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Archive pour la catégorie '1960-1969'

Fantômas – d’André Hunnebelle – 1964

Posté : 25 décembre, 2024 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1960-1969, HUNNEBELLE André | Pas de commentaires »

Fantômas

Envie d’un classique en cette période de fêtes ? Quoi de mieux qu’un bon vieux Fantômas… Oui, hein : quoi de mieux ? A vrai dire, beaucoup de choses. Beaucoup, beaucoup de choses. Parce que le sourire poli de mon fiston ne laisse guère de place aux doutes : il a pris un méchant coup de vieux, le premier opus de la version Jean Marais / Louis de Funès / André Hunnebelle.

Côté mystère, c’est à peu près le degré zéro du cinéma. Loin, très loin des versions précédentes, celles en particulier de Louis Feuillade et de Paul Féjos. Mais ça, disons que c’est assumé par un scénario et une mise en scène ouvertement tournés vers l’humour et l’aventure. Un pur divertissement conçu avant tout autour de sa star, Jean Marais.

Avant que Belmondo ne le supplante, Jean Marais était alors le grand homme d’action du cinéma français, transformé en héros bondissant par André Hunnebelle dans une série de films de cape et d’épée qui ont connu un énorme succès… et qu’on a bien du mal à revoir aujourd’hui. Mais côté action et aventures justement, Hunnebelle est un cinéaste bien poussif, que De Broca viendra totalement ringardiser dès cette époque.

Revoir ce premier Fantômas aujourd’hui est d’autant plus rude, que de nombreuses cascades et scènes d’action annoncent curieusement celles des Mission Impossible : courses poursuites sur un train, à moto, accroché à un hélicoptère… La comparaison, évidemment, n’est guère flatteuse pour ce Fantômas, malgré une générosité dans l’action qu’il faut souligner, jusqu’à une poursuite finale qui n’en finit pas de rebondir, semblant ne jamais devoir s’arrêter jusqu’à un final joyeusement grotesque, pour le coup assez réjouissant.

D’ailleurs, Hunnebelle n’a pas dû tarder à constater que ce qui fonctionnait le mieux dans son film, ce n’était ni le mystère, ni l’action, ni Jean Marais (franchement pas terrible d’ailleurs), mais Louis De Funès. Pas encore super star (il le devient cette année 1964, avec également Le Corniaud et Le Gendarme de Saint-Tropez), il s’impose comme un immense voleur de scène. Même en roue libre comme dans ce film où il semble ne pas être dirigé, il est le principal centre d’intérêt. Les scènes où il ne figure pas sont bien ternes…

Dernier caprice / L’Automne de la famille Kohayagawa (Kohayagawa-ke no aki) – de Yajujiro Ozu – 1961

Posté : 23 décembre, 2024 @ 8:00 dans 1960-1969, OZU Yasujiro | Pas de commentaires »

Dernier caprice

L’ombre de la mort plane sur l’avant-dernier film d’Ozu. Pas de manière morbide, non, ce n’est pas le genre de la maison. Mais il y a dans ce film une conscience de la fragilité de la vie, étonnante chez un cinéaste qui ne savait pas encore que ces jours étaient comptés, et qui n’était pas si vieux. Le temps qui passe est un thème récurrent chez Ozu, mais le personnage du patriarche ne ressemble pas aux autres : cet homme débordant de vie, espiègle et vaguement régressif, mais en même temps si fragile, comme un symbole d’une vie qui tient à pas grand-chose.

Au fond, Ozu raconte ce qu’il a souvent raconté, avec son style inimitable, ces longs plans de décors nus, sa caméra au sol, ces motifs récurrents, cette modernité qui s’impose régulièrement, tranchant avec la tradition calme et rassurante, avec ses grands spots de lumière… Il filme un moment de transition, les dernières heures de quelque chose : à la fois le Japon de sa jeunesse, et une certaine période de cette famille, avec les incertitudes et les interrogations qui vont avec.

Et, surtout, avec un mélange de conscience absolue et d’amertume, qui fait de Dernier caprice (le titre, déjà…) un film à part dans cette dernière partie de l’œuvre d’Ozu. Les personnages semblent mus par la tentation de se raccrocher à un passé disparu, ou sur le point de disparaître. Le patriarche qui renoue avec un amour d’autrefois, la fille aînée qui hésite à se remarier (Setsuko Hara), la cadette rêvant d’un mariage d’amour…

Et beaucoup de personnages qui gravitent autour d’eux, avec des liens familiaux parfois difficiles à suivre, ce dont s’amuse d’ailleurs un personnage, soulignant la complexité des liens qui unissent les membres de cette famille. Comme pour dire : qu’importe, finalement, la famille qui nous entoure ne répond à aucune règle strictement rigide.

Ozu filme un moment en suspens, où l’alcool semble là pour repousser l’échéance… ou retenir les illusions. Mais le grand Chishu Ryu apparaît, tardivement et brièvement, en paysan guettant la fumée sortant d’un crématorium, comme l’alter ego d’Ozu qu’il a toujours été, témoin conscient que la vie passe, que la jeunesse remplace la vieillesse. Toujours. Qu’il y a un temps pour tout. Même si c’est difficile à accepter, comme le soulignent ces derniers mots simples et amers : « Déjà la fin. »

L’Atlantide (Antinea, l’amante della città sepolta) – d’Edgar G. Ulmer (et Giuseppe Masini, et Frank Borzage) – 1961

Posté : 22 décembre, 2024 @ 8:00 dans 1960-1969, BORZAGE Frank, MASINI Giuseppe, ULMER Edgar G. | Pas de commentaires »

L'Atlantide 1961

Frank Borzage est tombé malade quelques jours seulement après le début du tournage, remplacé par le pas manchot Edgar G. Ulmer (seul crédité au générique) et par l’inconnu de mes services Giuseppe Masini. Et je ne sais pas trop ce qu’il faut en penser : regretter qu’il n’y ait pas derrière la caméra un cinéaste à l’univers aussi fortement romanesque que Borzage, ou se réjouir que son immense carrière ne se termine pas officiellement par ce film d’aventure que j’aurais sans doute trouvé trépidant à 11 ans, devant la télé familiale ?

Ne refaisons pas l’histoire… Cette énième adaptation du roman de Pierre Benoît (après celle de Feyder et celle de Pabst quand même, comment rivaliser…), modernisée et mise au goût du jour atomique de ce début des années 1960, est un film d’aventure comme on en tournait alors des dizaines, une espèce de grosse production fauchée pas si mal fichue, mais au scénario vraiment impossible.

Un exemple de dialogue, juste pour le plaisir. « Je ne veux pas mourir », lance une jeune femme avec beaucoup d’esprit. « Ce serait une injustice… tu es trop jolie », rétorque le jeune premier dont elle est tombée amoureuse. Autrement dit : si tu avais été moche ma grande, tu n’aurais qu’à prendre sur toi et te laisser mourir bien gentiment. Et sachant que l’élégant jeune homme qui lance cette réplique s’appelle Jean-Louis Trintignant, voilà une bonne raison de voir le film. Au second degré.

L’histoire, on la connaît : des Européens perdus dans le désert se retrouvent par hasard dans la cité perdue mythique de l’Atlantide, faux paradis et vraie dictature dont ils réalisent bientôt qu’ils sont prisonniers. Seule nouveauté : l’explosion imminente d’une bombe atomique, ce coin paumé du désert ayant été choisir pour un essai qui promet d’éradiquer pour de bon cette cité disparue.

Pas si mal fichue, donc, parce qu’on ne s’ennuie pas vraiment : le rythme est impeccable, et la séquence de la tempête est même franchement tendue, et très joliment éclairée (par Enzo Serafin, chef op de Rossellini pour Voyage à Rome ou d’Antonioni pour Chronique d’un amour), baignée d’un bleu profond et dramatique.

Mais que le scénario est poussif, bourré de détails très cons. Un exemple, encore : pour sauver un homme en train de se noyer dans 10 centimètres d’eau cinq mètres plus bas, Trintignant, courageux, demande à son pote de le suspendre en le tenant par les chevilles. Si. La mise en scène, visiblement très partagée entre les trois réalisateurs qui se sont succédé, ne sauve pas toujours la situation. On parle de ce plan cadrant un tout jeune Gian Maria Volonte à travers les jambes de son adversaire ?

Reste le plaisir de découvrir une authentique curiosité, dont Trintignant n’a pas dû beaucoup se vanter dans les décennies qui ont suivi. Et d’ajouter une pierre, certes mineure, à la découverte des filmographies de Borzage (qui avance) et d’Ulmer (qui piétine).

Tire-au-flanc 62 – de Claude de Givray (et François Truffaut) – 1961

Posté : 6 décembre, 2024 @ 8:00 dans 1960-1969, DE GIVRAY Claude, TRUFFAUT François | Pas de commentaires »

Tire au flanc 62

Pour boucler l’intégrale Truffaut, on termine par un film qu’il n’a pas effectivement mis en scène, même s’il est crédité comme co-réalisateur. Et co-scénariste. Et producteur. Nouvelle adaptation d’un roman déjà adapté à plusieurs reprises, notamment par le grand maître de la Nouvelle Vague Jean Renoir en 1928, ce Tire-au-flanc 62 marque les débuts derrière la caméra d’un homme incontournable dans la carrière de Truffaut.

Claude de Givray, donc, grand ami de François, dont il a été l’assistant réalisateur pour son court métrage Les Mistons, et dont il a été le co-scénariste pour Baisers volés et Domicile conjugal. De Givray revient alors d’Algérie, lorsque son copain, qui vient de créer sa boîte de production (Les Films du Carrosse, clin d’œil à un autre film de Renoir, Le Carrosse d’Or), l’incite à réaliser son propre film, dont lui-même sera à la fois la caution, le co-scénariste (avec aussi l’auteur du roman, André Mouëzy-Eon, qui fait également une apparition) et le conseiller technique.

On est clairement dans le comique troupier : un décor quasi-unique, celui d’une caserne où s’entraînent de jeunes recrues confrontées aux règles de l’armée. Au cœur de ce microcosme imposé : un jeune homme à particule des beaux quartiers, et celui qui était son chauffeur et homme à tout faire dans le civil.

Il y a bien une critique pleine d’ironie et un peu acerbe de la chose militaire, mais le film reste toujours très bon enfant, mettant surtout en valeur l’esprit de camaraderie, l’ambiance de troupe, qu’incarnent parfaitement de jeunes comédiens inconnus venus du même cabaret, autour du chanteur fantaisiste Ricet Barrier, qui incarne avec bonhomie le chauffeur qui prend sous son aile avec beaucoup de bienveillance son « maître », d’abord ridicule, puis très vite touchant.

Le film est parfois un peu cruel, mais sans se départir de son aspect souriant, à l’image de la présence très décontractée et très légère de Ricet Barrier, et de l’autorité très relative d’un Jacques Balutin (seul acteur habitué aux caméras) en « grand frère » de la chambrée. On remarque aussi particulièrement l’apparition d’un tout jeune Cabu, déjà dessinateur et déjà le sourire espiègle aux lèvres.

Il y a en tout cas un vrai rythme dans cette petite chose amusante et bourrée de référence à la Nouvelle Vague : l’apparition de Truffaut, celle de Pierre Etaix, comme un clin d’œil au cinéma de Tati dont il était le gagman, la séquence de rêve autour d’une Bernadette Lafont jouant avec son image d’incarnation hyper-sexuée de la Nouvelle Vague… Plus curieux : cet avion qui trace les mots « Cahiers du Cinéma » dans le ciel. Plus convaincant : l’utilisation des décors réels et des événements de la rue (le 11 novembre à Paris, le carnaval de Nice). Très Nouvelle Vague.

Les Sorcières (Le Streghe) – de Luchino Visconti, Mauro Bolognini, Pier Paolo Pasolini, Franco Rossi, Vittorio De Sica – 1966

Posté : 15 novembre, 2024 @ 8:00 dans 1960-1969, BOLOGNINI Mauro, DE SICA Vittorio, EASTWOOD Clint (acteur), PASOLINI Pier Paolo, ROSSI Franco, VISCONTI Luchino | Pas de commentaires »

Les Sorcières

Silvana Mangano en star de cinéma rêvant d’une vie de femme. Silvana Mangano en conductrice taiseuse. Sivana Mangano en apparition angélique. Silvana Mangano en vengeresse sicilienne. Silvana Mangano en épouse frustrée… La star semble être la raison d’être de ce film à sketchs produit par Dino de Laurentiis, qui était alors son mari.

C’est aussi l’une des affiches les plus excitantes de ce genre alors très en vogue en Italie : Visconti, Pasolini, De Sica, Rossi et Bologini derrière la caméra, Ennio Morricone à la partition, et quelques-unes des vedettes les plus en vue de ce côté là des Alpes devant la caméra, d’Annie Girardot à Toto en passant par… Clint Eastwood. Eh oui. Le résultat est, disons, inégal.

La sorcière brûlée vive (La strega bruciata viva) – de Luchino Visconti

Le premier sketch, le plus long, est d’une cruauté mordante. Une actrice célèbre passe la soirée dans une grande maison à la montagne, entourée « d’amis ». Les guillemets sont de rigueur, tant la star est ramenée à son statut déshumanisé, méprisée et jalousée par les femmes, convoitée par les hommes. Seule l’hôtesse jouée par Annie Girardot semble voir la femme derrière le fard.

C’est d’ailleurs lorsque la star est dépouillée de son maquillage qu’elle peut s’autoriser à laisser parler son humanité, sa volonté d’exister au-delà de ce statut figé auquel tout le monde la renvoie constamment. La cruauté de ces rapports est renforcée par l’apparente légèreté de cette soirée, où la musique et les rires sont omniprésents.

Très joliment photographié, avec une lumière chaude et tamisée propice à l’intimité, mais aussi aux comportements les plus débridés, ce segment signé Visconti est une vraie réussite, et offre à Silvana Mangano un très beau rôle.

Sens civique (Senso civico) – de Mauro Bolognini

Le deuxième segment, signé Mauro Bologni, est nettement plus léger (et le plus court de tous), pas moins ironique, mais plus anodin. Silvana Mangano est ici une automobiliste coincée à cause d’un accident, qui propose d’emmener un chauffeur blessé à l’hôpital. Elle traverse alors Rome à toute allure (des scènes qui semblent avoir été tournées en condition réelle), passant les hôpitaux les uns après les autres…

Tout repose sur le petit twist final, et sur le verbiage incessant du blessé joué par Alberto Sordi, qui se plaint d’être mourant tout en laissant transparaître sa nature profonde lors d’un bref moment de lucidité : « Mais vous êtes une femme ! Ah, si je n’étais pas blessé… » Six minutes montre en main, suffisant pour livrer une vision pas glorieuse des rapports femmes/hommes.

La Terre vue de la lune (La Terra vista dalla luna) – de Pier Paolo Pasolini

C’est une vraie farce qu’écrit et réalise Pasolini, tout au service de Toto, la star comique incontournable du cinéma italien. Affreux, bêtes et méchants… Ce pourrait être le titre de ce segment régressif dont l’humour peine à convaincre, tout comme les parti-pris esthétiques d’une laideur assumée : décors périurbains sans charme, couleurs criardes, costumes et maquillages comme sortis d’un mauvais dessin animé.

Silvana Mangano, curieusement en retrait cette fois, incarne une sorte d’apparition angélique, sourde et muette qui semble répondre aux attentes de Toto et de son fils, en quête de la femme idéale depuis qu’ils ont enterré leur femme et mère lors de la scène inaugurale, joyeusement cynique. Difficile de prendre ça au sérieux, quand même.

La Sicilienne (La Siciliana) – de Franco Rossi

La rupture de ton est radicale : Rossi filme ce très court segment d’une manière particulièrement dramatique, avec gros plans, jeux d’ombres et montage serré. Le style est presque brutal, mais la musique très présente n’y trompe pas : l’ironie est encore au cœur de cette histoire de vengeance sicilienne.

Mangano, tout en excès dramatiques, joue avec les sentiments exacerbés de l’île jusqu’à une tuerie finale et de grands cris éplorés dont l’outrance tranche radicalement avec l’intensité visuelle du film. Plutôt percutant, mais comme une simple parenthèse avant l’ultime segment, nettement plus riche.

Une soirée comme les autres (Una sera come le altre) – de Vittorio De Sica

Le film se termine en beauté avec le segment le plus original. Peut-être pas le plus intense, ni même le plus profond, mais le plus original. Et accessoirement celui pour lequel Les Sorcières a trouvé une place dans quelques livres de cinéma : parce que c’est dans ce segment, sous la direction de Vittorio De Sica, que la très jeune star Clint Eastwood a trouvé son premier rôle à contre emploi.

Parce que non, sa carrière italienne ne se limite pas aux trois westerns de Sergio Leone : avant de tourner Le Bon, la brute et le truand, Clint a joué dans ce film à sketch, apparaissant dans le générique de début portant chapeau de cowboy et revolvers à la main, mais tout sourire. Une vision très ironique, tant son personnage est aux antipodes de l’homme sans nom.

Il incarne ici le mari particulièrement ennuyeux et casanier de Silvana Mangano, épouse qui rêve de retrouver la flamme de la jeunesse, contrainte de partager le quotidien d’un mari qui ne pense qu’à se reposer, manger et boire son verre de whisky avant d’aller se coucher pour être dispo le lendemain matin pour une nouvelle journée de travail.

Sa prestation de bonnet de nuit est assez réjouissante, face aux airs joliment désespérés de Mangano, touchante et passionnée. Mais ce segment séduit surtout par les scènes très cartoonesques mettant en scène les fantasmes de l’épouse, qui imagine son mari se faire rudoyer ou retrouver une virilité éteinte, ou qui se voit en grande séductrice avec tous les hommes à ses pieds.

Les Sorcières se termine en beauté avec ce segment, qui est aussi l’une des curiosités les plus oubliées de la filmographie de Clint Eastwood. Rien que pour ça…

La Peau douce – de François Truffaut – 1964

Posté : 31 octobre, 2024 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1960-1969, TRUFFAUT François | Pas de commentaires »

La Peau douce

La Peau douce, film un peu mal aimé depuis soixante ans, a toujours été l’un de mes Truffaut préférés (avec La Femme d’à côté, dont les thèmes ne sont pas si éloignés d’ailleurs). Le revoir une nouvelle fois procure d’ailleurs les mêmes sentiments, très forts, et très pluriels.

Premier sentiment : y a-t-il un film qui porte mieux son titre que La Peau douce ? Le Vent de Sjöström, peut-être… C’est ce constat qui m’a toujours frappé en repensant au film : la manière si délicate dont Truffaut filme la peau de Françoise Dorléac, cette jeune hôtesse de l’air que son amant, le mature Jean Desailly, semble simplement effleurer, comme une apparition si douce et fragile qu’elle pourrait disparaître.

La première de ces deux là est un moment d’une extrême délicatesse, et qui procure une émotion profonde. Dans l’ascenseur de leur hôtel, des regards volés, une « ascension » qui dure bien plus longtemps qu’elle ne devrait. Truffaut dilate le temps pour installer le trouble qui envahit les deux personnages.

Et quelques minutes plus tard, à nouveau le temps qui n’existe plus alors qu’ils marchent dans le couloir qui les conduit vers sa chambre à elle. En ne filmant rien d’autres que leurs regards, et une main qui caresse un visage en ombre chinoise, Truffaut filme l’une de ses plus belles scènes d’amour. Peut-être la plus belle.

Tourné peu après sa rencontre au long cours avec Alfred Hitchcock pour son fameux livre d’entretien, La Peau douce est aussi le plus hitchcockien des films de Truffaut, dans ses thèmes, dans sa construction, et même dans sa manière de filmer, bourrée de clins d’œil plus ou moins évidents au cinéma d’Hitch.

C’est d’ailleurs le premier de ses films dont sent qu’il est totalement maîtrisé, dans le sens où il ne laisse pas de place au sentiment de liberté. Presque clinique, même, pour reprendre un terme qu’utilisait Truffaut lui-même pour ce film, en expliquant que son ambition était de disséquer un adultère, à travers trois personnages passionnants.

D’un côté, la jeune Françoise Dorléac, pleine de vie et de doute, dont on se dit qu’elle cherche aussi une figure paternelle. De l’autre, Nelly Benedetti en épouse bafouée et douloureuse. Au milieu, Jean Desailly dans le rôle d’un homme peu aimable au fond, qui passe son temps à faire de mauvais choix par maladresse ou par lâcheté. Un type tellement rangé qu’il ne traverse par une rue déserte quand le feu est rouge, mais qui s’enferme dans une logique de mensonges pour laquelle il n’est pas taillé.

Il y a un autre personnage aussi, discret et peu présent à l’écran, mais qui souligne en creux la douleur de ce qui se passe : celui de la fillette du couple légitime, dont la seule présence donne une dimension terrible au drame qui se noue. Décidément, l’un des plus beaux Truffaut.

Monsieur Ed, le cheval qui parle (Mister Ed) s2 e25 : Clint Eastwood meets Mr. Ed – épisode réalisé par Arthur Lubin – 1962

Posté : 20 octobre, 2024 @ 8:00 dans 1960-1969, COURTS MÉTRAGES, EASTWOOD Clint (acteur), FANTASTIQUE/SF, LUBIN Arthur, TÉLÉVISION | Pas de commentaires »

Clint Eastwood meets Mr Ed

Il y a des tas de raisons d’affirmer que le parcours de Clint Eastwood ne ressemble à aucun autre dans le cinéma américain. Il y en a une, en tout cas, qui ne souffre aucune contestation : qui d’autre que lui peut se vanter d’avoir tourné avec deux ânes qui parlent ?

Eh oui ! Sept ans après avoir effectué ses premières cascades dans Francis in the Navy (déjà réalisé par Arthur Lubin), Clint est devenu une vedette grâce à sa série Rawhide, et il est l’invité d’un show télé très populaire à l’époque autour d’un autre équidé, digne descendant de Francis : Mister Ed. Un âne doué de la parole, donc, qui a été le faire-valoir du comique Alan Young 143 épisodes durant.

Aucun des 142 autres épisodes ne figurera sans doute sur ce blog dans un avenir plus ou moins proche. Mais celui-ci, tourné en 1962 alors que Clint était l’un des cowboys les plus populaires de la télévision américaine, se voit avec un certain plaisir, en tout cas avec une vraie curiosité. Ne serait-ce que parce qu’on y devine le statut qu’Eastwood avait à l’époque : une vedette suffisamment connue pour donner son nom à un épisode du show, et suffisamment accessible pour lui proposer.

Sur la prestation du futur homme sans nom, pas grand-chose à dire : Eastwood s’y montre charmant, le sourire rigolard de celui qui ne prend pas la chose au sérieux, et qui sait qu’on n’attend rien d’autre de lui que d’apporter un contrepoint vaguement prestigieux aux pitreries d’Alan Young et de son âne qui parle. Une curiosité bien sympa.

Les films amateurs de Steven Spielberg (1959-1967)

Posté : 29 septembre, 2024 @ 8:00 dans 1950-1959, 1960-1969, COURTS MÉTRAGES, SPIELBERG Steven | Pas de commentaires »

Spielberg films amateurs

Spielberg a toujours pris le cinéma très au sérieux. Sa fiche imdb ne trompe pas : y a-t-il d’autres exemples de cinéastes dont la carrière commence officiellement à l’âge de 13 ans ? Pas sûr. En tout cas, les premiers films amateurs du petit Stevie font bel et bien partie de sa filmographie. Et s’il est difficile (et peut-être pas très pertinent) de les décortiquer dans tous les sens, ils n’en restent pas moins passionnants dans la trajectoire emballante et fascinante du gars.

En fouillant dans les méandres d’Internet, on peut découvrir quelques bribes de ces films de jeunesse, ces petites productions bricolées avec les moyens du bord qu’il a tournées avant Amblin’, son premier court « professionnel ». Découvrir ces bribes de films prend évidemment une autre dimension après avoir vu The Fabelmans, son magnifique dernier film en date, dans lequel il s’inspire très largement de ces années-là, allant jusqu’à recréer ses propres premiers films.

Escape to nowhere (1964) / Fighter Squad (1961)

Escape to nowhere, notamment, y occupe une place importante. Ce court métrage tourné en super 8 avec ses potes, dans les paysages désertiques d’une réserve indienne, est aussi (avec Fighter Squad, autre court tourné juste avant mais totalement disparu) l’un des premiers de ses films consacrés à la seconde guerre mondiale, période qu’il revisitera à plusieurs reprises. Les quelques minutes que l’on peut en découvrir témoignent déjà de l’ambition du jeune apprenti-cinéaste, pas encore 18 ans, qui multiplie déjà les trouvailles pour mettre le spectateur au cœur des combats et en faire ressentir l’extrême violence. Une sorte de brouillon d’Il faut sauver le soldat Ryan, avec plus de trente ans d’avance…

Firelight (1964)

Autre film fondateur : Firelight, premier long métrage d’un Spielberg encore adolescent, qui lui a aussi valu sa première projection dans un cinéma. C’était au Phoenix Little Theatre, le 24 mars 1964. Il y a soixante ans, donc. Et si le film est invisible dans sa version complète, les quelques minutes qui en subsistent ne laissent guère planer de doute : il y a dans ce film de science-fiction intriguant les germes de Rencontres du 3e type, y compris dans sa manière de filmer la famille et les phénomènes paranormaux.

Slipstream (1967)

Plus étonnant en revanche, le dernier film amateur de Spielberg, Slipstream, est consacré… au cyclisme. On ne peut pas en voir grand-chose, d’autant plus que le film n’a jamais été achevé, le jeune Spielberg (20 ans à l’époque) étant à court de budget. Ce qui ne lui arrivera plus jamais par la suite. Il faut dire qu’après quelques années à travailler pour la télévision, ses vrais débuts sur grand écran ne tarderont pas à lui valoir un succès mondial, lui donnant des moyens, disons, conséquents.

The last gun (1959)

Mais la cohérence de ses grandes réussites à venir et de ses débuts amateurs a quelque chose de très beau. Quelque chose que l’on ressent depuis toujours et qui s’est confirmé avec The Fabelmans, ou même dans sa manière d’évoquer en interview ses premiers films (notamment The Last Gun, son unique western, tourné à 12 ans) : Spielberg a beau être tout puissant, il a gardé sa passion d’enfant. Et ça, oui, c’est très beau.

Le Mépris – de Jean-Luc Godard – 1963

Posté : 23 septembre, 2024 @ 8:00 dans 1960-1969, GODARD Jean-Luc, LANG Fritz | Pas de commentaires »

Le Mépris

Le soleil éclatant de Rome, les travellings magnifiques, la musique de Georges Delerue, le regard perdu de Brigitte Bardot, celui que refuse de voir Michel Piccoli, l’immensité de la mer, le haussement d’épaule résigné de Fritz Lang (oui, le vrai, ce qui est assez dingue), l’Alpha qui ne roule que par à-coups, les grands espaces qui renforcent le sentiment d’enfermement…

Plutôt que de longues phrases, on pourrait continuer comme ça très longtemps la liste des détails qui marquent si fort les esprits dans Le Mépris, chef d’œuvre intemporel dont le rythme faussement apaisé cache (mal) une extrême cruauté.

Il y a bien sûr la férocité de Godard à l’égard du cinéma, qu’il aime passionnément mais sans être dupe de la cruauté qui s’y cache. D’un côté, Lang, le grand Lang, cinéaste adoré de la Nouvelle Vague, symbole à lui seul de la grandeur de son art. Et soumis au diktat grotesque d’un producteur hollywoodien (Jack Palance, parfaitement odieux). Et au milieu : un écrivain avalé par le cinéma, tiraillé entre son admiration pour Lang et l’argent facile.

A travers ce personnage, formidable Piccoli, c’est toute l’ambivalence du monde du cinéma que synthétise Godard, en en faisant un homme sensible, mais capable de la pire des compromissions avec cette femme, Brigitte Bardot, dont il aime tout : ses bras, sa nuque, ses fesses. Bardot dans son plus grand rôle, bouleversante au-delà de l’icône qu’elle incarne.

Et c’est un moment presque anodin, mais d’une violence inouïe, qui fait tout basculer. Un regard libidineux, une voiture trop rouge, et une épouse trop belle que le mari livre à l’ogre, juste en tournant la tête… Peu importe ce qui suit : le mal est fait, l’homme aimé abandonne sa belle, tout est foutu.

Le Mépris est sans doute le plus beau film de Godard, le plus bouleversant, le plus fort, celui aussi où son art (encore populaire) est le plus abouti. C’est une merveille, d’une richesse infinie, qui soudain transforme le mythe BB en une très grande actrice, qui est le cœur et l’âme de ce chef d’œuvre.

Rocco et ses frères (Rocco e i suoi fratelli) – de Luchino Visconti – 1960

Posté : 7 septembre, 2024 @ 8:00 dans 1960-1969, VISCONTI Luchino | Pas de commentaires »

Rocco et ses frères

Il a fallu la mort de Delon et la programmation spéciale du petit cinéma de province que je fréquente pour découvrir enfin cette merveille que je n’avais jusqu’à présent jamais vu (oui, je sais… mais c’est tellement beau de découvrir un chef d’œuvre, même si tardivement). L’attente valait le coup, tant le grand écran rend hommage à ce film à la fois ample et intime, chronique sublime d’une famille d’Italiens du Sud débarquant sans le sou dans un Milan froid et inamical.

Comme L’Insoumis, ce chef d’œuvre semble contredire absolument l’image que Delon s’évertuera à construire de lui-même. Lui, dont le visage impassible et le regard froid deviendront des signatures incontournables, est ici une sorte d’incarnation de la douceur et de la bonté, une figure angélique dont les sourires et les caresses sont autant de caresses.

Et c’est assez beau de savoir que Rocco était, de tous ses personnages, celui qu’il préférait : un homme fragile, imparfait, dont les actions si désintéressées soient-elles peuvent semer les graines du drame, et qui pleure à chaudes larmes, comme l’enfant blessé qu’il est. Bref, un personnage à fleur de peau, dont l’intensité est d’autant plus bouleversantes qu’il apparaît d’abord en retrait, présence discrète et solide à la fois.

Rocco est le troisième de cinq frères. Celui du milieu, donc, et ce n’est pas un hasard : il est en quelque sorte la croisée des chemins, le lien vibrant entre ses aînés et leurs échecs, et ses benjamins et l’avenir qu’ils représentent. Le sens de la famille, il est vrai, a un poids incomparable dans cette fratrie qui semble si solide autour de la figure de la mamma, matriarche italienne pas franchement prête à laisser ses fils voler de leurs propres ailes.

Aujourd’hui, en France, on parlerait sans doute de famille dysfonctionnelle. Parce que le bel équilibre qui apparaît dans les magnifiques premières scènes, celles de l’arrivée de la famille démunie à Milan, laissent à penser que l’union de cette famille est parfaite, et qu’au fond, rien de bien grave ne peut vraiment arriver tant qu’ils sont ensemble.

Mais il y a des fêlures : un fils décidé à se détacher de la famille, un deuxième à qui on a trop fait croire qu’il avait le monde à portée de poings, une jeune prostituée belle et paumée, et puis Rocco à qui on offre ce qu’il n’a pas cherché, ce dont, même, il ne veut pas. Et la rupture est brutale, qui explose dans une longue séquence nocturne de viol et de rage fraternelle, d’une intensité déchirante.

Formellement, le film est une splendeur, Visconti flirtant avec le néoréalisme alors en vogue en Italie pour ce qui est à la fois une grande fresque, et une chronique puissamment intime. A la fois la description d’une Italie miséreuse sans horizon, et le portrait douloureux d’un jeune homme naïf dont la bonté n’est pas sans conséquence, personnage visiblement inspiré par L’Idiot de Dostoïevski.

Alain Delon trouve sans doute là le rôle de sa vie. Annie Girardot, d’une beauté bouleversante, trouve là assurément le rôle de sa vie. Et Visconti signe l’un de ses chefs d’œuvre, le genre de films qui donne immédiatement envie de le revoir. Ce que je m’en vais m’empresser de faire…

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