds rôles aussi. Et si Karen Steele, qui était encore l’épouse de Boetticher, ressemble tout de même à une erreur de casting (entendre cette femme sublime reconnaître qu’elle n’est pas belle fait comprendre que, sur le papier, le personnage était écrit pour une actrice au physique plus commun), sa moue de petite fille brisée fait des merveilles.

Grande réussite, donc, dont Boetticher sortira avec la ferme intention de réaliser enfin le film de corrida dont il rêvait depuis si longtemps. Un projet qui lui coûtera cher, et le tiendra éloigner des studios pendant presque une décennie. Hélas.

Donnie Brasco (id.) – de Mike Newell – 1997

Posté : 30 décembre, 2020 @ 8:00 dans * Films de gangsters, 1990-1999, NEWELL Mike, PACINO Al | Pas de commentaires »

Donnie Brasco

Mike Newell n’est pas Scorsese. Et c’est le principal problème du film, comme d’ailleurs de beaucoup de films de gangsters post-Goodfellas.

Donnie Brasco est irréprochable. La reconstitution de New York (et Miami) des années 70 est absolument parfaite. Alors quoi… Un peu de folie, un peu de surprise, des accidents de parcours, des baffes dans la gueule… Il manque au film ce que Scorsese a apporté au genre, finalement. C’est assez injuste pour Newell, mais comparer est inévitable.

C’est injuste, parce que le film est vraiment bien fichu. C’est inspiré d’une histoire vraie, ça l’est aussi d’Un flic dans la mafia, l’une des premières séries « modernes » dans les années 80. Le principe est le même : un agent infiltre la mafia, s’enfonce de plus en plus profondément, quitte à se perdre, et s’attache à celui qui l’a pris sous son aile.

La principale singularité, c’est la nature de ce « parrain » : Al Pacino, très loin de Michael Corleone, un homme de main qui regarde ceux qui l’entourent gravir les échelons de la pègre depuis trente ans. Lui est toujours sur le bitume, un minable, apprécié mais comme un compagnon un peu lourdingue.

Il est formidable, Pacino, pathétique, touchant, et parfois inquiétant. Le « couple » qu’il forme avec Johnny Depp, intense et habité, est ce qui fonctionne le mieux dans ce film pas neuf, mais irréprochable. Sage, mais prenant.

Peaky Blinders (id.) – saison 4 – créée par Steven Knight – 2017

Posté : 29 janvier, 2020 @ 8:00 dans * Films de gangsters, * Polars européens, 2010-2019, CAFFREY David, KNIGHT Steven, TÉLÉVISION | Pas de commentaires »

Peaky Blinders saison 4

Un premier épisode un peu en creux, qui règle un peu facilement le cliffhanger énorme de la saison précédente et qui s’achève par une tuerie glaçante… Un deuxième épisode qui commence par une séquence d’anthologie qui rappelle toutes les qualités de la série : la stylisation des images, le rythme, l’émotion, musique (en l’occurrence le Mercy Seat crépusculaire de Nick Cave).

La première heure résume finalement assez bien cette saison 4, pleine de moments de bravoure à couper le souffle, mais aussi un peu en retrait par rapport aux précédentes. Parce que, malgré les nombreux rebondissements, cette saison-là est, de loin, la plus simple, se limitant en grande partie à une histoire de vengeance, et à l’affrontement sanglant de deux familles.

D’un côté, les Peaky Blinders donc, avec des guerres internes qui font long feu. Et de l’autre, la mafia italienne qui débarque des Etats-Unis derrière un Adrian Brody insupportable à force de se la péter Brando/De Niro. C’est LE gros point faible de cette saison, tant son cabotinage est grotesque.

Les scènes qui l’opposent à Cillian Murphy (d’une intensité toujours impressionnante) ou même à Tom Hardy (qui en fait beaucoup aussi, mais en créant un vrai personnage, assez génial) sont presque gênantes pour lui… Heureusement, la plupart de ses apparitions débouchent sur des gunfights. Et dans le domaine, la série tient toutes ses promesses, avec une utilisation particulièrement efficace des décors (naturels ou urbains).

Réjouissante dans l’action, la série renoue aussi avec le cynisme de son ADN, dans sa manière d’aborder le contexte de l’histoire : les mouvements sociaux des travailleurs dans le Birmingham de 1926. Le nouveau personnage le plus intéressant est d’ailleurs celui d’une jeune syndicaliste déterminée (les rôles de femmes sont décidément très réussi dans Peaky Blinders). Un peu en retrait, hélas. Mais la conclusion de cette saison, cynique à souhait, ouvre bien des perspectives…

The Irishman (id.) – de Martin Scorsese – 2019

Posté : 1 décembre, 2019 @ 8:00 dans * Films de gangsters, 2010-2019, DE NIRO Robert, PACINO Al, SCORSESE Martin | Pas de commentaires »

The Irishman

Le voilà donc, le film le plus attendu de l’année… De la décennie ? Quel plaisir, en tout cas, de voir se reformer le duo Scorsese/De Niro. J’ai beau avoir assommer mes enfants avec ça, avec l’importance que revêtaient ces retrouvailles pour tout cinéphile… La dernière fois que ces deux là ont bossé ensemble, c’était dix ans avant leur naissance. Autant dire qu’en tant qu’acteur vivant, De Niro ne représente pas grand-chose pour eux. En tant que monument du cinéma, en tant que légende… mais en tant qu’acteur vivant ?

Dans quoi ont-ils eu l’occasion de le voir au cinéma ? Lui ou Pacino, d’ailleurs. Depuis cette fameuse année 1995 (celle de Casino, donc, mais aussi celle de Heat), ces deux monstres sacrés ont largement mangé leur pain noir, au point d’en faire une sacrée indigestion. De Niro n’a pas fait que des nanars ces dernières décennies, mais aucun chef d’œuvre incontestable non plus. La période bénie de Taxi Driver, Le Parrain 2, Il était une fois en Amérique, Les Affranchis ou Raging Bull semblaient appartenir pour de bon au passé, trop souvent perdu qu’il était entre polars sans souffle et comédies potaches. Pas mieux pour Pacino, lui qui pouvait se vanter d’un quasi-sans faute de ses spectaculaires débuts jusqu’au nouveau millénaire…

The Irishman, maintenant, est-il à la hauteur de l’attente ? Une chose est sûre : après ce film, De Niro et Pacino ne peuvent décemment plus continuer à gâcher leur talent. Oui, le film est formidable. Et oui, tous les deux livrent leur meilleure prestation d’acteur depuis des années.

Dans le rôle de Hoffa, personnage gargantuesque taillé pour lui, Pacino est extraordinaire. Dans celui de Frank Sheeran, le personnage central du film, homme de main de la mafia connu d’abord pour « repeindre des maisons » (du sang de ses victimes), on retrouve le De Niro des grandes années, qu’on pensait avoir perdu pour de bon : intense, débarrassé de ses tics. Superbe.

Comme souvent dans ses collaborations avec Scorsese, c’est De Niro qui a suggéré cette histoire au cinéaste. Ce film, il le sentait, était fait pour eux. Evidemment, aurait-on envie d’ajouter. Il y a, tout au long des 3h30 qui filent sans qu’on y prenne garde, une évidence qui saute au visage. Scorsese se défend d’avoir fait un film dans la lignée des Affranchis, c’est pourtant totalement ça : The Irishman est une sorte de prolongement de son chef d’œuvre, trente ans plus tard. Avec le même milieu, la même ampleur, la même virtuosité, le même mélange de banalités et d’extrême violence, les mêmes acteurs bien sûr (De Niro, mais aussi Joe Pesci, sorti de sa retraite)…

Dans les deux films, Scorsese nous plonge littéralement au cœur du monde des gangsters de la deuxième moitié du 20e siècle, avec un récit qui s’étale sur plusieurs décennies, du point de vue d’un protagoniste qui a survécu à tout et se retrouve seul au bout de la route. La grande différence entre les deux films, ce n’est pas tant la construction qui, ici, semble vagabonder au fil des souvenirs d’un Sheeran en fin de vie, plutôt que de suivre un fil chronologique. C’est plutôt, justement, les trente ans qui séparent les deux films.

The Irishman s’ouvre par un long travelling dans les couloirs d’une maison de retraite, avec la caméra qui s’avance comme à pas feutrés, pour s’arrêter sur le visage d’un très vieil homme : De Niro. Ce n’est plus un homme qui a tourné le dos aux siens, comme l’était Henry Hill dans Les Affranchis, mais un vieillard qui a survécu à tous ceux qui étaient son univers, et qui n’a pas su garder ceux qui auraient dû compter vraiment.

The Irishman marque les retrouvailles d’un cinéaste de 75 ans avec des acteurs qui l’accompagnent depuis quarante ans (Harvey Keitel, aussi), ou qu’il dirige pour la première fois (Al Pacino) et qui, tous, ont le même âge. Ce n’est pas un détail : c’est le sujet même du film. La vieillesse, le temps qui passe et ce qu’on en fait… Et c’est bouleversant, sans que l’on soit vraiment capable de dire pourquoi. Est-ce parce que Scorsese est, tout simplement, un cinéaste immense ? Ou juste parce que son film a des allures de testament ? Que Scorsese et De Niro refassent un film ensemble ou pas n’y changera rien : celui-ci, ultime film de mafia, 45 ans après Mean Streets, marque la fin d’une époque.

C’est un film sombre, violent et fascinant, qui raconte, parfois en creux, l’histoire des Etats-Unis de l’après-guerre. Inspiré des mémoires de cet homme de main qui affirma avoir tué Jimmy Hoffa, le célèbre et tout puissant patron du syndicat des camionneurs (dont le corps n’a jamais été retrouvé), dont la mort annoncée hante tout le film, comme celle des différents personnages que croise Sheeran, et dont on apprend par des arrêts sur image qu’ils auront pour la plupart des morts violentes…

Le film évoque aussi la Baie des Cochons, l’assassinat de Kennedy, le scandale du Watergate… Tout un pan de l’histoire américaine tellement fascinante, et qui renvoie à toute une tradition du cinéma américain. Est-ce un clin d’œil délibéré ? Il est assez savoureux en tout cas d’entendre Joe Pesci évoquer le nom d’un « inverti roux du nom de Ferry », personnage trouble lié à l’assassinat de Kennedy qu’il a lui-même interprété dans le JFK d’Oliver Stone. Une simple évocation qui éveille en tout cas tout un imaginaire complotiste que Scorsese se contente de placer en arrière-plan, restant constamment concentré sur le point de vue de Sheeran, simple homme de main.

Quant au fameux rajeunissement numérique des acteurs, qui a rendu le film possible, il n’est troublant que dans la première partie, et surtout parce que les mouvements des acteurs sont, eux, bien des mouvements d’hommes de 75 ans, pas de quadragénaires. Mais les trucages n’enlèvent rien au jeu des acteurs, à la puissance de leurs silences. Le film a beau être bavard, comme souvent chez Scorsese, ce sont ces silences qui marquent le plus : ces silences évocateurs où on sent que quelque chose bascule, et que rien ne sera plus comme avant. Du grand Scorsese, du grand cinéma.

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