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Archive pour la catégorie '1960-1969'

La Grande Ville (Mahanagar) – de Satyajit Ray – 1963

Posté : 6 septembre, 2023 @ 8:00 dans 1960-1969, RAY Satyajit | Pas de commentaires »

La Grande Ville

La grande ville du titre, c’est Calcutta, la ville de Satyajit Ray, dont le cinéaste capte toutes les richesses, mais aussi et surtout tout ce qu’elle représente d’aliénant, tout ce qu’elle recèle de pièges et d’épreuves. Une fois qu’on a dit ça, on n’a pas dit grand-chose de la beauté de ce film qui est un peu construit sur le modèle d’Une étoile est née. A ceci près que la star sur le déclin est un mari sans histoire, et la vedette qui monte sa jeune épouse qui découvre le monde du travail…

Et à travers ces destins communs et croisés en même temps, c’est une société qui peine à sortir du patriarcat que filme Ray. Adapté d’une nouvelle publiée une quinzaine d’années plus tôt, le film est pourtant très contemporain de l’époque où il est tourné. Nous sommes donc au cœur des années 60, et le film commence en plein drame, en pleine révolution intime : Arati, jeune femme au foyer heureuse de son sort, doit se résoudre à trouver un emploi.

C’est le premier des trois films que tourne Ray avec l’actrice (sublime) Madhabi Mukherjee, avant Charulata et Le Lâche. Et l’intensité de l’actrice est centrale dans la réussite du film, la manière dont elle incarne à la fois la docilité à un mari et une belle-famille un rien conservateurs, et la découverte de la vie active et de ce que cela implique : la sociabilisation, une certaine forme de liberté, et surtout un libre-arbitre.

Ce sont les années 60, hier donc, mais l’émancipation de cette jeune femme est vécue comme un drame intime par son entourage : par les beaux-parents qui voient leur modèle bafoué, par le fils qui voit sa mère protectrice s’éloigner, et même par le mari qui voit son rôle central se déliter. Dans ce rôle plus effacé, Anil Chatterjee (que Ray avait déjà dirigé dans Trois filles), est très émouvant, dans sa manière d’incarner le lent effacement du personnage.

Ray séduit aussi par la fausse simplicité de sa mise en scène, par ces escaliers et ces dédales qu’il filme comme des symboles des tourments de ses personnages. Il donne corps aux doutes et aux espoirs, et à l’incertitude, concluant son film sur une fin ouverte magnifique, résumant en une image tous les doutes et tous les espoirs possibles.

Deux heures à tuer – d’Ivan Govar – 1966

Posté : 15 avril, 2023 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1960-1969, GOVAR Ivan | Pas de commentaires »

Deux heures à tuer

Ivan Govar n’a que 30 ans quand sort Deux heures à tuer. C’est pourtant son tout dernier film, conclusion d’une carrière qui n’a pas laissé une grande impression, et guère de souvenir. C’est qu’il n’a pas été épargné par la critique, ni sauvé par le public, ce cinéaste belge condamné au purgatoire bondé des réalisateurs oubliés par l’histoire du cinéma.

Injuste ? Soyons honnête : Deux heures à tuer est assez laid formellement, qui souffre d’une photographie dégueulasse, un peu comme si le film était pensé pour les télévisions noir et blanc de l’époque. Alors forcément, le premier réflexe serait de passe à autre chose et de ne pas même voir si une réhabilitation était envisageable.

Et puis, aussitôt après ce premier réflexe vient un autre constat : cette voix off qui introduit le film, plante le décor, et enserre d’emblée le drame dans le huis-clos d’une petite gare de province. Cette entrée en matière est en soi très originale, dans sa manière assumée de ne rien montrer du drame, ces meurtres qui s’enchaînent dans cette petite ville habituellement si tranquille. Et cette voix off n’est pas celle de n’importe qui : Jean-Roger Cossimon, chanteur et parolier que Bertrand Tavernier réhabilitera quelques années plus tard, et dont la voix fascinante plante formidablement le décor.

Une petite gare, donc, dont on ne sortira à aucun moment. Et une poignée de personnages qui tuent le temps, dans ces deux petites heures qui les séparent de leur train. Le film respecte quasiment l’unité de temps. Il respecte totalement l’unité de lieu, et s’avère un modèle de construction pour introduire les différents personnages, en gardant leur part de mystère.

Il y a Cossimon lui-même, excellent en riche cocu dur de la feuille, qui se coupe volontairement du monde qui l’entoure en coupant le son de son sonotone. Et puis Catherine Sauvage en épouse calculatrice. Raymond Rouleau en amant mystérieux. Michel Simon en bagagiste bougon. Et surtout Pierre Brasseur, cabot génial.

Visuellement, le film est laid, c’est entendu. Mais il a pour lui ses voix : celle de Cossimon, celle de Simon, et celle de Brasseur, presque omniprésente, et fascinante par sa logorrhée et par les fausses pistes qu’elle véhicule : est-ce la voix d’un flic, comme on se l’imagine ? Est-ce celle d’un fin limier ou d’un idiot crédule ? Il faudra la fin assez radicale pour trouver des réponses.

Malgré ses limités esthétiques assez évidentes, Deux heures à tuer séduit et emporte, par la qualité de son scénario, par son interprétation, et par sa manière aussi, mine de rien, d’invoquer les fantômes de l’occupation au gré de ses dialogues et des apparitions répétées de policiers en uniforme. Une curiosité.

Massacre pour un fauve (Rampage) – de Phil Karlson – 1963

Posté : 11 avril, 2023 @ 8:00 dans 1960-1969, KARLSON Phil, MITCHUM Robert | Pas de commentaires »

Massacre pour un fauve

De Phil Karlson, on connaît surtout les films noirs (Le Quatrième Homme, Les Frères Rico, L’Inexorable enquête… que du bon), et quelques westerns très recommandables (en particulier Le Salaire de la violence, formidable). Mais sa filmographie, très largement méconnue, dépasse largement les frontières de ces deux genres. La preuve avec ce film d’aventures qui flirte ouvertement du côté de Hatari !, le film de Hawks, sorti l’année précédente.

Une expédition est montée autour de deux hommes radicalement différents, pour trouver et capturer des tigres et une panthère quasi-mythique dans les vastes paysages de Malaisie. L’un est un grand chasseur anglais, qui collectionne les trophées, souvenirs des innombrables animaux qu’il a tués à travers le monde. L’autre est un trappeur américain, qui préfère les animaux vivants (mais qui ne voit aucun inconvénient à les mettre en cage ou à les parquer dans un zoo)…

Deux hommes, deux styles, deux visions de la vie, et une belle jeune femme entre les deux, dont on comprend vite qu’elle est la véritable proie que se disputent les deux mâles alphas. Elle, c’est Elsa Martinelli (qui était déjà, tiens, dans Hatari !). Eux, c’est Jack Hawkins et Robert Mitchum. Le premier, homme vieillissant qui cache mal ses doutes derrière un flegme surjoué. Le second, impérial et d’une étonnante modestie.

Le triangle amoureux qui se forme, et les dialogues constamment lourds en sous-entendus plus ou moins délicats, pourraient porter à sourire. Mais Karlson lui donne une intensité inattendue, et trouve un délicat équilibre entre la bluette en plein air et les scènes plus tendues de capture d’animaux, d’affrontements virils, ou de traque urbaine.

Bien sûr, on est loin des polars qu’on lui connaît. Tourné en décors réels la plupart du temps, le film bénéficie visiblement d’un budget très confortable. Et Karlson s’y montre très inspiré pour filmer les (beaux) paysages, mais aussi les animaux avec quelques plans rapprochés assez bluffants, à la fois dans la partie « exotique » et dans la partie « civilisée ».

Le film reprend en effet une construction à la King Kong, dont on retrouve aussi des thématiques. On n’en est pas à dénoncer ouvertement l’enfermement des animaux dans les espaces exigus des zoos, l’époque ne s’y prête pas encore. Mais Karlson adopte un regard critique et gentiment ambigu. C’est assez efficace, et c’est très sympathique.

Le Temps du châtiment (The Young Savages) – de John Frankenheimer – 1961

Posté : 25 mars, 2023 @ 8:00 dans * Polars US (1960-1979), 1960-1969, FRANKENHEIMER John, LANCASTER Burt | Pas de commentaires »

Le Temps du châtiment

Deuxième long métrage pour Frankenheimer, et première collaboration avec Burt Lancaster, qu’il retrouvera à plusieurs reprises (toutes marquantes) tout au long de cette glorieuse décennies 1960. Dès Le Temps du châtiment, la vision sombre du cinéaste est flagrante, cette manière si personnelle d’appréhender frontalement les problèmes sociaux les plus complexes et les plus brûlants, par le prisme du film de genre.

Le film commence en quelque sorte là où se termine West Side Story, dans un quartier de New York en plein chantier de rénovation, où se déchirent blousons noirs et Porto-Ricains. Que le film de Robert Wise soit sorti cette même année 1961 ne peut pas être un hasard, tant la première séquence du film de Frankenheimer semble familière, dans l’esprit si ce n’est dans le ton.

Cette première séquence, servant de générique, est particulièrement forte : Frankenheimer y filme la marche décidée, au pas cadencé que rien ne semble pouvoir arrêter, de trois gamins aux blousons de cuir. Une musique entêtante, inquiétante, des gros plans et un montage au cordeau… On le sent : la mort est au bout de cette séquence, qui s’achève effectivement avec un jeune homme sur le sol, mort poignardé.

Lancaster ne tarde pas à entrer en scène, assistant du procureur chargé de faire condamner les trois jeunes à la chaise électrique, lors d’un procès qui pourrait bien ouvrir les portes de la politique à son patron. Lancaster, impérial, minéral, formidable dans le rôle de cet homme qui a eu la même jeunesse que ceux qu’il doit faire condamner, mais qui lui s’en est sorti. Ce serait déjà un cas de conscience pour l’ancien loubard. C’est pire : l’un des accusés est le fils de celle qu’il a bien failli épouser des années plus tôt (Shelley Winters, toujours parfaite).

Le film, sans dévoiler la fin, ne plonge pas totalement dans la noirceur absolue, s’autorisant quelques ressors dramatiques qui paraissent un peu factice. Mais à la marge, seulement. Au fond, c’est surtout la complexité des situations qui frappe, la manière dont Frankenheimer évite soigneusement tout angélisme, et tout jugement facile. Il nous plonge au contraire dans le difficile cheminement de son héros, à la recherche de la vérité, mais tiraillé entre deux mauvaises directions, entre la certitude d’être accusé au choix de racisme ou de clientélisme.

Par cette complexité, par ses scènes de rue criantes de vérité (plus que par sa dernière partie durant le procès), Le Temps du Châtiment annonce avec fracas les réussites majeures de Frankenheimer, cinéaste dont la redécouverte est décidément pleine de belles et puissantes surprises.

Le Détroit de la faim (Kiga jaikyô) – de Tomu Uchida – 1965

Posté : 17 mars, 2023 @ 8:00 dans * Polars asiatiques, 1960-1969, UCHIDA Tomu | Pas de commentaires »

Le Détroit de la faim

Grâce soit rendu à Carlotta, l’éditeur vidéo qui met en lumière ce film pas si obscur – un magazine nippon l’a classé à la troisième place des plus grands films japonais de tous les temps, devant Voyage à Tokyo – mais pour le moins méconnu de ce côté-ci du monde. Tomu Uchida m’avait en tout cas totalement échappé jusqu’à présent. Le gars a pourtant une carrière impressionnante, commencée au temps du muet, et qui touchait à sa fin lorsqu’il a signé ce film noir, saga monumentale qui, sous des attraits de film de genre, nous plonge dans les années de la reconstruction.

Le film commence en 1947. Le traumatisme de la guerre n’est jamais évoqué frontalement, ou lourdement, mais il est omniprésent dans le décor, et dans la vie des personnages. La misère est omniprésente, le chômage, les dettes, la présence américaine, les terrains vagues, les coupures d’électricité, le vagabondage, l’insécurité, l’inconstance sociale… Voilà pour la trame de fond. Alors non, on ne voit rien de la guerre, mais elle introduit chacun des personnages à sa manière.

Ce qui frappe dans ce film, en plus de la puissance picturale et du grain profond du noir et blanc, c’est justement l’importance donnée à chacun des personnages, dont on adopte successivement les points de vue, avec des ruptures parfois violentes et radicales, qui chacune renforce le drame qui se noue. Avec même une ellipse radicale et belle figurée par un alignement de statuettes…

Les choses inanimées sont souvent porteuses de symboles, de souvenirs, voire même de toute une vie. A ce propos, y a-t-il un autre film dans l’histoire du cinéma où on voit une jeune femme jouer longuement avec l’ongle de son amour disparu, dans une scène qui plus est lourde en évocation sexuelle ? Je parierais que non…

D’emblée, le film s’inscrit dans un contexte historique fort : celui d’un typhon qui a ravagé une partie du Japon, causant le naufrage d’un ferry et la mort de centaines de passagers. Mais sur la plage, les corps de deux inconnus sont retrouvés, qui ne correspondent pas à la liste des passagers. Des clandestins ? Un flic malade et en bout de course est persuadé que non, et se lance à la poursuite d’un troisième homme, dont il est persuadé qu’il est responsable d’un autre crime.

L’homme est-il coupable ? Il est en fuite en tout cas, voyage autant physique qu’intérieur qui lui fait traverser un pays exsangue, côtoyer la mort de la manière la plus intime qui soit (l’image saisissante de cette vieille aveugle invoquant les esprits)… La mort est omniprésente dans le film, y compris dans la belle rencontre entre le fuyard et la jeune prostituée, cœur vibrant du film.

Deux scènes clés se répondent, à dix ans de distance. Deux scènes très similaires dans la construction : une étreinte passionnée entre le même homme et la même femme. De la première violente et angoissante née un grand moment de bonheur. De la seconde, qui a le désespoir de la passion retrouvée, ne sort que mort et désolation… Dans les deux cas, Tomu Uchida nous prend par surprise, déclenchant des torrents d’émotion.

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Boulevard – de Julien Duvivier – 1960

Posté : 15 janvier, 2023 @ 8:00 dans 1960-1969, DUVIVIER Julien | Pas de commentaires »

Boulevard

Duvivier est un cinéaste curieux et ouvert, on ne peut pas lui retirer ça. Avec Boulevard, film méconnu qui inaugure sa dernière période (pas la plus glorieuse, certes), le vétéran qui a commencé durant le muet semble vouloir se coller à cette Nouvelle Vague qui dynamite tout depuis quelques mois, en étant le premier à diriger le nouveau Jean-Pierre Léaud après Les 400 coups, dans un rôle qui présente bien des points communs avec Antoine Doinel.

Léaud, cette fois encore, est un ado mal dans sa vie, qui a fui le domicile familial pour ne pas vivre sous le même toit qu’une belle-mère sans amour, et qui tente, avec la maladresse d’un désespoir qui ne dit pas son nom, de trouver sa place dans le petit monde qui l’entoure. Pigalle en l’occurrence, dont Boulevard dresse une sorte de peinture pleine de vie mais un peu carton pâte, où le sexe, la violence et la sueur restent toujours bon enfant.

Le côté cosmopolite du quartier est aussi, pour le moins, atténué, se limitant grosso-modo à une famille italienne très intégrée. Duvivier, qui co-signe l’adaptation du roman avec Barjavel, flirte même souvent avec la caricature, mettant en scène l’homosexualité d’une manière un peu gênante, et les femmes qui vivent de leurs charmes avec une gourmandise et une naïveté confondantes. Et pour rester sur le sujet, il y aurait à redire de la vision que le film donne des hommes qui enfin s’assument : en donnant une paire de gifles à leurs femmes.

Bref. Duvivier a fait plus convainquant, et plus fin. Reste une belle atmosphère, pour le coup assez loin des aspirations de la Nouvelle Vague, et quelques jolis moments. Lorsqu’il capte la détresse encore enfantine derrière les bravades de Léaud, ou lorsqu’il filme la naissance des sentiments amoureux sur un toit parisien. Là, dans toute la simplicité de ces moments, le cœur du film bat vraiment.

La Poursuite des Tuniques bleues (A Time for killing) – de Phil Karlson – 1967

Posté : 6 janvier, 2023 @ 8:00 dans 1960-1969, FORD Harrison, KARLSON Phil, WESTERNS | Pas de commentaires »

La Poursuite des Tuniques Bleues

Grand cinéaste de films noirs, Phil Karlson a aussi signé une poignée de westerns dont l’un, au moins, est formidable : Le Salaire de la violence, tourné en 1958. Plus tardif, cette Poursuite des Tuniques bleues n’est pas du même niveau : on peut lui reprocher quelques faiblesses étonnantes, particulièrement du côté des personnages.

Celui de Glenn Ford pour commencer, censé être le héros du film, et qui traverse une grande partie de l’histoire dans une sorte d’apathie incompréhensible. Hormis la première et la dernière séquences, il se contente d’être là, comme emprunté dans un uniforme yankee trop lourd, ou trop étroit… Difficile aussi de comprendre l’importance laissée à deux duos de soldats quasi-comiques (deux Confédérés qui passent le film à se battre, deux Nordistes qui tentent d’échapper à l’action) dans un film aussi sombre…

Parce qu’il est sombre ce film. Malgré son apparente simplicité (des prisonniers sudistes s’évadent, des soldats nordistes les pourchassent), le film de Karlson, écrit par le scénariste de 3h10 pour Yuma (un rôle autrement plus mémorable pour Glenn Ford), s’avère un pamphlet pacifiste assez fort, et d’une amertume surprenante. Si l’apathie de Ford est si gênante, c’est que son personnage semble d’abord très prometteur : cet officier forcé de donner la mort pour obéir aux ordres d’un officier déshumanisé.

Dans cette première scène, véritable moment de torture morale, le regard de Ford émeut par la lassitude qu’il dégage : alors que la guerre de Sécession touche à sa fin, la mort qui continue à frapper paraît plus absurde et révoltante que jamais. Dans cette scène très forte, qui semble annoncer une filiation avec Le Bon, la brute et le truand (les prisonniers massés derrière un grillage), un autre Ford apparaît brièvement : Harrison, dix ans avant Star Wars, tout jeune et tout débutant.

La suite du film n’est pas tout à fait à la hauteur, mais réserve de belles surprises. Karlson réussit en tout cas à faire émerger des bribes d’humanité dans cette longue poursuite pleine de violence. Il filme des personnages fatigués, des hommes simples pour la plupart, qui ne demandent qu’à rentrer chez eux (jamais vu des soldats au cinéma réclamant à ce point de rentrer chez eux), mais contraints par des officiers aveuglés par leur devoir, ou leur rancœur : George Hamilton, pas mal en Sudiste que l’on sent tiraillé entre son envie de tuer et des restes d’humanité qui affleurent…

Et au milieu, une jeune femme, jouée par Inger Stevens, qui pourrait n’être qu’un argument charme comme il y en a tant dans l’histoire du western, mais qui s’avère beaucoup plus intéressante, beaucoup plus centrale. Sans dévoiler la fin du film, on peut quand même souligner ce dernier plan, lorsque la caméra se retrouve soudain au-dessus de la scène, cadrant Inger Stevens et Glenn Ford si proches, et si loin. Karlson est un cinéaste puissant.

Nick Carter va tout casser – de Henri Decoin – 1964

Posté : 4 janvier, 2023 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1960-1969, DECOIN Henri | Pas de commentaires »

Nick Carter va tout casser

Dernier film de Decoin, Nick Carter va tout casser confirme jusqu’au bout la popularité du gars : c’est une production relativement importante, faite pour attirer le grand public. Nick Carter, ce héros de serial déjà vu sur grand écran devant la caméra d’un jeune Jacques Tourneur, est interprété par Eddie Constantine, que Decoin avait dirigé huit ans plus tôt dans son Folies-Bergères, et qui était l’une des grandes vedettes populaires de l’époque.

Une vedette qui, en même temps, confirme un autre constat : Decoin, en fin de carrière, est en rupture totale avec une partie du cinéma de cette époque. La Nouvelle Vague, donc, dont les grands maîtres ne l’épargneront pas. Et c’est vrai que Nick Carter va tout casser a déjà quelque chose d’un peu anachronique, un peu daté. Moins dans les scènes d’action d’ailleurs, assez brillamment chorégraphiée, que dans le scénario et l’aspect caricatural des personnages.

Que Nick Carter appartienne ouvertement à une autre époque est une chose (il ne cesse d’invoquer la mémoire de son père, détective et héros comme lui, au début du siècle). Que la jeunesse qui l’entoure soit automatiquement mise en cause en est une autre. Mais qu’attendre d’un personnage qui prend pour modèle un père dont l’une des grandes fiertés est d’avoir mis fin aux agissements condamnables d’une suffragette…

L’aspect rétro est plutôt rigolo. La légèreté avec laquelle le héros fait face à toute une série de tentatives de meurtres, au cours de cette histoire qui parle d’invention hi-tech, d’héritage et de trahison, donne le ton : on aurait bien tort de prendre tout ça trop au sérieux. Avec son action débridée, ses punchlines un peu lourdingues, ses personnages caricaturaux et ses rebondissements énormes, le film de Decoin prend le parti de l’excès et du spectacle.

C’est bien mineur dans l’œuvre de Decoin. Ça confirme que les vingt-cinq premières années de sa filmographie sont nettement plus enthousiasmantes que les dix dernières. Mais ça rappelle aussi que, même dans ses derniers films, on retrouve un savoir-faire solide. Verdict plutôt bon, quand même : il tire le meilleur possible d’un scénario limite, d’une photo sans charme, et d’une musique envahissante. Et puis ce sont ses adieux au cinéma, alors…

La Chatte sort ses griffes – de Henri Decoin – 1960

Posté : 22 décembre, 2022 @ 8:00 dans 1960-1969, DECOIN Henri | Pas de commentaires »

La Chatte sort ses griffes

Le succès de La Chatte, deux ans plus tôt, a donné des idées aux producteurs. Seul problème : l’héroïne, résistante piégée par les Nazis, finissait mal. Dans ces conditions, comment faire revenir Françoise Arnoul, qui avait fait sensation dans le premier film, et qui serait la raison d’être d’une possible suite.

Cette suite, donc, commence très exactement là où s’achevait le premier film : dans la rue, là où Cora, la « Chatte », a été abattue par ses anciens compagnons persuadés de sa traîtrise. Sauf que, après le générique de fin du premier film, et pendant le générique de début de celui-ci, Cora a été sauvée, ramenée à la vie par des médecins allemands. Qui lui ont fait un lavage de cerveau pour en faire une espionne.

Voilà un argument digne des serials les plus décomplexés des années 30. De fait, la suite, toujours signée Decoin, prend des raccourcis pour le moins audacieux : la facilité avec laquelle Cora revient à la vie, le fait qu’elle puisse infiltrer sans problème une Résistance qui lui faisait tellement peu confiance qu’elle en est (presque) morte… Tout ça sent la mauvaise idée et le fiasco à plein nez.

Pourtant, ça marche. Toutes ses réserves mises à part, et une fois l’idée même de cette suite improbable digérée, La Chatte sort ses griffes s’avère tout aussi passionnant et tendu que le premier film. Decoin y joue une nouvelle fois sur le trouble d’une jeune femme sans histoire plongée bien malgré elle dans un univers de violence, et qui refuse d’abdiquer.

Et cette fois encore, Françoise Arnoul est parfaite dans ce rôle, mélange de fragilité et de détermination, qui apporte au film ce je ne sais quoi de différent, comme si c’était son visage si insondable qui donnait son atmosphère et son rythme au film. Son regard lorsqu’elle assiste à la condamnation à mort d’un résistant par la résistance, sans intervenir, semble être un cri déchirant et silencieux.

Rien ne devait marcher dans cette suite tellement improbable. Pourtant, en assumant ses contraintes scénaristiques, en mettant une nouvelle fois en valeur son actrice principale, Decoin emporte plutôt la mise. Une suite réussie, donc, en dépit de tout.

Maléfices – de Henri Decoin – 1962

Posté : 21 décembre, 2022 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1960-1969, DECOIN Henri | Pas de commentaires »

Maléfices

Decoin qui marche dans les pas de Jacques Tourneur ? Voilà qui mérite le détour, et voilà qui mérite d’être salué : même si, esthétiquement, on est loin des zones d’ombre chères au cinéaste de La Féline et de Vaudou (ici, c’est plutôt grand ciel lumineux et vastes horizons), ce Maléfices frappe d’emblée par la manière dont Decoin fait naître l’angoisse.

C’est frappant dès le générique de début, avec ce long travelling aérien sur une musique déstructurée et crispante soulignant parfaitement ce qui va être l’atmosphère du film, dévoilant le décor central du drame : une route immergée à marée basse reliant le continent rassurant (là où le héros vit avec sa douce épouse dans une maison chaleureuse) à la presque île menaçante (là où le même héros vit une liaison avec une femme belle et inquiétante, dans une villa angoissante).

Cette route entre terre et mer, qui apparaît et disparaît au rythme des marées, est un motif central, omniprésent. Le film semble n’être construit qu’autour de cette route, lieu d’incessants allers et retours, comme autant de doute dans l’esprit de plus en plus torturé du héros (Jean-Marc Bory), vétérinaire de campagne qui réalise un peu tristement qu’il ne désire plus sa femme, pourtant si belle et si aimante (Liselotte Pulver), et qui tombe entre les mains de cette mystérieuse femme dont il vient soigner le guépard…

Juliette Gréco, qui apporte la dimension mystérieuse qu’il fallait à ce personnage, influencée par les rites magiques de l’Afrique noire… L’histoire se passe près de Noirmoutier, mais ces rites magiques semblent omniprésents. Des vaches tombent malades, et un vieux fermier est persuadé qu’un ennemi lui a jeté un sort. Et les drogues que prend la mystérieuse brune, ne lui permettent-elles pas de quitter son corps pour assouvir une malédiction ?

Les promesses du début ne sont pas totalement tenues, en tout cas pas jusqu’au bout : le film cède à une conclusion plus convenable. Mais Decoin, malgré cette esthétique typique des années 60, très lisse et un peu terne, réussit un vrai film d’angoisse, qui joue parfaitement avec les peurs et les superstitions. Dans la production française, ce n’est pas si courant…

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